Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 4)
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Disclaimer : Comme France stratégie a déjà pu l’expliquer en introduction de son étude, il est difficile d’évaluer l’attractivité d’une profession ou d’un secteur. Dans le secteur public, l’attractivité repose sur des éléments divers et polymorphes, par ailleurs, l’appareil de mesure peut également faire défaut.
La fonction publique territoriale présente une singularité supplémentaire puisque 83 % de ses recrutements concernent des agents de catégorie C. Or, ces derniers sont le plus souvent recrutés sans concours (dans 87 % des cas).
Une baisse importante du taux de sélectivité aux concours de la fonction publique depuis 2007
Cette baisse du taux de sélectivité tient également à une élévation du niveau de recrutements des agents publics
France stratégie s’appuie notamment sur l’exemple de la profession enseignante, dont le niveau de recrutement, en particulier dans le premier degré, n’a cessé d’augmenter :
« Cette élévation continue du diplôme requis pour devenir enseignant a eu pour conséquence non seulement de transformer la morphologie et la sociologie du corps enseignant, mais aussi de réduire à plusieurs reprises, et parfois du jour au lendemain, le vivier disponible, mettant « hors-jeu » – temporairement ou définitivement – l’ensemble des prétendants ne possédant pas le niveau exigé. Elle a aussi contribué à une forme de baisse d’attractivité relative, en raison de la concurrence de débouchés de carrières perçues comme plus rémunératrices ou plus valorisantes. »
D’autres exemples concourent dans le même sens, avec une élévation plus ou moins forte du niveau de diplôme et une catégorisation en conséquence.
On peut citer, pêle-mêle :
Le passage en catégorie A des infirmiers en 2009, à la suite de la réingénierie de leur formation désormais de niveau licence1 ;
À partir de 2010 pour les gardiens de la paix, avec un recrutement en catégorie B ;
Enfin, en 2022, la recatégorisation en catégorie B des auxiliaires de puériculture.
L’attractivité de la fonction publique et le marché de l’emploi
La fonction publique était très dépendante des conjonctures économiques jusqu’à la fin des années 2000, mais ce phénomène semble s’être estompé. La « protection de l’emploi » offerte par la fonction publique ne parait plus être un argument déterminant.
« À la différence des phénomènes observés au cours des dernières décennies, les difficultés de recrutement s’inscrivent désormais dans le temps et paraissent depuis au moins dix ans être devenues relativement inélastiques à la conjoncture. »
Ce constat est similaire pour la fonction publique territoriale, mais dans une proportion toutefois moindre.
De 2011 à 2022, le nombre de candidats présents aux concours externes de la fonction publique territoriale a baissé de 20 % et le nombre de postes offerts a quant à lui augmenté de 30 %.
Mécaniquement, l’évolution du taux de sélectivité est en forte baisse, tous concours et fonction publique confondus
En témoigne, cette représentation, hors enseignants, du taux de sélectivité dans la fonction publique d’État. Ce qui souligne également le caractère global du défaut d’attractivité :
Ce manque d’attractivité concerne également la filière administrative, en très forte tension : l’exemple des attachés d’administration de l’État
« Les taux de sélectivité des concours aux instituts régionaux d’administration (IRA), qui rassemblent 9 % seulement des candidats présents aux concours de catégorie A hors enseignement, divergent assez sensiblement de la moyenne. Les fortes fluctuations des taux de sélectivité de ces concours au cours des cinq dernières années reflètent d’importants mouvements aussi bien dans le nombre d’admis2 que dans le nombre de candidats. Depuis 2020 néanmoins, le nombre d’admis augmente sensiblement (de 402 à 485) alors que celui des candidats connaît une chute marquée (d’environ 4 600 à environ 3 500). »
La comparaison avec le secteur privé démontre la spécificité de l’administration
« L’enquête Besoins de main-d’œuvre (BMO) de France Travail interroge les employeurs chaque année sur les projets de recrutement et sur les difficultés de recrutement anticipées. Il est donc possible de comparer ces difficultés en distinguant le secteur privé de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. »
Ce manque d’attractivité et les difficultés de recrutements entraînent une dégradation des conditions de travail
La première conséquence est une forte augmentation de l’intérim
À cet égard, la situation de la fonction publique hospitalière est particulièrement inquiétante.
La deuxième répercussion est l’augmentation des emplois non pourvus
« Depuis 2011, dans la FPE, le nombre de recrutements externes est inférieur au nombre de postes offerts. En 2022, ce sont 15 % des postes offerts qui n’ont pas été pourvus. »
Les ministères les plus en difficulté sont les plus gros recruteurs :
Le ministère de l’Education nationale ;
Le ministère de l’Intérieur (9 % des recrutements de la fonction publique d’État) ;
Les ministères des Finances et de la Justice (8 % des recrutements chacun).
Les emplois non pourvus dans la fonction publique d’État
Dans son rapport global sur l’exécution budgétaire publié en 20243, la Cour des comptes mentionne ainsi que :
« Malgré deux lois de finances initiales qui prévoyaient une progression des emplois en 2021 et 2022, ces deux derniers exercices s’étaient achevés sur des baisses d’effectifs de respectivement -3 750 ETP en 2021 et de -5 765 ETP en 2022 du fait de difficultés de recrutements. »
La Cour signale également des difficultés de recrutement dans l’administration générale et territoriale de l’État avec des recrutements de contractuels de plus en plus importants sur des postes et missions pérennes (normalement réservés aux fonctionnaires).
Une attractivité également fonction des territoires :
Les départements franciliens sont davantage en tension (et au-delà jusqu’à l’Oise, l’Eure, l’Eure et Loire et l’Orne), ainsi que la Haute-Savoie. Inversement, les départements de l’ouest et du sud de la France sont nettement plus attractifs et recrutent plus aisément.
Les emplois non pourvus dans la fonction publique territoriale
Dans la fonction publique territoriale, les difficultés de recrutement sont particulièrement aiguës dans les territoires ruraux et sur quelques professions.
Dix métiers sont particulièrement en tension, dont beaucoup en contact direct avec la population :
Les animateurs éducatifs dans l’accompagnement périscolaire,
Les agents d’interventions techniques polyvalents en milieu rural,
Les ouvriers de maintenance des bâtiments,
Les animateurs enfance-jeunesse,
Les agents de restauration,
Les secrétaires de mairie,
Les jardiniers,
Les agents de services polyvalents en milieu rural,
Les assistants éducatifs petite enfance,
Les policiers municipaux.
Les emplois non pourvus dans la fonction publique hospitalière
Sur ce point, il convient de signaler le caractère international de cette pénurie. L’Union européenne est tout particulièrement concernée, mais c’est aussi le cas du Royaume-Uni ou des États-Unis.
Enfin, l’émergence d’un nouveau phénomène : la démission
Les recruteurs constatent davantage d’abandons suite aux concours
Traditionnellement, le nombre de lauréats aux concours et le nombre d’agents reçus et effectivement titularisés étaient relativement similaires. Désormais, cet écart s’accentue.
« Dans la police nationale, on constate (…) ces dernières années une augmentation du taux de déperdition après concours qui peut atteindre 15 % pour les gardiens de la paix, convoqués pour prendre leur poste près de 4 à 5 mois après leur concours »
Pour les infirmières, la perte de futurs soignants potentiels se constate durant leur formation.
« Les étudiants en formation d’infirmière sont trois fois plus nombreux à abandonner en première année en 2021 (10 %) qu’en 2011 (3 %)4. »
Les départs volontaires sont également en forte croissance
« Entre 2014 et 2021, les effectifs de fonctionnaires sortant de la fonction publique pour autre motif qu’un départ en retraite ont augmenté de 47 %. »
Cette augmentation des départs, volontaires ou non, est pour partie due à un « effet de composition » : l’augmentation du nombre de contractuels (notamment constaté récemment dans un rapport sur la Direction générale des entreprises, par exemple), le plus souvent en contrat à durée déterminée, ce qui implique davantage de turn-over.
Toutefois, et pour ne prendre que cet exemple, le cas des démissions de professeurs est symptomatique d’un bouleversement du rapport à l’institution :
Un mouvement identique avait été réalisé en 2014 par le reclassement en catégorie A des sages femmes. ↩
370 en 2017, 205 en 2018 et 2019, plus de 400 depuis 2020. ↩
Cour des comptes (2024), Le budget de l’État en 2023. Résultats et gestion, rapport, avril. ↩
Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 3)
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L’emploi public ne cesse d’augmenter, pourquoi ?
L’augmentation des besoins en agents publics tient à plusieurs explications :
Un vieillissement de la société : les plus de 60 ans représentant aujourd’hui près de 28 % des Français (et les plus de 75 ans : 10 %) contre 18 % (et 6 %) quarante ans plus tôt ;
Un nombre de jeunes encore élevé : le nombre de jeunes de moins de 20 ans (et notamment ceux de moins de 15 ans) auxquels sont associés des besoins de services d’éducation oscillent autour de 15,5 millions depuis le début des années 1990 (contre 16,5 millions durant les années 1970 et 1980)1 ;
La poursuite de l’augmentation du taux d’activité des femmes, ce qui induit de nouveaux besoins dans le secteur des services – en particulier dans l’accueil des jeunes enfants et les services à la personne.
Enfin, le choix de l’emploi public pour répondre à tous ces défis.
Une augmentation générale de l’emploi dans les secteurs public et privé
Outre les spécificités tenant au secteur public esquissées dans le paragraphe précédent, il convient de relever que l’augmentation du taux d’emploi et du nombre de personnes en activité est générale :
Sur les trente dernières années (1991-2022), l’emploi total, public et privé, a progressé plus vite (+28 %) que la population active (près de 20 %), compte tenu de la baisse marquée du taux de chômage.
Mécaniquement, l’emploi public est donc également en hausse :
Des créations d’emploi dans le privé plus élevées sur la période récente
Jusqu’à une période récente, l’emploi public connaissait une dynamique plus forte que le secteur privé. Toutefois, depuis le début des années 2000, le secteur privé a été plus dynamique grâce à une forte accélération des créations d’emploi.
La croissance du secteur privé n’est pas linéaire, contrairement à celui du secteur public. Néanmoins, le taux de croissance annuel moyen du secteur public, souvent supérieur à 1 % avant 2005, est autour de 0,5 % depuis cette date, avec parfois des destructions d’emplois.
Le cas spécifique des ingénieurs informatiques : un recul dans le secteur public à rebours des évolutions du secteur privé
Si le nombre d’agents publics est globalement en hausse continue, il convient de relever une anomalie : celle des ingénieurs informatiques.
« La part de ces emplois n’a cessé de croître sur le marché de l’emploi, passant de 2,73 % en 2009 à 4,6 % en 2023. En revanche, cette croissance de l’emploi ne se constate pas dans le secteur public, y compris pour le métier d’ingénieurs de l’informatique. Leurs effectifs y ont même baissé alors que pour la même période ils augmentaient pour les actifs du secteur privé. »
En conséquence, les services informatiques sont très largement externalisés dans le secteur public
Au premier semestre 2022, pour l’activité courante des ministères, le taux d’externalisation variait ainsi de 25 % à 75 % selon les ministères.
