Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 6)
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Suite de l’analyse du rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique avec une analyse de deux éléments concomitants (et complémentaires) :
- La concurrence accrue du secteur privé pour le recrutement de jeunes diplômés ;
- La difficulté concomitante des universités à attirer de nouveaux profils, en particulier parmi les garçons.
Une fonction publique très féminisée
Ce caractère genré concerne les trois fonctions publiques et presque toutes les catégories
La féminisation des trois fonctions publiques est indéniable :
- La fonction publique hospitalière est composée à 90 % de femmes (notamment du fait du poids des effectifs d’infirmières et d’aides-soignantes) ;
- La fonction publique territoriale a un poids relativement stabilisé autour de 60 % ;
- Enfin, la fonction publique d’État présente la spécificité d’une féminisation continue, y compris sur les dernières années.
Dans les trois versants de la fonction publique, la féminisation concerne toutes les catégories d’emploi, à l’exception de l’encadrement supérieur (les A+, voir notamment l’article sur les ministères économiques et financiers) et des catégories B du ministère de l’Intérieur (gendarmes, policiers) et des Armées1.

On peut souligner que ce point concerne en apparence toutes les grandes économies, avec une élévation du niveau scolaire des filles. Ce qui implique un intérêt plus élevé de ces dernières à rejoindre le secteur public, traditionnellement plus éduqué que le secteur privé.
Outre l’encadrement supérieur et les métiers régaliens, une part de femmes encore insuffisante dans les métiers informatiques
La fonction publique ne se distingue malheureusement pas du secteur privé dans la féminisation du personnel informatique.
Compte tenu du vivier de professionnels, par ailleurs souvent très éduqués, on aurait pu s’attendre à une féminisation plus élevée. Il n’en est donc rien :


Des agents publics toujours très diplômés par rapport au secteur privé
Le niveau de diplôme est substantiellement plus élevé dans le secteur public
« En 2022, 57 % des agents publics détiennent un diplôme du supérieur, contre 42 % dans le secteur privé. »
Ce niveau de diplôme est toutefois très hétérogène selon les fonctions publiques :
- 76 % des agents de la fonction publique d’État détiennent un diplôme du supérieur2 ;
- 54 % dans la fonction publique hospitalière et
- 33 % dans la fonction publique territoriale3.
Depuis 2007, la fonction publique peine à recruter des jeunes diplômés
Des recrutements de jeunes en diminution
Le nombre de « jeunes débutants » (sortis de formation initiale trois ans auparavant) baisse de façon continue depuis plusieurs années :
- 84 % des jeunes diplômés sont employés dans le secteur privé en 2019, contre 16 % dans le secteur public.
- Depuis 2007, le taux d’emploi des « jeunes débutants » dans le secteur privé est en hausse de trois points, contre une baisse équivalente pour le secteur public.
« Cette moindre attraction affecte surtout la fonction publique d’État qui offre moins d’opportunités d’emploi sur cette période, avec une baisse marquée de ses effectifs. »


Parmi ces jeunes, une chute plus problématique encore du nombre de diplômés du supérieur
Depuis plusieurs années, les jeunes diplômés du supérieur se tournent davantage vers le secteur privé :
De 2007 à 2019, leur nombre a crû de 17 % dans le secteur privé et chuté de 29 % dans le secteur public.
L’écart de recrutements est encore plus flagrant lorsqu’on s’intéresse aux plus diplômés : ceux détenteurs d’au moins un bac +4 :
De 2007 à 2019, les effectifs de jeunes débutants diplômés de niveau bac +4 et plus ont augmenté de 63 % dans le secteur privé et baissé de 2 % dans le secteur public.

Les diplômes préparés pour rejoindre la fonction publique se distinguent du secteur privé
En effet, la fonction publique dispose de spécificités dans les diplômes du supérieur recrutés :
- 6 % des jeunes diplômés de la fonction publique relèvent de filières relevant des mathématiques, de l’ingénierie et des systèmes, contre 29 % pour le secteur privé4 ;
- 15 % des jeunes diplômés de la fonction publique relèvent de formation en gestion, contre 37 % dans le privé5.
Inversement, les jeunes diplômés du supérieur recrutés dans la fonction publique sont nettement plus souvent issus :
- De filières en sciences humaines et sociales6, dont est issue une grande partie du corps enseignants et
- De filières en sciences du vivant et de la terre7, dont sont issus les professionnels de santé.
Les « viviers traditionnels » des sciences du vivant et des sciences sociales peinent eux-mêmes à attirer les étudiants
Or, ces deux filières, sciences du vivant et sciences humaines et sociales, sont en difficulté. Elles peinent à attirer de nouveaux étudiants à hauteur des besoins :

Cette baisse d’attractivité est toutefois généralisable à l’ensemble de la sphère universitaire
L’ensemble des filières universitaires, qu’elles aient ou non traditionnellement la fonction publique comme débouché de prédilection, voient leur part relative s’affaiblir, face à la concurrence de l’enseignement supérieur privé.
Les rapporteurs soulignent également l’effet de l’introduction d’une sélection à l’entrée en Master 1 dans les universités à compter de 2017 (devenue définitive en 2020) :

Les projections réalisées par le SIES8 montrent que l’attractivité supérieure de l’enseignement supérieur privé devrait se prolonger, au détriment des universités :
« Les effectifs des étudiants inscrits à l’université en 2031 devraient être comparables à ceux de 2021 (en très légère baisse, de 0,1 % entre 2021 et 2031) alors que l’ensemble des inscrits de l’enseignement supérieur devrait connaître une hausse de 1,5 %. »
Certaines professions sont très concernées par cette diminution du vivier de recrutements : les professeurs, les cadres administratifs et les inspecteurs
La situation est encore plus problématique pour les étudiants en master des métiers de l’enseignement (qui prépare au concours d’enseignement du premier degré) :

Pour les catégories A, dont les besoins sont pourtant importants sur les années à venir, l’effondrement des effectifs en Institut de préparation à l’administration générale (IPAG) est également très inquiétant :
« Indépendamment du niveau d’études, les effectifs d’étudiants inscrits dans un IPAG ont ainsi presque été divisés par deux entre 2008 et 2016, avant de se stabiliser. »

Cette baisse n’est pas due à une diminution des effectifs, mais bien à un choix des étudiants :

- Mais ces effectifs régaliens connaissent également une féminisation croissante, bien que plus tardive. ↩
- 33 % des agents publics de l’État ont un niveau licence ou master 1, contre 11 % dans le privé. 31 % ont un master 2 ou un doctorat contre 15 % dans le privé (Rapport annuel de la DGAFP de 2024). ↩
- La fonction publique territoriale accueille plus d’actifs peu diplômés que le secteur privé : 15 % de ses agents sont sans diplôme ou titulaires d’un diplôme de niveau CEP ou brevet des collèges, contre 14% des salariés du privé. 30 % d’un diplôme de niveau CAP, BEP ou équivalent, contre 21 % dans le privé (Rapport annuel de la DGAFP de 2024). ↩
- Inclut notamment les mathématiques, les technologies numériques, industrielles et du bâtiment. ↩
- Inclut notamment l’économie, le droit, les finances et le secrétariat. ↩
- Inclut notamment la philosophie, l’histoire, la psychologie, la littérature et la géographie. ↩
- Inclut notamment le sanitaire et social, la physique, la chimie et les sciences de la vie et de la terre (y compris agronomie et agriculture). ↩
- SIES (2023), « Projection des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2022 à 2031 », Note d’information du SIES, n° 2023-04, avril. ↩

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