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Pour des analyses socio-politiques, voir notamment le n° 168 de la Revue française d’administration publique.
Pour les chiffres, consultez le Jaune budgétaire dédié aux cabinets ministériels.
L’Importance du Moment de Nomination

Christian Vigouroux1, distingue deux types de cabinets ministériels :
- Le « cabinet neuf » ;
- Le « cabinet de remplacement ».
Le « cabinet neuf » est constitué au moment de la formation du gouvernement, au début du quinquennat présidentiel ou d’une période de cohabitation.
Ce cabinet est fort et est constitué le plus souvent de personnes d’expérience. Il s’agit à l’évidence d’un cabinet prisé, les places étant particulièrement convoitées2.
Le « cabinet de remplacement », plus fréquent, est celui constitué au fil de l’eau, suite aux départs et remplacements. On pourrait aussi y intégrer les nouveaux gouvernements en cours de quinquennat, dont la force transformatrice est le plus souvent émoussée.
Les Fonctions Exercées au Sein d’un Cabinet Ministériel
Le Directeur de Cabinet

La première décision d’un ministre est de choisir son directeur de cabinet et à la moindre ambiguïté, celui-ci est congédié.
Symboliquement, son bureau jouxte celui du ministre avec qui il doit travailler en harmonie.
Le directeur de cabinet est, en effet, l’interlocuteur principal du ministre. La distance entre lui et son ministre doit être la plus faible possible.
Les Missions d’un Directeur de Cabinet
Le directeur de cabinet du ministre est le personnage clé du cabinet, il assume des fonctions particulièrement importantes :
- Management du cabinet : il recrute, congédie et anime l’équipe de conseillers ;
- Conseil auprès du ministre : il fait remonter les dossiers sensibles, anticipe les risques, s’assure de l’exécution des décisions et conseil le ministre sur les aspects techniques et politiques des affaires présentées ;
- Représentation du ministre et suivi des arbitrages : il représente régulièrement le ministre auprès de l’administration, s’assure de l’exécution des décisions, arbitre, négocie avec les autres ministères, s’entretient avec les représentants d’intérêts…
Le directeur de cabinet est le chef d’orchestre du travail administratif ministériel. À cet égard, pour l’administration, il est souvent plus important que le ministre.
Le Choix du Directeur de Cabinet
Le nouveau ministre peut être confronté à trois situations :
- Il s’agit d’un ministre faible et il ne dispose pas du choix du directeur de cabinet ou tarde à le choisir, la décision revient alors au Premier ministre, voire au président de la République. C’est évidemment la pire des situations3 ;
- Il s’agit d’un ministre avec une capacité de choix, mais peu d’entregent administratif. La pratique consiste alors à solliciter des noms, auprès des directeurs d’administration centrale sous son autorité, de personnalités du secteur ou auprès de personnes politiques expérimentées4.
- Il s’agit d’un ministre fort et expérimenté, auquel cas, il sait avant même d’être nommé qui sera son directeur de cabinet, et l’intéressé aussi.
Contrairement aux représentations de la fonction de ministre par le grand public, il est très facile de se retrouver spectateur de son propre mandat.
Le ministre qui ne choisit pas, ou qui choisit mal son directeur de cabinet peut être dépassé par le rythme des visites ministérielles, la nécessité d’être présent aux réunions gouvernementales, au Conseil des ministres et au Parlement.
Un bon ministre doit savoir identifier rapidement la personnalité qui lui conviendra pour porter sa vision et influer concrètement sur le quotidien des administrations et des opérateurs relevant de ses attributions5.
Le Profil du Directeur de Cabinet
Le directeur de cabinet est presque toujours un fonctionnaire, qui plus est expérimenté6. Prendre un directeur de cabinet extérieur à l’administration constitue, en effet, un risque7, qui plus est dans les très gros ministères comme ceux de l’Intérieur ou de l’Économie et des finances.
Une nomination extérieure à l’administration peut aussi être vue comme une forme de défiance, voire de défi. Je n’ose imaginer la difficulté que constituerait, pour le membre d’un comité de direction d’une grande entreprise (et recruté comme tel), l’exercice d’une fonction de directeur de cabinet du ministère de la Justice ou de l’Éducation nationale.
La pratique consiste plutôt à repérer un haut fonctionnaire influent et qui, par son parcours8, a exercé des fonctions importantes au sein du ministère considéré.
Cette influence et ce parcours sont censés offrir au ministre un réseau et une connaissance des personnes à même de faire avancer ses dossiers :
- Au ministère de l’Intérieur, il s’agira plutôt d’un préfet ;
- Au ministère Économique et financier, un inspecteur général des finances ou un ancien chef de service ou directeur d’administration centrale ;
- Au ministère du Travail, un inspecteur général des affaires sociales ;
- Aux Affaires étrangères, un ambassadeur ;
- Au ministère des Armées, un militaire.
L’Adjoint au Directeur de Cabinet
Il n’existe pas ici de fonction type d’adjoint au directeur de cabinet. Le plus souvent, il s’agit d’une forme de nomination honorifique, tout en permettant au directeur de cabinet de disposer d’un relais managérial et stratégique au besoin.
Bref, cette fonction dépend des personnes et des moments, elle n’en est pas moins quasi systématique.
Le Chef de Cabinet
Le chef de cabinet est le « chef de la maison ministérielle », il conduit l’emploi du temps du ministre jusque dans les détails les plus intimes. Il organise, anime et accompagne le ministre à chacun de ses déplacements9.
La fonction est opérationnelle et logistique, le chef de cabinet :
- Anime l’équipe de chauffeurs, l’équipe de sécurité, les cuisiniers, les intendants ;
- Organise les déplacements : temps de trajet, événements, acteurs à rencontrer et la coordination des discours ;
- Encadre toute la logistique du ministre, y compris des temps privés.
Compte tenu de cette proximité avec le ministre, la discrétion et le dévouement sont évidemment essentiels. À la différence du directeur de cabinet, le chef de cabinet n’intervient pas dans les décisions politiques. Par ailleurs, lorsqu’il est fonctionnaire, il s’agit plus souvent d’un attaché d’administration de l’État10.
Le Conseiller Spécial
Certains ministres apprécient la présence d’un conseiller spécial. Celui-ci est un proche du ministre auprès de qui il peut échanger de manière plus libre.
Cette fonction permet aussi au ministre de disposer d’un relais loyal et fiable au sein de son cabinet, il renforce d’autant son emprise politique et sa maitrise des dossiers.
Les Autres Membres du Cabinet
Il existe, outre le directeur de cabinet et le chef de cabinet, des fonctions inévitables :
- Un conseiller budgétaire11,
- Un conseiller en communication,
- Un conseiller parlementaire et un conseiller politique (parfois la même personne).
Ces fonctions ne sont pas propres aux ministres. Elles se retrouvent dans tous les exécutifs publics d’importance (collectivités locales ou établissements publics) et dans les grandes entreprises : le conseiller parlementaire et politique étant un conseiller en relations publiques.
Les conseillers restants doivent donc coordonner l’activité ministérielle, par grandes thématiques.
Par exemple, au ministère chargé de la Fonction publique, compte tenu d’un portefeuille le plus souvent élargi à la modernisation de l’action publique, il n’existe souvent qu’un seul conseiller dédié à la fonction publique.
Le Nombre de Membres des Cabinets Ministériels
Depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, un mouvement assumé de limitation du nombre de membres des cabinets ministériels a été initié12.
L’objectif étant de recentrer les cabinets ministériels dans l’orientation politique en laissant aux administrations le soin de l’exécution technique.
La tendance à la limitation des cabinets ministériels a abouti à la création de cabinets au niveau des directions d’administration centrale et à la création d’instances nouvelles13 ou de secrétariat d’État. Paradoxalement, la diminution du nombre de conseillers, peut donc être aussi un facteur de complexification.
Il n’en reste pas moins un nombre relativement élevé de collaborateurs gouvernementaux. Au titre de 2024 :
- près de 500 membres de cabinet et
- 2 200 personnels supports.

