Étiquette : Fonction publique

  • Les lieux d’implantation des administrations centrales

    Les lieux d’implantation des administrations centrales

    Temps de lecture : 3 minutes.

    Une implantation le plus souvent en Ile-de-France

    Une raison historique

    Au début de la IIIe République, comme on l’a vu avec le ministère du Travail, les services centraux des ministères étaient situés directement auprès du ministre, dans les « Palais de la République »1.

    Certains demeurent encore dans cette situation :

    • C’est le cas pour de nombreuses administrations centrales du ministère de l’Intérieur, place Beauvau ;
    • C’est aussi le cas pour d’importantes directions des ministères économiques et financiers (à « Bercy ») ;
    • Ou pour le ministère de la Santé et des solidarités (avenue Duquesne).

    Place Beauvau. Carte postale mise à disposition en ligne par la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.

    Toutefois, la majorité des administrations centrales sont aujourd’hui à l’écart de leurs cabinets ministériels de tutelle et un mouvement de délocalisations a été engagé depuis le début des années 2000.

    Une tendance à la délocalisation des administrations centrales

    Dans une dynamique assez régulière (la plus récente étant celle de CAP 2022), des déménagements d’administrations centrales en dehors de Paris sont organisés.

    Ces déménagements poursuivent trois objectifs :

    • Rapprocher ces grandes administrations des français,
    • Permettre davantage de mobilités aux agents publics en dehors de Paris,
    • Rationaliser les implantations immobilières (et économiser des deniers publics).

    Des délocalisations qui demeurent souvent aux bordures de Paris…

    Ce mouvement implique également des déménagements réguliers… en bordure de Paris2.

    Les cas les plus emblématiques concernent évidemment le ministère des Armées, à Balard (Paris XV). C’est aussi le cas pour le ministère de la Justice (Paris XIX). Deux implantations situées au bord du périphérique.

    De grands opérateurs comme Pôle emploi (désormais France travail) ou la Caisse nationale d’assurance maladie ont pris ce même chemin : le premier près des Lilas, la seconde, près de Montreuil. Dans les deux cas, au bord du périphérique et en conservant une adresse parisienne.

    Lorsque des déménagements de directions d’administration centrale importantes sont effectués en dehors de Paris, le choix d’implantation est souvent la petite couronne francilienne.

    Tel est le cas, par exemple, de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) à Montreuil ou encore de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), à Levallois-Perret.

    Le cas des administrations centrales en province

    Lorsque les administrations centrales sont en dehors de l’Ile-de-France, il s’agit le plus souvent de démembrements d’administration :

    • Le service central d’état civil du ministère des Affaires étrangères est à Nantes ;
    • Des services de la direction générale des Finances publiques sont à Béthune et à Lens, d’autres déménagements sont encore prévus, notamment à Lille ;
    • De même pour l’État-major des armées avec plusieurs lieux d’implantation en France.

    En 2022, 3 907 emplois en administration centrale étaient ainsi exercés en dehors de Paris, selon la Direction interministérielle de la transformation publique. L’objectif étant de quasiment doubler ce nombre d’ici à 2027.

    1. Ce qui rejoint le point précédent sur la concentration de ces administrations en Ile-de-France.
    2. On se retrouve ici, typiquement, dans des programmes de rationalisation budgétaire et organisationnelle.
  • Présentation de la direction du Budget en moins de dix minutes

    Présentation de la direction du Budget en moins de dix minutes

    Temps de lecture : 8 minutes.

    « Miroir, dis-moi qui est la plus belle » : La Cour des comptes parle de la direction du Budget.

    Lecture commentée du rapport de la Cour des comptes relatif à la préparation et au suivi du budget de l’État, ou comment : « redonner une place centrale à la maitrise de la dépense. »

    Les missions de la direction du Budget

    La Cour des comptes rappelle d’abord les principales missions de la direction du Budget :

    • Assurer la coordination interministérielle dans l’élaboration et l’exécution des projets de loi de finances (les fameux « PLF ») ;
    • Surveiller la soutenabilité de la programmation et de la gestion de chaque ministère par son réseau de CBCM et CBR1.

    La structuration de la direction du budget

    La direction du budget comptait 382 agents à fin 2021 :

    • 245 agents en administration centrale et
    • 137 agents dans son réseau de comptables et contrôleurs budgétaires.

    Celle-ci est composée quasi exclusivement de catégorie A (47 %) et A+ (43 %)2. Ce point est toutefois de plus en plus commun entre les directions d’administration centrale. Il s’explique par la technicité croissante des sujets traités.

    Particularités dans le champ administratif :

    • Un taux de féminisation bas (43,2 % pour l’administration centrale), encore davantage marqué pour les emplois de direction et d’encadrement (moins du tiers) ;
    • Comme évoqué plus haut, la quasi-parité s’agissant des catégories A entre les encadrants dits « supérieurs », ou : « A+ », et les autres catégories A, essentiellement des attachés d’administration de l’État.

    À noter :

    Sur la période récente, la direction du budget a légèrement évolué :

    • Par la création d’un secrétariat général3 et
    • Par l’ajout d’une fonction de « sous-directeur adjoint ». L’objectif étant de doter les sous-directeurs d’un adjoint afin de renforcer la fonction managériale et d’accroître les perspectives de promotion interne.

    Une chaîne hiérarchique courte et une surreprésentation de hauts fonctionnaires

    La Cour des comptes parle étrangement d’un « faible taux d’encadrement ». Ce qui semble être une erreur, ou alors le raisonnement est étrange, puisque dans les conclusions de la Cour, il est justement relevé que :

    « 1,06 agent de catégorie A est encadré par 1 agent A+ en administration centrale. »

    Une chefferie de bureau très exposée

    Concrètement, l’essentiel du travail technique est réalisé au niveau du bureau sectoriel : par le chef de bureau et ses quelques agents4.

    Le chef de bureau, comme pour les autres administrations centrales, se distingue par une expérience de plusieurs années. Autrement dit, de plusieurs cycles budgétaires. Cette expérience lui permet de disposer des réflexes à même de « sentir » les arbitrages sensibles et de prioriser les dossiers dans la conduite quotidienne du travail administratif.

    Les agents de la direction

    Commentaire :

    Malgré la parité des effectifs entre les catégories A et A+, la Cour des comptes présente des développements quasi exclusivement consacrés aux seconds. Cette appréciation partielle nuit à la compréhension globale de la direction.

    Une direction attractive, souvent considérée comme un « booster » de carrière pour les jeunes agents

    La Cour des comptes note plusieurs éléments pouvant porter atteinte à l’attractivité de la direction :

    • Des contraintes horaires et calendaires fortes ;
    • Des tâches complexes et répétitives, notamment dans l’harmonisation des tableaux budgétaires, suite aux arbitrages ;
    • Une moindre rémunération indemnitaire pour les administrateurs de l’État primo-affectés à la direction du budget : 29 400 euros de primes annuelles en 2021 contre une moyenne de 32 800 euros pour l’ensemble des administrateurs civils d’alors.

    Pour autant, en dépit des contraintes, la direction « demeure attractive » selon la Cour, car elle offre ainsi une importante visibilité aux agents. Visibilité qui permet aux agents de prétendre à des évolutions professionnelles rapides.

    Une direction particulièrement jeune

    « L’âge moyen des agents de la direction en administration centrale (39,2 ans) est inférieur de 8,5 années à celui de l’ensemble des agents d’administration centrale des ministères économiques et financiers en 2021 (47,7 ans). L’âge moyen des cadres A+ de l’administration centrale (34,0 ans) en 2022 est particulièrement jeune, de plus de dix ans inférieur à la moyenne de celui des cadres A+ des ministères économiques et financiers (44,7 ans) : 25 % des cadres A+ ont moins de 30 ans et 52 % ont moins de 35 ans, alors que 78 % des cadres A (moyenne d’âge de 44 ans) et 90 % des cadres B et C ont plus de 35 ans. »

    La Cour des comptes explique la jeunesse de cet encadrement supérieur par :

    • Les modalités de recrutement de la direction en sortie d’école (élément partagé pour partie par la direction de la Sécurité sociale, notamment) ;
    • Un moindre intérêt des agents expérimentés pour des fonctions exigeantes5 et sans responsabilités managériales importantes. Fonctions qui peuvent également présenter un caractère rébarbatif et théorique – éloigné des politiques publiques6.

    D’où viennent les agents de la direction du budget ?

    La moitié des cadres supérieurs sont des administrateurs de l’État formés à l’Institut national du service public (ex-ENA), un cinquième est issu de Polytechnique et plus du tiers est contractuels : recrutés en sortie de grandes écoles de commerce ou de Sciences Po Paris.

    À titre marginal, la direction compte également quelques profils atypiques : fonctionnaires des assemblées, militaires, administrateurs territoriaux, commissaires.

    S’agissant des cadres A, la direction recrute auprès :

    • Des instituts régionaux d’administration (IRA) formant les attachés d’administration de l’État ;
    • Des agents confirmés d’autres directions, et notamment de la direction générale des Finances publiques ou de la direction générale du Trésor, voire d’autres ministères, enfin
    • Des contractuels, ayant le plus souvent assuré des fonctions financières dans le privé.

    Où partent-ils ?

    La Cour des comptes n’a répertorié que les mobilités des A+.

    En 2018, à l’issue de leur passage dans la direction, ils rejoignaient dans 52 % des cas un ministère, dans 20 % un établissement public et dans 12 % le secteur privé.

    Un recrutement de contractuels en concurrence avec l’INSP

    Comme énoncé plus haut, le tiers de l’encadrement supérieur de la direction du budget est d’origine contractuelle.

    À cet égard, la Cour s’interroge sur l’attractivité du concours de l’INSP pour ces profils. Ceux-ci sont souvent bien formés et peu désireux de perdre plusieurs années à préparer, puis suivre, la formation de l’INSP.

    Par ailleurs, les contractuels peuvent désormais accéder aux emplois fonctionnels des directions d’administration centrale (autrement dit, aux postes de chefs de bureaux, et par la suite de sous-directeurs).

    Un recrutement de contractuels qui soulève aussi une question vis-à-vis des catégories A

    La Cour des comptes ne le note pas, mais cette situation crée aussi des inégalités avec les agents de catégorie A qui, pour certains, sont également sortis de grandes écoles (en particulier de Science Po Paris).

    Une dizaine d’attachés principaux exercent ainsi des fonctions de chefs de bureau à la direction du budget. Leurs sujétions sont identiques à celles des administrateurs et des contractuels. Toutefois, leur carrière, dans ce corps de catégorie A, s’arrêtera là. En effet, les attachés d’administration, comme les inspecteurs des finances publiques… ne peuvent pas, statutairement, exercer des fonctions d’encadrement supérieur7.

    Un fort turnover, facteur de risques pour la gestion des compétences

    La part importante de contractuels, qui n’ont pas vocation à « faire carrière » (même s’ils le peuvent), couplé à un taux de rotation également élevé des fonctionnaires, nécessitent une incessante lutte pour conserver un niveau d’expertise approprié.

