Auteur/autrice : Leslégistes

  • Les cabinets ministériels

    Les cabinets ministériels

    Temps de lecture : 9 minutes.

    Pour des analyses socio-politiques, voir notamment le n° 168 de la Revue française d’administration publique.

    Pour les chiffres, consultez le Jaune budgétaire dédié aux cabinets ministériels.

    L’Importance du Moment de Nomination

    Louis Marin, ministre des pensions
    Louis Marin, ministre des pensions

    Christian Vigouroux1, distingue deux types de cabinets ministériels :

    • Le « cabinet neuf » ;
    • Le « cabinet de remplacement ».

    Le « cabinet neuf » est constitué au moment de la formation du gouvernement, au début du quinquennat présidentiel ou d’une période de cohabitation.

    Ce cabinet est fort et est constitué le plus souvent de personnes d’expérience. Il s’agit à l’évidence d’un cabinet prisé, les places étant particulièrement convoitées2.

    Le « cabinet de remplacement », plus fréquent, est celui constitué au fil de l’eau, suite aux départs et remplacements. On pourrait aussi y intégrer les nouveaux gouvernements en cours de quinquennat, dont la force transformatrice est le plus souvent émoussée.

    Les Fonctions Exercées au Sein d’un Cabinet Ministériel

    Le Directeur de Cabinet

    Cheneaux de Leyritz, directeur de cabinet
    Cheneaux de Leyritz, directeur de cabinet

    La première décision d’un ministre est de choisir son directeur de cabinet et à la moindre ambiguïté, celui-ci est congédié.

    Symboliquement, son bureau jouxte celui du ministre avec qui il doit travailler en harmonie.

    Le directeur de cabinet est, en effet, l’interlocuteur principal du ministre. La distance entre lui et son ministre doit être la plus faible possible.

    Les Missions d’un Directeur de Cabinet

    Le directeur de cabinet du ministre est le personnage clé du cabinet, il assume des fonctions particulièrement importantes :

    • Management du cabinet : il recrute, congédie et anime l’équipe de conseillers ;
    • Conseil auprès du ministre : il fait remonter les dossiers sensibles, anticipe les risques, s’assure de l’exécution des décisions et conseil le ministre sur les aspects techniques et politiques des affaires présentées ;
    • Représentation du ministre et suivi des arbitrages : il représente régulièrement le ministre auprès de l’administration, s’assure de l’exécution des décisions, arbitre, négocie avec les autres ministères, s’entretient avec les représentants d’intérêts…

    Le directeur de cabinet est le chef d’orchestre du travail administratif ministériel. À cet égard, pour l’administration, il est souvent plus important que le ministre.

    Le Choix du Directeur de Cabinet

    Le nouveau ministre peut être confronté à trois situations :

    • Il s’agit d’un ministre faible et il ne dispose pas du choix du directeur de cabinet ou tarde à le choisir, la décision revient alors au Premier ministre, voire au président de la République. C’est évidemment la pire des situations3 ;
    • Il s’agit d’un ministre avec une capacité de choix, mais peu d’entregent administratif. La pratique consiste alors à solliciter des noms, auprès des directeurs d’administration centrale sous son autorité, de personnalités du secteur ou auprès de personnes politiques expérimentées4.
    • Il s’agit d’un ministre fort et expérimenté, auquel cas, il sait avant même d’être nommé qui sera son directeur de cabinet, et l’intéressé aussi.

    Contrairement aux représentations de la fonction de ministre par le grand public, il est très facile de se retrouver spectateur de son propre mandat.

    Le ministre qui ne choisit pas, ou qui choisit mal son directeur de cabinet peut être dépassé par le rythme des visites ministérielles, la nécessité d’être présent aux réunions gouvernementales, au Conseil des ministres et au Parlement.

    Un bon ministre doit savoir identifier rapidement la personnalité qui lui conviendra pour porter sa vision et influer concrètement sur le quotidien des administrations et des opérateurs relevant de ses attributions5.

    Le Profil du Directeur de Cabinet

    Le directeur de cabinet est presque toujours un fonctionnaire, qui plus est expérimenté6. Prendre un directeur de cabinet extérieur à l’administration constitue, en effet, un risque7, qui plus est dans les très gros ministères comme ceux de l’Intérieur ou de l’Économie et des finances.

    Une nomination extérieure à l’administration peut aussi être vue comme une forme de défiance, voire de défi. Je n’ose imaginer la difficulté que constituerait, pour le membre d’un comité de direction d’une grande entreprise (et recruté comme tel), l’exercice d’une fonction de directeur de cabinet du ministère de la Justice ou de l’Éducation nationale.

    La pratique consiste plutôt à repérer un haut fonctionnaire influent et qui, par son parcours8, a exercé des fonctions importantes au sein du ministère considéré.

    Cette influence et ce parcours sont censés offrir au ministre un réseau et une connaissance des personnes à même de faire avancer ses dossiers :

    • Au ministère de l’Intérieur, il s’agira plutôt d’un préfet ;
    • Au ministère Économique et financier, un inspecteur général des finances ou un ancien chef de service ou directeur d’administration centrale ;
    • Au ministère du Travail, un inspecteur général des affaires sociales ;
    • Aux Affaires étrangères, un ambassadeur ;
    • Au ministère des Armées, un militaire.

    L’Adjoint au Directeur de Cabinet

    Il n’existe pas ici de fonction type d’adjoint au directeur de cabinet. Le plus souvent, il s’agit d’une forme de nomination honorifique, tout en permettant au directeur de cabinet de disposer d’un relais managérial et stratégique au besoin.

    Bref, cette fonction dépend des personnes et des moments, elle n’en est pas moins quasi systématique.

    Le Chef de Cabinet

    Le chef de cabinet est le « chef de la maison ministérielle », il conduit l’emploi du temps du ministre jusque dans les détails les plus intimes. Il organise, anime et accompagne le ministre à chacun de ses déplacements9

    La fonction est opérationnelle et logistique, le chef de cabinet :

    • Anime l’équipe de chauffeurs, l’équipe de sécurité, les cuisiniers, les intendants ;
    • Organise les déplacements : temps de trajet, événements, acteurs à rencontrer et la coordination des discours ;
    • Encadre toute la logistique du ministre, y compris des temps privés.

    Compte tenu de cette proximité avec le ministre, la discrétion et le dévouement sont évidemment essentiels. À la différence du directeur de cabinet, le chef de cabinet n’intervient pas dans les décisions politiques. Par ailleurs, lorsqu’il est fonctionnaire, il s’agit plus souvent d’un attaché d’administration de l’État10.

    Le Conseiller Spécial

    Certains ministres apprécient la présence d’un conseiller spécial. Celui-ci est un proche du ministre auprès de qui il peut échanger de manière plus libre.

    Cette fonction permet aussi au ministre de disposer d’un relais loyal et fiable au sein de son cabinet, il renforce d’autant son emprise politique et sa maitrise des dossiers.

    Les Autres Membres du Cabinet

    Il existe, outre le directeur de cabinet et le chef de cabinet, des fonctions inévitables :

    • Un conseiller budgétaire11,
    • Un conseiller en communication,
    • Un conseiller parlementaire et un conseiller politique (parfois la même personne).

    Ces fonctions ne sont pas propres aux ministres. Elles se retrouvent dans tous les exécutifs publics d’importance (collectivités locales ou établissements publics) et dans les grandes entreprises : le conseiller parlementaire et politique étant un conseiller en relations publiques.

    Les conseillers restants doivent donc coordonner l’activité ministérielle, par grandes thématiques.

    Par exemple, au ministère chargé de la Fonction publique, compte tenu d’un portefeuille le plus souvent élargi à la modernisation de l’action publique, il n’existe souvent qu’un seul conseiller dédié à la fonction publique.

    Le Nombre de Membres des Cabinets Ministériels

    Depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, un mouvement assumé de limitation du nombre de membres des cabinets ministériels a été initié12.

    L’objectif étant de recentrer les cabinets ministériels dans l’orientation politique en laissant aux administrations le soin de l’exécution technique.

    La tendance à la limitation des cabinets ministériels a abouti à la création de cabinets au niveau des directions d’administration centrale et à la création d’instances nouvelles13 ou de secrétariat d’État. Paradoxalement, la diminution du nombre de conseillers, peut donc être aussi un facteur de complexification.

