Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 9)
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Le chapitre sur les parcours de carrière du rapport de France stratégie est très dense. Outre les informations détaillées dans le précédent article sur le recrutement, ce chapitre comporte également des informations sur la mobilité des agents publics et le rapport aux contractuels.
Voici donc ici esquissés quelques éléments de synthèse en rapport avec les mobilités professionnelles, les possibilités d’avancement et de formation et quelques comparaisons avec le secteur privé.
Des possibilités de mobilité, d’avancement et de formation professionnels en apparence comparables avec le secteur privé
« Les possibilités de mobilité professionnelle, d’avancement et de formation ne sont pas systématiquement défavorables au secteur public, voire peuvent y être plus fréquentes. Toutefois, elles sont rarement synonymes d’ascension professionnelle rapide comme cela peut être plus souvent le cas dans le secteur privé. »
Un accès à la formation professionnelle aisé pour les agents publics
L’accès à la formation est relativement aisé dans la fonction publique. Il est même substantiellement plus élevé pour les exécutants et les cadres moyens ou intermédiaires du secteur public par rapport au secteur privé1.
Il convient toutefois de relever une singularité, le caractère souvent fermé de ces formations : l’offre de formation disponible n’est pas aussi abondante que dans le secteur privé.
À titre d’exemple, le Compte personnel de formation (CPF) des agents publics nécessite l’accord de l’administration. Le salarié de droit privé bénéficie de son côté d’une liberté de choix presque totale, sans besoin d’en référer à son employeur2.
De même, le Conseil en évolution professionnel (CEP) est une mission assurée en interne, avec des garanties permettant d’assurer la confidentialité des échanges et la professionnalisation des agents publics. Le salarié de droit privé bénéficie lui d’un service dédié, externe à l’entreprise, puisque assuré par des prestataires sélectionnés par appel d’offres des pouvoirs publics.
Par ailleurs, et contrairement au secteur privé, il n’existe pas de classification des emplois et des compétences dans une grille dédiée d’une convention collective. Les grilles indiciaires du secteur public concernent des corps, pas des métiers. En conséquence, le passage d’un diplôme n’entraîne pas de droits à rémunérations pour l’agent public. Seul le passage d’échelon (à l’ancienneté), de grade ou de corps (promotion interne) peut, avec l’occupation d’un emploi à sujétions, procurer une rémunération supplémentaire3.
Des perspectives de mobilité en apparence favorables
« Les familles professionnelles publiques connaissent de fait plutôt plus de promotions et d’améliorations de revenus que les métiers comparables du privé. Ainsi, les agents de catégorie A connaissent plus de promotions et d’améliorations de leurs revenus que la majorité des emplois de cadres du privé. Il en est de même pour les agents de catégorie B ou pour des métiers comparables dans le privé, à l’exception notable des enseignants (toujours par rapport aux cadres). »
Toutefois, si les agents publics évoluent globalement davantage que leurs collègues du privé, leurs rémunérations demeurent généralement moindres, en particulier pour les métiers qualifiés. L’exemple le plus évident concerne les filières informatiques (voir l’article sur les informaticiens des ministères économiques et financiers).