    D’autant que les missions de la direction du budget impliquent des négociations budgétaires avec les ministères et un travail de représentation dans près de 250 conseils d’administration d’opérateurs et assimilés.

    « Le taux de rotation annuel des agents de l’administration centrale de la direction est de 43 % pour les cadres A+ fin 2021, ce qui signifie que la durée d’occupation des postes n’est que légèrement supérieure à deux ans, sous-directeurs compris. Près d’un quart des effectifs est renouvelé par recrutement extérieur chaque année. Ce taux de rotation a pour effet de raccourcir le déroulement des carrières et de limiter le retour sur investissement de l’administration centrale puisqu’en moyenne, plus de 70 % des effectifs de la direction y passe moins de cinq ans. »

    Une asymétrie dans les carrières proposées à l’encadrement supérieur

    « Compte tenu de la rapidité du début de carrière, la direction peut proposer un poste de sous-directeur à des cadres A+ parfois âgés de moins de 35 ans et de retour de mobilité, ce qui peut poser difficulté pour dérouler ensuite une carrière, au même rythme, dans les autres administrations. »

    La réflexion s’arrêtera là, encore une fois, et on ne s’interrogera pas sur les perspectives d’autres corps de la direction du budget.

    Une tension liée à la formation en interne

    Le taux de rotation élevé implique également une charge de travail plus importante pour les agents en poste, pour former les nouveaux arrivants.

    Pour favoriser le développement des compétences, la direction encourage les départs en formation. Mais, l’objectif de deux jours par an n’était, à la date du rapport, atteint que par 14 % des agents.

    Une autre initiative, plus installée, consiste à développer annuellement des travaux internes prospectifs et stratégiques destinés à réfléchir sur les thématiques budgétaires des bureaux sectoriels8.

    Les agents du réseau de la direction du budget

    Les onze départements du contrôle budgétaire (DCB) comptaient en 2021 131 agents, auxquels s’ajoutent 22 contrôleurs budgétaires en région (CBR) et en outre-mer.

    Une structuration hiérarchique très différente de l’administration centrale

    Les agents du DCB et du CBR appartiennent à une structure nettement plus classique, qui se rapprocherait de l’administration déconcentrée ou d’un service à compétence nationale.

    On y trouve ainsi « seulement » 17 cadres A+, 78 catégories A, 28 catégories B et 8 agents de catégorie C.

    L’âge moyen en DCB était de 51 ans en 2021 et seuls 40 % des agents y restaient moins de cinq années, pour une ancienneté moyenne de 8 ans.

    Des postes techniques, plus comptable que budgétaire

    Au total, près de 12 500 équivalents temps pleins (ETP) travailleraient sur une fonction de gestion budgétaire et financière au sein de l’État (hors fonctions comptables).

    Dans ce cadre, les postes en DCB et CBR constituent des étapes importantes, permettant d’assumer des responsabilités financières dans les ministères ou leurs opérateurs.

    Une attractivité moindre

     « Les candidatures sont peu nombreuses et émanent essentiellement de la direction centrale et des autres DCB, attestant de la faible attractivité de ces fonctions budgétaires à l’extérieur de ce vivier. »

    Les agents ressentent des charges de travail croissantes et moins valorisées dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique9. En dépit du reclassement de l’ensemble de ces emplois en experts de haut niveau de groupe II et des revalorisations indemnitaires associées.

    Alors que la diversité des compétences est promue par la DGAFP, les agents des CBCM s’inquiètent d’être pénalisés par leur spécialisation.

    1. Ces acronymes désignent les services du contrôle budgétaire et comptable ministériel (comptables et contrôleurs des dépenses placés au sein des secrétariats généraux des ministères) et les contrôleurs budgétaires régionaux, en régions.
    2. C’est-à-dire de cadres.
    3. Le secrétariat général, créé par arrêté du 15 novembre 2022, regroupe désormais les quatre entités chargées des fonctions supports de la direction (40 agents).
    4. Etant précisé que contrairement aux administrations centrales « classiques », ces agents sont statutairement qualifiés d’ « adjoints ». Cela leur ouvre droit à des indemnités supérieures.
    5. Les contraintes horaires et calendaires mentionnées plus haut.
    6. Il faut aimer Excel, les synthèses de « Jaunes » et les boucles de courriels.
    7. Et, plus spécifiquement, occuper un poste de sous-directeur, conformément au décret n° 2012-32 du 9 janvier 2012 relatif aux emplois de chef de service et de sous-directeur des administrations de l’Etat.
    8. Une réflexion annuelle similaire existe également dans l’autre grande direction financière de l’Etat : la direction de la sécurité sociale.
    9. Une nouvelle fois, bien que les cadres supérieurs ne représentent ici « que » 20 % des effectifs, la Cour sait leur prêter une oreille attentive.
    Un cadran et un tas de pièces : la DB en dix minutes
  • La création de la direction du Budget

    La création de la direction du Budget

    Temps de lecture : 9 minutes.

    La IIIe République est née des circonstances, dans un régime où le parlementarisme dispose de l’essentiel des prérogatives, mais demeure très fragmenté pour faire face à des enjeux considérables :

    • Deux guerres mondiales et
    • La plus grande crise économique de l’histoire contemporaine.

    Événements induisant, à intervalles réguliers, une forte instabilité gouvernementale.

    Dans cette période particulièrement troublée, la maitrise des enjeux budgétaires présente un caractère stratégique. Pour autant, en dépit de projets de réformes administratives esquissés avant la Grande Guerre, il faut attendre 1919 pour assister à la naissance de la direction du Budget.

    Celle-ci est donc pleinement la « fille de la Grande Guerre » selon l’expression de Florence Descamps.

    La création de la direction du Budget en 1919 : les objectifs et la méthode

    Le travail de deux hommes : Georges Clemenceau et Louis-Lucien Klotz

    Comme pour le ministère du Travail, le personnage clé est une nouvelle fois le président du Conseil Clemenceau. La mise en œuvre étant réalisée sous la supervision d’un ministre des Finances particulièrement important et connaisseur : Louis-Lucien Klotz.

    M. Lucien Klotz.

    Celui-ci a, en effet, été :

    • Deux fois ministre des Finances avant la guerre,
    • Rapporteur général du budget auprès de la chambre des députés,
    • Président la commission du budget et des dommages de guerre à compter de 1915,
    • Enfin, ministre des Finances en septembre 1917.

    Comme ministre des Finances, il est également entré dans l’histoire comme l’un des cinq signataires français du traité de Versailles, avec :

    • Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre ;
    • Stephen Pichon, ministre des Affaires étrangères ;
    • André Tardieu, ministre des Régions libérées et
    • Jules Cambon, ambassadeur de France1.

    Un travail mené en commissions parlementaires de 1917 à 1918

    La première commission parlementaire, à l’initiative de Louis-Lucien Klotz, est présidée par le sénateur Justin de Selves. Celle-ci travaille au contrôle de l’exécution budgétaire avec des experts en finances publiques comme le professeur de droit Gaston Jèze.

    La seconde est présidée par Louis Courtin2 et est consacrée à la réorganisation de l’administration centrale des finances. 

    Ces deux commissions proposent la création d’une direction du Budget indépendante et spécialisée afin de pouvoir piloter plus efficacement3 la dépense.

    Un pilotage déjà mis en œuvre au Royaume-Uni et une prise de conscience internationale de la nécessité d’un pilotage budgétaire

    Le Treasury britannique dispose déjà d’une ancienneté remarquable avec une centralisation des dépenses et un fort pouvoir budgétaire.

    Le système français entend donc réaliser une forme de rattrapage sur le modèle britannique.

    Ce rattrapage est toutefois relatif :

    • L’Allemagne présente une trajectoire semblable à la France avec la création en 1919 d’un ministère des Finances centralisé, le : Reichsministerium der Finanzen ;
    • De même, les États-Unis créent leur Bureau of the Budget via le Budget and account Act en 1921.

    De discussions relativement rapides4 aboutissant à la loi du 21 octobre 1919

    Le ministre Klotz dépose donc un projet de loi avec un article portant création d’un emploi supplémentaire de directeur (d’une manière similaire, encore une fois, à la création du ministère du Travail)5, mais la commission du budget repousse quatre fois le projet. En effet, le rapporteur à la chambre des députés, Albert Grodet, plaide pour des économies budgétaires et la suppression de postes de cadres6

    L’article du projet de loi est finalement voté le 17 octobre 1919 après un amendement du député Paul Laffont. Celui-ci propose un compromis par la création de deux directions « simples » en lieu et place de directions générales :

    « L’inspecteur général des finances, contrôleur des dépenses engagées au ministère des Finances, aura le grade de directeur à l’administration centrale de ce ministère. »

    La loi du 21 octobre 1919 portant ouverture et annulation de crédits sur l’exercice 1919 constitue l’une des dernières lois du gouvernement d’Union nationale de Clemenceau. Elle est publiée au Journal officiel le lendemain.

    Les élections législatives se tiennent moins d’un mois après la publication, le 16 novembre.

    L’organisation du nouveau ministère des Finances après la loi d’octobre 1919

    La publication rapide de deux décrets en novembre 1919

    Dans les jours qui suivirent le vote et la publication de la loi, le Gouvernement fait paraître deux décrets matérialisant cette transformation du ministère des Finances :

    • Le décret du 7 novembre 1919 modifiant le décret du 1ᵉʳ décembre 1900 concernant l’organisation centrale du ministère des Finances (publié au Journal officiel du 16 novembre 1919)7 et
    • Le décret du 15 novembre 1919 modifiant le nombre et les attributions des bureaux de l’administration centrale du ministère (également publié au journal officiel du 16 novembre).

    L’administration centrale est alors composée selon une structuration rappelant l’organisation actuelle, à l’exception des commis et expéditionnaires8 :

    • Directeurs,
    • Chefs de service,
    • Sous-directeurs,
    • Chefs de bureau,
    • Adjoint aux chefs de bureau,
    • Rédacteurs principaux9,
    • Rédacteurs ordinaires,
    • Commis principaux ou commis d’ordre et de comptabilité,
    • Expéditionnaires principaux et expéditionnaires.

    À ces agents administratifs s’ajoutent quelques traducteurs, des agents d’entretien, deux douzaines d’agents de service et de sécurité et près de 260 huissiers, gardiens de bureau, concierges, ordonnances ou assimilés.

    L’insertion de la direction du budget dans le ministère des Finances

    La création de la direction du Budget est réalisée à moyens constants, comme pour le ministère du Travail en 1907.

    Deux bureaux de la direction générale de la Comptabilité publique, déjà chargés avant 1914 d’établir le budget, sont désormais érigés en direction indépendante : soit une vingtaine d’agents.

    Le nouveau directeur est Georges Denoix10. Il restera en poste jusqu’à sa mort en 1925.