    Il n’en reste pas moins un nombre relativement élevé de collaborateurs gouvernementaux. Au titre de 2024 :

    • près de 500 membres de cabinet et
    • 2 200 personnels supports.
    Jaune budgétaire 2025
    Jaune budgétaire 2025

    La spécificité de Matignon et des Services du Président de la République

    Les Services du Premier Ministre

    Matignon est un monde en soi où il existe des « pôles » :

    • Éducation nationale et Enseignement supérieur ;
    • Justice ;
    • Intérieur ;
    • Social ;
    • Économique ;
    • Comptes publics ;
    • Diplomatique ;
    • Culture ;
    • Outre-mer ;
    • Environnement, Énergie, Transport, Logement ;
    • Agriculture…

    Concrètement, le cabinet du Premier ministre s’appuie sur une double machinerie :

    • Le Secrétariat général du gouvernement (SGG), véritable direction juridique centralisée du gouvernement, dédié au suivi technique des arbitrages gouvernementaux et
    • Les conseillers politiques des différents pôles précités : chaque chef de pôle étant accompagné de deux à cinq conseillers et éventuellement d’un chargé de mission.

    Au total, le SGG compte environ une centaine d’agents dont une trentaine de chargés de mission chargés du suivi des différentes politiques ministérielles14 ; tandis que le Premier ministre dispose de cinquante à soixante conseillers ou chefs de pôle.

    Compte tenu de la taille des effectifs, les liens qu’entretiennent le Premier ministre et le directeur de cabinet avec les conseillers sont nécessairement plus lâches.

    Léon Blum, l’inventeur du SGG
    Léon Blum, l’inventeur du SGG

    Les Services du Président de la République

    Outre l’État-major particulier du Président de la République, le chef de l’État peut s’appuyer sur des conseillers, également organisés en pôles.

    On y trouve, un pôle :

    • Régalien ;
    • Diplomatique ;
    • Social ;
    • Économique ;
    • Écologique, agriculture, énergie, transport, logement.

    À la différence du Premier ministre, certains pôles sont particulièrement fournis. Il en est ainsi pour le pôle diplomatique, et de manière transversale, pour la communication.

    À titre exceptionnel dans l’histoire de la Ve République, des conseillers communs ont même existé en 2017 entre MM. Edouard Philippe et Emmanuel Macron. Cette pratique n’a pas été renouvelée.

    La Diversité des Cabinets Ministériels

    Comme énoncé plus haut, l’État comporte des pôles avec des spécificités très marquées, dans le langage, les habitudes de travail, les lieux.

    Les « sociaux » se distinguent nettement des « militaires », qui se distinguent des « comptes », qui se distinguent des « diplo ».

    Le Cabinet Briand, en 1921
    Le Cabinet Briand, en 1921

    Ce faisant, certains cabinets présentent une ouverture au secteur privé spécifique. En premier lieu, le ministre chargé des petites et moyennes entreprises (lorsqu’il existe) et plus généralement le ministère du Travail.

    À l’inverse, certains cabinets sont les chasses gardées de personnels étatiques, et parfois de corps spécifiques. Il en est ainsi des Armées, de l’Intérieur, de l’Economie, du Budget et dans une moindre mesure de l’Environnement15.

    Au global, près de la moitié des collaborateurs sont sur contrat, le plus souvent issus du secteur privé.

    Jaune budgétaire 2025
    Jaune budgétaire 2025

    Il existe également des différences dans l’âge de recrutement, outre le fait que le directeur de cabinet est le confirmé, les conseillers ministériels sont en général jeunes, voire très jeunes16.

    Par ailleurs, certains emplois ont un recrutement à la mesure de leur spécificité :

    • Le chef de cabinet est souvent jeune et dispose, de préférence, d’une expérience politique17 ;
    • Le conseiller parlementaire se recrute en majorité parmi les collaborateurs parlementaires ;
    • Enfin, le conseiller en communication, qui est plus souvent une femme, provient fréquemment du monde entrepreneurial et plus précisément de l’univers du conseil. 

    Bonus : la Classification de Guy Carcassonne

    Dans un article de la revue Pouvoirs, Guy Carcassonne esquisse une typologie des cabinets et membres de cabinets :

    • « Les copains » : Ce qui se rapproche des conseillers spéciaux évoqués plus haut, entendu comme des proches du ministre. Carcassonne évoque ici un « avatar du scootisme » ;
    • « Les enfants » : Des conseillers techniques, très jeunes, en présence d’un ministre et d’un directeur de cabinet plus expérimenté. « Lorsqu’elle est réussie, cette combinaison donne d’excellents résultats. »
    • « Les valets » : Les recrutements sont réalisés par le directeur de cabinet seul, le ministre ne souhaitant pas s’investir dans la conduite du cabinet. Disposant de peu d’autonomie, ces conseillers exécutent. Si dans certains ministères très politiques ce mode de fonctionnement peut présenter quelques avantages, il est le plus souvent très dommageable.
    • « Les lieutenants » : Le ministre prend une part active au choix des conseillers, laissant au directeur de cabinet l’animation quotidienne. Le ministre délégue une part de ses prérogatives aux conseillers et se rend accessible à leurs suggestions. À l’évidence, il s’agit du modèle idéal selon Carcassonne.
    1. Ancien président de section au Conseil d’État, directeur de cabinet de plusieurs ministres : Enseignement supérieur, Justice, Intérieur, Emploi et Solidarité.
    2. En supposant toutefois une compatibilité des idées politiques entre le ministre et les éventuels membres de cabinet.
    3. Le directeur de cabinet dispose alors d’une légitimité lui octroyant une forme d’autonomie avec le ministre et de relais lui permettant de faire prévaloir son orientation auprès du Premier ministre ou du Chef de l’État.
    4. Un ministre d’un parti politique peut ainsi solliciter son ainé ayant occupé il y a peu la fonction.
    5. Sur les attributions des ministres, vous pouvez vous référer à cet article relatif aux directions d’administration centrale.
    6. C’est même, très souvent, le professionnel le plus expérimenté du cabinet.
    7. Risque qui semble par ailleurs plutôt inutile. Le travail administratif est, somme toute, très différent du travail d’un manager du secteur privé.
    8. Voire son corps d’appartenance (conseiller d’État, Inspecteur général, ambassadeur, magistrat…).
    9. Le directeur de cabinet demeurant à Paris, sauf pour les déplacements les plus importants.
    10. Le directeur de cabinet, hormis les cas où il est issu du secteur privé, est systématiquement un haut fonctionnaire. Les conseillers ministériels sont aussi majoritairement des hauts fonctionnaires, des collaborateurs d’élus ou des salariés du secteur privé.
    11. Il peut y avoir des cabinets sans conseiller budgétaire, mais on frise alors l’amateurisme.
    12. Conformément au décret 2024-23 du 17 janvier 2024, un ministre de plein exercice peut disposer de quinze membres de cabinet et un ministre délégué auprès du Premier ministre de onze membres.
    13. Par exemple, la création de hauts commissaires, dont la réapparition est également une des singularités de ces dernières années.
    14. Ces politiques ministérielles rejoignent les pôles précités, mais pas entièrement. Le SGG comporte moins de thématiques que le cabinet politique. La pratique est qu’un chargé de mission, de catégorie A+, est accompagné par un chargé de mission adjoint, généralement un attaché principal d’administration de l’État.
    15. Logement, Énergie, Transport.
    16. Notamment pour les conseillers budgétaires, souvent issus de la direction du Budget, avec une expérience d’un ou deux postes de chef de bureau.
    17. Auprès d’un député ou d’un exécutif local notamment.
  • Le Modèle de Carrière et la Séparation du Grade et de l’Emploi

    Le Modèle de Carrière et la Séparation du Grade et de l’Emploi

    Temps de lecture : 9 minutes.

    Comme on a déjà pu le voir dans ce précédent article consacré au concours, la France incarne (ou a incarné) le modèle de fonction publique de carrière. À l’inverse, plusieurs pays sont identifiés comme des fonctions publiques de métier : l’Italie, les Pays-Bas, les États-Unis.