Pour les grands projets informatiques, le taux médian était de 60 %, variant de 0 % à 93 %. Un quart des projets dépassait un taux de 75 %. En conséquence, les dépenses d’externalisation de l’État ont crû régulièrement depuis 2018.
Le positionnement de la France sur la scène internationale en matière d’emplois publics
La place de la France en termes d’emplois publics se situe : dans une « moyenne haute », sans être atypique.
Toutefois, en comme l’a récemment souligné l’OCDE, les comparaisons internationales sont délicates. En Allemagne, par exemple, la santé est financée par l’impôt, mais de nombreux emplois ne sont pas comptabilités comme « public » car les paiements sont indirects.
« Si la France a une dépense publique élevée, c’est d’abord en raison d’une forte mutualisation des risques sociaux et de prestations sociales élevées. En revanche, en termes de dépenses publiques de fonctionnement, et d’emploi public, la position de la France n’apparaît pas particulièrement atypique2. »
La féminisation de la fonction publique
Le rapport cite notamment les travaux de Cédric Hugrée et Sybille Gollac qui tendent à démontrer que le développement de l’État social et du secteur public a été central dans l’accès des femmes au salariat. Et, il l’est encore davantage dans l’accès des femmes au salariat qualifié dans la deuxième moitié du XXe siècle.
« Sur les 6,4 millions d’emplois supplémentaires entre 1960 et 2017, 5,9 millions sont occupés par des femmes. »
La longue marche des femmes vers le salariat au cours du XXe siècle
La part des femmes parmi les agents publics augmente fortement tout au long du XXe siècle, en commençant par les catégories d’exécution et les cadres intermédiaires :
« Au début des années 1960, Alain Darbel et Dominique Schnapper dénombraient, dans les administrations centrales, 11 % de femmes parmi les agents de catégorie A, 50 % parmi les B et 70 % parmi les C. »
Ces chiffres sont évidemment à mettre en parallèle avec les données récentes en administration centrale, y compris dans des directions pourtant relativement moins féminisées comme celles des ministères économiques et financiers.
L’évolution des normes permettant de lever les barrières à l’entrée des femmes dans la fonction publique
Cette féminisation de la fonction publique s’accompagne d’évolutions successives du droit3 :
Inscription du principe de non-discrimination dans le statut général des fonctionnaires en 1959 ;
Limitation des corps de fonctionnaires autorisés à recruter distinctement des hommes et des femmes en 1975,
Enfin, la suppression progressive des exceptions à cette règle, en particulier par la loi du 7 mai 1982.
« Dans la fonction publique d’État, les femmes sont majoritaires dans toutes les catégories d’emploi au tournant du siècle. En 2008, elles représentent 58 % des agents civils de l’État, 53 % hors enseignement. Elles sont alors également majoritaires parmi les personnels non titulaires, soit 60 % en 2008, hors enseignants. Elles sont les plus nombreuses dans les ministères sociaux (éducation, santé, travail – entre 65 % et 71 %) et moins nombreuses à l’Intérieur ou à l’Équipement (respectivement 32 % et 28 %), la nature des filières et des métiers étant évidemment diverse. »
L’exemple frappant est la féminisation de l’Éducation nationale
La croissance des effectifs désormais portée par les contractuels
Une évolution du nombre de contractuels particulièrement remarquable sur la période récente
De 1996 à 2021, les effectifs de la fonction publique ont augmenté de 23,4 % :
La croissance est d’abord portée, jusqu’en 2007, par l’augmentation du nombre de fonctionnaires ;
Puis, à partir de 2007, par les contractuels. Le nombre de fonctionnaires et militaires étant même en diminution de 2,3 % sur la période (1,6 % si l’on retient uniquement les fonctionnaires civils).
La part de contractuels parmi l’ensemble des effectifs connaît ainsi une augmentation régulière :
Après une relative stabilité du milieu des années 1990 jusqu’aux années 2000 autour de 14,5 %,
La part de contractuels augmente au début des années 2000 jusqu’à atteindre 17 % en 2010.
Toutefois, ce niveau élevé de contractuels n’est pas inédit et est équivalent à ceux relevés dans les 1970.
Une reconnaissance juridique d’un état de fait : l’augmentation du nombre de contractuels
La situation des contractuels a longtemps été un « angle mort juridique », n’étant pas couvert par le Code du travail et très peu par le droit de la fonction publique4. Leur protection sociale est faible et les contrats peuvent être renouvelés sans limites, contrairement aux salariés de droit privé.
C’est le droit communautaire qui, transposé dans la loi du 26 juillet 2005, fixe à six la durée maximale des contrats à durée déterminée, impliquant l’apparition d’une bizarrerie conceptuelle et juridique dans le paysage statutaire : le contractuel en contrat à durée indéterminée.
La fonction publique de l’État présente une trajectoire heurtée avec, comme énoncé plus haut, une augmentation relativement constante du nombre de contractuels et, à rebours, une baisse, plus ou moins rapide, du nombre de fonctionnaires.
Ces évolutions sont particulièrement marquantes dans l’Éducation nationale :
Un objectif politique de réduction du nombre de fonctionnaires et de promotion du management inspiré du secteur privé
Outre ce changement législatif, il convient de relever une terminologie politique mouvante avec une succession depuis les années 2000 des politiques de « modernisation » et l’assignation d’objectifs « managériaux » aux agents publics. À cet égard, la Revue générale des politiques publiques (RGPP) de 2007 marque un tournant :
La réduction du nombre de fonctionnaires devient un objectif gouvernemental et
Le ministère de la Fonction publique, généralement placé auprès du Premier ministre, est désormais rattaché au ministère du Budget.
Les résultats de cette politique de réduction du nombre de fonctionnaires pour l’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière
De 2002 à 2012, les effectifs de fonctionnaires de l’État sont en baisse, puis, de 2012 à 2022, on observe un équilibre entre recrutements et départs.
Dans la fonction publique territoriale, se dessine, au contraire, une forte hausse des effectifs, puis un ralentissement. L’augmentation du nombre d’agents publics est dorénavant exclusivement imputable aux recrutements de contractuels.
En dépit du ralentissement de cette croissance, sur une période relativement longue et en comparaison avec les autres pays de l’OCDE, la France présente une dynamique d’évolution du nombre d’agents publics territoriaux supérieure à la moyenne :
Les filières de la fonction publique territoriale qui ont connu une croissance la plus forte de 2010 à 20175 sont celles :
De l’animation, notamment dans le périscolaire et l’extrascolaire (+ 59 % d’effectifs) ;
De la police municipale (+ 16 %) ;
Du médicosocial, dont les auxiliaires de puériculture pour l’accueil de jeunes enfants (+ 16 %) ;
Du médico-technique, ce qui comprend les vétérinaires, biologistes ou techniciens paramédicaux (+14 %).
Enfin, dans le secteur hospitalier, l’augmentation des effectifs est continue, avec une évolution substantielle au début des années 2000 : l’essor du nombre de contractuels :
80 % de la croissance des effectifs de 2005 à 2021 est portée par les recrutements de contractuels ;
La part des contractuels dans l’emploi total passe ainsi de 8 % en 1996 à 11 % en 2000, 16 % en 2010 et près de 22 % en 2022.
Toutefois, leur part relative baisse depuis une dizaine d’années (INSEE). ↩
Le constat de France stratégie est à nuancer cependant, la France présentant, sur la quasi-intégralité des typologies de dépenses (exception faite des dépenses de sécurité intérieure), un niveau de dépenses supérieur à la moyenne de l’OCDE. ↩
Dans ce chapitre introductif, les chercheurs tendent à démontrer que la question de l’attractivité s’impose désormais dans le débat public. Pour autant, ce problème n’est pas nouveau, ses ressorts sont complexes et nécessitent une remise en cause probablement profonde des administrations et de leurs chefs de service.
Une dénonciation ancienne du « trop grand nombre de fonctionnaires »
Les rapporteurs précisent d’abord que le néologisme « bureaucratie » a été créé par l’économiste physiocrate Vincent de Gournay (1712-1758). L’objet de ce concept était déjà de dénoncer l’influence, jugée trop importante, des fonctionnaires sur la vie sociale et économique du pays. En spécifiant qu’alors, l’administration de l’État monarchique était très (très) modeste.
Ces premiers éléments rappellent à l’évidence les travaux d’Émilien Ruiz, notamment rassemblés dans son ouvrage Trop de fonctionnaires dont est tiré le graphique suivant :
Le souci de bien recruter et bien former
La sélection par concours et la création d’écoles spécialisées dès le début du XIXe siècle
La compétence et la formation des agents deviennent progressivement un critère de recrutement avec l’affermissement de l’État.
Les ministères chargés de l’Équipement et des Armées sont les premiers à développer une logique de concours, puis de formation préalable au recrutement :
L’École des ponts et chaussées est fondée en 1747 ;
L’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1803 et
L’école Navale en 1830.
La logique de sélection et de formation des agents publics compétents est ensuite graduellement adoptée dans les administrations civiles. Dès 1835, un concours est ainsi mis en place pour l’accès à la magistrature2.
Un long chemin vers la généralisation du concours
Une montée en puissance progressive du milieu du XVIIIe jusqu’à la fin de la IIIe République
Dès 1844, un rapport propose de sélectionner au mérite, par concours, examen ou diplôme les agents publics.
Cette effervescence intellectuelle et libérale permettra la création quatre ans plus tard, en 1848, de la première École nationale d’administration pour sélectionner les agents administratifs de l’État.
Toutefois, cette école survivra à peine quelques mois et il faudra attendre la Troisième République pour voir le système de concours émerger de nouveau.
Une consécration juridique à compter de la moitié du XXe siècle
Le souci de sélection et de formation se renforce sous Vichy dans une approche punitive et culpabilisante. Les fonctionnaires étant tenus pour partie responsable de la débâcle.
Le concours devient alors un fondement du recrutement des fonctionnaires3 :
L’article 27 de la « loi » du 14 septembre 1941 dispose ainsi que :
« Nul ne peut être admis à un emploi de début s’il n’a satisfait aux épreuves d’un concours ou aux examens de sortie d’une école lorsque le recrutement est assuré par cette voie. »
Pour autant, ici comme ailleurs, les « valeurs » portés par Vichy se révèlent à l’usage très peu suivi d’effets.
Le régime a besoins de bras pour réaliser ses « missions » et, pour ce faire, non seulement il recrute des agents publics, mais il le fait davantage encore que sous la IIIe République, en dehors des modes de recrutements traditionnels :
En 936, l fonction publique comptait 106 000 agents non titulaires (19,7 % de l’emploi public) ;
En 1946, ils étaient 356 000 (40 %).
Le principe de sélection par concours sera réaffirmé dans le statut de 1946 (premier statut républicain de la fonction publique), puis par le statut général de 1983. Toutefois, il ne présente pas de caractère constitutionnel4.