    Les missions de cette nouvelle direction du budget :

    Les missions de la nouvelle direction sont les suivantes : 

    1. La réalisation de tous les : « travaux liés à la présentation aux Chambres du Budget de l’État » ;
    2. « Le contrôle général de la marche des dépenses publiques de l’État »,
    3. « L’étude de tous les projets ayant une répercussion sur les finances de l’État », notamment les rémunérations, traitements et retraites des personnels civils et militaires11 ;
    4. Le contrôle des règles d’engagement des dépenses et de l’emploi des crédits.

    Une direction du budget qui demeure encore peu outillée et qui ne dispose pas de l’autorité suffisante pour faire voter le budget

    Les premières années sont difficiles pour la direction du Budget, car elle ne dispose d’aucun moyen de coercitions sur les ministères.

    Ce faisant, ses missions sont encore très teintées « comptabilités publiques ».

    Il faut encore attendre quelques années avant de permettre à la direction du budget de verrouiller les dépenses publiques, par la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées, dite « Marin ».

    Le vote de la loi « Marin »

    Le ministre des Finances Joseph Caillaux12, lui-même inspecteur général des finances, avait proposé plusieurs mesures en 1914, sans succès :

    • Le contrôle a priori de la direction chargée du Budget ;
    • Le visa sur toutes dépenses ministérielles ;
    • La création d’un corps de contrôleurs dédiés.

    C’est finalement à Charles de Lasteyrie, nouveau ministre des Finances (1922-1924) et également inspecteur général des finances, qu’il revient de réussir cette réforme avec le rapporteur général du budget de la Chambre… Louis Marin.

    M. Louis Marin.

    La loi du 14 août 192213 constitue une petite révolution dont les éléments perdureront jusque dans les années 2000 :

    • L’article 1er crée d’abord un corps de contrôleurs placé auprès de chaque ministère ;
    • L’article 3 précise que la comptabilité élaborée par ces contrôleurs est transmise mensuellement au ministre de l’Économie et des finances, et une fois par an aux chambres ;
    • L’article 4 formalise la procédure d’avis sur tous les projets de loi, décrets, arrêtés, contrats, mesures ou décisions ayant un effet budgétaire ;
    • Enfin, l’article 5. L’arme juridique tant attendue par les budgétaires français d’alors : le « verrou budgétaire ». Toute dépense est soumise au visa de ces contrôleurs :

    « Si les mesures proposées lui paraissent entachées d’irrégularité, le contrôleur refuse son visa. En cas de désaccord persistant, il en réfère au ministre de l’Économie et des Finances.

    « Il ne peut être passé outre au refus du visa du contrôleur que sur avis conforme du ministre de l’Économie et des Finances. Les ministres et administrateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l’encontre de cette disposition. »

    Pour matérialiser cette reprise en main budgétaire, le gouvernement Painlevé nomme, en 1925, un ministre exclusivement chargé des questions budgétaires : Georges Bonnet14.

    Parallèlement, un nouveau directeur du Budget est nommé, Pierre Fournier (1925-1929). Il s’agit (évidemment) d’un inspecteur général des finances, mais également de l’ancien directeur adjoint de Georges Denoix. Il devient le plus jeune directeur du Budget du XXe siècle (33 ans)15.

    La crise de 1929 et ses suites : la politique de déflation budgétaire

    Le début des années 30 est marqué par les difficultés financières, budgétaires, politiques et institutionnelles.

    Alors que la crise financière et budgétaire s’installe, la direction du budget se constitue en véritable outil de gestion et de pilotage des dépenses publiques.

    La politique du « rabot » fait ainsi son apparition avec les décrets-lois de 1934, rapidement suivis des décrets-lois de 1935 – dits « Laval-Régnier ». Par ailleurs, la direction du budget accentue son contrôle en matière de gestion des personnels civils et militaires16.

    Les directeurs à se suivre : Erik Haguenin, de 1932 à 1935 et Yves Bouthillier, de 1935 à 1936 incarnent cette politique de rigueur budgétaire jusqu’à l’arrivée de Léon Blum et du Front Populaire. 

    Mais, c’est une autre histoire…

    Pour aller plus loin :

    Voici trois articles de Florence Descamps dont on retrouvera ici des sources d’inspiration :

    1. Secrétaire général des affaires étrangères et frère de l’influent Paul Cambon, alors ambassadeur de la France au Royaume-Uni. Personnages que l’on peut notamment retrouver dans l’ouvrage Les somnambules de Christopher Clark.
    2. Polytechnicien, inspecteur des finances, puis président de chambre à la Cour des comptes de 1903 à 1924.
    3. Et parfois, plus simplement, connaître la dépense publique. Le manque de suivi budgétaire fut en effet l’une des grandes difficultés comptables de la Première guerre mondiale.
    4. Au regard des standards de la IIIe République.
    5. Les créations de postes sont aujourd’hui à la main de l’Exécutif et ne donnent plus lieu à discussion au Parlement. Il n’en était rien sous la IIIe République avec un Parlement empiétant très largement sur les prérogatives du Gouvernement s’agissant de l’organisation et de la gestion de la fonction publique.
    6. Sur les débats parlementaires et le « fonctionnariat », je ne peux que vous conseiller de suivre et lire les travaux d’Emilien Ruiz.
    7. Les dispositions du décret couvrent l’organisation de l’administration des finances, fixe les emplois, mais également les rémunérations. Un tel détail est symptomatique de la gestion parcellaire et protéiforme de l’administration sous la IIIe République. Le décret allant jusqu’à lister le nombre de sous-chef de bureau (88).
    8. Sauf à faire figurer ici les actuels secrétaires administratifs et adjoints administratifs.
    9. Le terme de « rédacteur » peut encore être utilisé dans quelques administrations centrales, mais il demeure rare. Il est désormais plus souvent question de « chargé de mission ».
    10. Il était auparavant directeur adjoint, chargé de la supervision des bureaux budgétaires.
    11. La direction du budget précède de quelques décennies la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans le pilotage de la politique salariale et, ce faisant, la politique de ressources humaines interministérielles de l’Etat – encore balbutiante.
    12. Évidemment connu comme le créateur de l’impôt sur le revenu français, mais également pour l’assassinat de Gaston Calmette, directeur du Figaro par sa femme, Henriette.
    13. Comme les très grandes lois de la IIIe République, elle est directement disponible sur Légifrance. Alléluia ! Mais pour ceux qui ne savent lire un texte de la IIIe que sur Gallica, voici le lien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64423339/f2.item
    14. Appelé à se compromettre ultérieurement avec le régime de Vichy.
    15. Celui-ci deviendra par la suite sous-gouverneur (1929), puis Gouverneur de la Banque de France (1937-1940), avant de devenir président de la SNCF à compter de 1940. C’est notamment lui qui sera chargé d’évacuer les 2 500 tonnes de la Banque de France du port de Brest en 1939. Rappelons que la France n’a pas fait défaut en 1940 et qu’elle disposera de ce stock à la Libération.
    16. Comme précisé plus haut, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) n’existe pas encore…
  • Les informaticiens des douanes et de l’inspection des finances publiques

    Les informaticiens des douanes et de l’inspection des finances publiques

    Temps de lecture : 5 minutes.

    La Cour des comptes a publié, en 2022, un rapport sur les systèmes d’information des impôts et des douanes : Rapport : Les systèmes d’information de la DGFiP et de la DGDDI.

    L’un des chapitres de ce rapport est consacré aux moyens humains consacrés aux systèmes d’information1.

    On y apprend tout d’abord que les effectifs de la DGFiP consacrés aux services informatiques ont fortement baissé (-13 % de 2013 à 2018), alors que ces effectifs sont restés stables à la DGDDI.

    Point de situation

    Situation de la direction générale des finances publiques (DGFiP)

    « En 2018, la DGFiP compte 4 786 agents affectés aux tâches informatiques pour une masse salariale de 361 millions d’euros. Ces agents représentent 26 % de l’ensemble des effectifs informatiques de l’État, hors ministère des Armées. La DGFiP constitue ainsi la direction d’administration centrale comptant le plus grand nombre d’informaticiens. 70 % d’entre eux sont affectés au sein du réseau territorial du SSI. Près d’un quart travaillent au sein du SSI en administration centrale (24 %), les autres (6 %) relevant du service à compétence nationale Cap Numérique. »

    « Les suppressions d’emplois sur la période ont prioritairement porté sur les catégories C et en particulier sur les métiers de moniteur, agent de traitement et dactylocodeur du fait de l’automatisation de processus. »

    Par ailleurs, cet effectif est de plus en plus âgé et masculin. La part des agents de plus de 60 ans est ainsi passée de 9 à 12 % sur la période, soit un niveau supérieur à celui de la DGFiP dans son ensemble. Or, la DGFiP présente déjà la moyenne d’âge la plus élevée parmi l’ensemble des administrations centrales.

    Situation de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI)

    « En 2018, la DGDDI compte 611 agents informatiques, dont 35 contractuels, représentant une masse salariale de 44 millions d’euros. Entre 2013 et 2018, le nombre d’agents SI a été stable, à l’instar des effectifs globaux de la Douane. »

    Parmi les agents des douanes : 60 agents sont en administration centrale, 154 en réseau territorial et le reste dans deux services à compétence nationale :

    • 182 agents au sein du centre informatique douanier et
    • 215 agents à l’intérieur de la Direction nationale des statistiques et du commerce extérieur.

    35 % des agents du réseau territorial et des services à compétence nationale sont toutefois consacrés à des missions d’assistance, auprès des usagers (qu’ils soient internes ou externes).

    De très grosses difficultés de recrutement

    Beaucoup de postes non pourvus

    Près de 35 % des postes de programmeurs ouverts durant les trois dernières années n’ont pas été pourvus à la DGFiP. 80% dans les services des douanes pour les postes d’informaticiens de catégorie A et B ouverts en 2018. Ce qui pose, à l’évidence, la question de l’attractivité de l’Etat dans un contexte de forte concurrence du secteur privé.

    Par ailleurs, des postes de cadres informaticiens sont vacants sur des longues périodes. Plus de deux ans pour certains postes de chef de pôle, à la DGDDI.

    La DGAFP et l’ex-DINSIC ont finalisé en 2019 un plan d’attractivité à cette fin.

    « Il convient également de relever que le décret instituant une prime spécifique aux fonctionnaires de l’État et des établissements publics affectés au traitement de l’information n’a pas été revu depuis 1971. Ainsi, la liste limitative des postes ouvrant droit à cette prime n’a pas été actualisée pour prendre en compte les nouveaux métiers créés dans ce domaine comme les data scientists. »

    Un recours très faible aux contractuels

    En 2018, la DGFiP comptait seulement 111 agents contractuels et la DGDDI 31 agents, soit respectivement 2,3 % et 5 % de leurs personnels informatiques.

    Ces flux de recrutement n’ont pas augmenté sur la période2.

    « Les deux directions expliquent que les recrutements de contractuels sont difficiles, notamment, pour les métiers où les compétences sont rares (architecte, data miners) car les salaires proposés ne sont pas compétitifs. L’évolution de carrière lente et parfois limitée constitue un obstacle supplémentaire à la DGDDI. D’autres structures du MEF, telles que Tracfin ou l’AIFE, ne sont pas confrontées à d’aussi grandes difficultés. »

    Le fait que les emplois proposés soient en CDI3 n’y change rien.