    Ce système de carrière se présente généralement par la conjugaison de plusieurs spécificités :

    • Un accès par concours, et non par recrutement direct1 et
    • L’intégration dans un corps (ou plus généralement un cadre hiérarchisé) lui donnant accès à des emplois et où le fonctionnaire a vocation à passer toute sa vie professionnelle en franchissant divers grades. Autrement dit : « la distinction du grade et de l’emploi. »

    La Distinction du Grade et de l’Emploi

    Un Principe Ancien, Né sous la Restauration

    Cette distinction est née en France par la célèbre loi du 19 mai 1834 sur l’état des officiers2 qui dispose en son article premier3 que :

    « Le grade est conféré par le Roi, il constitue l’état de l’officier ».

    Un officier !
    Un officier !

    Son exposé des motifs est également célèbre et synthétise le système de carrière :

    « Elle est fondée sur ces principes : que le grade constitue l’état de l’officier ; qu’il ne peut lui être arbitrairement enlevé, mais qu’il faut distinguer le grade de l’emploi ; qu’au Roi appartient le droit de donner l’emploi ou de l’ôter ; que, sans cela, la discipline et la subordination seraient détruites ; mais, si l’emploi et tous les avantages qu’il procure avaient pu être arbitrairement enlevés, on conçoit que le grade laissé à l’officier n’eut été qu’un vain titre ; en conséquence, des garanties sont données pour prévenir tout retrait arbitraire de l’emploi, et ces garanties sont d’autant plus grandes, que la position dans laquelle l’officier privé d’emploi se trouve placé se rapproche plus de la privation complète du grade. »

    Un Principe À la Fois Souple et Sécurisant

    La séparation du grade et de l’emploi implique, très concrètement, deux choses :

    • Une protection pour le fonctionnaire (ou militaire) : la suppression de l’emploi n’emporte pas la suppression du traitement, du grade ou du droit à avancement4 ;
    • Un instrument de gestion pour l’administration, qui est « maîtresse de l’emploi »5 : elle peut nommer, muter, affecter ou supprimer un emploi dès lors que l’intérêt du service le justifie.

    Juridiquement, dans la fonction publique, seul compte : « l’intérêt du service ». Aucun frein, contractuel ou collectif6, ne s’impose à l’administration et aux chefs de service pour organiser le service7.

    Ce mécanisme rend également possible une valorisation des emplois, puisque l’administrateur peut tout à fait définir des conditions spécifiques pour accéder à tel ou tel emploi.

    Dans les Faits : Une Gestion Peu Orientée Vers l’Emploi

    Une Pratique Parfois Rigide et Peu Orientée vers l’Emploi

    En dépit de la souplesse offerte par le statut de la fonction publique et le principe de distinction du grade et de l’emploi, la pratique est parfois jugée rigide et « égalitariste », au détriment des emplois :

    • Une notation administrative sans beaucoup d’effet sur l’évolution professionnelle ou les rémunérations ;
    • Des concours centrés sur la sélection des candidats sur des compétences générales, sans logique de postes à pourvoir8 ;
    • Une rémunération trop indexée sur le grade et l’échelon, au détriment des fonctions exercées9 ;
    • Des mutations souvent guidées par l’ancienneté ou le grade, plus que par les compétences ou les besoins du service. La situation des enseignants est évidemment symptomatique, mais elle n’est pas unique10.

    Les Aménagements Progressifs du Système de Carrière

    Une Construction Doctrinaire au Fil de Rapports Consacrés à la Fonction Publique

    Source : Pexels Lum3n
    Source : Pexels Lum3n

    Plusieurs rapports consacrés à notre système de fonction publique ont esquissé des propositions d’évolution vers une logique de métiers :

    Le livre blanc sur l’avenir de la fonction publique du 17 avril 2008, dit rapport Silicani, qui formule quarante propositions, dont :

    • la professionnalisation du recours aux contractuels,
    • la facilitation des transitions professionnelles entre secteurs privés et publics,
    • la reconnaissance d’accords collectifs,
    • l’identification des métiers et la prévision de leur évolution qualitative et quantitative,
    • l’identification des viviers de recrutement,
    • la modernisation de l’organisation générale des recrutements,
    • la professionnalisation des modes de recrutement par concours externes,
    • la création d’un véritable marché de l’emploi public,
    • l’affectation de chaque agent dans le cadre d’une convention établie entre lui et son employeur,
    • la transformation de l’évaluation en un élément central d’évolution de la carrière,
    • le renforcement de la sélectivité des promotions de grade,
    • la distinction dans les rémunérations entre une composante liée au grade et une autre liée à l’emploi,
    • la personnalisation de la rémunération fonctionnelle en tenant compte de la difficulté du poste et des résultats de l’agent,
    • le développement des formations, notamment aux moments clés de la carrière.

    Le rapport au premier Ministre sur la fonction publique du 4 novembre 2013, dit rapport Pêcheur, qui propose :

    • le développement des démarches de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences,
    • la création de « statuts d’emplois communs » aux trois fonctions publiques et aux militaires,
    • la relance des fusions de corps et la création de nouveaux « cadres professionnels interministériels »,
    • la création de lignes directrices de gestion et le développement des affectations sur profils,
    • la caractérisation des corps ou cadre d’emploi par le « niveau de fonctions » et non par le seul niveau de diplôme,
    • le développement des échelons fonctionnels au sein des corps (accès à des fonctions élevées),
    • ainsi que des mesures concrètes comme :
      • la création d’une bourse commune de l’emploi public
      • l’obligation de déclarer et de publier les postes vacants
      • la construction d’un répertoire commun des emplois.

    Le rapport de restitution des travaux de la conférence sur les perspectives salariales dans la fonction publique du 14 mars 2022, dit rapport Peny, Simonpoli, qui réaffirme l’intérêt de la distinction du grade et de l’emploi et du système de grille de rémunération, mais propose en contrepartie :

    • une plus grande prise en compte du niveau de qualification réel et du niveau de responsabilité ;
    • une meilleure valorisation des compétences et des parcours des agents, notamment par la création d’accélérateur de carrière ;
    • la création de filières, qui pourraient être communes à plusieurs versants de la fonction publique ;
    • la reconnaissance d’une performance collective.

    Ces idées ont désormais germées et ont profondément changé le système de gestion des agents publics.

    Un Renforcement de la Logique de Métiers

    Depuis plusieurs années, une logique de suppression et mutualisation de corps est à l’œuvre afin d’identifier les synergies et de valoriser l’aspect « métier »11.

    Le nombre de corps de fonctionnaires relevant de l’État est passé de 700 en 2005 à un objectif de 270 en 2023.

    Force est de constater que de nombreux corps avaient perdu le lien avec leur savoir-faire et leur justification initiale. Le corps est devenu un instrument de gestion et un sujet d’identification collectif, sans réflexion sur le métier lui-même.

    Fusionner des corps, c’est donc aussi se séparer de certains symboles12, afin de « réactiver la dimension professionnelle de la carrière »13, tout en permettant davantage de fluidité et une plus grande richesse de carrière.

    Une Plus Grande Interministérialisation

    Cette fusion de corps va de pair avec une plus grande interministérialisation, que l’on peut notamment constater dans la forte augmentation des recrutements d’attachés d’administration de l’État. Elle s’est aussi incarnée récemment par la suppression de corps très symboliques : celui des préfets, des diplomates et des inspecteurs généraux (des finances, de l’administration, des affaires sociales…).

    Un préfet !
    Un préfet !

    Elle facilite les mobilités entre les agents publics14, et ce faisant, décloisonne ces anciens corps en permettant de recruter en fonction de critères plus professionnels et pour des durées plus courtes.

    L’étape suivante, notamment proposée dans les rapports Silicani ou Peny serait de substituer ces 270 corps par quelques filières : sécurité, administration générale…

    Cette filiérisation et ce découpage par métier existe déjà par ailleurs :

    Une structuration des emplois, parallèle à celle des corps de fonctionnaires, a déjà été mis en œuvre : il s’agit du répertoire des métiers de la fonction publique ;

    Le site de publication des offres d’emploi des trois versants de la fonction publique (État, collectivités territoriales et hospitalières), choisirleservicepublic.gouv.fr, est déjà assis sur ces 29 filières et près d’un millier de métiers.