Un problème d’attractivité ancré dans l’histoire de la fonction publique
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des difficultés recrutements pour la quasi-totalité des ministères
De 1952 à 1964, la population française augmente de près de cinq millions et demi de personnes. Nous sommes alors en plein « baby boom ». Assez logiquement, d’importantes administrations voient leurs effectifs augmenter fortement :
Le ministère de l’Éducation nationale double ainsi ses effectifs, dans un contexte d’augmentation du nombre de jeunes suite aux naissances d’après-guerre et de l’essor d’une scolarisation de masse de ces derniers ;
Le ministère des Postes et des télécommunications recrute près de 57 000 postiers.
Cependant, le nombre total d’agents publics dans les autres ministères (Armées, Intérieur, Santé et Travaux publics notamment) connaît une croissance particulièrement faible, de l’ordre de 1 000 recrutements par an. Cette très faible croissance s’explique par les difficultés de recrutement de l’administration.
Ces difficultés de recrutements sont dues au trop faible nombre de candidats
Le nombre de candidats aux concours de la fonction publique de catégorie A (cadre) et B (cadre intermédiaire) est particulièrement bas sur la période.
Jean-Luc Bodiguel et Luc Rouban recensent ainsi :
« 162 candidats inspecteurs élèves des impôts pour 360 postes en 1960, 16 candidats inspecteurs de la Sécurité sociale pour 32 postes en 1958. »
Il en va de même pour les écoles de service public comme l’ENA (1945) et l’ENM (1958) :
« En 1964, la Magistrature était bien heureuse d’avoir deux candidats pour un poste [5 pour 1 en 1953] .(…) Situation identique à l’ENA où, entre 1957 et 1960, on ne put, au concours étudiant, pourvoir qu’à 155 postes pour 162 offerts, malgré la faiblesse du taux de sélection : 1 reçu pour 3,5 candidats. »
La situation actuelle en terme d’attractivité
Une tension généralisée dans les recrutements (secteur privé et public)
Il convient de relever tout d’abord l’augmentation du taux d’emploi et la baisse du chômage.
Huit métiers sur dix (représentant 87 % de l’emploi) sont en tension forte ou très forte selon la DARES5.
Mécaniquement, la concurrence est donc plus forte entre les entreprises, associations et administrations dans le recrutement de salariés qualifiés. Plus encore, lorsque les métiers ou compétences sont comparables
Un phénomène qui demeure toujours difficile à qualifier
Les rapporteurs soulignent ainsi qu’avant 2009, il n’existe aucune base de données fiable sur le nombre d’agents des services publics.
Par ailleurs, le sujet souffre également d’une difficulté dans le choix des indicateurs :
Les emplois vacants ?
La durée de vacance desdits emplois ?
Le nombre de candidats au concours ?
Le turn-over dans les structures ?
Enfin, les comparaisons internationales sont encore plus complexes. La Commission européenne6 éprouve également des difficultés :
« Les offices statistiques nationaux et les institutions internationales n’utilisent pas les mêmes définitions et méthodologies, ce qui entraîne des incohérences entre les pays et confirme la nécessité d’améliorer la validité et la cohérence des données dans ce domaine. »
Les écoles d’ingénieurs créées sous la monarchie (dont celles des ponts et chaussées) sont conservées, en étant intégrées au parcours des polytechniciens. ↩
Toutefois, la création d’une école, l’École nationale de la magistrature, n’est réalisée qu’en 1958. En précisant également que les magistrats financiers de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, ainsi que les magistrats administratifs ne disposent pas d’école de formation dédiées. ↩
Le premier statut de la fonction publique est créé par le régime de Vichy, toutefois, l’idée statutaire traverse toute la IIIe République. ↩
C’est le principe d’égal accès en fonction des « capacités » du citoyen qui revêt un caractère constitutionnel, conformément à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (voir notamment la décision du juge constitutionnel du 28 janvier 2011, n° 2010-94). ↩
Chaque ministère est organisé de manière hiérarchique avec :
Le cabinet du Ministre, composé d’une dizaine de collaborateurs directs, chargés de le conseiller et de préparer ses interventions, ainsi que du personnel administratif et technique (courriers, cuisine, résidence, transport…) ;
Les administrations centrales et les services à compétence nationale ;
Les services déconcentrés.
L’ancien ministère de la Marine.
Des prérogatives fixées dans le décret d’attribution du ministre
Le décret d’attribution du ministre liste l’ensemble des directions d’administrations centrales placées sous son autorité, ainsi que celles dont il dispose, mais sans autorité1.
Point important : disposer d’une administration centrale emporte également le contrôle et le pilotage des administrations déconcentrées correspondantes.
Un indicateur de l’importance du ministre
Dans le champ social, les ministres « forts » sont ainsi souvent dotés d’une autorité sur les directions :
De la sphère travail2 et de son réseau déconcentré (les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) et
Sur celles liées à la Sécurité sociale et aux solidarités3, ce qui permet d’avoir une autorité directe sur les caisses nationales de sécurité sociale et notamment : la Caisse nationale d’assurance maladie, la Caisse nationale des allocations familiales, la Caisse nationale de l’assurance vieillesse, le réseau des Urssaf.
Pour le ministre de l’Intérieur, il est important d’avoir l’autorité directe sur la Direction générale des collectivités locales, etc.
Pour les ministres de l’Économie et des Affaires étrangères, des conflits sont récurrents sur le pilotage de la politique économique internationale. À cet égard, Laurent Fabius avait, en avril 2014, pesé de tout son poids pour disposer d’une autorité sur la Direction générale du trésor4.
Qu’est-ce qu’une administration centrale ?
L’administration centrale désigne l’ensemble des services d’un ministère disposant de compétences nationales (hors gestion directe de dispositif) et directement rattachés au ministre.
Elles sont le plus souvent installées en Ile-de-France, puisqu’elles sont chargées de mettre en œuvre la politique souhaitée par le ministre.
Des missions ayant un caractère « national »
L’alinéa 3 de l’article 2 du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration dispose que :
« Sont confiées aux administrations centrales et aux services à compétence nationale les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l’exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial. »
L’alinéa 4 précise ensuite que :
« Les autres missions, notamment celles qui intéressent les relations entre l’État et les collectivités territoriales, sont confiées aux services déconcentrés. »
Cette compétence nationale et ce rattachement au ministre (ou au Premier ministre) exclut donc :
Les établissements publics, comme France travail5, dont la tutelle est exercée par une direction d’administration centrale ;
Les « agences », ce qui recouvre le plus souvent des organisations nationales indépendantes, souvent des AAI (autorités administratives indépendantes), mais également des API (autorités publiques indépendantes) ;
Les services déconcentrés, dont le ressort territorial ne couvre pas l’intégralité du territoire national.
Des missions portant sur la supervision générale des politiques publiques
L’article 3 du même décret dispose ainsi que :
« Les administrations centrales assurent, au niveau national, un rôle de conception, d’animation, d’appui des services déconcentrés, d’orientation, d’évaluation et de contrôle6. »
Ce recentrage sur l’animation des politiques nationales participe de la politique de déconcentration.
Ce faisant, sont ici exclues les « services à compétences nationales », chargés de la gestion d’un dispositif public (par exemple : les « Archives nationales7 »).
Un lien étroit avec le cabinet du Ministre
De tels services se trouvent en général à Paris, à l’exception de quelques-uns d’entre eux. Cet héritage est historique, il est l’expression de la centralisation du pouvoir, mais il facilite également les échanges réguliers entre le ministre et son administration.
En effet, les administrations centrales doivent mettre en œuvre les politiques du gouvernement :
D’un point de vue juridique, par la préparation des projets de loi, de décrets et arrêtés, ainsi que les différents documents d’accompagnement juridique de ces textes (instructions, circulaires, « questions réponses »…) ;
Au niveau budgétaire, en proposant un calibrage et un mode d’exécution budgétaire, puis en assurant leur exécution et leur contrôle ;
Au titre de l’animation, en s’assurant de la compréhension des dispositifs et de l’engagement des services de l’État et des partenaires pour réaliser les objectifs du gouvernement.
Les réunions de travail ont bien changé.
Un éloignement progressif des administrations centrales
Les déménagements de nombreuses administrations centrales n’ont pas entrainé de déménagements des cabinets ministériels.
Cet éloignement, conjugué à une importance croissante prise par les cabinets, a pu conduire à une certaine dilution des responsabilités. Certains conseillers s’ingérant dans le travail d’administration centrale et faisant écran entre le directeur de l’administration concernée et le ministre8.
À noter : Emmanuel Macron, nouvellement élu en 2017, a souhaité rationaliser les cabinets ministériels en limitant strictement le nombre de conseillers par ministre9. L’objectif étant d’éviter les ingérences des conseillers ministériels sur le travail administratif.
L’organisation d’une administration centrale
La distinction entre les directions « métiers » et les directions « supports »
Les directions « métiers »
Les directions « métiers », souvent plus prestigieuses et historiques, sont responsables de politiques publiques.
On y trouve par exemple, pour les plus importantes (s’agissant des administrations civiles) :
La direction générale du Trésor, chargée de concevoir et d’animer les politiques économiques et financières de la France, de gérer la dette et de représenter l’administration dans les organisations internationales ;
La direction du Budget, chargée de préparer le budget de l’État et d’en suivre son exécution ;
La direction générale des Finances publiques, en matière d’imposition et de recouvrement ;
La direction générale de l’administration et de la fonction publique, chargée de piloter la politique interministérielle et inter-fonction publique de ressources humaines ;
La direction générale des collectivités locales, chargée de rédiger la règlementation applicable aux collectivités locales (financements, droit de la fonction publique et des politiques publiques) ;
La direction générale de la sécurité intérieure, chargée de lutter contre le terrorisme et l’ingérence ;
La direction générale de l’armement, chargée de gérer les programmes d’équipement militaires, d’innovation et de défense technologique ;
La direction des affaires civiles et du Sceau, chargée de l’élaboration des règles applicables au droit civil et commercial et de la régulation des professions judiciaires et juridiques ;
La direction générale de l’énergie et du climat, pour la politique énergétique et la transition écologique ;
La direction générale des affaires politiques et de sécurité des affaires étrangères ;
La direction générale de la santé et la direction générale de l’offre de soins, pour élaborer les politiques publiques en matière de santé et l’organisation du système de santé ;
La direction de la Sécurité sociale pour piloter les missions et politiques de financement des différentes branches : vieillesse, santé, famille, autonomie, recouvrement ;
La direction générale du travail, pour organiser les rapports individuels et collectifs du travail ;
Ou encore la direction générale de l’enseignement scolaire pour la politique éducative.
Une très grande diversité de directions « métiers »
Les directions d’administration centrales « historiques sont le plus souvent organisées autour d’une thématique. Celle-ci peut être très technique ou, à l’inverse, transversale et embrasser alors un périmètre large nécessitant de nombreuses interventions interministérielles.
La direction du budget dispose évidemment d’un positionnement unique, étant en interface avec l’ensemble des directions.
Toutefois, d’autres directions sont également très « extraverties ». C’est notamment le cas de la direction de la Sécurité sociale, de la direction générale des collectivités locales ou plus encore de la direction générale de l’administration et de la fonction publique.