    L’une des réponses est la création d’un corps interministériel

    En effet, en mai 2015, le ministère de l’Intérieur a profondément transformé le corps des ingénieurs des systèmes d’information et de communication (ISIC)4

    Les ingénieurs des systèmes d’information et de communication exercent des fonctions de conception, de mise en œuvre, d’expertise, de conseil ou de contrôle en matière de systèmes d’information et de communication. À ce titre, ils peuvent exercer des fonctions d’encadrement. Ils sont recrutés et nommés par le ministre de l’Intérieur.

    Les difficultés auxquelles sont confrontées la DGDDI et la DGFiP

    « Le calendrier actuel des concours constitue un frein au recrutement, notamment pour les postes de programmeurs de catégorie B à la DGFiP dont le nombre de postes non pourvus est le plus important. En effet, sur un marché en tension, les diplômés en juin de l’année N, ne peuvent passer le concours qu’en mars N+1, le résultat de l’admission est connu en juin N+1 et ils commencent à être rémunérés en septembre N+1. Il s’écoule donc plus d’un an entre l’obtention de leur diplôme et leur premier traitement versé par l’administration. »

    La Cour préconise de réserver l’examen de la condition de diplôme lors de la constitution du dossier administratif avant le recrutement effectif.

    Par ailleurs, à la Douane, les mobilités sont réalisées non pas en fonction des compétences, mais des « points » acquis par les agents – dans un système analogue à celui de l’Education nationale. Or, les services informatiques sont situés à Osny, dans le Val-d’Oise et surtout à Toulouse. Cette dernière ville est attractive, mais elle n’est accessible qu’aux agents les plus anciens, sans égard pour leurs qualifications.

    1. « Ensemble organisé de ressources permettant de collecter, regrouper, classifier, traiter et diffuser de l’information dans un environnement donné. » Définition récupérée sur le site wiki territorial.cnfpt
    2. Il serait toutefois intéressant de mesurer l’évolution depuis la loi pour la transformation de la fonction publique de 2019.
    3. Depuis la publication de la circulaire relative à la GRH dans le numérique du 21 mars 2017.
    4. Décret n° 2015-576 du 27 mai 2015 portant statut particulier du corps des ingénieurs des systèmes d’information et de communication.

  • Un sociologue chez les fonctionnaires

    Un sociologue chez les fonctionnaires

    Temps de lecture : 7 minutes.

    Jean-Michel Eymeri est l’auteur de nombreux ouvrages, en particulier sur la haute fonction publique et la scolarité à l’Ecole nationale d’administration (« ENA »), désormais remplacée par l’Institut national du service public (dit, « INSP »).

    Retour sur des éléments d’une conférence intitulée « Les gardiens de l’Etat. Une sociologie des énarques de ministère », tirée de l’ouvrage (pages 161-164) Science politique et interdisciplinarité sous la direction de Lucien Sfez et disponible à cet emplacement : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.80412.

    L’auteur évoque d’abord ses « trouvailles »

    La très forte hiérarchie entre le concours « externe » et les concours « interne » et le « troisième concours »

    « Lorsque l’on travaille à l’ENA, on découvre qu’il n’existe nulle part dans cette maison une liste des élèves et anciens élèves ventilée par origine de concours. Tout le monde la connaît bien sûr pour les deux promotions en cours de scolarité, mais ensuite la mémoire en est comme par hasard perdue. Du coup, il est impossible d’établir le tableau statistique si simple consistant à mettre en rapport l’origine de concours d’entrée et le corps de sortie. Il m’a fallu un mois et demi de travail d’archives et d’inavouables complicités pour constituer cette liste des 5 106 élèves sortis de l’ENA depuis 1945 répartis par origine de concours. Et c’est alors que l’on peut construire la statistique que personne ne voulait voir un enquiquineur de jeune doctorant construire : sur cinquante ans, parmi les énarques sortis à l’IGF, on ne dénombre que 8,6 % d’internes ; à la Cour des comptes 14,9 % ; dans la diplomatie 24 % ; à l’IGAS 41 % ; dans le corps des administrateurs civils 44,3 % ; parmi les conseillers de tribunaux administratifs 62 %, et ceux des Chambres régionales des comptes 79 %. C’est précisément la hiérarchie de prestige des corps et l’ordre dans lequel ils sont choisis en fonction du rang de sortie. Le constat se passe de commentaire. »

    Le système du classement de sortie de l’ENA.

    L’auteur qualifie ce classement d’ « énorme mécanique », avec dix-sept épreuves aux notes et aux coefficients différents représentant (alors) un total théoriquement atteignable de 1 000 points.

    Or, l’auteur constate en premier lieu une forte homogénéité dans les notations des épreuves écrites sur la centaine d’élèves d’une promotion. Selon lui, soixante-dix élèves se tiennent au final à un ou deux points les uns des autres ; il dénombre même une quarantaine d’ex-aequo. « Ramené à une moyenne générale sur 20 cela représente 0,02 point d’écart entre les gens, ce qui n’a proprement aucun sens. »

    Deux notes vont finalement se révéler véritablement discriminantes :

    • D’une part la note de stages, qui représente 20 % du total de points et qui est évidemment tout sauf une épreuve anonyme : « Avoir 9/10 ou 8/10 en stages représente un différentiel de 20 points au classement final c’est-à-dire seize à vingt places, ce qui est décisif. » ;
    • L’autre note où l’éventail est très ouvert, parce que les niveaux sont très disparates, est l’oral de langues vivantes, où un point sur 10 en représente 7 au classement final. L’auteur y décèle l’une des sources les plus évidentes d’inégalités en raison de l’origine sociale.

    La spécificité du corps des administrateurs civils

    Pour l’auteur, les administrateurs civils (désormais « administrateurs de l’Etat ») sont un corps en termes juridiques mais ils ne constituent pas un ensemble qui fait corps au sens sociologique :

    • Ni sentiment subjectif d’appartenance (solidarité ou « esprit de corps ») ;
    • Ni homologie des conditions matérielles d’existence ;
    • Ni représentants ou chefs de corps qui le feraient exister en le représentant ;
    • Ni action collective.

    Voilà un corps qui ne fait pas corps.

    Sur le quotidien du travail en administration centrale

    L’auteur est tout d’abord frappé par le fait que l’expertise se trouve à la base et que l’échelon de chef de bureau est bien souvent le dernier où l’on travaille encore sur le fond des dossiers. Au-dessus, du sous-directeur jusqu’au cabinet, les acteurs se situent dans le « méta », la coordination, l’animation, le commentaire, la négociation, l’arbitrage, le marketing pour vendre telle idée aux partenaires extérieurs et au ministre, etc., en un mot dans l’intermédiation généraliste.

    Un autre point-clé, ignoré de l’extérieur, est le petit nombre de hauts fonctionnaires en charge de secteurs économiques ou juridiques aux enjeux pourtant considérables : « Bien souvent, une sous-direction, c’est-à-dire quatre à six énarques, plus le double ou le triple de cadre A, gèrent un secteur économique entier. Par exemple, l’interface au sein de l’État de tout l’univers des assurances est assumé par une sous-direction au Trésor. Quant au secteur autoroutier, c’est un bureau à la Direction des routes à l’Équipement. »

    Le phénomène est identique aux Affaires sociales, il suffit de se munir d’un organigramme et d’identifier qui est en charge de la Caisse nationale des allocations familiales, du financement de l’autonomie des personnes âgées, de l’indemnisation des chômeurs… « C’est là un phénomène saisissant quand on devient un familier de la machine étatique. »

    On est aussi frappé par les graves carences de la mémoire administrative : « L’État, cette institution en charge de la continuité historique, a très mauvaise mémoire. Le turn over trop rapide des énarques sur les postes (trois à quatre ans en moyenne) y est pour beaucoup, à la différence des hauts fonctionnaires allemands qui restent dix à quinze ans dans le même poste. Du coup, les énarques passent leur temps à refaire des notes rédigées par leurs prédécesseurs, à réinventer des solutions homologues à des problèmes similaires voire, ce qui n’est pas rare, des solutions identiques aux mêmes problèmes : cette dialectique du même et de l’autre est particulièrement intéressante. Ce que l’on appelle la « continuité de l’État » semble ainsi résider moins qu’on l’imagine dans une mémoire conservée que dans la continuité des enjeux à traiter et dans la continuité interpersonnelle des schèmes incorporés que les hommes de l’État appliquent à ces enjeux. »

    L’auteur observe également le rôle spécifique des hauts fonctionnaires dans le travail d’administration centrale, à savoir celui de traducteur :

    « Le rôle collectif des énarques des services consiste à mettre en forme les enjeux et les solutions techniques dans des catégories suffisamment générales, simples et politiques pour être compréhensibles par le ministre et son cabinet, et au-delà les journalistes et autres faiseurs d’opinion. En sens inverse, ils traduisent en mesures et en dispositifs concrets les discours et les orientations générales du politique. Montée en généralité et simplification dans un sens, redescente en technicité et en complexité de l’autre : ceux que l’on désigne à tort d’un mot piégé, « technocrates », sont en fait des techniciens généralistes de la mise en forme et de l’ajustement. Un directeur de ministère m’a dit une fois qu’il avait une « fonction de traducteur simultané ». En fait, la formule s’applique à l’ensemble de l’encadrement énarchique des administrations centrales : leur rôle collectif est d’assurer une permanente opération de traduction, d’intermédiation symbolique et pratique, de décodage-encodage du réel à double sens. Ils font passer des objets et des enjeux d’un code à l’autre, d’un registre à un autre. Ce sont des médiateurs entre le politique et le technique, qui ne sont eux-mêmes ni techniciens ni politiciens, mais participent assez des deux sphères pour en maîtriser les logiques et en parler les langages. Ce sont des traducteurs multi-registres, des généralistes médiateurs. »

    La posture du haut fonctionnaire en administration centrale : neutralité et loyauté au service d’une nouvelle forme d’engagement ?

    L’auteur constate également une redéfinition du caractère concret de la loyauté des administrateurs envers le politique. « En résumé, du modèle classiquement weberien de la loyauté comme neutralité, on est en pratique passé à une définition de la loyauté comme devoir d’engagement. »

    Cet engagement implique que le haut-fonctionnaire ne se limite pas à proposer des solutions au cabinet du ministre, il émet des préconisations et il essaie de démontrer en quoi celles-ci permettraient de concrétiser un souhait ou une ambition gouvernementale.

    A contrario, « dans une machine bureaucratique qui fonctionne au blocage et à la non-décision, si les intéressés ne s’investissent pas dans les dossiers dont ils ont la charge au point d’en faire une affaire personnelle, les dossiers « s’encarafent » et n’aboutissent pas. »

    L’existence d’une culture de l’Etat ?