    Le Renforcement de la Contractualisation

    La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique (dite loi « TFP ») a largement libéré l’usage du contrat :

    • Par l’ouverture des emplois de direction des trois versants de la fonction publique aux contractuels15 ;
    • Par la création de contrats de projet, permettant d’embaucher des agents pour réussir des projets ou des opérations identifiées16 ;
    • Par la possibilité pour l’intégralité des établissements publics de l’État de recruter des contractuels (contre quelques-uns limitativement énumérés auparavant) ;
    • Par la possibilité pour les administrations de l’État de recruter des contractuels sur la majorité des emplois permanents17 ;
    • Par une extension des possibilités de portabilité du contrat à durée indéterminée de l’agent public aux trois versants de la fonction publique18.

    Désormais, comme aux débuts de France télécom ou de La Poste, les fonctionnaires cohabitent quotidiennement dans les administrations avec les contractuels19.

    Cette contractualisation s’exerce également dans la gestion collective, à travers les lignes directrices de gestion ministérielle (introduite par la loi « TFP » de 2019), mais également les accords interministériels en matière de condition de travail20 et de protection sociale des agents publics21.

    Ce mouvement semble inéluctable et très probablement salutaire. Comme le souligne MArcel Pochard, ancien directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) :

    « Il est paradoxal de prétendre faire de la gestion personnalisée, sans l’outil qu’est le contrat. »

    1. Même si des exceptions existent, comme les nominations (très encadrées) au « tour extérieur », ou les pratiques de détachement pour les fonctionnaires, leur permettant des mobilités entre corps.
    2. La loi du 19 mai 1834 sur l’état des officiers est consultable ici : https://books.google.fr/books?id=0dk1AQAAIAAJ&dq=loi%201834%20officiers&pg=PA105#v=onepage&q=loi%201834%20officiers&f=false
    3. Quand l’article trois énonce ensuite les différentes positions de l’officier : activité, disponibilité, puis « non-activité » aux articles quatre et suivants.
    4. Le fonctionnaire ne peut être révoqué par une sanction disciplinaire (article L. 533-1 du code général de la fonction publique – il s’agit d’une sanction du troisième groupe) ou par une loi de dégagement des cadres, dont les dernières intervenues sont liées à la Seconde Guerre mondiale.
    5. Expression de Marcel Pochard, « L’emploi dans la gestion des ressources humaines de la fonction publique », Revue française d’administration publique 2009/4 (n° 132), p. 689-700.
      DOI 10.3917/rfap.132.0689
    6. Les organisations syndicales n’ont pas, juridiquement, à se prononcer sur l’organisation du service.
    7. Les différentes réformes territoriales de l’État auraient été difficilement possibles au même coût dans un système contractuel. Cette façon de gérer les effectifs, même si elle est commode pour l’employeur, peut toutefois poser des difficultés dans un contexte où les agents manifestent davantage d’attentes. Une plus grande personnalisation dans la gestion des agents est probablement nécessaire.
    8. Ce qui est le principe du système de carrière, où la polyvalence prime ; mais qui dans un univers de plus en plus technique et complexe peut induire un manque de profondeur sur certaines fonctions.
    9. Ce que l’Indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), au côté du Complément indemnitaire annuel (CIA) tentent de corriger. Mais le régime d’IFSE n’est pas applicable partout, comme on l’a vu récemment dans un rapport consacré à la DGCCRF.
    10. Voir également l’article issu du rapport de la Cour des comptes sur les corps techniques des ministères économiques et financiers.
    11. Sur le modèle des « cadres d’emplois » des collectivités territoriales.
    12. La suppression des corps de hauts fonctionnaires est topique.
    13. Gilles Jeannot, « De la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) aux cadres statutaires : la progressive émergence de la notion de « métier » dans la fonction publique d’Etat en France », Revue française d’administration publique 2005/4 (no116), p. 595-608. DOI 10.3917/rfap.116.0595
    14. Désormais, l’administrateur de l’État peut ainsi, passer d’une fonction de préfet à diplomate, avant de devenir inspecteur général.
    15. Près de 3 000 emplois de direction sont concernés. Ces emplois sont listés au décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019 pour la fonction publique d’État.
    16. Sans beaucoup de succès selon la Cour des comptes. Le dispositif est encadré par le décret n° 2020-172 du 27 février 2020 relatif au contrat de projet dans la fonction publique.
    17. Le (feu) article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État prévoyait deux dérogations au recrutement de fonctionnaires : « 1° Lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes » et « 2° pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins du services le justifient. » La loi de transformation de la fonction publique élargi les cas prévus aux 2° en citant d’emblée « lorsque la nature des fonctions ou les besoins de services le justifient » et en disposant ensuite une liste indicative : « des compétences techniques spécialisées ou nouvelles », « lorsque l’autorité de recrutement n’est pas en mesure de pourvoir l’emploi par un fonctionnaire présentant l’expertise ou l’expérience professionnelle adaptée », enfin « 3° Lorsque l’emploi ne nécessite pas une formation statutaire donnant lieu à titularisation dans un corps de fonctionnaires ».
    18. Auparavant, cette portabilités n’était possible qu’au sein d’un des trois versants. En précisant toutefois que cette portabilité n’est pas un droit, mais une possibilité pour l’employeur. Il n’y a pas de « droit au CDI ». Et cette portabilité n’entraîne pas davantage la conservation des stipulations contractuelles.
    19. À l’exception de quelques secteurs préservés, notamment dans les métiers de la sécurité.
    20. Accord relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique du 13 juillet 2021.
    21. Avec en premier lieu l’accord interministériel relatif à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique de l’État du 26 janvier 2022.
  • « Fonctionnaire moyen », par Bernard Letondu (2009)

    « Fonctionnaire moyen », par Bernard Letondu (2009)

    Temps de lecture : 11 minutes.

    Le premier livre (à ma connaissance) d’un attaché d’administration sur les attachés d’administration.

    Ce petit livre, assez peu connu, tient son intérêt dans la représentation du vécu d’un attaché d’administration dans les 1970 à 1980. L’auteur étant affecté à la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), rue Oudinot1.

    Si l’auteur décrit assez peu son travail, il s’attarde longuement sur l’injustice de sa situation : être attaché d’administration de l’État, faute d’avoir réussi le concours d’entrée à l’École nationale d’administration (ENA). Sa verve sur ce concours et cette école (et sur ses collègues et supérieurs, qu’il méprise) n’en est que plus grande. Un personnage se dessine : proche de celui de l’Araigne de Michel Troyat, les sœurs en moins.

    Bien que dispensable, cet ouvrage éclaire l’une des singularités des attachés d’administration, et plus particulièrement ceux d’administration centrale :

    L’attaché d’administration centrale est celui qui partage son espace de travail avec des individus particuliers : les énarques.

    Un Échec Fondateur au Concours de l’ENA

    Source : Pexels, Antoine Conotte
    Source : Pexels, Antoine Conotte

    Après quelques éléments biographiques, l’auteur en arrive au bouleversement fondamental de son existence professionnelle : son échec à l’École nationale d’administration (ENA).

    De cet échec, il en tire quelques jugements lapidaires :

    « Dans l’administration (…) tout parait joué d’avance. »

    Plusieurs récriminations s’ensuivent, alimentées par un sentiment d’injustice, induisant une forme de frustration agressive :

    « Il aurait été impensable de tutoyer les énarques, bien qu’ils aient le même âge que moi. J’avais un peu l’impression que doivent avoir les salariés d’une petite entreprise familiale, dans le secteur privé. Ceux qui ne font pas partie de la famille des dirigeants, quelles que soient leurs compétences et leurs qualifications, seront toujours bloqués dans leur carrière, et cantonnés dans les tâches subalternes. »

    Une Critique du Système de Concours et de Carrière

    Élément assez étonnant pour un fonctionnaire, qui plus est affecté à la Direction générale de la fonction publique (DGAFP), l’auteur se fait particulièrement critique sur le système de carrière, qu’il juge déconnecté des besoins de l’administration.