Des difficultés à concilier des identités parfois très marquées
Selon Jacques Chevallier :
« L’administration centrale tend à se présenter, dans le cadre de chaque ministère, sous la forme d’une mosaïque de structures diversifiées, dotées d’une grande permanence, isolées les unes des autres et disposant chacune d’une logique propre de fonctionnement et de développement : de nombreux ministères, tels que celui de l’économie et des finances, mais aussi ceux de l’agriculture ou de l’éducation nationale, ont ainsi été constitués d’un assemblage de grandes directions anciennes, prestigieuses et très autonomes10. »
Pour l’auteur, cet enracinement des administrations centrales n’est pas sans poser de difficultés, alimentant une forme de sclérose et d’incohérence.
La multiplication des structures à l’occasion d’événements, plus ou moins conjoncturels, n’étant jamais remise en cause, ce qui peut aboutir à une bureaucratie incohérente et une inflation normative.
Les « secrétariats généraux »
Les directions dites « supports » sont désormais réunies en un « secrétariat général », ministériel ou interministériel (cas des affaires sociales).
Inauguré au ministère des Affaires étrangères (1920), généralisé sous Vichy, avant de disparaître dans les années 70.
Les secrétariats généraux perdureront toutefois dans les ministères des Armées et des Affaires étrangères, pour faire de nouveau l’objet d’une généralisation en 201411.
Ces secrétariats généraux comportent en général :
Une direction des affaires financières (DAF) ;
Une direction des affaires juridiques (DAJ) ;
Une direction des ressources humaines (DRH) ;
Une direction chargée de la communication ;
Une direction chargée du pilotage des systèmes d’informations (DSI).
À noter : les directions d’animation interministérielles ne sont pas des directions « support », mais bien des directions « métiers ».
On y retrouve, par exemple, la direction générale de l’administration et de la fonction publique précitée, mais aussi la direction de l’immobilier de l’État, la direction des achats de l’État, la direction interministérielle du numérique.
Une structuration hiérarchique quasi immuable
Le décret n° 87-389 du 15 juin 1987 relatif à l’organisation des services d’administration centrale fixe les quelques dispositions applicables.
Une organisation des directions générales fixée par décret et arrêtés
Les missions de la direction générale et son organisation globale sont fixées par décret12, le plus souvent pris en Conseil d’État et en conseil des ministres.
S’agissant de l’organisation des pouvoirs publics, l’accord du Premier ministre est évidemment essentiel.
Toutefois, l’organisation en sous-direction et bureau dépend d’un arrêté, à la main complète du ministre, au titre de l’organisation de ses services13.
L’organigramme de la DGCL est bien structuré et permet d’identifier les sous-directions et bureaux. ll n’y a pas de chefs de service toutefois, mais un directeur adjoint.
Le personnel d’administration centrale
Le décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l’État précise les règles applicables à la sélection, aux nominations et aux évaluations de ces agents.
Concrètement :
Le directeur général (ou délégué général) a autorité sur l’ensemble des agents de la direction (ou délégation) ;
Le chef de service a une autorité directe sur les sous-directeurs ;
Le sous-directeur a une autorité directe sur les chefs de bureau (il est parfois question de mission) ;
Les chefs de bureau (ou mission) sur leur(s) adjoint(s) et agents.
La fonction de chef de service est ancienne. Voici par exemple : M. Lesueur.Chef de service au ministère de l’Intérieur dans les années 20.
L’unité première de l’administration centrale est donc constituée du bureau (ou de la mission).
Un contingentement du nombre de cadres dirigeants longtemps prévu par la loi
Jusqu’au décret précité du 15 juin 1987, le nombre de cadres dirigeants étaient fixés dans la loi.
« Le nombre des emplois de chefs de service de chaque catégorie, savoir : directeurs généraux ou secrétaires généraux, chefs de division ou chefs de service, sous-directeurs, chefs de bureau, ne pourra être augmenté que par une loi. »
Désormais, les nominations ne sont plus encadrées par la loi, mais par le pouvoir règlementaire.
Cette perte de contrôle du Parlement a impliqué une hausse assez importante du nombre d’encadrants supérieurs. C’est le cas notamment de la Direction générale de l’économie.
Une nomination des directeurs par décret du président de la République délibéré en Conseil des ministres
Les directions d’administrations centrales sont dirigées par des directeurs nommés en conseil des ministres par le président de la République.
Cet emploi est donc particulièrement sensible politiquement et est l’un des plus élevés de l’administration15.
Cependant, étant nommés par le président de la République, les directeurs bénéficient d’une certaine stabilité de l’emploi16.
Une nomination des chefs de services et sous directeurs par arrêté ministériel
La nomination des sous-directeurs et des chefs de services est réalisée par arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre dont relève l’emploi, conformément à l’article 22 du décret n° 2019-1954 du 31 décembre 2019 précité.
La nomination est prononcée pour une durée maximale de trois an. Cette nomination peut être renouvelée, pour une durée totale d’occupation de six ans maximum (article 12 du même décret).
À la première nomination, une période probatoire qui ne peut excéder six mois est prévue (article 13 du même décret).
Il peut être mis fin aux missions des sous-directeurs et des chefs de services à tout moment pour nécessité de service, mais cette décision doit alors être motivée (article 16 du même décret).
Résumé des principales directions d’administration centrale et de leur rattachement ministériel17 :
Premier ministre :
Le secrétariat général du gouvernement (SGG) ;
Le secrétariat général du gouvernement (SGG) ;
Le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) ;
Le Secrétariat général des Affaires européennes (SGAE) ;
La Direction interministérielle de la transformation publique ;
Le Service d’information du Gouvernement (SIG) ;
La Direction de l’information légale et administrative (DILA) ;
Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (France stratégie).
Ministre de l’Intérieur
La direction générale de la police nationale (DGPN) ;
La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ;
La direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) ;
La direction générale des étrangers en France (DGEF) ;
La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ;
La délégation à la sécurité routière.
Ministère de l’Économie et des finances
La direction générale du Trésor (DGTrésor) ;
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ;
La direction générale de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ;
Le service à compétence nationale dénommé « Agence des participations de l’État » (APE) ;
La direction générale des entreprises (DGE) ;
Le délégué interministériel aux restructurations d’entreprises ;
Le médiateur des entreprises ;
La direction générale des Finances publiques (DGFiP) ;
La direction du budget (DB) ;
La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ;
La direction des achats de l’État (DAE) ;
Les services de contrôle budgétaire et comptable ministériel (SCBCM) ;
Les services à compétence nationale dénommés « TRACFIN », « Agence pour l’informatique financière de l’État » et « centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines » (CISIRH) ;
La direction de l’immobilier de l’État (DIE) ;
La délégation nationale à la lutte contre la fraude (DLNF) ;
L’agence française anticorruption (AFC).
ministre de la fonction publique
La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) ;
La direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).
ministre de l’Agriculture et de l’alimentation
La direction générale de l’alimentation (DGAL) ;
La direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER)
La direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) ;
La direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA).
ministre de la Culture
La direction générale des patrimoines (DGP) ;
La direction générale de la création artistique (DGCA) ;
La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) ;
La délégation à la langue française et aux langues de France.
ministre de la Transition écologique
La Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) ;
La Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) ;
La Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) ;
La Direction générale de la prévention des risques (DGPR) ;
La Direction générale de l’aviation civile (DGAC).
ministre de l’Éducation nationale
La direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO).
ministre de l’Enseignement supérieur
La direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESUP) ;
La direction générale de la recherche et de l’innovation.
ministre de la Justice
La direction des services judiciaires ;
La direction des affaires civiles et du sceau (DACS) ;
La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) ;
La direction de l’administration pénitentiaire (DAP) ;
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ).
ministre des Solidarités et de la santé
La direction générale de la santé (DGS) ;
La direction générale de l’offre de soins (DGOS) ;
La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) ;
La direction de la Sécurité sociale (DSS) ;
La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) ;
La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.
ministre des Sports
La direction des sports ;
La délégation interministérielle aux grands événements sportifs.
ministre du Travail
La direction générale du travail (DGT) ;
La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ;
La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES).
ministre des Armées
De l’état-major des armées ;
Des organismes militaires et des services interarmées rattachés au chef d’état-major des armées ;
Des états-majors de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air ;
De la direction générale de l’armement (DGA) ;
La direction générale des relations internationales et de la stratégie ;
La direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication ;
La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ;
La délégation à l’information et à la communication de la défense ;
La direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) ;
La direction centrale du service de santé des armées ;
La direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense ;
Le contrôle général des armées.
ministre de l’Outre-mer
La direction générale des outre-mer.
ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités (si ministère autonome)
La direction générale des collectivités locales.
ministre des Affaires étrangères
La direction générale des affaires politiques et de sécurité (DGAPS) ;
La direction de l’Union européenne (DUE) ;
La direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international (DGMCEDI) ;
La direction générale de l’administration et de la modernisation (DGAM) ;
La direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire.
Le ministre chargé de l’Industrie peut par exemple avoir autorité sur la direction générale de l’Economie, et peut disposer de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle s’agissant des dispositifs de formation dans le champ de l’Industrie. ↩
Autrement dit, essentiellement : la direction générale du travail et la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle. ↩
La direction de la sécurité sociale et la direction générale de la cohésion sociale, essentiellement. ↩
Voir l’article 2 du décret d’attribution. Et pour une analyse, sur ce sujet et plus largement la politique étrangère de François Hollande, l’article de Christian Lequesne. La politique extérieure de François Hollande : entre interventionnisme libéral etnécessité européenne. 2014. hal-03460278 ↩
On peut toutefois imaginer l’importance de ces établissements publics dans la conduite des politiques ministérielles, certains d’entre eux représentant même la quasi-intégralité des crédits budgétaires d’un programme budgétaire. ↩
Ces dispositions ont donc ajouté la notion « d’appui aux services déconcentrés » qui n’existait pas dans la rédaction originelle de l’article 2 du décret n°92-604 du 1 juillet 1992 portant charte de la déconcentration. ↩
Les Archives nationales ont pour mission de « collecter, classer, inventorier, conserver, restaurer, communiquer et mettre en valeur les archives publiques ». ↩
Un premier décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels a été publié, moins de deux semaines après la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle. L’actuel décret n° 2024-892 du 23 septembre 2024 reprend ce principe en limitant les cabinets d’un ministre à quinze membres, dix membres pour un ministre délégué et sept membres pour un secrétaire d’Etat. ↩
Jacques Chevallier, « La reconfiguration de l’administration centrale », Revue française d’administration publique 2005/4 (no116), p. 715-725. ↩
Décret n° 2014-834 du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères ↩
Rétablies par la loi n°45-01 du 24 novembre 1945 relative aux attributions des ministres du Gouvernement provisoire de la République et à l’organisation des ministères ↩
Assez logiquement classé au premier niveau de l’arrêté du 23 novembre 2022 relatif à la répartition par niveaux des emplois relevant du décret n2022-1453 du 23 novembre 2022 relatif aux conditions de classement, d’avancement et de rémunération applicables à certains emplois supérieurs de la fonction publique de l’Etat. ↩
Jean-Denis Combrexelle a ainsi été directeur général du travail pendant treize ans de 2001 à 2014. ↩
Hors secrétariats généraux et inspections générales. Les périmètres proposés sont évidemment changeants et dépendent, comme énoncé plus haut, des décrets d’attribution des ministres. ↩
L’un des chapitres de ce rapport est consacré aux moyens humains consacrés aux systèmes d’information1.