    Pour l’auteur, il existe, malgré toutes les divergences ministérielles et les « cultures locales » (au sein même des ministères d’ailleurs), « certains ferments culturels d’une homogénéisation partielle (j’insiste sur « partielle ») de l’ensemble étatique. Il y a bien une culture de l’État avec un grand E dont les énarques de ministère, ces administrateurs de l’État, sont les porteurs privilégiés car elle épouse leur culture d’état : la culture de l’institution-État existe en eux sous la forme incorporée d’une culture professionnelle. »

  • La naissance de l’administration centrale moderne sous l’Ancien régime

    La naissance de l’administration centrale moderne sous l’Ancien régime

    Temps de lecture : 8 minutes.

    Éléments glânés à la lecture de l’ouvrage Histoire de l’administration de Yves Thomas.

    Pour retrouver l’image ci-dessus, rendez-vous sur Gallica : Le Roy dans son Conseil

    Au sommet : Les maîtres des requêtes

    L’administration va grossir par son sommet, avec l’apparition des « maîtres des requêtes ». On en compte environ quatre-vingt sous le règne de Louis XIV.

    Il s’agit de juristes chargés d’étudier les dossiers présentés au Roi et d’en faire rapport.

    Pour être maître des requêtes, il faut en principe être âgé de plus de trente ans et avoir été en fonction pendant au moins six ans dans une Cour supérieure. Le prix de la charge est évidemment très élevé, d’autant que cet office est anoblissant — toutefois, l’essentiel des maitres de requête sont déjà d’origine noble (le plus souvent d’extraction ancienne). Par ailleurs, la majorité d’entre eux sont parisiens, mais pas tous :

    M. De Lareyne. Source : bnl-bfm.limoges.fr Bibliothèque francophone multimédia de Limoges.

    Parmi ces maîtres des requêtes seront recrutés les plus hauts fonctionnaires du Royaume : les conseillers d’État (une trentaine environ), mais également les intendants de province.

    Il existe aussi des administrateurs plus spécialisés comme les intendants des Finances au Conseil royal des finances, mais leur rôle est plus circonscrit (tout en demeurant évidemment important).

    Les officiers du Royaume

    Sous l’Ancien Régime, la plupart des agents de la monarchie sont des officiers royaux. On distingue ici deux grands groupes :

    1. Les officiers de justice, qui assurent une fonction juridictionnelle, mais qui peuvent également remplir à titre accessoire des fonctions administratives ;
    2. Les officiers des finances (bientôt supplantés par les intendants des finances) qui ont la charge de la gestion des impôts directs — les impôts indirects étant perçus par une institution spécifique, la « Ferme générale ».

    L’officier est nommé par le Roi par des lettres de provision renvoyant au statut de l’office, celui-ci étant établi par la loi royale ou la coutume. Cet office donne droit à rémunération, gages et souvent privilèges (exemption fiscale).

    L’office est une charge patrimoniale, à la fois vénale et héréditaire.

    L’hérédité de l’office a été institutée sous Henri IV et est acquise par le versement d’une taxe annuelle, dénommée « Paulette » du nom du financier Paulet qui l’inventa.

    Les officiers sont censés avoir une reçu une formation juridique en faculté de droit. Ils semblent avoir en pratique et en moyenne une certaine compétence technique.

    Le problème majeur de l’officier est son indépendance du Roi, qui empêche la prise de mesure disciplinaire et implique un très faible suivi des missions par le Roi.

    Édit de 1705, portant création d’offices. Source : gallica.bnf.fr / BnF.

    L’apparition des commissaires

    Pour s’assurer du contrôle des fonctions jugées les plus importantes, la pratique du commissionnement se développe. Cette pratique, née au XIVe siècle, va bientôt concerner tous les grands postes de l’Etat : contrôleur général des finances, secrétaires d’Etat, conseillers d’Etat, premiers présidents des cours souveraines, ambassadeurs, lieutenant général de police de Paris et intendants de province.

    Le commissaire est nommé par le Roi pour une mission en principe temporaire, spécifiée dans la lettre de commission. Cette charge est toujours révocable.

    Le commissaire, qui exerce des fonctions supérieures, est le plus souvent choisi parmi les officiers royaux.

    Le Conseil d’En-Haut

    Ce Conseil comprend les plus hauts dignitaires du régime :

    • Le chancelier, qui demeure un officier inamovible et dont l’origine de la fonction est la plus ancienne, chargé d’assurer la Justice. En cas de conflit, le Roi peut lui adjoindre un Garde des sceaux, évidemment commissionné, pour exercer les fonctions législatives ;
    • Les secrétaires d’Etat, au nombre de quatre, qui acquièrent sous Louis XIV une véritable stature de « ministre ». Initialement responsables d’affaires « départies » par division géographique : chacun étant responsables des affaires relevant de certaines provinces et pays étrangers (d’où l’expression de « département ministériel »), auxquelles se sont surajoutées ensuite une répartition par matières : affaires étrangères, Maison du Roi, Guerre et Marine. Ce double portefeuille (matériel et géographique) explique l’absence de ministre de l’Intérieur jusqu’à la Révolution ;
    • Le contrôleur général, créé en 1665 et attribué à Colbert, marque l’avènement de ce que certains ont qualifié de « monarchie administrative ».

    Pour traiter leurs dossiers, les ministres se sont adjoints peu à peu des « bureaux », dans lesquels apparait une nouvelle catégorie d’agents de l’Etat : les « commis ». Nous avons là les ancêtres directs des agents publics contemporains des administrations centrales.

    En 1775, le Contrôleur général compte plus de 150 commis dans les services ministériels. Ceux-ci sont recruté et révoqué par le ministre, ils dépendent entièrement de lui qui les rémunère comme il l’entend, au moyen d’une dotation que lui alloue le Roi.

    Ces employés sont répartis dans des bâtiments parisiens et dans une aile de Versailles.

    Peu à peu, les fonctions s’affinent et se spécialisent : est ainsi créé en 1716 le corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées chargé de la construction du grand réseau de routes royales. Ces derniers sont recrutés à partir de 1747 par l’Ecole des Ponts et Chaussées, sur concours, puis commissionnés par le Roi.

    Cette école servira de prototypes aux corps d’ingénieurs suivants et constitue certainement l’élément le plus novateur dans la création d’une fonction publique professionnelle sous l’Ancien Régime.

    Les intendants des province

    La fonction d’intendant nait plus tardivement, au XVIe siècle. Il s’agit alors d’envoyer en « tournées » dans les provinces les maitres des requêtes afin de surveiller les autorités locales et en particulier les officiers.

    Leur installation défintive dans les provinces est réalisée par Louis XIV. La Bretagne est la dernière pourvue, en 1689.

    Censé impulser une forme de centralisation, leur action demeure toutefois un exercice enraciné dans les territoires. Certains intendants restent par exemple en fonction vingt ou trente ans dans leur province, avec l’obtention dans certains cas d’une transmission au fils par lettre de survivance royale.

    A la fin de l’Ancien régime, on compte environ trente-trois intendances, aux frontières très irrégulières. Ces derniers peuvent par ailleurs disposer de subdélégués, appelés à devenir les futurs sous-préfets du régime républicain.

    Peu à peu, les intendants gagnent en prérogative suivant le principe selon lequel il a seul compétence pour mettre en œuvre les nouvelles politiques royales en matière de travaux publics, d’urbanisme ou encore d’assistance qualifiées d’ « extraordinaires ».

    M. De Meilhan, intendant du Hainault. Source : gallica.bnf.fr / BnF.

    En 1641, un édit établit une distinction fondamentale entre le contentieux des affaires privées et celui des affaires publiques, interdisant au Parlement de Paris de prendre connaissance de toutes affaires : « qui peut concerner l’Etat, administration et gouvernement d’icelui que nous réservons à notre personne seule. »

    L’intendant se voit ainsi dévolu des fonctions juridictionnelles en matière administrative, l’appel étant porté devant le Conseil du Roi.

    Peu à peu, les officiers locaux perdent également des prérogatives historiques. En 1683, Louis XIV impose un système de tutelle financière des intendants sur les décisions prises par les villes. En 1704, les magistratures urbaines perdent leur caractère héréditaire.

    Seuls la Bretagne et le Languedoc demeurent administrativement autonomes, avec notamment le privilège de lever l’impôt provincial.

    A la veille de la Révolution, la monarchie a finalement jeté les bases de l’administration moderne :

    • Une structure ministérielle,
    • Une bureaucratie professionnelle et hiérarchisée,
    • Un traitement juridique ad hoc des contentieux administratifs (le dualisme juridictionnel),
    • Mais aussi selon l’auteur, Yves Thomas, une : « attitude de distance hautaine à l’égard des administrés. »

    Un mouvement de recul est toutefois à l’œuvre à la fin de l’Ancien Régime, marqué par une volonté de renouer avec les Etats provinciaux autonomes, en opposition à l’absolutisme centralisateur monarchique. Sont ainsi évoqués en 1788 la constitution d’assemblées municipales, de district et provinciales, afin de renouer avec une forme de décentralisation du pouvoir. Il est évidemment trop tard.

    La Révolution

    L’abolition des privilèges dans la nuit du 4 août condamne la structure administrative monarchique.

    Les offices sont supprimés et leurs titulaires indemnisés (en assignats…), le Conseil du Roi est remplacé par le Conseil d’Etat, la Chancellerie devient le ministère de la Justice, les secrétariats d’Etat voient leurs portefeuilles préservés et sont requalifiés en ministres des affaires étrangères, de la guerre et de la marine.

    Seul le Contrôleur général est véritablement démantelé, symbolisant le « despotisme ministériel » d’un système monarchique défaillant. Une partie de ses attributions est confiée à un ministère des Contributions publiques, tandis que ses compétences de police sont rapprochées de celles dévolues à la Maison du Roi pour former le nouveau ministère de l’Intérieur. Enfin, est créé un service administratif, la Trésorerie nationale, chargée de procéder au paiement des dépenses de l’Etat.

    Par ailleurs, les administrations centrales et les corps techniques demeurent.

    Le nouveau régime souffre toutefois d’un déséquilibre : l’Assemblée ayant un pouvoir législatif sans borne, elle prive l’Exécutif de toute capacité d’instruction générale, bornant les ministres à la prise de décisions individuelles. Bientôt, par la création de comités, l’Assemblée elle-même interviendra dans le fonctionnement quotidien des ministères jusqu’à régenter directement l’administration à compter de 1792, et plus encore en 1793 avec le Comité de Salut public dirigé par Robespierre.

    Comité central du salut public. Source : gallica.bnf.fr / BnF.

    Du point de vue local, dès 1789 sont instituées les communes (loi d’organisation municipale du 14 décembre 1789), qui regroupent 44 000 collectivités, avec l’imposition d’un modèle unique d’organisation. A ces communes se superposent des départements, créés par la loi du 22 décembre 1789.

    Ces derniers, au nom du principe d’unité nationale, ne sont pas des collectivités territoriales autonomes dotées de la personnalité morale, mais de simples circonscriptions administratives avec une fonction purement exécutives. Le découpage est effectué en tenant compte des provinces, les plus grandes étant divisées en plusieurs département (la Bretagne en cinq, par exemple), tandis que certains départements correspondent à une province, comme la Dordogne. En revanche, toute référence au passé est exclu dans la dénomination des départements qui emprunte exclusivement à la géographie.