    « Dans l’administration comme dans l’armée, on ne cherche pas du tout à utiliser la formation qu’ont pu acquérir les agents avant leur recrutement. Seuls comptent le statut et le grade. »

    « On commence par vous recruter et après, on réfléchit à ce qu’on va faire de vous. »

    Puis, plus loin, dans une remarque, une fois encore, tout en sous-entendus et inspirée par un rejet du système de carrière2 :

    « Lorsqu’on a été conditionné par des années d’études, on a tendance à croire qu’il faut s’adapter au profil du poste offert, alors que ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui savent adapter le poste à leur propre profil. »

    Toutefois, le propos est tellement teinté de ressentiment qu’on peine à y discerner une structuration correctement argumentée3. L’auteur semble plutôt chercher, par l’ironie et le dédain, à marquer sa supériorité vis-à-vis du système.

    La Description de l’Administration « Par le Petit Trou de la Serrure »

    Une Révélation des Hiérarchies Ministérielles

    Arrivé dans une direction dépendant alors du Premier ministre (la DGAFP), pourtant jugée prestigieuse, l’auteur se voit reproché son affectation.

    Parmi ces nouveaux collègues, quelques-uns lui conseillent ainsi de partir au plus vite pour choisir la direction générale de l’aviation civile ou la Caisse des dépôts et des consignations, deux administrations qui, encore aujourd’hui, sont réputées pour leurs rémunérations généreuses.

    « Le fonctionnaire n’est jamais satisfait d’être là où il est. Il est toujours persuadé que sa situation serait plus enviable ailleurs. »

    Source : Pexels, Ann H
    Source : Pexels, Ann H

    Des Hiérarchies Toujours Marquées

    Encore aujourd’hui, et particulièrement pour les affectations interministérielles (administrateurs de l’État et attachés d’administration de l’État), cette hiérarchie demeure :

    • Les ministères économiques et financiers qui comptent plusieurs directions particulièrement prestigieuses :
      • la direction générale du Trésor,
      • la direction du Budget,
      • la direction des affaires juridiques et désormais4
      • la direction générale de l’administration et de la fonction publique ;
    • Le ministère de l’Intérieur, parce qu’il permet d’accéder à des fonctions préfectorales (très recherchées par certains fonctionnaires) et qu’il compte également des directions emblématiques :
      • la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, évidemment…
      • la direction générale des collectivités locales,
      • les directions « sécurité » :
        • la direction généralise de la sécurité intérieure,
        • les directions générales de la gendarmerie nationale et de la police nationale,
        • la direction générale de la sécurité civile et des crises ;
    • Le ministère des Affaires étrangères, sans qu’il soit besoin d’expliquer longtemps d’où vient cette passion chez certains candidats…
      • la direction générale de la mondialisation,
      • la direction générale des affaires politiques et de sécurité ;
    • Enfin, la Caisse des dépôts et des consignations : pour ses rémunérations, son organisation proche du secteur privé et son réseau territorial, particulièrement recherché (Angers, Bordeaux…) ;
    • La direction générale de l’aviation civile : pour ses rémunérations, par passion pour les politiques publiques poursuivies.

    Des Hiérarchies au Sein des Directions

    L’auteur évoque sur de nombreuses lignes l’un des instruments de clivage les plus évidents et marqués : le mobilier de bureau.

    Si les meubles en bois massifs ont aujourd’hui quasiment disparu des administrations, certains constats demeurent : sur la taille des bureaux (la pièce, comme le meuble lui-même), l’octroi de table de travail et de chaises.

    Le mobilier administratif est généralement uniforme, le besoin de distinction n’en est donc que plus important et il est très codifié suivant le niveau de responsabilité.

    « Les fonctionnaires civils se différencient les uns des autres, non par des galons, comme les militaires, mais par l’ameublement de leur bureau. »

    La Création de l’ENA est Indissociable du Statut de la Fonction Publique

    La Conjugaison du Gaullisme et du Communisme

    Le premier statut général, de 19465, comme le second, celui de 1981, furent conçus par des ministres communistes : Michel Thorez, pour le premier ; Anicet le Pors, pour le second.

    L’autre grand pilier du statut a été initié par Michel Debré dans une « étrange collusion »6 avec les communistes : il s’agit de la création de l’ENA7.

    L’auteur précise les objectifs assignés à la création de cette école :

    • Centraliser les recrutements pour éviter le favoritisme et la cooptation des différents concours organisés jusque-là et
    • Proposer une formation commune à même de favoriser l’interministerialité8.

    La création de cette école va de pair avec une promotion de la mobilité sociale :

    • Un concours externe (classique), pour les étudiants ;
    • Un concours interne, pour les fonctionnaires motivés et méritants, qui constitue la novation du dispositif.

    Une Touche de Christianisme

    L’auteur rajoute une dernière interprétation dans l’analyse des racines culturelles et politique du statut de la fonction publique : le christianisme.

    Chacun jugera.

    « Beaucoup de ceux qui veulent entrer dans l’Administration auraient peut-être cherché à embrasser une carrière ecclésiastique sous l’Ancien régime. Pas seulement par opportunisme et désir de bénéficier d’une rente de situation, mais aussi par désir de se dévouer au bien public et par goût d’un environnement hiérarchisé, aux règles strictes. »

    « Les fondements du statut général des fonctionnaires se situent donc au confluent de trois traditions : la tradition catholique, la tradition bonapartiste, dans laquelle s’inscrit Michel Debré, fondateur de l’ENA et dirigeant du parti gaulliste, et la tradition stalinienne, qui est celle de Maurice Thorez. Il faut rappeler aussi que Staline était un ancien séminariste… »

    Une Promotion Interne en « Trompe-l’Œil »

    Cette mobilité professionnelle des internes s’est révélée rapidement biaisée selon l’auteur9, principalement de deux façons :

    • Elle a été utilisée par les fonctionnaires les plus diplômés, en guise de rattrapage du concours raté et
    • Elle n’a pas permis aux (faux ?) internes de se distinguer au classement de l’ENA dans l’attribution des places ouvertes au titre des « grands corps ». Autrement dit, le caractère « professionnel » de l’École manque sa cible.

    Un Système Qui S’Apparente à une Rente Pour l’Auteur

    L’élitisme républicain connaît aujourd’hui de nombreuses critiques, françaises10 ou américaines11.

    Si, mécaniquement, chaque société organisée tend à créer et à se structurer autour d’un centre de commandement. La problématique de l’élitisme est de séparer et de hiérarchiser les individus, souvent très tôt dans leur vie. Ce faisant, ces sociétés présentent généralement un modèle rigide et laissent peu de place à l’appréciation de la valeur professionnelle en situation réelle, dans la vie des individus.

    Les sociétés élitistes sont donc inégalitaires et cloisonnées. Afin de justifier ces inégalités, plusieurs modèles existent, dont le modèle dit « méritocratique »12 qui vise à sélectionner « les meilleurs » par des épreuves censées être incontestables.

    « Le système de castes qui existe en France est peut-être encore plus pernicieux que celui qui existe en Inde, parce qu’il est invisible. (…) L’idée géniale, c’est d’avoir justifié des privilèges exorbitants non plus par la naissance, ce qui serait bien sûr injuste, mais par le mérite, en instaurant un concours réellement difficile, et en faisant croire qu’il était ouvert à tous. »

    En effet, cette justification (du concours méritocratique) appelle elle-même deux critiques :

    • D’abord, elle est réservée à un trop faible nombre de personnes, ce qui nuit à la concurrence au sein même de cette élite ;
    • Ensuite, elle est définitive. La réussite au concours de l’ENA garanti l’accès aux plus hautes fonctions de l’État de manière quasiment définitive13.

    « La société française distille ses élites au compte-gouttes, et ce qui fait toute la valeur des membres des grands corps, c’est leur rareté. Ce n’est d’ailleurs pas si absurde pour ceux qui bénéficient ainsi d’une rente de situation à vie, précisément grâce à cette rareté. Ils n’ont donc aucun intérêt à accepter une remise en cause de leurs privilèges. »

    « Le statut des hauts fonctionnaires français rappelle celui des « Forts des Halles14 » : autrefois, ceux qui parvenaient à soulever un poids très lourd obtenaient le titre envié de « fort des halles », moyennant quoi ils étaient définitivement dispensé de soulever quoi que ce soit, et pouvaient le faire soulever par d’autres. »

    Un Élitisme qu’il Considère Fermé, Endogame

    « L’un des inconvénients de ce prestige hypertrophié d’un très petit nombre de grandes écoles, c’est la dévalorisation des formations universitaires. »

    En dehors de l’École nationale supérieure citée ci-après, les énarques proviennent essentiellement de Sciences Po Paris. La diversité des parcours, des savoirs, des profils… semble secondaire15.