On y apprend tout d’abord que les effectifs de la DGFiP consacrés aux services informatiques ont fortement baissé (-13 % de 2013 à 2018), alors que ces effectifs sont restés stables à la DGDDI.
Point de situation
Situation de la direction générale des finances publiques (DGFiP)
« En 2018, la DGFiP compte 4 786 agents affectés aux tâches informatiques pour une masse salariale de 361 millions d’euros. Ces agents représentent 26 % de l’ensemble des effectifs informatiques de l’État, hors ministère des Armées. La DGFiP constitue ainsi la direction d’administration centrale comptant le plus grand nombre d’informaticiens. 70 % d’entre eux sont affectés au sein du réseau territorial du SSI. Près d’un quart travaillent au sein du SSI en administration centrale (24 %), les autres (6 %) relevant du service à compétence nationale Cap Numérique. »
« Les suppressions d’emplois sur la période ont prioritairement porté sur les catégories C et en particulier sur les métiers de moniteur, agent de traitement et dactylocodeur du fait de l’automatisation de processus. »
Par ailleurs, cet effectif est de plus en plus âgé et masculin. La part des agents de plus de 60 ans est ainsi passée de 9 à 12 % sur la période, soit un niveau supérieur à celui de la DGFiP dans son ensemble. Or, la DGFiP présente déjà la moyenne d’âge la plus élevée parmi l’ensemble des administrations centrales.
Situation de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI)
« En 2018, la DGDDI compte 611 agents informatiques, dont 35 contractuels, représentant une masse salariale de 44 millions d’euros. Entre 2013 et 2018, le nombre d’agents SI a été stable, à l’instar des effectifs globaux de la Douane. »
Parmi les agents des douanes : 60 agents sont en administration centrale, 154 en réseau territorial et le reste dans deux services à compétence nationale :
182 agents au sein du centre informatique douanier et
215 agents à l’intérieur de la Direction nationale des statistiques et du commerce extérieur.
35 % des agents du réseau territorial et des services à compétence nationale sont toutefois consacrés à des missions d’assistance, auprès des usagers (qu’ils soient internes ou externes).
De très grosses difficultés de recrutement
Beaucoup de postes non pourvus
Près de 35 % des postes de programmeurs ouverts durant les trois dernières années n’ont pas été pourvus à la DGFiP. 80% dans les services des douanes pour les postes d’informaticiens de catégorie A et B ouverts en 2018. Ce qui pose, à l’évidence, la question de l’attractivité de l’Etat dans un contexte de forte concurrence du secteur privé.
Par ailleurs, des postes de cadres informaticiens sont vacants sur des longues périodes. Plus de deux ans pour certains postes de chef de pôle, à la DGDDI.
La DGAFP et l’ex-DINSIC ont finalisé en 2019 un plan d’attractivité à cette fin.
« Il convient également de relever que le décret instituant une prime spécifique aux fonctionnaires de l’État et des établissements publics affectés au traitement de l’information n’a pas été revu depuis 1971. Ainsi, la liste limitative des postes ouvrant droit à cette prime n’a pas été actualisée pour prendre en compte les nouveaux métiers créés dans ce domaine comme les data scientists. »
Un recours très faible aux contractuels
En 2018, la DGFiP comptait seulement 111 agents contractuels et la DGDDI 31 agents, soit respectivement 2,3 % et 5 % de leurs personnels informatiques.
Ces flux de recrutement n’ont pas augmenté sur la période2.
« Les deux directions expliquent que les recrutements de contractuels sont difficiles, notamment, pour les métiers où les compétences sont rares (architecte, data miners) car les salaires proposés ne sont pas compétitifs. L’évolution de carrière lente et parfois limitée constitue un obstacle supplémentaire à la DGDDI. D’autres structures du MEF, telles que Tracfin ou l’AIFE, ne sont pas confrontées à d’aussi grandes difficultés. »
Le fait que les emplois proposés soient en CDI3 n’y change rien.
L’une des réponses est la création d’un corps interministériel
En effet, en mai 2015, le ministère de l’Intérieur a profondément transformé le corps des ingénieurs des systèmes d’information et de communication (ISIC)4.
Les ingénieurs des systèmes d’information et de communication exercent des fonctions de conception, de mise en œuvre, d’expertise, de conseil ou de contrôle en matière de systèmes d’information et de communication. À ce titre, ils peuvent exercer des fonctions d’encadrement. Ils sont recrutés et nommés par le ministre de l’Intérieur.
Les difficultés auxquelles sont confrontées la DGDDI et la DGFiP
« Le calendrier actuel des concours constitue un frein au recrutement, notamment pour les postes de programmeurs de catégorie B à la DGFiP dont le nombre de postes non pourvus est le plus important. En effet, sur un marché en tension, les diplômés en juin de l’année N, ne peuvent passer le concours qu’en mars N+1, le résultat de l’admission est connu en juin N+1 et ils commencent à être rémunérés en septembre N+1. Il s’écoule donc plus d’un an entre l’obtention de leur diplôme et leur premier traitement versé par l’administration. »
La Cour préconise de réserver l’examen de la condition de diplôme lors de la constitution du dossier administratif avant le recrutement effectif.
Par ailleurs, à la Douane, les mobilités sont réalisées non pas en fonction des compétences, mais des « points » acquis par les agents – dans un système analogue à celui de l’Education nationale. Or, les services informatiques sont situés à Osny, dans le Val-d’Oise et surtout à Toulouse. Cette dernière ville est attractive, mais elle n’est accessible qu’aux agents les plus anciens, sans égard pour leurs qualifications.
On ne conseillera jamais assez aux candidats de lire les rapports du jury, peu importe le concours visé.
Vous y découvrirez des informations précieuses, sur les attentes du jury, les profils des autres candidats, mais également des perspectives sur les métiers de débouchés des différents concours et examens, ce qui vous permet à la fois de démontrer votre curiosité et de vous projeter sur ces fonctions.
A cet égard, le rapport du comité de sélection interministériel du corps des administrateurs de l’Etat pour 2022 est riche d’enseignements.
Le tour extérieur des administrateurs de l’Etat peut-être considéré comme le véritable concours interne des agents de catégorie A souhaitant exercer des fonctions d’administrateurs de l’Etat.
Au titre de 2022, 38 places étaient à pourvoir, contre 32 places pour le concours interne de l’Institut national du service public (INSP) au titre du même exercice1.
A la différence du concours interne, il n’y a pas une multitude d’épreuves écrites et orales, et surtout, il n’est pas question de deux ans de scolarité à l’INSP, accompagné de trois stages : en affaires internationales, entreprise et préfecture (et autant de déménagements successifs).
Les candidats sont présélectionnés par leurs administrations afin de ne présenter que les agents ayant le potentiel pour exercer des fonctions supérieures et l’épreuve est axée sur un entretien avec le jury autour de la revue des réalisations professionnelles du candidat et de sa capacité à se projeter dans son univers professionnel.
Par ailleurs, la formation est allégée, réduite à six mois, afin de tenir compte de la spécificité des candidats : à savoir des fonctionnaires de catégorie A exerçant déjà des fonctions supérieures et souhaitant changer de corps afin de poursuivre leur ascension professionnelle2.
A l’inverse, et comme le rappelle le dernier rapport du jury relatif au concours interne de l’INSP, le concours interne demeure un concours de début de carrière, permettant en particulier à ceux ayant échoué quelques années plus tôt au concours externe de l’INSP de retenter leurs chances.
Les candidats et lauréats du concours interne sont en grande majorité des hommes (alors même que les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans la filière administrative) , ils sont très jeunes3, autour de la trentaine, ne sont évidemment pas sélectionnés par leur administration et doivent préparer des épreuves essentiellement théoriques.
D’abord quelques chiffres
Au titre de 2022, 297 dossiers ont été déposés pour le tour extérieur (contre 241 en 2021) pour un nombre d’emploi à pourvoir de 38. Des chiffres assez similaires au concours interne de l’INSP, avec 302 candidats présents aux épreuves écrites pour 32 places.
Le comité, d’un commun accord, a décidé de ne pas tenir compte des listes préférentielles présentées par les ministères, notamment parce que tous les ministères n’avaient pas établi de telles listes, afin de se doter d’une capacité d’appréciation la plus libre possible, en se fondant exclusivement sur les dossiers de candidature et les prestations orales des candidats.
Pour autant, il convient de préciser que si les évaluations des administrations n’ont pas été retenues par le jury, les candidats présentés sont tout de même ceux sélectionnés par ces dernières. Comme énoncé plus haut, un agent de catégorie A ne peut de sa propre volonté, parce qu’il réunit les critères d’éligibilité, solliciter un entretien devant le comité de sélection.
A l’issue de l’examen, seuls 34 candidats ont finalement été retenus – 4 emplois n’ont donc pas été pourvus. Le fait de ne pas saturer la liste des emplois disponibles témoigne, à l’évidence, de la sélectivité du jury.
Malgré un léger rebond des candidatures, une sélectivité qui demeure tendanciellement en baisse
Premier constat : un rebond des candidatures sur 2022 par rapport à 2021 :
Une sélectivité qui demeure tendanciellement en baisse :
A titre de comparaison, par rapport aux candidats présents aux épreuves d’admissibilité aux écrits, le taux de sélection du concours interne de l’INSP pour 2023 est nettement plus défavorable, à 1 pour 9,4.
Des candidats le plus souvent masculins, d’environ 43 ans, en administration centrale aux ministères de l’Intérieur ou de l’Economie et des finances
En effet, le comité de sélection rappelle la concentration des candidatures au sein de deux ministères : l’Intérieur et l’Economie et les finances (41% des candidats).
Ces candidats sont plus souvent masculins (y compris chez les admis).
L’âge moyen est de 43 ans (contre 42 ans en 2021), avec un plus bas à 36 ans et un plus haut à 51 ans. Près de la moitié des candidats ont entre 40 et 44 ans.
Les attachés demeurent le corps le plus représenté avec près de 80% des candidats et plus de 90% des admis. Parmi les admis : 70% sont attachés principaux d’administration et 20% attachés hors classe.
L’appréciation qualitative des dossiers présentés par les candidats
S’agissant des CV:
Le comité de sélection regrette des présentations médiocres et peu claires. Des éléments inutilement bavards et des présentations complexes rendant la lecture absconde.
Enfin, quelques candidats ont survalorisés des fonctions ou des engagements, ce qui est évidemment peu approprié et se révèle rapidement contreproductif à l’oral.
S’agissant des évaluations des supérieurs hiérarchiques :
Le comité rappelle l’enjeu d’une présentation claire, non ambiguë et si possible harmonisée, a minima au sein d’un même périmètre ministériel. Les candidats devant, de leur côté, être capable d’expliciter les observations.