    Les trois niveaux d’administration : département, district et commune sont liés entre eux par une tutelle hiérarchique, qui se révèle rapidement assez formelle et peu opérationnelle.

    Enfin, le nouveau régime républicain innove également dans sa sémantique. En 1790, apparait ainsi le terme « fonctionnaire » comme désignant l’agent de l’Etat détenteur d’une portion de la puissance. A celui-ci s’adjoint un « employé », simple exécutant, surtout présent en administration centrale et successeur direct des « commis ».

    Toutefois, la différence fondamentale tient au statut de l’« employé ». Celui-ci dispose en effet, de par la loi, d’un système de rémunération et d’un régime de retraite tenant à matérialiser le lien entre l’Etat et ses agents. L’employé est transformé en véritable « agent public » dans son acception moderne, il n’appartient plus au ministre, mais à l’Etat.

    Pour autant, l’essentiel des commis de l’Ancien Régime vont rester en place, à l’exception des nobles exerçant les fonctions dirigeantes. Le nombre d’agents publics se stabilise bientôt autour de six cents.

  • Où vont les nouveaux hauts fonctionnaires ?

    Où vont les nouveaux hauts fonctionnaires ?

    Temps de lecture : 1 minute.

    Un arrêté a été publié récemment portant publication de la répartition des postes des élèves de l’Institut national du service public (INSP) par administration : Arrêté du 13 avril 2024 portant répartition des emplois offerts aux élèves de l’Institut national du service public achevant leur scolarité en octobre 2024 – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

    Outre les quelques postes en juridictions, on note l’évidente prépondérance des ministères économiques et financiers, mais également (et plus généralement) la forte concentration des recrutements.

    En effet, trois ministères portent plus de la moitié des affectations :

    Emplois offerts aux élèves de l’Institut national du service public achevant leur scolarité en octobre 2024 POSTES PART (%)
    Magistrats 12 12%
    Conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel 8 8%
    Conseillers de chambres régionales des comptes 4 4%
    Administrateurs de l’Etat 83 85%
    Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique 28 29%
    Ministère de l’intérieur et des outre-mer 11 11%
    Ministère du travail, de la santé et des solidarités  15 15%
    Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse,
    Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
    3 3%
    Ministère de la culture  2 2%
    Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire  2 2%
    Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires  5 5%
    Ministère des armées  5 5%
    Ministère de la justice  4 4%
    Ministère de l’Europe et des affaires étrangères  6 6%
    Ministère de la transformation et de la fonction publiques 1 1%
    Caisse des dépôts et consignations 1 1%
    Administrateurs de la Ville de Paris 3 3%
    TOTAL 98 100%
  • Mobilité interne, comment réussir ?

    Mobilité interne, comment réussir ?

    Quelques éléments grappillés dans l’ouvrage éponyme de M. Pierre Bultel

    Temps de lecture : 3 minutes.

    Du côté de la personne promue

    La réflexion

    La première question à se poser est de savoir ce qui, professionnellement, compte le plus pour vous : la production, le fait d’obtenir par vous-même un résultat ; ou l’organisation, le fait de mettre en place ce qui permet de produire ?

    Beaucoup de managers le sont par défaut, parce que « je ne pouvais pas dire non ». Or, jouer d’un instrument ou être chef d’orchestre n’ont rien à voir l’un avec l’autre.

    Regarder votre caractère, vos loisirs, votre façon d’être avec les autres. Êtes vous plutôt un expert ou un animateur ?

    La deuxième question : êtes vous en phase avec la personne qui vous recrute ? Ce sont ici les valeurs qui entrent en jeu :

    ⁃ Est-ce que vous comprenez ses décisions ?

    ⁃ Auriez-vous pris les mêmes ?

    ⁃ Vous reconnaissez vous dans son discours sur le travail ?

    ⁃ Considérez vous ses rapports avec les autres collègues comme conformes à ce que vous feriez à sa place ?

    ⁃ Approuvez vous ses relations avec les partenaires et les clients ?

    Quelle est votre légitimité ? Vos expériences passées ou votre emploi actuel ?

    Une expérience technique peut vous aider à comprendre les sujets et déverrouiller certaines situations, toutefois elles ne vous permettront pas d’animer l’équipe, de gérer les conflits et les recrutements.

    Quelles compétences dois-je acquérir ?

    Il faut ici dresser la liste sans tabou, en les classant par ordre d’importance.

    Les connaissances générales sur le secteur, mais également les connaissances liées aux fonctions managériales.

    Il convient également de dresser la situation afin de comprendre davantage les tenants de votre éventuelle candidature :

    ⁃ Le contexte d’ouverture du poste ;

    ⁃ L’intérêt / les raisons du supérieur à me recruter ;

    ⁃ L’accompagnement à la prise de fonction ;

    ⁃ Le positionnement du poste dans l’organisation ;

    ⁃ L’intérêt personnel que j’aurai à occuper ce poste ;

    ⁃ Les risques ;

    ⁃ Les évolutions possibles à l’issu de l’occupation de ce poste ;

    ⁃ Ce poste répond il à mes objectifs à long terme ?

    ⁃ L’impact de ce poste sur mon environnement personnel et familial, l’implication intellectuelle, le rythme de vie ;

    ⁃ Aurais-je été réceptif à une proposition similaire dans une autre organisation ?

    En synthèse, vous pouvez établir un tableau trois colonnes comme suit :

    1. Les raisons favorables ;
    2. Les réticences ;
    3. Les zones d’ombre, à éclaircir avec le recruteur.

    La construction de la relation avec son supérieur

    La qualité de nos résultats et de notre bien-être au travail sont assez directement proportionnel à l’intérêt et au respect que nous portons à notre hiérarchie.

    Ne vous laissez pas enfermer dans des suppositions et clarifier la situation avant de vous avancer :

    ⁃ Sur quels critères allez-vous être évalué ?

    ⁃ Quelles sont les attentes horaires ?

    ⁃ Quelles seront les marges de manœuvre ? En matière budgétaire, RH, de dossiers… ?

    ⁃ Quelle articulation ? Qui décide sur quel sujet ? Comment on se tient informé de l’ensemble des sujets du bureau ?

    Identifiez ensuite les informations à faire remonter :

    ⁃ Au titre d’un tableau de bord (à remplir ou à constituer),

    ⁃ Au titre des problèmes rencontrés : anticipés et traités ou qui n’ont pu être traités,

    ⁃ Les notes d’ambiance.

    Le travail avec l’équipe

    Dans le cas où vous prenez une fonction hiérarchique auprès d’anciens collègues, il y a nécessairement des histoires différentes. Il ne faut pas hésiter en parler avec chacun des individus concernés et mettre les choses à plat.

    Il s’agira ensuite d’être homogène dans ses relations, s’il y a un tutoiement avec un collègue, il doit devenir la norme pour tous, etc.

    La première étape consiste ensuite à réfléchir sur les atouts de l’équipe (raisonner en termes d’atout est plus productif que l’inverse) :

    ⁃ Les réactions passées lors de situations difficiles ;

    ⁃ La cohésion lors des pics d’activité ;

    ⁃ Le mode de relation entre les membres de l’équipe ;

    ⁃ Les retours positifs sur l’équipe.

    Une fois ces éléments positifs dressés, vient le moment d’esquisser les marges de progrès : en ciblant uniquement celles en notre pouvoir et en indiquant le niveau de probabilité de la réussite et une échéance calendaire.

    Une fois ce bilan esquissé, il convient de s’attaquer au groupe, le mieux étant de rencontrer chacun des agents.

    Dans l’hypothèse où l’un d’eux a brigué votre poste, ne vous excusez pas, mais écoutez activement et manifestez au besoin de l’empathie. Pas besoin d’en faire ou d’en dire beaucoup : vous n’étiez pas le décideur.

    Faire des bilans avec l’équipe

    Dès que possible, célébrer un pallier : une réussite, une durée…

    Toutefois, dans vos rapports avec l’équipe, veillez à éviter certains pièges :

    Le changement radical : votre nouvelle fonction n’implique pas que vous devez changer de façon d’être, en particulier avec vos collègues. Instaurez une continuité, soyez lisible ;

    ⁃ A l’inverse, vous ne pouvez pas croire que votre nouvelle fonction ne changera rien, votre nouveau positionnement induira nécessairement un peu de distance avec vos anciens collègues ;

    Refuser le changement et se focaliser sur les pratiques antérieures ;

    Critiquer le prédécesseur (évidemment) ;

    ⁃ Ne pas oser poser de questions.

    Enfin, il est toujours utile de clore votre période de découverte par un rapport d’étonnement avec : les surprises, une proposition de plan d’action et une évaluation des moyens nécessaires à l’optimisation du service.

  • Qui travaille au… ministère du travail ?

    Qui travaille au… ministère du travail ?

    Temps de lecture : 15 minutes.

    Observations définitives de la Cour des comptes sur les exercices 2015 à 2022

    Le lien vers le rapport : Documents | Cour des comptes (ccomptes.fr)

    Les observations de la Cour portent sur trois points principaux :

    1. La performance du service de ressources humaines (RH), qui demeure à améliorer;
    2. La baisse des effectifs du ministère, dont l’impact est difficile à évaluer;
    3. L’analyse des initiatives prises par le ministère pour développer l’attractivité.

    D’abord, quel est le périmètre couvert ?

    Le programme 155 relatif à la conception, la gestion et l’évaluation des politiques de l’emploi et du travail porte sur les effectifs du ministère. A savoir, 8 360 équivalents temps plein (ETP) répartis entre directions d’administration centrale :

    • La direction générale du travail (DGT),
    • La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP),
    • La direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES),
    • Une partie des agents du secrétariat général aux affaires sociales (et des agents des cabinets ministériels) et
    • Les services déconcentrés : avec les DEETS (direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) et les DREETS (échelon régional des DEETS).

    La gestion RH elle-même est partagée entre un cœur centralisé à la DRH des ministères sociaux et un réseau de correspondants de proximité dans les directions et services déconcentrés.

    Un ministère touché par d’importantes baisses d’effectifs dans ses services déconcentrés :

    « Les effectifs du ministère chargé du travail ont diminué de 15 % depuis 2015 pour atteindre 8 360 ETPT en 2021. Cette baisse est liée non seulement à des suppressions d’emplois mais aussi au transfert de 603 ETPT en 2021 au ministère de l’intérieur dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État. Hors transferts, la diminution des emplois est de 9% sur la période, ce qui reste significatif. Les réductions d’effectifs ont été en totalité portées par les services déconcentrés : l’effectif du niveau central a même augmenté de 6 % sur la période 2015-2021. »

    Toutefois, les services déconcentrés continuent de demeurer les principaux employeurs avec 85% des agents contre 15% pour l’administration centrale.

    L’inspection du travail représente 42% des effectifs du ministère.