    Par ailleurs, l’université française n’est pas exempte de critique pour l’auteur :

    « L’université française fonctionne pour la plus grande gloire des professeurs, et se désintéresse complètement des étudiants. »

    Une Critique Appuyée Contre les « Normaliens »

    L’auteur appuie plus fortement encore ses critiques sur les anciens élèves de l’École normale supérieure (ENS).

    « L’anomalie la plus flagrante est le cas des normaliens : (…) Après deux ou trois ans de préparation, ils passent le concours de l’École normale supérieure, et ils sont payés pendant trois ans pour préparer l’agrégation des lycées. Leur salaire est celui d’un fonctionnaire de catégorie B (puisqu’ils ont le bac) (…). Certains se détournent de l’enseignement, et préfèrent passer, juste après l’agrégation, le concours étudiant de l’ENA. Leur grande culture générale, mais aussi le fait d’avoir déjà réussi deux concours prestigieux les fait bénéficier d’un préjugé favorable auprès des membres du jury, qui n’ont souvent pas un jugement très personnel. Il est déjà discutable que le contribuable ait payé la formation de futurs enseignants qui n’enseigneront jamais, et qu’il doive ensuite payer leur scolarité à l’ENA. »

    « Contrairement à la classe dirigeante des pays anglo-saxons, qui doit faire de gros sacrifices pour financer les études de ses enfants, la classe dirigeante française les fait donc financer par le contribuable. »

    La Création des Attachés d’Administration Comme Corps de Relégation

    Une Création du Corps des Attachés en 1955, Pour Seconder les Administrateurs Civils

    Le corps des attachés d’administration centrale est créé en 1955, dix ans après la création de l’ENA. Pour l’auteur, ce corps est d’abord créé pour rehausser l’image et les perspectives professionnelles des énarques.

    Ici encore, l’attaché d’administration, comme l’auteur, ne semblent exister qu’en contrepoint du haut-fonctionnaire, énarque :

     « Le corps des attachés d’administration centrale est créé (…) pour décharger les administrateurs civils de leurs tâches les plus ingrates. Ils seront désormais secondés par un corps de sous-fifres aux perspectives de carrière pratiquement inexistantes, qui doivent pourtant comme eux être titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur pour pouvoir passer le concours de recrutement. »

    « Ils appartiennent donc à la catégorie A, mais les énarques ne les considèrent pas comme des fonctionnaires de catégorie A à part entière, et emploient à leur sujet le terme dévalorisant de catégorie « A’ », bien que ce terme n’ait pas de valeur juridique. Une autre façon de présenter les choses consiste à dire que les attachés font bien partie de la catégorie A, mais alors les administrateurs civils deviennent des « A+ ». »

    Des Perspectives Professionnelles Jugées Trop Maigres

    Source : Pexels, Justin Nealey
    Source : Pexels, Justin Nealey

    Le ressentiment à l’égard du corps d’attaché d’administration est particulièrement prononcé chez l’auteur et n’est pas, à ma connaissance, observable dans d’autres corps de catégorie A équivalents.

    À titre d’exemple, nous avons pu constater dans un précédent article que les inspecteurs de la concurrence et de la répression des fraudes étaient très fidèles à leur corps et leurs métiers.

    La spécificité du travail des attachés en administration centrale, en proximité directeur avec les administrateurs, explique probablement ces difficultés.

    « Au niveau des catégories intermédiaires et subalternes (…) la frustration est la règle : frustration des administrateurs civils qui n’ont pu accéder aux grands corps, frustration encore plus grande des attachés d’administration centrale dont le sort est intimement lié à celui des administrateurs civils, puisqu’ils ont statutairement l’honneur d’être leurs “collaborateurs directs” (…), mais qui en sont cependant séparés par une ligne de démarcation infranchissable pour la plupart d’entre eux. »

    « En effet, les attachés peuvent théoriquement espérer (…) accéder au corps des administrateurs civils, mais la probabilité d’y parvenir est très faible et, de toute façon, rares sont ceux qui y arrivent avant quarante ans. Ils ont donc, même dans la meilleure hypothèse, quinze ans de retard sur les administrateurs civils issus de l’ENA, et ce retard ne se rattrape jamais. »

    Pour plus d’informations sur l’accès des attachés d’administration au corps des administrateurs, vous pouvez vous référer à cet article sur le tour extérieur des administrateurs de l’État.

    « Les fonctionnaires de catégorie B sont à la limite moins à plaindre que les attachés, puisqu’ils sont recrutés au niveau du bac et qu’ils n’ont donc pas eu la peine de préparer un diplôme d’études supérieures. Par la voie du concours interne, beaucoup arrivent à accéder au corps des attachés, mais leur promotion va rarement au-delà. On est donc dans un système assez scolaire, où les fonctionnaires, au lieu de s’impliquer dans leur travail, passent leur temps à préparer des concours pour essayer d’y échapper. Les cas de hauts fonctionnaires qui ont débuté tout en bas de l’échelle sont quand même assez rares. Pour y parvenir, il faut beaucoup de persévérance, car plus on avance en âge, plus il devient difficile de se replonger dans des études sans sacrifier sa vie personnelle. »

    1. Dans les locaux de l’actuelle direction générale des outre-mer (DGOM)
    2. Comme énoncé dans un précédent article (Le recrutement par concours dans la fonction publique est-il fini ?), le concours implique assez largement une forme corporatiste : une autonomie collective et technique. Ce qui peut favoriser certains profils que l’économiste libéral qualifierait de free rider ou passager clandestin. Il ne me semble toutefois pas que ces profils soient les plus nombreux.
    3. L’auteur est affecté au cœur du système statutaire, dans l’une des directions les plus prestigieuses de la République et il n’en tire… rien. Pas ou peu de textes, aucune interprétation ou argumentation juridique. Dommage.
    4. La direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) est désormais rattachée en gestion au secrétariat généraux des ministères économiques et financiers.
    5. Le statut de Vichy de 1941 étant évidemment mis à part.
    6. L’expression est de l’auteur.
    7. L’ordonnance n° 45-2283 du 9 octobre 1945 crée l’ENA et la DGAFP.
    8. En soulignant qu’il n’existait pas, évidemment, la formation des instituts régionaux d’administration (IRA) – elle-même interministérielle. L’auteur, et c’est dommage, ne parle pas de la création des IRA et de l’institutionnalisation progressive du corps des attachés d’administration de l’État.
    9. Mais ce constat n’est en rien original.
    10. Que l’on pense à Michel Crozier par exemple, ou à Pierre Bourdieu (mais sa pensée a vieilli, il me semble).
    11. Pour ne citer qu’un seul ouvrage récent : The Tyranny of Merit de Michael Sandel.
    12. La méritocratie comporte, paradoxalement, une part égalitaire en posant l’idée qu’un même savoir délivré à l’ensemble des enfants permet de distinguer « les meilleurs » des « moins bons » de manière juste. Les progrès des sciences sociales démontrent aujourd’hui le caractère léger du principe – sans pour autant enlever aux lauréats des concours leurs compétences, notamment intellectuelles, et aussi leur « mérite »… Contrairement à l’auteur, je ne crois pas au blanc et noir en la matière.
    13. Voir la partie relative aux sanctions disciplinaires, à partir des constats de Marcel Pochard dans l’intervention de Jean-Marc Sauvé devant les élèves de l’École nationale d’administration : https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/discours-et-contributions/quelle-deontologie-pour-les-hauts-fonctionnaires
    14. https://fr.wikipedia.org/wiki/Forts_des_Halles
    15. On pourrait ici tempérer le propos de l’auteur en faisant état des prépas talents, du concours pour les docteurs.
  • Réapprendre à Lire et à Écrire, ou « Comment Faire sa Thèse de Doctorat en Droit » (1926) par Henri Capitant

    Réapprendre à Lire et à Écrire, ou « Comment Faire sa Thèse de Doctorat en Droit » (1926) par Henri Capitant

    Temps de lecture : 5 minutes.

    Tout le monde n’a pas vocation à écrire une thèse1. Toutefois, le contenu méthodologique fixé dans les différents guides en la matière2 me semble particulièrement utile pour celui qui veut étayer ses argumentations.