La spécificité de Matignon et des Services du Président de la République
Les Services du Premier Ministre
Matignon est un monde en soi où il existe des « pôles » :
- Éducation nationale et Enseignement supérieur ;
- Justice ;
- Intérieur ;
- Social ;
- Économique ;
- Comptes publics ;
- Diplomatique ;
- Culture ;
- Outre-mer ;
- Environnement, Énergie, Transport, Logement ;
- Agriculture…
Concrètement, le cabinet du Premier ministre s’appuie sur une double machinerie :
- Le Secrétariat général du gouvernement (SGG), véritable direction juridique centralisée du gouvernement, dédié au suivi technique des arbitrages gouvernementaux et
- Les conseillers politiques des différents pôles précités : chaque chef de pôle étant accompagné de deux à cinq conseillers et éventuellement d’un chargé de mission.
Au total, le SGG compte environ une centaine d’agents dont une trentaine de chargés de mission chargés du suivi des différentes politiques ministérielles14 ; tandis que le Premier ministre dispose de cinquante à soixante conseillers ou chefs de pôle.
Compte tenu de la taille des effectifs, les liens qu’entretiennent le Premier ministre et le directeur de cabinet avec les conseillers sont nécessairement plus lâches.

Les Services du Président de la République
Outre l’État-major particulier du Président de la République, le chef de l’État peut s’appuyer sur des conseillers, également organisés en pôles.
On y trouve, un pôle :
- Régalien ;
- Diplomatique ;
- Social ;
- Économique ;
- Écologique, agriculture, énergie, transport, logement.
À la différence du Premier ministre, certains pôles sont particulièrement fournis. Il en est ainsi pour le pôle diplomatique, et de manière transversale, pour la communication.
À titre exceptionnel dans l’histoire de la Ve République, des conseillers communs ont même existé en 2017 entre MM. Edouard Philippe et Emmanuel Macron. Cette pratique n’a pas été renouvelée.
La Diversité des Cabinets Ministériels
Comme énoncé plus haut, l’État comporte des pôles avec des spécificités très marquées, dans le langage, les habitudes de travail, les lieux.
Les « sociaux » se distinguent nettement des « militaires », qui se distinguent des « comptes », qui se distinguent des « diplo ».