    Parallèlement, la structure des emplois est bouleversée avec une augmentation de la part des catégorie A de 36% à 58% entre 2015 et 2021, principalement du fait de la mise en extinction du corps des contrôleurs du travail. Ceci explique que la masse salariale a moins baissé que les effectifs (respectivement 8% et 15%). Elle représentait 567 M€ en 2021, soit 3% des crédits du ministère du travail et de l’emploi sur l’exercice.

    1-S’agissant de la performance du service RH

    La Cour rappelle l’origine de l’actuelle DRH, issue de la fusion en 2013, dans le cadre de la création d’un secrétariat général commun aux ministères chargés des affaires sociales, de l’ancienne DRH des ministères de la santé et du social et de la sous-direction chargée des ressources humaines de l’ancienne direction de l’administration générale et de la modernisation (DAGEMO) du ministère chargé du travail.

    Les magistrats évoquent également une réorganisation de la DRH plus récente, datée de 2019, qui manifestement n’a pas fonctionné et qui pourrait avoir son rôle dans le renouvellement quasiment complet en deux années seulement de l’ensemble des agents de la direction, ce qui n’est pas sans conséquence sur la compétence technique globale de la structure.

    Cette réorganisation qui a fortement complexifié les relations avec les directions partenaires (avec le passage parfois d’un interlocuteur à sept…) est par ailleurs intervenue au mauvais moment : crise sanitaire et réforme autour de la déconcentration des actes RH.

    La Cour note ensuite une coopération très limitée entre la DRH et les services ministériels. Par exemple, les correspondants RH n’ont pas accès à l’ensemble des données de paie des agents. Aucun outil de pilotage n’a été mis à disposition et le pilotage des effectifs est qualifié par la Cour d’ « artisanal ».

    En termes de systèmes d’informations (SI), le ministère du travail utilise depuis 2016 la solution RenoiRH développée par le CISIRH. Or, la Cour constate que certaines fiabilisations de données ne sont toujours pas opérantes entrainant des erreurs, par exemple le remplissage et le contrôle automatique n’est pas systématique sur l’ensemble des données :

    « Fin juin 2022, la DRH elle-même constatait de très nombreuses erreurs ou oublis d’enregistrement des dates de fin réelle de contrat et des dossiers non complets concernant les agents détachés ou mis à disposition et les agents transférés. Certains dossiers indiquent en outre des affectations incomplètes ou un programme budgétaire erroné. L’ancienneté n’est pas systématiquement saisie – ce qui engendre des listes de personnes promouvables incomplètes – tandis que les emplois-types du poste ne correspondent pas toujours à la fiche de poste, rendant approximatives les analyses qui peuvent être réalisées. »

    Par ailleurs, si un module « RenoiRH Décisionnel » existe, la Cour note que la quasi-exclusivité des bureaux préfèrent travailler sur des outils développés sur Excel indépendamment du SIRH.

    « La meilleure illustration en est le fichier de suivi des emplois et des effectifs, baptisé « fichier MSK», qui consiste en l’agrégation par la DRH, une fois tous les deux mois, de 92 fichiers remplis à la main par les services RH de proximité. Aucune comparaison n’est réalisée entre ce fichier et les données de RenoiRH afin de s’assurer de la qualité des données. C’est sur cette base que sont réalisées les prévisions de consommation d’ETPT et les analyses d’évolution d’effectifs. »

    L’analyse du taux de connexion à « RenoiRH Décisionnel» montre par ailleurs que la grande majorité des agents, à tous les niveaux hiérarchiques, ne l’utilise jamais. 

    Sur d’autres sujets, la Cour note qu’il n’existe pas de dossier personnel numérique des agents, ceux-ci sont encore aujourd’hui conservés en propre par les agents de la DRH ; le suivi du temps de travail et de télétravail diffère suivant les directions d’emploi ; la culture numérique des agents du ministère et de la DRH en particulier semble « particulièrement faible » avec notamment des formations qui se concentrent sur la bureautique.

    En conséquence, la Cour sollicite une feuille de route SI à même d’asseoir une gouvernance efficace de ce qu’elle considère être un enjeu stratégique au titre de la fiabilité et de la performance.

    2-Une baisse des effectifs du ministère dont l’impact est difficile à évaluer

    La Cour note en premier lieu que la baisse des effectifs de 2 à 3% par an porte exclusivement sur les services déconcentrés.

    Extrait du rapport de la Cour des comptes.
    Extrait du rapport de la Cour des comptes.

    Cette baisse générale intègre notamment le transfert de près de 600 équivalents temps pleins (ETPT) au ministère de l’intérieur en 2021 dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, que ce soit au titre des services de la main-d’œuvre étrangère (une centaine d’ETPT) ou du fait des transferts des fonctions supports aux secrétariats généraux communs départementaux.

    Hors transfert et pour rappel : la baisse d’effectifs entre 2015 et 2021 est de 9% (contre 15% avec la prise en compte du transfert).

    Sur la période récente, il convient de noter le gel des effectifs dans le schéma d’emplois pour 2022, qui rompt avec la logique baissière des années précédentes. 

    Pour assurer cette trajectoire, il faut par ailleurs noter l’absence d’utilisation du mécanisme de ruptures conventionnelles, puisque la Cour n’en relève par exemple que deux pour l’exercice 2021. 

    Extrait du rapport, trajectoire en ETPT : administrations centrales (DGT, DGEFP, DARES) et déconcentrées (DEETS et DREETS).
    Extrait du rapport, trajectoire en ETPT : administrations centrales (DGT, DGEFP, DARES) et déconcentrées (DEETS et DREETS).

     Dans le détail, entre 2015 et 2021, le principal contributeur aux économies d’emplois a été l’inspection du travail (contrôle et renseignement inclus), qui a perdu 16% de ses effectifs, soit près de 740 ETP. Le secteur emploi présente quant à lui une baisse de 11 % mais il intègre, en 2021, les effectifs temporaires liés à la crise sanitaire (300 agents en charge de l’activité partielle). Sans ces renforts, la baisse serait d’environ 530 agents, soit 25% des effectifs de 2015. 

    Evidemment, les fonctions support ont également été concernées dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’Etat (OTE), ainsi que les postes de direction en services déconcentrés puisqu’une vingtaine, soit 14% d’entre eux, ont été supprimés entre 2015 et 2020.

    On peut, dans ces conditions, aisément imaginer un climat social tendu dans le réseau déconcentré.

    Dans le même temps, les effectifs de l’administration centrale ont augmenté de 6%, portés par une hausse assez élevée des effectifs des cabinets et des effectifs ministériels, qui passent sur la période de 136 ETPT à 193 ETPT (une augmentation de 42%…) et par des augmentations des emplois en administration centrale.

    Si on fait les comptes : il y a donc une augmentation de 71 ETPT en « administration centrale », dont 57 ETPT dans les cabinets ministériels, ce qui laisserait 14 ETPT pour l’administration centrale « classique ».

    La Cour précise ensuite que les postes de direction en administration centrale ont augmenté sur la période, passant de 27 à 38, soit une augmentation de 44%, du fait de la suppression d’un poste de sous-direction et de la création de sept postes de chef de service, de cinq postes de direction de projet ou d’expert de haut niveau.

    Cela fait donc 11 postes supplémentaires. En définitive, l’administration centrale n’a donc gagné qu’1 ETPT d’agent de conception et de pilotage de politique publique. Le déséquilibre dans la répartition des efforts et des créations de postes est frappant et pourrait interroger sur une forme de déconnexion entre une administration centrale qui, par définition, se politise (par les postes en cabinet et la création notamment de fonctions de chefs de services – en interaction avec ce cabinet) et l’ensemble des agents chargés de la mise en œuvre concrète et territorialisée des actions du ministère.

    Autre constat, une augmentation très forte des agents contractuels.

    La part des agents contractuels sur emploi permanent, étant normalement entendu comme « un emploi qui a normalement vocation à être occupé par un fonctionnaire », est passé de 5% en 2015 à 10% en 2021, soit 828 ETPT de contractuels contre 7 128 ETPT de fonctionnaires. Et parmi les agents contractuels occupant un emploi permanent, près du tiers est en CDI.

    On note également un effort et qui apparait somme toute logique pour le ministère du travail en faveur du recrutement d’apprentis. Ceux-ci sont passés de 16 en 2015 à 97 en 2021. 

    Sur la composition des effectifs et comme on l’a dit en introduction, il y a une profonde transformation du ministère. Les catégories A représentent 36% des effectifs en 2015 et 58% en 2021.

    Cette évolution est fortement liée au plan « ministère fort » porté initialement par le ministre Michel Sapin de suppression progressive du corps de contrôleurs du travail, mais elle tient également à une évolution de la filière administrative. On constate ainsi une forte augmentation du nombre d’attachés (+16% d’ETPT sur la période). Ce qui témoigne d’un besoin de technicité, mais aussi probablement, d’adaptabilité et de mutabilité. L’attaché d’administration étant un généraliste. 

    Extrait du rapport de la Cour des comptes.
    Extrait du rapport de la Cour des comptes.

    Les rapporteurs constatent également une forte diminution des catégories C, en valeur et en proportion, qui devrait encore s’accélérer du fait de l’augmentation du taux de promotion interne vers le corps des secrétaires administratifs depuis 2022 et jusqu’en 2024 (passage du taux de promotion de 1% à 5%, soit 125 possibilités de promotion sur 2022 au lieu de 32 en 2021).

    La Cour fait ensuite un petit point sur la réforme de l’OTE.

    Le transfert concernait donc 603 ETPT, dont une centaine sur le suivi de la main-d’œuvre étrangère, 84 directeurs de DEETS et 419 ETPT sur des fonctions support. On y apprend que plus de la moitié des agents (320) ont refusé le transfert, pourtant censément avantageux en terme indemnitaire, afin d’être repositionnés sur des emplois vacants du ministère du travail.

    Par ailleurs, il semblerait que ce transfert ait réalisé de manière assez chaotique avec des remarques réitérées de la Cour sur le manque de prévision et de suivi des effectifs par le ministère du travail.

    Plus généralement, et faisant écho aux constats précédents sur le pilotage RH, la Cour maintient ses critiques sur le suivi et l’analyse des besoins, effectué de manière « artisanale et chronophage » selon les termes du rapport.

    Cette mauvaise organisation du travail tient notamment au partage de tâches entre la DRH et la DFAS, la première n’ayant pas accès à Chorus ou à l’infocentre de gestion budgétaire, quand la DFAS n’a elle pas accès aux extractions automatisées de « RenoiRH ». En conséquence, la DRH n’est pas en capacité de justifier les données du rapport annuel de performance (RAP) de la mission travail et emploi avec 736 ETPT d’écart…

    La Cour rappelle que la DRH s’appuie aujourd’hui sur le réseau pour faire remonter des données, alors qu’il lui revient normalement d’alimenter les services à partir des données contenues dans les logiciels de gestion.