    À l’évidence, voilà des qualités utiles pour qui cherche à lire, prendre des notes et mobiliser celles-ci pour des travaux… notamment dans le cadre d’un concours ou examen professionnel.

    Voici donc quelques éléments glanés dans l’ouvrage d’Henri Capitant, l’un des grands juristes (de droit privé) du début du XXe siècle3 et père de René Capitant, juriste également et plusieurs fois ministre4.

    Pour ceux intéressés, l’ouvrage est disponible sur Gallica et a été réédité en version papier.

    Le Choix du Sujet

    Le choix du sujet est évidemment fondamental, tant le travail nécessite endurance et abnégation. Il doit donc :

    • Être personnel ;
    • Passionnant pour l’intéressé ;
    • Equilibré entre les travaux qu’il nécessite et les aptitudes de l’étudiant.

    « Les candidats au doctorat qui exercent déjà une profession, qu’ils travaillent dans une étude, une compagnie d’assurances, une banque ou une administration, ont intérêt à étudier une institution se rattachant à leurs occupations. Placés à la source des renseignements, ils pourront faire une œuvre bien documentée, et, par conséquent, intéressante, car une thèse ne vaut que ce que valent les documents qui ont servi à la composer. »

    Autrement dit, la thèse doit apporter de la valeur scientifique à la recherche.

    La proximité avec le sujet travaillé permet de disposer d’un accès privilégié à certaines sources5 et interprétation, mais également de bénéficier d’une certaine avance intellectuelle.

    Les Recherches Bibliographiques

    Il convient d’abord de distinguer :

    • Les ouvrages généraux, qui proposent une vue panoramique sur différents sujets, des synthèses et des pistes, et
    • Les ouvrages spécialisés : thèses, articles, notes publiées dans les recueils de jurisprudence… qui constituent l’essentiel des éléments qui vous permettront d’avancer plus avant dans la compréhension technique du sujet. Jusqu’au dépassement et à l’invention : la trouvaille du thésard6.

    Le Plan

    Source : Pexels, Andrew
    Source : Pexels, Andrew

    Le Plan Provisoire

    La première élaboration du plan n’est évidemment pas définitive et évoluera au gré des recherches et des approfondissements. Toutefois, même provisoire, l’existence d’un plan est fondamental.

    « Toutefois, l’auteur devra avoir soin de tracer au plus tôt un plan d’ensemble pour délimiter son sujet et préciser ses investigations. Pour cela, il prendra une vue générale de son sujet dans les travaux antérieurs qu’il lira rapidement en ne notant que les idées principales et les réflexions que lui suggère cette lecture, sans vouloir d’ores et déjà en retenir la substance et en extraire tous les renseignements qu’ils peuvent fournir. Ce qu’il faut, c’est acquérir le plus vite possible une vue d’ensemble de la matière et se fixer des points de repère pour les recherches qui vont suivre. L’étudiant tracera donc un plan provisoire pour se tracer des limites et éviter de se jeter dans des chemins de traverse. »

    Le premier écueil consiste, en effet, à « glisser hors du sujet » au gré des lectures. Si le rapport n’est pas immédiatement visible entre la lecture d’un texte et le sujet étudié, il convient de noter quelques idées générales sur le sujet, les références (évidemment) et de passer outre.

    Sur les divisions et subdivisions, le nombre d’entre elles dépend de la complexité du sujet, mais la structure classique est à privilégier :

    • Partie,
    • Titre, éventuellement,
    • Chapitre (le plus souvent),
    • Section,
    • Paragraphe.

    Chaque fiche de recherche est à rapporter aux divisions et subdivisions adoptées par l’étudiant.

    Le Plan Définitif

    « Le travail de recherches et la réflexion conduisent presque nécessairement à modifier le plan primitivement établi, à déplacer certaines matières, à changer l’ordre des chapitres, des sections, des paragraphes. Si nous recommandons la constante préoccupation du plan durant la période d’initiation au sujet, c’est pour que l’auteur serre de près le problème étudié, le creuse en s’y enfermant et évite d’être confus, mais il est bien évident qu’il doit apporter au plan d’abord tracé toutes les modifications que les recherches postérieures permettront de découvrir. »

    Le plan doit sans cesse être remanié, « quoique avec prudence », afin de ne laisser le désordre dans aucun coin et de permettre une circulation des idées fluides au sein de l’ouvrage.

    « Il faut avoir plutôt le souci de l’ordre que le respect d’un ordre une fois établi. »

    Une fois le dossier assez nourri, il convient de reprendre les notes et de vérifier leur reprise au bon emplacement.

    Lorsque le plan est abouti, les recherches terminées et les notes réparties, Henri Capitant préconise l’écriture proprement dite7 :

    « Avant de se mettre à la rédaction, il faudra établir le plan définitif, détaillé, qui devra être rigoureusement agencé et dans lequel chaque développement aura sa place marquée. Cela est indispensable pour éviter les à-coups ; on écrira très facilement, si l’on n’a qu’à suivre point par point le plan arrêté, en utilisant les notes classées une dernière fois d’après l’ordre définitivement adopté. »

    Une fois la rédaction du corps du texte terminée, il convient de rédiger l’introduction et la conclusion.

    La Documentation

    Source : Pexels, Pixabay
    Source : Pexels, Pixabay

    S’agissant d’une thèse juridique, l’étude historique n’est pas toujours nécessaire, l’étudiant devant s’en remettre à son directeur.

    La principale source juridique pour le thésard demeure la jurisprudence8 :

    « L’étude critique de la jurisprudence tient aujourd’hui une place considérable dans les œuvres de doctrine et dans les thèses de doctorat. Les décisions des tribunaux sont, en effet, pour le jurisconsulte ce que les phénomènes naturels sont pour le savant. »

    C’est par la jurisprudence que le juriste peut relever l’évolution du droit, en constater la direction et émettre ses observations, formuler son jugement.

    Par ailleurs, la jurisprudence permet également de saisir l’observation des faits en rapport avec la norme juridique étudiée.

    La Rédaction

    Une fois l’ensemble des recherches terminées, l’auteur dispose d’une vue d’ensemble de son projet.

    « Quand il est bien maître de son sujet, il peut prendre la plume et rédiger. C’est la partie la plus difficile, la plus pénible du travail. C’est l’œuvre de production proprement dite. »

    Il convient d’être court, concis, rigoureux et méthodique. Les citations ne doivent pas être trop longues.

    « L’argumentation demande à être serrée, vigoureuse, pour frapper et convaincre le lecteur. »

    L’ordre rigoureux est également nécessaire. Le développement de la pensée doit être fluide et conforme au plan établi, tout en étant précis :

    « Disons encore que l’auteur doit apporter la plus grande précision dans toutes les citations qu’il fait. Qu’il s’agisse d’articles de loi, de décisions de jurisprudence, d’opinions d’auteurs. On doit toujours indiquer exactement l’article, et au besoin l’alinéa de l’article, le titre de l’ouvrage, son édition, le n°, la page citée, donner la date exacte des décisions en notant toujours la référence aux recueils. »

    1. Moi-même, je n’ai pas écrit ni n’écrit de thèse.
    2. On pense évidemment au livre Comment écrire sa thèse de Umberto Eco ou encore, puisque ce blog est intitulé « Les Légistes » et s’intéresse d’abord au droit (en particulier public) : La thèse de doctorat et le mémoire de Simone Dreyfus et Laurence Nicolas-Vullierme.
    3. L’âge d’or des juristes français, en droit privé comme public.
    4. Dont ministre de la Justice.
    5. Si l’utilisation de ces éléments est régulièrement autorisée, bien évidemment.
    6. L’identification d’une problématique et une esquisse de solutions.
    7. Ici, les avis divergent. Certains proposent d’écrire le plus rapidement possible, d’autres non. Il me semble qu’en l’espèce, il faut s’en remettre à ses penchants. Cependant, s’il s’agit d’une épreuve de dissertation ou d’une note de proposition, à l’évidence, l’écriture suit la validation définitive du plan.
    8. Toute la construction intellectuelle du droit français semble reposer sur l’étude contentieuse. À cet égard, encore aujourd’hui, les commentaires d’arrêts occupent une place singulière. Cette étude jurisprudentielle du droit est évidemment étonnante pour la patrie du code.
  • Le Recrutement par Concours dans la Fonction Publique est-il Fini ?