S’agissant du relevé des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP) :
Le RAEP est considéré par le comité de sélection comme « manifestement pas bien compris et (…) très en-deçà des attentes. »
« La présentation doit donc être claire, porter sur une expérience récente, comporter une part descriptive mais dynamique et aussi critique, à la condition qu’elle soit sincère et surtout bien argumentée. Les candidats doivent faire l’effort d’une expression et d’une orthographe correctes, d’une rédaction agréable à lire et, de façon essentielle, s’attacher à capter l’intérêt du lecteur. En synthèse, la RAEP doit permettre au candidat de faire la démonstration qu’il détient une hauteur de vue, des capacités d’analyse et des aptitudes opérationnelles au niveau de ce qui peut être attendu d’un administrateur de l’Etat. »
Or, pour les membres du comité de sélection, le RAEP s’apparente trop souvent à une simple description de fiche de poste sans présentation d’une quelconque problématique ou, à l’inverse, « à une succession de prises de position tranchées et péremptoires ».
S’agissant du parcours professionnel, plusieurs critères permettent de démontrer les capacités d’adaptation des candidats selon les membres du comité, notamment :
L’existence d’une ou plusieurs mobilités entre ministères ou fonctions publiques, ou encore entre différentes structures administratives (centrale, déconcentré, opérateurs) ;
L’occupation de poste dans des domaines fonctionnels différents (juridique, RH, budget) ou de nature différente (fonctions support, mise en œuvre d’une politique publique, tutelle d’opérateur) ;
L’occupation de fonctions d’encadrement ;
Une prise de responsabilité croissante ayant permis d’atteindre : « un niveau hiérarchique suffisant et pouvant se caractériser, sans que cela ne soit une condition exclusive, par l’occupation d’un emploi fonctionnel. »
Evidémment, le comité tient également compte des spécificités propres à chaque ministère s’agissant de la nature et du niveau hiérarchique des postes ouverts aux catégories A.
S’agissant des auditions des candidats
Le comité de sélection note que la première partie de l’entretien (5 minutes), consacré au parcours du candidat, est généralement réussi tant en termes de gestion du temps que de contenu, malgré quelques exposés décousus et peu lisibles (en dépit de l’annonce du plan).
Toutefois, le constat unanime est celui d’un discours trop convenu sur le fond, uniforme et finalement assez ennuyeux.
En revanche, pour la partie relative aux questions, le comité a constaté de véritables lacunes alors même que le comité de sélection s’est, pour l’essentiel, appesanti sur le parcours du candidat : curriculum vitae, évaluations, RAEP.
Le jury est particulièrement sévère sur la capacité des candidats à formaliser un point de vue présentant de la hauteur : « Les candidats ont souvent montré une incapacité à décrire et surtout à situer leur poste ou leurs missions dans leur environnement professionnel ou dans des problématiques de politiques publiques un peu élargis. »
Le comité de sélection note ainsi son incompréhension devant la réaction des candidats à des questions relatives à leurs points forts supposés, tels que mis en avant dans leur dossier d’évaluation (lorsqu’ils en ont un).
Plus encore, le comité de sélection note que : « beaucoup de candidats ont semblé « désemparés » devant des questions portant pourtant sur leur dossier, le choix de postes, le parcours, la mobilité géographique et l’éventuelle prise ou non prise de risque dans leurs sélections de fonctions. »
Enfin, s’agissant de l’échange élargi avec le comité de sélection, les membres dudit comité notent : « un véritable échec. » Ce qui interroge sur les préparations disponibles pour les candidats et sur la capacité de ces derniers à dégager du temps et de l’espace critique pour s’assurer de leur capacité à engager une discussion de haut niveau.
« Le socle minimum de culture administrative, juridique, économique et politique normalement détenu par un administrateur de l’Etat souffre d’une insuffisante préparation de la part des candidats. »
« Pour le comité, ce qui est en cause, c’est l’impréparation, le manque de réflexion et de curiosité mais aussi des imprécisions voire des lacunes importantes sur des connaissances minimales empêchant de bien articuler sa pensée, y compris sur les grands sujets d’actualité du moment, pourtant très largement analysés dans les médias. »
Pour le comité de sélection, il est essentiel que les candidats se renseignent également sur le profil des membres du comité, sur leurs centres d’intérêt naturels ou leurs spécialités.
En bonus, la liste des thématiques pouvant être abordées lors du comité de sélection au tour extérieur des administrateurs de l’Etat :
Je ne peux que vous inciter à reproduire cette liste de questions et à l’adapter au concours ou à l’examen visé. Répondez à chacune d’entre elles, étoffer la liste et vous serez probablement davantage préparé que 90% des candidats, y compris en catégorie A.
Culture administrative :
Qu’est-ce que la souveraineté nationale et comment s’exerce-t-elle ?
Quelles sont les missions du Conseil Constitutionnel ?
Qu’est-ce que le bloc de constitutionnalité ? A quoi sert-il ?
Quelles différences entre un décret en conseil d’Etat et un décret en conseil des ministres ?
Qui exerce le pouvoir réglementaire ?
Qu’est-ce que l’article 49-3 de la Constitution ?
Qu’est-ce que la hiérarchie des normes ?
Quelles sont les missions régaliennes de l’Etat ?
Comment sont organisées les juridictions en France ? Deux ordres sont-ils utiles ?
Qu’est-ce que le Conseil d’Etat ? La Cour de cassation ?
Connaissez-vous des juridictions spécialisées et dans quels domaines ?
Quelles sont les juridictions compétentes en droit du travail ?
Quelles sont les juridictions financières en France ?
Connaissez-vous des juridictions qui emploient des juges non professionnels ? Des citoyens ?
Faut-il juger les ministres ? Qui les juge ? Existe-t-il des procédures en cours ?
Quelles sont les juridictions compétentes en matière pénale ? A quoi sert la cour d’assises ?
Quel est le rôle du parquet ? Parquet siège quelles différences ?
Fallait-il créer un parquet financier ?
Qui juge les terroristes ? Quelle est l’utilité d’un parquet antiterroriste ?
Quelle est la différence entre éthique et déontologie ? Qu’est-ce que la déontologie ? Quelles instances interviennent dans ce domaine ?
Qu’est-ce que l’article 40 du Code de procédure pénale ?
Qu’est-ce qu’une autorité administrative indépendante ? Pouvez-vous en citer ? Leur utilité ?
Les grands principes du droit des collectivités locales ?
L’organisation des collectivités territoriales de l’Île-de-France est-elle efficace ?
Quel est le cadre juridique encadrant les compétences des collectivités locales ?
Les régions ont-elles une clause de compétence générale ?
Quel transfert de compétence est demandé par les régions ?
Fallait-il départementaliser Mayotte ?
La France a-t-elle vraiment sa place outre-mer ? Que lui apporte cette présence ?
Qu’est-ce que la diagonale du vide ?
Quelles sont les conditions de la réussite de la dématérialisation des procédures ?
Qu’est-ce que la fracture numérique ?
Faut-il garder deux forces de sécurité en France, police et gendarmerie ?
Le lien armée Nation ?
Compte tenu de l’actualité géopolitique, pensez-vous qu’il fallait supprimer le service militaire ?
Faut-il continuer à dialoguer avec la Russie ?
Votre avis sur la conception française de la laïcité ? Avez-vous des exemples de politiques françaises de discrimination positive ? Votre avis ?
La politique française de lutte contre le séparatisme est-elle efficace ?
Quelles sont les mesures prises dans l’éducation pour lutter contre la radicalisation ?
Faut-il accueillir les mineurs de retour des zones de terrorisme en Syrie ?
Quels ont été les derniers éléments de modernisation de la formation professionnelle en France ?
A quoi sert la formation continue ?
Qu’est-ce qu’un dialogue social réussi ?
La réquisition est-elle la marque de l’échec du dialogue social ? Quels sont les fondements juridiques de la réquisition ?
Le droit à la paresse
Faut-il supprimer les droits de succession ?
Le prix unique du livre
La loi Toubon : un combat vain ?
Questions économiques, budgétaires et financières :
Quels sont les grands principes qui régissent la commande publique ?
Quels sont les grands principes budgétaires ?
Qu’est-ce qu’une loi financière ? Quelle différence avec la loi ordinaire ?
Quelle différence entre une loi de financement de la sécurité sociale et une loi de finances ?
Quel est le 1er poste de la dépense publique en France ?
Quels sont les principales dépenses du budget de l’Etat ?
Pourquoi faut-il maitriser la dépense publique ?
Le montant de la dette française est-il un problème ?
Quel est le montant de l’excédent budgétaire français ? (question-piège !)
Quelles sont les principales mesures du projet de loi de finances 2023 ?
Quelles sont les principales mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2023 ?
Quel sont les atouts de l’économie française ?
Quels sont les maux de l’économie française ?
Comment est gérée l’assurance chômage ?
La fermeture de Fessenheim était-elle opportune ?
Question sur l’Europe :
Pouvez-vous citer quelques institutions de l’Union européenne et leurs missions ?
Quelle différence y a-t-il entre le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne et le Conseil de l’Europe ?
Qu’est-ce que l’espace Schengen ?
Tous les Etats membres de l’UE participent-ils à la zone euro ? Lesquels n’y participent pas ?
Quels sont les principaux actes juridiques contraignants de l’Union européenne ?
Dans quelle mesure le droit de l’Union européenne s’applique-t-il en France ?
Quelles sont les principales caractéristiques du budget de l’Union européenne ?
Faut-il retirer l’anglais de la liste des langues de travail de l’UE ?
L’usage de la langue française dans l’administration française et dans les relations avec l’Union européenne ?
Faut-il réformer le marché européen de l’électricité ?
Questions sur la Fonction publique :
Le statut général de la Fonction publique : sa première qualité et son plus grand défaut ?
La loi de transformation de la Fonction Publique du 6 août 2019 ? Quels en sont les 5 axes ou les grands principes ?
Est-ce que l’ouverture facilitée au recrutement des agents contractuels pour les emplois de direction est de nature à diminuer l’attractivité du corps des administrateurs de l’Etat ?
Quels sont les freins au recrutement des agents contractuels pour les emplois de direction ?
Le statut de fonctionnaire a-t-il encore du sens pour les missions non régaliennes et pourquoi ?
le statut est-il un élément d’attraction ou un frein au recrutement ?
Comment rendre plus attractive la fonction publique ?
Fallait-il supprimer l’ENA ?
Le temps réel de travail des hauts fonctionnaires français est-il un signe d’efficacité ?
La transformation de certains corps du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pourrait-il avoir des conséquences pour la diplomatie française ?
Dans quelle mesure la crise sanitaire récente a-t-elle été une opportunité de modernisation de la fonction publique française ?
Quelles sont les instances représentatives des personnels dans la fonction publique ?
Qu’est-ce que le devoir de réserve du fonctionnaire ? L’obligation de discrétion ? Le secret professionnel ?
Quel est le rôle actuel des CAP ? Est-ce que les compétences revues des CAP seront de nature à diminuer le rôle des organisations syndicales et d’avoir une incidence sur le taux de participation des élections de décembre ?