Ce faisant, certains cabinets présentent une ouverture au secteur privé spécifique. En premier lieu, le ministre chargé des petites et moyennes entreprises (lorsqu’il existe) et plus généralement le ministère du Travail.
À l’inverse, certains cabinets sont les chasses gardées de personnels étatiques, et parfois de corps spécifiques. Il en est ainsi des Armées, de l’Intérieur, de l’Economie, du Budget et dans une moindre mesure de l’Environnement15.
Au global, près de la moitié des collaborateurs sont sur contrat, le plus souvent issus du secteur privé.

Il existe également des différences dans l’âge de recrutement, outre le fait que le directeur de cabinet est le confirmé, les conseillers ministériels sont en général jeunes, voire très jeunes16.
Par ailleurs, certains emplois ont un recrutement à la mesure de leur spécificité :
- Le chef de cabinet est souvent jeune et dispose, de préférence, d’une expérience politique17 ;
- Le conseiller parlementaire se recrute en majorité parmi les collaborateurs parlementaires ;
- Enfin, le conseiller en communication, qui est plus souvent une femme, provient fréquemment du monde entrepreneurial et plus précisément de l’univers du conseil.
Bonus : la Classification de Guy Carcassonne
- « Les copains » : Ce qui se rapproche des conseillers spéciaux évoqués plus haut, entendu comme des proches du ministre. Carcassonne évoque ici un « avatar du scootisme » ;
- « Les enfants » : Des conseillers techniques, très jeunes, en présence d’un ministre et d’un directeur de cabinet plus expérimenté. « Lorsqu’elle est réussie, cette combinaison donne d’excellents résultats. »
- « Les valets » : Les recrutements sont réalisés par le directeur de cabinet seul, le ministre ne souhaitant pas s’investir dans la conduite du cabinet. Disposant de peu d’autonomie, ces conseillers exécutent. Si dans certains ministères très politiques ce mode de fonctionnement peut présenter quelques avantages, il est le plus souvent très dommageable.
- « Les lieutenants » : Le ministre prend une part active au choix des conseillers, laissant au directeur de cabinet l’animation quotidienne. Le ministre délégue une part de ses prérogatives aux conseillers et se rend accessible à leurs suggestions. À l’évidence, il s’agit du modèle idéal selon Carcassonne.
- Ancien président de section au Conseil d’État, directeur de cabinet de plusieurs ministres : Enseignement supérieur, Justice, Intérieur, Emploi et Solidarité. ↩
- En supposant toutefois une compatibilité des idées politiques entre le ministre et les éventuels membres de cabinet. ↩
- Le directeur de cabinet dispose alors d’une légitimité lui octroyant une forme d’autonomie avec le ministre et de relais lui permettant de faire prévaloir son orientation auprès du Premier ministre ou du Chef de l’État. ↩
- Un ministre d’un parti politique peut ainsi solliciter son ainé ayant occupé il y a peu la fonction. ↩
- Sur les attributions des ministres, vous pouvez vous référer à cet article relatif aux directions d’administration centrale. ↩
- C’est même, très souvent, le professionnel le plus expérimenté du cabinet. ↩
- Risque qui semble par ailleurs plutôt inutile. Le travail administratif est, somme toute, très différent du travail d’un manager du secteur privé. ↩
- Voire son corps d’appartenance (conseiller d’État, Inspecteur général, ambassadeur, magistrat…). ↩
- Le directeur de cabinet demeurant à Paris, sauf pour les déplacements les plus importants. ↩
- Le directeur de cabinet, hormis les cas où il est issu du secteur privé, est systématiquement un haut fonctionnaire. Les conseillers ministériels sont aussi majoritairement des hauts fonctionnaires, des collaborateurs d’élus ou des salariés du secteur privé. ↩
- Il peut y avoir des cabinets sans conseiller budgétaire, mais on frise alors l’amateurisme. ↩
- Conformément au décret 2024-23 du 17 janvier 2024, un ministre de plein exercice peut disposer de quinze membres de cabinet et un ministre délégué auprès du Premier ministre de onze membres. ↩
- Par exemple, la création de hauts commissaires, dont la réapparition est également une des singularités de ces dernières années. ↩
- Ces politiques ministérielles rejoignent les pôles précités, mais pas entièrement. Le SGG comporte moins de thématiques que le cabinet politique. La pratique est qu’un chargé de mission, de catégorie A+, est accompagné par un chargé de mission adjoint, généralement un attaché principal d’administration de l’État. ↩
- Logement, Énergie, Transport. ↩
- Notamment pour les conseillers budgétaires, souvent issus de la direction du Budget, avec une expérience d’un ou deux postes de chef de bureau. ↩
- Auprès d’un député ou d’un exécutif local notamment. ↩