    Par ailleurs, le ratio de gestion présenté dans le rapport annuel de performance (RAP) apparaît particulièrement élevé pour les ministères sociaux pr rapport au secteur privé selon la Cour. Mais cette même Cour se refuse à aller plus loin : les comparaisons étant particulièrement difficiles à établir du fait des divergences organisationnelles et méthodologiques entre les secteurs privés et publics et entre les ministères eux-mêmes.

    3-Les initiatives pour développer l’attractivité du ministère doivent être prolongées

    En premier lieu, la Cour note le déficit d’attractivité de l’inspection du travail, ayant donné lieu à un plan d’actions qu’elle juge peu efficace.

    La DGT qui est chargée de l’organisation du système d’inspection du travail (la Cour ne le précise pas) suit le taux de vacances des sections d’inspection qui évolue de manière dégradé d’année en année avec 2 048 sections vacantes sur 2022 (soit 18% du total) contre 2 194 sections vacantes en 2017 (soit 15%) du total. Il convient par ailleurs de rappeler que la détérioration de ce ratio intervient malgré de nombreuses fusions de sections opérées sur la période.

    Le nombre de candidats au concours diminue, alors même que le nombre de places augmente très fortement. La Cour note assez justement que la réponse au déficit d’attractivité du concours ne peut pas passer uniquement par une augmentation du nombre de postes, sauf à renoncer à toute sélectivité.

    Extrait du rapport de la Cour des comptes.
    Extrait du rapport de la Cour des comptes.

    Plusieurs démarches ont été entreprises, avec une possibilité de détachement offerte avec 23 agents qui ont rejoint l’inspection sur ce fondement depuis 2021, mais qui n’est pas sans poser de difficultés. Le ministère de l’Education nationale, également en difficulté de recrutements, s’est ainsi opposé au détachement de plusieurs enseignants volontaires.

    Sinon, outre l’augmentation du nombre de postes au concours, un concours national à affectation régionale et locale a été proposé pour les secrétaires administratifs, ainsi qu’une refonte du déroulé de carrière des inspecteurs. 

    Plus largement, ce défaut d’attractivité fait également écho à ce que l’on a lu sur les perspectives de carrière en déconcentré, mais également aux problématiques plus larges qui se posent sur l’attractivité de la fonction publique. A titre personnel, je m’interroge sur le bien-fondé d’un recrutement national par concours qui ne vise, par définition, que des sorties d’écoles. Le détachement peut en effet, s’il offre des perspectives et valorise les nouveaux affectés, constituer une voie d’accès ou de débouchés. La pente semble toutefois raide et la voie étroite…

    Sur les autres métiers du ministère, et faute de données de la DRH, la Cour n’est pas en mesure d’évaluer l’attractivité des métiers.  

    En termes de formations internes, la Cour note une construction du catalogue assez classique, mais relève une initiative bienvenue d’une des directions du ministère, la DGEFP, qui a développé une « académie de la formation interne » permettant de partager des connaissances et savoirs sur les politiques publiques qu’elle porte. Ces formations sont assurées par l’encadrement interne.

    S’agissant des sanctions disciplinaires. Entre 2015 et 2021, le nombre moyen de sanctions disciplinaires est de 16 par an pour l’ensemble des ministères chargés des affaires sociales. 

    Cela fait donc très peu de sanctions disciplinaires et la Cour note que la plupart sont par ailleurs de faible niveau : deux tiers relevant du premier degré (sans réunion du conseil de discipline). Il n’y a eu aucun licenciement pour insuffisance professionnelle sur la période de contrôle, les quelques cas où cette solution de dernier recours avait été envisagée n’ayant pas prospéré compte tenu de pathologies médicales.

    En termes d’égalité femmes-hommes, le ministère est composé à 69% de femmes, avec une répartition équilibrée y compris dans les emplois de direction.

    Extrait du rapport de la Cour des comptes.
    Extrait du rapport de la Cour des comptes.

    En termes de rémunérations.

    La quasi-totalité des agents bénéficient du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep). En 2021, le Rifseep représente ainsi 74,3 M€, soit 85 % des primes versées aux agents.

    Seuls les élèves inspecteurs du travail et les agents sur emploi fonctionnel bénéficient d’un régime indemnitaire distinct.

    La part du régime indemnitaire dans la rémunération brute des agents est variable selon les corps (comme pour tous les ministères). Elle représente en moyenne, sur la période 2015-2021, 23% de la rémunération brute des agents en catégorie C, 24% en catégorie B et 29% en catégorie A.

    Elle varie fortement en fonction du corps d’appartenance des agents: 25 % pour les inspecteurs du travail, 32 % pour les attachés d’administration de l’État, 45% pour les administrateurs de l’État. Cette part a globalement peu évolué au cours des dernières années. Le Rifseep est constitué de deux éléments : l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) et le complément indemnitaire annuel (CIA) lié à l’engagement et à la performance individuelle. 

    Sur l’IFSE, la Cour note un montant sensiblement plus élevé en administration centrale, en particulier pour les attachés d’administration. Par ailleurs, 17% des agents bénéficient de l’IFSE alors même que le renseignement de leur groupe de fonctions n’est pas effectué…

    S’agissant du CIA, celui-ci est à la main de la direction d’administration centrale ou du service déconcentré, qui le répartit selon des critères qu’il fixe lui-même ou avec son équipe de direction.  

    Extrait du rapport de la Cour des comptes.
    Extrait du rapport de la Cour des comptes.

    On constate que les montants évoluent substantiellement et qu’ils couvrent une population de plus en plus importante, marquant là la volonté d’individualiser la rémunération à la performance.

    Extrait du rapport de la Cour des comptes.
    Extrait du rapport de la Cour des comptes.

    Toutefois, et comme le note la Cour, ces montants ne sont pas homogènes entre catégories et affectations. Assez logiquement (au regard des éléments précités), les catégories A d’administration centrale sont les mieux servis.

    Le constat peut être prolongé s’agissant des agents des cabinets ministériels qui disposent d’indemnités de sujétions particulières en évolution très forte sur la période, ce qui pourrait accentuer aussi le clivage au sein du ministère entre les services déconcentrés et le sommet de la hiérarchie, au sein des cabinets ministériels.

    Extrait du rapport de la Cour des comptes.
    Extrait du rapport de la Cour des comptes.

    Au-delà de cette singularité des cabinets, la Cour note que les rémunérations de la filière administrative (la plus simple à comparer, puisqu’interministérielle) demeure très inférieure aux autres ministères, de l’ordre de 12%, voire de 26% pour les catégories B. Seul le corps des administrateurs de l’Etat, qui dépend directement du Premier ministre, est épargné. Autrement dit, ce sont les attachés et, plus encore, les secrétaires qui sont les mal-lotis du ministère.

    Pour répondre à cet enjeu, la DGAFP a lancé fin 2021 un chantier de convergence indemnitaire qui s’est traduit par l’attribution d’un montant supplémentaire forfaitaire pour l’ensemble des attachés et secrétaires administratifs (1 889 agents concernés), mais cette convergence demeure inachevée selon la Cour.

    Avant de conclure, voilà les rémunérations moyennes constatées par la Cour sur 2021 :

    Extrait du rapport de la Cour des comptes.
    Extrait du rapport de la Cour des comptes.
    Extrait du rapport de la Cour des comptes.
    Extrait du rapport de la Cour des comptes.

    S’agissant des contractuels, le niveau de rémunération est proche des attachés, à l’exception des agents contractuels recrutés sur des postes techniques (comme énoncé plus haut), notamment sur les fonctions informatiques, nettement mieux rémunérés que les titulaires (respectivement 67 700 € contre 53 600 € bruts).

    A cet égard, le rapport précise les conditions de fixation des rémunérations au moment du recrutement des contractuels, à savoir sur la base d’une fourchette de rémunération fixée par la DRH en fonction de l’expérience de l’agent recruté et des salaires pratiqués sur le marché, révisés selon l’inflation et le niveau de tension de recrutements sur certains postes.

    Photo de couverture : Par © Croquant / Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=16688738

  • Quelles évolutions des rémunérations pour la haute fonction publique ?

    Quelles évolutions des rémunérations pour la haute fonction publique ?

    Temps de lecture : 2 minutes.

    Avec la lecture des observations définitives (délibérées le 2 octobre 2023) de la Cour des comptes sur la réforme de l’encadrement supérieur de l’Etat dans les ministères économiques et financiers (autrement dit, « Bercy ») : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/67857.

    Le périmètre : les ministères économiques et financiers (MEF) emploient plus d’un tiers des administrateurs de l’Etat (soit 1 866) et sont concernés par l’extinction d’importants corps de fonctionnaires qui leur sont rattachés.

    Le nouveau corps des administrateurs de l’Etat doit réunir environ 5 500 fonctionnaires en « un corps unique, attractif et véritablement interministériel. »

    Auparavant, seize différents corps de hauts fonctionnaires cohabitaient dans lesdites ministères, quatorze d’entre eux permettent à ceux qui le souhaitent de se maintenir, tandis que deux corps sont simplement supprimés et les agents reclassés dans le nouveau corps.

    Parmi ces corps et pour les MEF, on retrouve les administrateurs des finances publiques (651), de l’inspection générale des finances (184) et du contrôle général économique et financier (87).

    Par ailleurs, le chantier de l’encadrement supérieur technique reste ouvert : les administrateurs (675) et inspecteurs généraux (112) de l’Insee, les ingénieurs des mines (929) et les corps de direction de la DGDDI et de la DGCCRF ne sont pas concernés par la réforme. La Cour ne donne pas les effectifs des deux derniers corps.

    La nouvelle grille indiciaire du corps des AE est fondée sur une attractivité continue, avec un réhaussement moyen de 4,7% de la rémunération brute mensuelle au moment du reclassement des cadres supérieurs du MEF et des perspectives de carrière globalement améliorées.

    Le nombre d’échelons est multiplié, tandis que leur durée est réduite, avec pour effet de réduire légèrement les progressions de rémunérations en milieu de carrière afin de favoriser l’occupation d’un emploi fonctionnel supérieur, permettant d’accélérer le gain d’échelon.

    Comme on peut le constater dans le graphique ci-après de la Cour de comptes, on peut difficilement faire mieux en termes d’attractivité :

    Nouvelle grille indiciaire des administrateurs de l’Etat
    Nouvelle grille indiciaire des administrateurs de l’Etat

    Toutefois, le niveau indemnitaire continuera de jouer un rôle essentiel dans l’attractivité du MINEFI avec un équilibre subtil entre la convergence interministérielle et la valorisation des postes d’encadrement jugés stratégiques.

    A titre de comparaison et pour mémoire, voici les rémunérations moyennes (plus basses et plus hautes) proposées par les ministères avant la création du corps des administrateurs de l’Etat :

    Le mieux pour commencer semble donc être l’Intérieur. Pour terminer votre carrière, choisissez les solidarités…
    Le mieux pour commencer semble donc être l’Intérieur. Pour terminer votre carrière, choisissez les solidarités…

    La Cour évalue le coût, pour les seuls MEF et en septembre 2023, à 4,6 M€.