Est-ce que le syndicalisme a du sens pour l’encadrement supérieur ?
Existe-t-il un dispositif alternatif pour prendre en compte les aspirations de l’encadrement supérieur en dehors du champ syndical ?
Télétravail et encadrement ?
Un plan égalité a-t-il été mis en place dans votre structure/établissement ?
Comment revaloriser le métier d’enseignant ?
Quels sont les enjeux de la revalorisation des salaires des enseignants ?
Les concours sont-ils toujours la meilleure façon de recruter des enseignants ? A l’image des autres pays européens, faut-il supprimer le statut des enseignants pour créer une profession réglementée ?
Qu’est-ce que Parcoursup ?
Questions diverses :
Comment réagir face à un chef harceleur ?
Comment définir un mauvais chef ? Comment travailler avec lui ?
Qu’est-ce qui vous fait rire ?
Le dernier livre que vous avez lu ? Le dernier film vu ?
Arrêté du 4 août 2022 fixant le nombre de places offertes en 2022 aux concours d’entrée à l’Institut national du service public. ↩
Outre l’aspect professionnel, on peut aussi imaginer que les quarantenaires présentent une structure familiale différente rendant peu opérationnel le concours interne proposé par l’INSP. ↩
Le dernier âge moyen communiqué pour les admis au concours interne de l’Ecole nationale d’administration date de 2020, il était de 32 ans. Malheureusement, à ma connaissance, l’INSP ne communique plus sur cette statistique. ↩
Outre les quelques postes en juridictions, on note l’évidente prépondérance des ministères économiques et financiers, mais également (et plus généralement) la forte concentration des recrutements.
En effet, trois ministères portent plus de la moitié des affectations :
Emplois offerts aux élèves de l’Institut national du service public achevant leur scolarité en octobre 2024
POSTES
PART (%)
Magistrats
12
12%
Conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel
8
8%
Conseillers de chambres régionales des comptes
4
4%
Administrateurs de l’Etat
83
85%
Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
28
29%
Ministère de l’intérieur et des outre-mer
11
11%
Ministère du travail, de la santé et des solidarités
15
15%
Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
3
3%
Ministère de la culture
2
2%
Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
2
2%
Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
5
5%
Ministère des armées
5
5%
Ministère de la justice
4
4%
Ministère de l’Europe et des affaires étrangères
6
6%
Ministère de la transformation et de la fonction publiques
Les observations de la Cour portent sur trois points principaux :
La performance du service de ressources humaines (RH), qui demeure à améliorer;
La baisse des effectifs du ministère, dont l’impact est difficile à évaluer;
L’analyse des initiatives prises par le ministère pour développer l’attractivité.
D’abord, quel est le périmètre couvert ?
Le programme 155 relatif à la conception, la gestion et l’évaluation des politiques de l’emploi et du travail porte sur les effectifs du ministère. A savoir, 8 360 équivalents temps plein (ETP) répartis entre directions d’administration centrale :
La direction générale du travail (DGT),
La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP),
La direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES),
Une partie des agents du secrétariat général aux affaires sociales (et des agents des cabinets ministériels) et
Les services déconcentrés : avec les DEETS (direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) et les DREETS (échelon régional des DEETS).
La gestion RH elle-même est partagée entre un cœur centralisé à la DRH des ministères sociaux et un réseau de correspondants de proximité dans les directions et services déconcentrés.
Un ministère touché par d’importantes baisses d’effectifs dans ses services déconcentrés :
« Les effectifs du ministère chargé du travail ont diminué de 15 % depuis 2015 pour atteindre 8 360 ETPT en 2021. Cette baisse est liée non seulement à des suppressions d’emplois mais aussi au transfert de 603 ETPT en 2021 au ministère de l’intérieur dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État. Hors transferts, la diminution des emplois est de 9% sur la période, ce qui reste significatif. Les réductions d’effectifs ont été en totalité portées par les services déconcentrés : l’effectif du niveau central a même augmenté de 6 % sur la période 2015-2021. »
Toutefois, les services déconcentrés continuent de demeurer les principaux employeurs avec 85% des agents contre 15% pour l’administration centrale.
L’inspection du travail représente 42% des effectifs du ministère.
Parallèlement, la structure des emplois est bouleversée avec une augmentation de la part des catégorie A de 36% à 58% entre 2015 et 2021, principalement du fait de la mise en extinction du corps des contrôleurs du travail. Ceci explique que la masse salariale a moins baissé que les effectifs (respectivement 8% et 15%). Elle représentait 567 M€ en 2021, soit 3% des crédits du ministère du travail et de l’emploi sur l’exercice.
1-S’agissant de la performance du service RH
La Cour rappelle l’origine de l’actuelle DRH, issue de la fusion en 2013, dans le cadre de la création d’un secrétariat général commun aux ministères chargés des affaires sociales, de l’ancienne DRH des ministères de la santé et du social et de la sous-direction chargée des ressources humaines de l’ancienne direction de l’administration générale et de la modernisation (DAGEMO) du ministère chargé du travail.
Les magistrats évoquent également une réorganisation de la DRH plus récente, datée de 2019, qui manifestement n’a pas fonctionné et qui pourrait avoir son rôle dans le renouvellement quasiment complet en deux années seulement de l’ensemble des agents de la direction, ce qui n’est pas sans conséquence sur la compétence technique globale de la structure.
Cette réorganisation qui a fortement complexifié les relations avec les directions partenaires (avec le passage parfois d’un interlocuteur à sept…) est par ailleurs intervenue au mauvais moment : crise sanitaire et réforme autour de la déconcentration des actes RH.
La Cour note ensuite une coopération très limitée entre la DRH et les services ministériels. Par exemple, les correspondants RH n’ont pas accès à l’ensemble des données de paie des agents. Aucun outil de pilotage n’a été mis à disposition et le pilotage des effectifs est qualifié par la Cour d’ « artisanal ».
En termes de systèmes d’informations (SI), le ministère du travail utilise depuis 2016 la solution RenoiRH développée par le CISIRH. Or, la Cour constate que certaines fiabilisations de données ne sont toujours pas opérantes entrainant des erreurs, par exemple le remplissage et le contrôle automatique n’est pas systématique sur l’ensemble des données :
« Fin juin 2022, la DRH elle-même constatait de très nombreuses erreurs ou oublis d’enregistrement des dates de fin réelle de contrat et des dossiers non complets concernant les agents détachés ou mis à disposition et les agents transférés. Certains dossiers indiquent en outre des affectations incomplètes ou un programme budgétaire erroné. L’ancienneté n’est pas systématiquement saisie – ce qui engendre des listes de personnes promouvables incomplètes – tandis que les emplois-types du poste ne correspondent pas toujours à la fiche de poste, rendant approximatives les analyses qui peuvent être réalisées. »
Par ailleurs, si un module « RenoiRH Décisionnel » existe, la Cour note que la quasi-exclusivité des bureaux préfèrent travailler sur des outils développés sur Excel indépendamment du SIRH.
« La meilleure illustration en est le fichier de suivi des emplois et des effectifs, baptisé « fichier MSK», qui consiste en l’agrégation par la DRH, une fois tous les deux mois, de 92 fichiers remplis à la main par les services RH de proximité. Aucune comparaison n’est réalisée entre ce fichier et les données de RenoiRH afin de s’assurer de la qualité des données. C’est sur cette base que sont réalisées les prévisions de consommation d’ETPT et les analyses d’évolution d’effectifs. »
L’analyse du taux de connexion à « RenoiRH Décisionnel» montre par ailleurs que la grande majorité des agents, à tous les niveaux hiérarchiques, ne l’utilise jamais.
Sur d’autres sujets, la Cour note qu’il n’existe pas de dossier personnel numérique des agents, ceux-ci sont encore aujourd’hui conservés en propre par les agents de la DRH ; le suivi du temps de travail et de télétravail diffère suivant les directions d’emploi ; la culture numérique des agents du ministère et de la DRH en particulier semble « particulièrement faible » avec notamment des formations qui se concentrent sur la bureautique.
En conséquence, la Cour sollicite une feuille de route SI à même d’asseoir une gouvernance efficace de ce qu’elle considère être un enjeu stratégique au titre de la fiabilité et de la performance.
2-Une baisse des effectifs du ministère dont l’impact est difficile à évaluer
La Cour note en premier lieu que la baisse des effectifs de 2 à 3% par an porte exclusivement sur les services déconcentrés.
Extrait du rapport de la Cour des comptes.
Cette baisse générale intègre notamment le transfert de près de 600 équivalents temps pleins (ETPT) au ministère de l’intérieur en 2021 dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, que ce soit au titre des services de la main-d’œuvre étrangère (une centaine d’ETPT) ou du fait des transferts des fonctions supports aux secrétariats généraux communs départementaux.
Hors transfert et pour rappel : la baisse d’effectifs entre 2015 et 2021 est de 9% (contre 15% avec la prise en compte du transfert).
Sur la période récente, il convient de noter le gel des effectifs dans le schéma d’emplois pour 2022, qui rompt avec la logique baissière des années précédentes.
Pour assurer cette trajectoire, il faut par ailleurs noter l’absence d’utilisation du mécanisme de ruptures conventionnelles, puisque la Cour n’en relève par exemple que deux pour l’exercice 2021.
Extrait du rapport, trajectoire en ETPT : administrations centrales (DGT, DGEFP, DARES) et déconcentrées (DEETS et DREETS).
Dans le détail, entre 2015 et 2021, le principal contributeur aux économies d’emplois a été l’inspection du travail (contrôle et renseignement inclus), qui a perdu 16% de ses effectifs, soit près de 740 ETP. Le secteur emploi présente quant à lui une baisse de 11 % mais il intègre, en 2021, les effectifs temporaires liés à la crise sanitaire (300 agents en charge de l’activité partielle). Sans ces renforts, la baisse serait d’environ 530 agents, soit 25% des effectifs de 2015.
Evidemment, les fonctions support ont également été concernées dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’Etat (OTE), ainsi que les postes de direction en services déconcentrés puisqu’une vingtaine, soit 14% d’entre eux, ont été supprimés entre 2015 et 2020.
On peut, dans ces conditions, aisément imaginer un climat social tendu dans le réseau déconcentré.
Dans le même temps, les effectifs de l’administration centrale ont augmenté de 6%, portés par une hausse assez élevée des effectifs des cabinets et des effectifs ministériels, qui passent sur la période de 136 ETPT à 193 ETPT (une augmentation de 42%…) et par des augmentations des emplois en administration centrale.
Si on fait les comptes : il y a donc une augmentation de 71 ETPT en « administration centrale », dont 57 ETPT dans les cabinets ministériels, ce qui laisserait 14 ETPT pour l’administration centrale « classique ».
La Cour précise ensuite que les postes de direction en administration centrale ont augmenté sur la période, passant de 27 à 38, soit une augmentation de 44%, du fait de la suppression d’un poste de sous-direction et de la création de sept postes de chef de service, de cinq postes de direction de projet ou d’expert de haut niveau.