Des changements importants de carrière relativement rares
Une progression relativement plus homogène et moins rapide que dans le secteur privé
L’autre singularité de la fonction publique est de proposer un modèle de progression de carrière plutôt incrémental4 : la progression est continue, mais plutôt modeste.
« Une carrière publique permet des promotions régulières, mais n’implique pas nécessairement de changement de catégorie d’emploi. »
Cet effet est particulièrement marqué pour les emplois les moins qualifiés :
- 25 % des salariés du secteur privé entrés sur le marché du travail comme employés exercent une profession intermédiaire ou sont devenus cadres en 2015 ;
- Ce ratio est de 21 % dans le secteur public.
« En raisonnant à caractéristiques d’entrée sur le marché du travail et socio-démographiques comparables, l’écart entre ces deux populations baisse légèrement, mais la probabilité de devenir cadre ou profession intermédiaire reste inférieure à celle du secteur privé de 13 %. »
Des mobilités « très ascendantes » nettement plus difficiles dans le secteur public
Les écarts sont encore plus importants pour les mobilités très ascendantes :
Un employé du public a 48 % de chances en moins de devenir cadre qu’un employé du privé aux mêmes caractéristiques.
L’accès au grade de catégorie A (par exemple : le corps des attachés d’administration) est relativement verrouillé par le système de concours, en dépit d’un accès plus aisé à la formation professionnelle.
Une fonction publique globalement moins discriminante que le secteur privé
Les trajectoires très ascendantes du secteur privé bénéficient essentiellement aux hommes
Les trajectoires de mobilité « très ascendantes » du secteur privé se révèlent très discriminantes :
« En raisonnant toujours à caractéristiques du premier emploi et socio-démographiques comparables, on observe que les femmes ayant débuté comme employées dans le secteur privé ont une probabilité près de 23 points inférieurs de devenir cadre ou profession intermédiaire qu’un homme, contre 10 points seulement dans le secteur public. »
À titre d’exemple :
79 % des femmes et 84 % des hommes diplômés d’un Bac + 3 et plus deviennent cadres dans le secteur public ; soit 5 points d’écart.
Elles sont seulement 53 % (contre 74 % des hommes) dans le secteur privé, soit un écart de plus de 20 points.
Toutefois, en creusant l’analyse, on constate de fortes divergences entre fonction publique s’agissant de la promotion des femmes
Dans la fonction publique d’État, les femmes ont une probabilité plus élevée d’être cadre que dans le secteur privé. Mais, si on s’attache à analyser chaque fonction publique, les fonctions publiques territoriales et hospitalières se révèlent davantage « discriminantes » que le secteur privé.
Les métiers techniques sont très féminisés dans ces fonctions publiques (santé, travail social et administratif). À l’inverse, l’encadrement est nettement masculin.
La fonction publique d’État est de son côté déséquilibrée par le poids du corps enseignant, mais l’encadrement supérieur présente également une sur-proportion d’hommes.
L’égalité des chances offerte par le secteur public est occultée
La fonction publique est un instrument de promotion sociale, en particulier pour les jeunes diplômés issus de milieux populaires et les femmes5. Cette caractéristique semble ignorée du grand public et des agents publics eux-mêmes.
L’attractivité de la fonction publique pour les femmes
Ainsi, les femmes ont une probabilité de travailler dans le secteur public de 11 points supplémentaires par rapport aux hommes.
« Avoir un parent ouvrier ou employé (versus « avoir un parent cadre ») accroît la probabilité de travailler dans le secteur public d’environ 4 points lorsqu’il s’agit du père et de 2 à 3 points pour la mère. »
L’attractivité de la fonction publique pour les jeunes diplômés
Si la surqualification dans la fonction publique est réelle6, elle n’est pas spécifique au secteur public et est similaire dans le secteur privé
Par ailleurs, le diplôme protègerait davantage du déclassement dans le secteur public que dans le secteur privé. En particulier pour les femmes :

Cette égalité des chances n’est pas intégrale
Pour les descendants d’immigrés, la probabilité d’être agent public est négative de 2 points. Une hypothèse pourrait être la méconnaissance des métiers de la fonction publique par ce public, ce qui rejoint le constat dressé dans le précédent billet sur une relative autarcie du secteur public.

De même, le recrutement social des enseignants du secondaire et du supérieur est très favorisé :
54 % des professeurs du secondaire et du supérieur sont issus de familles à dominante cadre ou intermédiaire, proportion supérieure à celle observée parmi les cadres du privé et du public.
À titre de comparaison, 13 % des enseignants du premier degré (école maternelle et primaire) sont issus de familles de cadres7.

- 23 % des catégories B et 16 % des catégories C sont partis en formation au cours du dernier trimestre, contre des niveaux entre 7 % et 16 % pour les secrétaires, secrétaires de direction ou encore les techniciens administratifs ↩
- La seule limite est que la formation soit inscrire au Répertoire national des certifications professionnelles. Autrement dit, qu’elle soit certifiante. ↩
- Il me semblait important de rappeler cette différence, puisque les rapporteurs de France stratégie ne le font pas. ↩
- À l’exception probablement des cadres supérieurs, comme on a pu le voir dans un précédent billet sur le vieillissement des agents publics. ↩
- Gollac S. et Hugrée C. (2015), « Avoir trente ans dans le secteur public en 1982 et en 2002 les transformations d’une filière de promotion sociale par le diplôme », Revue française d’administration publique, n° 153, p. 23-43. En conservant la nuance évoquée plus haut pour les fonctions publiques territoriales et hospitalières. ↩
- L’Insee estime ainsi qu’un quart des fonctionnaires de l’État de catégorie B et trois quarts de catégorie C sont surdiplômés. On compte même 5 % de docteurs parmi les agents de catégorie B. ↩
- 27 % sont mêmes issus d’une famille à dominante ouvrière ou mono-active. Taux nettement plus élevé que pour les professeurs du secondaire ou les cadres du privé. ↩

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