Cela fait donc 11 postes supplémentaires. En définitive, l’administration centrale n’a donc gagné qu’1 ETPT d’agent de conception et de pilotage de politique publique. Le déséquilibre dans la répartition des efforts et des créations de postes est frappant et pourrait interroger sur une forme de déconnexion entre une administration centrale qui, par définition, se politise (par les postes en cabinet et la création notamment de fonctions de chefs de services – en interaction avec ce cabinet) et l’ensemble des agents chargés de la mise en œuvre concrète et territorialisée des actions du ministère.
Autre constat, une augmentation très forte des agents contractuels.
La part des agents contractuels sur emploi permanent, étant normalement entendu comme « un emploi qui a normalement vocation à être occupé par un fonctionnaire », est passé de 5% en 2015 à 10% en 2021, soit 828 ETPT de contractuels contre 7 128 ETPT de fonctionnaires. Et parmi les agents contractuels occupant un emploi permanent, près du tiers est en CDI.
On note également un effort et qui apparait somme toute logique pour le ministère du travail en faveur du recrutement d’apprentis. Ceux-ci sont passés de 16 en 2015 à 97 en 2021.
Sur la composition des effectifs et comme on l’a dit en introduction, il y a une profonde transformation du ministère. Les catégories A représentent 36% des effectifs en 2015 et 58% en 2021.
Cette évolution est fortement liée au plan « ministère fort » porté initialement par le ministre Michel Sapin de suppression progressive du corps de contrôleurs du travail, mais elle tient également à une évolution de la filière administrative. On constate ainsi une forte augmentation du nombre d’attachés (+16% d’ETPT sur la période). Ce qui témoigne d’un besoin de technicité, mais aussi probablement, d’adaptabilité et de mutabilité. L’attaché d’administration étant un généraliste.
Extrait du rapport de la Cour des comptes.
Les rapporteurs constatent également une forte diminution des catégories C, en valeur et en proportion, qui devrait encore s’accélérer du fait de l’augmentation du taux de promotion interne vers le corps des secrétaires administratifs depuis 2022 et jusqu’en 2024 (passage du taux de promotion de 1% à 5%, soit 125 possibilités de promotion sur 2022 au lieu de 32 en 2021).
La Cour fait ensuite un petit point sur la réforme de l’OTE.
Le transfert concernait donc 603 ETPT, dont une centaine sur le suivi de la main-d’œuvre étrangère, 84 directeurs de DEETS et 419 ETPT sur des fonctions support. On y apprend que plus de la moitié des agents (320) ont refusé le transfert, pourtant censément avantageux en terme indemnitaire, afin d’être repositionnés sur des emplois vacants du ministère du travail.
Par ailleurs, il semblerait que ce transfert ait réalisé de manière assez chaotique avec des remarques réitérées de la Cour sur le manque de prévision et de suivi des effectifs par le ministère du travail.
Plus généralement, et faisant écho aux constats précédents sur le pilotage RH, la Cour maintient ses critiques sur le suivi et l’analyse des besoins, effectué de manière « artisanale et chronophage » selon les termes du rapport.
Cette mauvaise organisation du travail tient notamment au partage de tâches entre la DRH et la DFAS, la première n’ayant pas accès à Chorus ou à l’infocentre de gestion budgétaire, quand la DFAS n’a elle pas accès aux extractions automatisées de « RenoiRH ». En conséquence, la DRH n’est pas en capacité de justifier les données du rapport annuel de performance (RAP) de la mission travail et emploi avec 736 ETPT d’écart…
La Cour rappelle que la DRH s’appuie aujourd’hui sur le réseau pour faire remonter des données, alors qu’il lui revient normalement d’alimenter les services à partir des données contenues dans les logiciels de gestion.
Par ailleurs, le ratio de gestion présenté dans le rapport annuel de performance (RAP) apparaît particulièrement élevé pour les ministères sociaux pr rapport au secteur privé selon la Cour. Mais cette même Cour se refuse à aller plus loin : les comparaisons étant particulièrement difficiles à établir du fait des divergences organisationnelles et méthodologiques entre les secteurs privés et publics et entre les ministères eux-mêmes.
3-Les initiatives pour développer l’attractivité du ministère doivent être prolongées
En premier lieu, la Cour note le déficit d’attractivité de l’inspection du travail, ayant donné lieu à un plan d’actions qu’elle juge peu efficace.
La DGT qui est chargée de l’organisation du système d’inspection du travail (la Cour ne le précise pas) suit le taux de vacances des sections d’inspection qui évolue de manière dégradé d’année en année avec 2 048 sections vacantes sur 2022 (soit 18% du total) contre 2 194 sections vacantes en 2017 (soit 15%) du total. Il convient par ailleurs de rappeler que la détérioration de ce ratio intervient malgré de nombreuses fusions de sections opérées sur la période.
Le nombre de candidats au concours diminue, alors même que le nombre de places augmente très fortement. La Cour note assez justement que la réponse au déficit d’attractivité du concours ne peut pas passer uniquement par une augmentation du nombre de postes, sauf à renoncer à toute sélectivité.
Extrait du rapport de la Cour des comptes.
Plusieurs démarches ont été entreprises, avec une possibilité de détachement offerte avec 23 agents qui ont rejoint l’inspection sur ce fondement depuis 2021, mais qui n’est pas sans poser de difficultés. Le ministère de l’Education nationale, également en difficulté de recrutements, s’est ainsi opposé au détachement de plusieurs enseignants volontaires.
Sinon, outre l’augmentation du nombre de postes au concours, un concours national à affectation régionale et locale a été proposé pour les secrétaires administratifs, ainsi qu’une refonte du déroulé de carrière des inspecteurs.
Plus largement, ce défaut d’attractivité fait également écho à ce que l’on a lu sur les perspectives de carrière en déconcentré, mais également aux problématiques plus larges qui se posent sur l’attractivité de la fonction publique. A titre personnel, je m’interroge sur le bien-fondé d’un recrutement national par concours qui ne vise, par définition, que des sorties d’écoles. Le détachement peut en effet, s’il offre des perspectives et valorise les nouveaux affectés, constituer une voie d’accès ou de débouchés. La pente semble toutefois raide et la voie étroite…
Sur les autres métiers du ministère, et faute de données de la DRH, la Cour n’est pas en mesure d’évaluer l’attractivité des métiers.
En termes de formations internes, la Cour note une construction du catalogue assez classique, mais relève une initiative bienvenue d’une des directions du ministère, la DGEFP, qui a développé une « académie de la formation interne » permettant de partager des connaissances et savoirs sur les politiques publiques qu’elle porte. Ces formations sont assurées par l’encadrement interne.
S’agissant des sanctions disciplinaires. Entre 2015 et 2021, le nombre moyen de sanctions disciplinaires est de 16 par an pour l’ensemble des ministères chargés des affaires sociales.
Cela fait donc très peu de sanctions disciplinaires et la Cour note que la plupart sont par ailleurs de faible niveau : deux tiers relevant du premier degré (sans réunion du conseil de discipline). Il n’y a eu aucun licenciement pour insuffisance professionnelle sur la période de contrôle, les quelques cas où cette solution de dernier recours avait été envisagée n’ayant pas prospéré compte tenu de pathologies médicales.
En termes d’égalité femmes-hommes, le ministère est composé à 69% de femmes, avec une répartition équilibrée y compris dans les emplois de direction.
Extrait du rapport de la Cour des comptes.
En termes de rémunérations.
La quasi-totalité des agents bénéficient du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep). En 2021, le Rifseep représente ainsi 74,3 M€, soit 85 % des primes versées aux agents.
Seuls les élèves inspecteurs du travail et les agents sur emploi fonctionnel bénéficient d’un régime indemnitaire distinct.
La part du régime indemnitaire dans la rémunération brute des agents est variable selon les corps (comme pour tous les ministères). Elle représente en moyenne, sur la période 2015-2021, 23% de la rémunération brute des agents en catégorie C, 24% en catégorie B et 29% en catégorie A.
Elle varie fortement en fonction du corps d’appartenance des agents: 25 % pour les inspecteurs du travail, 32 % pour les attachés d’administration de l’État, 45% pour les administrateurs de l’État. Cette part a globalement peu évolué au cours des dernières années. Le Rifseep est constitué de deux éléments : l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) et le complément indemnitaire annuel (CIA) lié à l’engagement et à la performance individuelle.
Sur l’IFSE, la Cour note un montant sensiblement plus élevé en administration centrale, en particulier pour les attachés d’administration. Par ailleurs, 17% des agents bénéficient de l’IFSE alors même que le renseignement de leur groupe de fonctions n’est pas effectué…
S’agissant du CIA, celui-ci est à la main de la direction d’administration centrale ou du service déconcentré, qui le répartit selon des critères qu’il fixe lui-même ou avec son équipe de direction.
Extrait du rapport de la Cour des comptes.
On constate que les montants évoluent substantiellement et qu’ils couvrent une population de plus en plus importante, marquant là la volonté d’individualiser la rémunération à la performance.
Extrait du rapport de la Cour des comptes.
Toutefois, et comme le note la Cour, ces montants ne sont pas homogènes entre catégories et affectations. Assez logiquement (au regard des éléments précités), les catégories A d’administration centrale sont les mieux servis.
Le constat peut être prolongé s’agissant des agents des cabinets ministériels qui disposent d’indemnités de sujétions particulières en évolution très forte sur la période, ce qui pourrait accentuer aussi le clivage au sein du ministère entre les services déconcentrés et le sommet de la hiérarchie, au sein des cabinets ministériels.
Extrait du rapport de la Cour des comptes.
Au-delà de cette singularité des cabinets, la Cour note que les rémunérations de la filière administrative (la plus simple à comparer, puisqu’interministérielle) demeure très inférieure aux autres ministères, de l’ordre de 12%, voire de 26% pour les catégories B. Seul le corps des administrateurs de l’Etat, qui dépend directement du Premier ministre, est épargné. Autrement dit, ce sont les attachés et, plus encore, les secrétaires qui sont les mal-lotis du ministère.
Pour répondre à cet enjeu, la DGAFP a lancé fin 2021 un chantier de convergence indemnitaire qui s’est traduit par l’attribution d’un montant supplémentaire forfaitaire pour l’ensemble des attachés et secrétaires administratifs (1 889 agents concernés), mais cette convergence demeure inachevée selon la Cour.
Avant de conclure, voilà les rémunérations moyennes constatées par la Cour sur 2021 :
Extrait du rapport de la Cour des comptes.Extrait du rapport de la Cour des comptes.
S’agissant des contractuels, le niveau de rémunération est proche des attachés, à l’exception des agents contractuels recrutés sur des postes techniques (comme énoncé plus haut), notamment sur les fonctions informatiques, nettement mieux rémunérés que les titulaires (respectivement 67 700 € contre 53 600 € bruts).
A cet égard, le rapport précise les conditions de fixation des rémunérations au moment du recrutement des contractuels, à savoir sur la base d’une fourchette de rémunération fixée par la DRH en fonction de l’expérience de l’agent recruté et des salaires pratiqués sur le marché, révisés selon l’inflation et le niveau de tension de recrutements sur certains postes.
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