    Le Recrutement par Concours dans la Fonction Publique est-il Fini ?

    Temps de lecture : 9 minutes.

    La Cour des comptes a publié début juin 2025 un rapport sur l’attractivité de la fonction publique d’État auprès des jeunes.

    On y apprend notamment que sur les 250 000 recrutements réalisés en 2022, seuls 20 % concernaient des fonctionnaires, sélectionnés par concours.

    Le Recrutement par Concours est Indissociable de la Fonction Publique de Carrière

    La France est, malgré le développement important du contractualisme, régulièrement citée comme le système de carrière par excellence.

    Les Caractéristiques du Système de Carrière

    Le système de carrière se définit comme :

    • Un recrutement par concours (article L. 320-1 du Code général de la fonction publique)1 ;
    • L’intégration dans un corps ;
    • La réalisation de toute sa carrière dans ce corps par le passage d’échelons et de grades.

    Les avantages :

    • Sélection initiale des meilleurs candidats ;
    • Profil généraliste ;
    • Évolution différenciée en fonction de la manière de servir ;
    • Facilité de gestion et relations hiérarchiques aisées ;
    • Esprit de corps, sentiment d’appartenance… permettant de développer la cohésion, l’expérience collective et une forme de détachement technique du pouvoir politique.

    Les Caractéristiques du Système d’Emploi

    Le système de l’emploi se définit comme le recrutement d’un agent en vue d’occuper un poste déterminé.

    La notion de vocation, ou d’attachement à un principe supérieur et collectif, n’est pas formalisée2.

    Les avantages ;

    • Plus grande fluidité et mobilité, y compris dans les allers-retours privés publics ;
    • Plus grande ouverture, le recrutement direct évite les phénomènes de « caste », le corporatisme précité ;
    • Plus grande spécialisation des agents.

    Ce système est explicitement privilégié depuis plusieurs années, y compris en France. Comme le révèle la Cour des comptes dans ses observations de juin 2025 :

    Plus de 70 % des recrutements dans la fonction publique sont désormais réalisés par la voie contractuelle.

    Toutefois, le recrutement sur un emploi engendre aussi des difficultés :

    • Ce système est généralement plus coûteux, en rémunérations comme en coûts de gestion ;
    • Il accentue le phénomène d’hyperspécialisation des administrations et une forme de « silotage » au sein et entre les ministères ;
    • Il implique une augmentation du turn-over, une fragilisation des compétences et du rôle de l’administration face au pouvoir politique.

    L’Histoire du Recrutement par Concours « à la Française »

    Le concours n’est pas une création révolutionnaire, il peinera d’ailleurs à s’imposer au cours du XIXe siècle3.

    Il s’agit d’un principe plus ancien qui est souvent associé à des écoles spécialisées et symbolise l’essor de la centralisation monarchique de la fin du XVIIIe siècle :

    • En 1747, est ainsi créé l’École des Ponts et Chaussées ;
    • En 1749, l’École du Génie de Mézières4 ;
    • en 1751, l’École royale militaire de Paris ;
    • En 1765, l’École des ingénieur-constructeurs des ingénieur-constructeurs des vaisseaux royaux5 ;
    • En 1783, l’École des mines.

    Ces recrutements dans des écoles d’ingénieurs visent à sélectionner des profils de compétences techniques spécifiques indispensables à l’administration moderne.

    Ils préfigurent l’abolition des privilèges (vénalité et hérédité des offices publics) portés par les révolutionnaires de 1789, dans une monarchie qui peine à trouver son équilibre entre les officiers héréditaires et les agents commissionnés, à la main du Roi.

    Le Second Empire poursuivra cette utilisation du concours, notamment dans les écoles techniques précitées.

    Mais, c’est véritablement par l’affermissement de la IIIe République que se généralise le recrutement par concours :

    • Chaque administration édicte ses règles d’accès par décret ;
    • Le Parlement fixe par la loi le nombre d’emplois d’encadrement.

    Les Spécificités du Recrutement par Concours

    Les Différences entre le Recrutement par Concours et par Examen

    L’examen professionnel est réservé aux agents publics et vise à vérifier une aptitude, permettant l’accès à une fonction supérieure.

    Le concours permet d’accéder à un corps ou un cadre d’emploi (fonction publique territoriale).

    Le nombre de postes ouverts est limité dans un concours, il ne l’est pas dans un examen.

    Un Recrutement par un Jury

    Le recrutement par concours présente pour première singularité d’être effectué par des non-professionnels, autrement dit des fonctionnaires en poste, futurs collègues ou supérieurs de l’agent.

    Tandis que dans les fonctions publiques d’emploi, le recrutement est plus souvent réalisé par des agents des ressources humaines6.

    Ce jury présente d’autres singularités :

    • Il est indépendant du recruteur (ministère ou autorité interministérielle7), auprès de qui il ne reçoit aucune instruction ;
      • En conséquence, le recrutement ne se fait pas sur des emplois déterminés, mais au regard des compétences pour exercer les fonctions dévolues au corps ou cadre d’emploi ;
      • Par ailleurs, le jury est libre de ne pas pourvoir l’intégralité des postes ouverts par l’administration s’il juge que les candidats ne répondent pas aux critères ;
    • Il est collégial : les décisions sont prises collectivement, sans hiérarchie entre les membres8 ;
    • Il est souverain, la décision du jury ne peut pas, en principe, être contestée devant le juge par le candidat évincé, comme par l’administration9. Toutefois, le jury n’est pas omnipotent :
      • Ainsi, il ne peut pas s’écarter des règles applicables au concours ;
      • Par ailleurs, il doit toujours être impartial, y compris en apparence10.

    Le président du jury est garant de l’impartialité et du respect de la procédure de recrutement.

    Un Recrutement Normé

    L’opération de concours est normée, avec le plus souvent des épreuves d’admissibilités, écrites ; puis des épreuves d’admissions, orales, dont le programme est fixé par arrêté.

    Toutefois, pour certains concours, des épreuves de présélection peuvent être organisées. À l’inverse, d’autres concours achèvent la sélection par des épreuves sportives et psychologiques.

    Cette procédure est aussi manifeste dans le calendrier du concours, ce qui implique une certaine forme de rigidité, souvent relevée par les employeurs.

    Pour disposer d’informations sur le calendrier, le programme, les épreuves… consulter le site : https://www.fonction-publique.gouv.fr/devenir-agent-public/calendrier-general-concours

    Ce processus normatif, à étapes, associé au recrutement par un jury indépendant, permettent, en théorie, de prévenir l’arbitraire et le favoritisme.

    Les Différents Types de Concours

    Il existe plusieurs types de concours, selon les caractéristiques du candidat et les modalités de sélection :

    Les concours sur épreuves :

    • Le concours externe : ouvert aux titulaires de diplômes11, sans condition d’expérience professionnelle (article L. 325-2 du code général de la fonction publique). Il s’agit de la principale source de recrutements ;
    • Le concours interne : réservé aux agents publics (fonctionnaires ou contractuels, militaires, magistrats) ayant une certaine ancienneté (article L. 325-3 du code général de la fonction publique) ;
    • Le troisième concours : inventé en 1983 par le gouvernement socialiste afin d’ouvrir la fonction publique à des profils plus variés, et formalisé dans sa version actuelle en 1990 : pour les salariés du privé, responsables d’une association et élus d’une collectivité territoriale (article L. 325-7 du code général de la fonction publique) ;
    • Le concours unique, généralement utilisé pour les « petits » corps comme les conseillers de chambre régionale des comptes ou les administrateurs des assemblées, il est ouvert aux étudiants et aux agents en poste indifféremment ;
    • Le concours « talents », expérimentation initiée par l’ordonnance du 3 mars 2021 et réservé à quelques écoles de hauts fonctionnaires12. Le principe consiste à réserver une proportion de places (de 10 à 15 %) aux boursiers de l’enseignement supérieur et demandeurs d’emplois devenus élèves des « Prépas Talents » et des classes préparatoires intégrées.

    Le concours sur titres13 : en fonction des titres et diplômes du candidat, avec généralement une ou deux épreuves de sélection (2 de l’article L. 325-9 du code général de la fonction publique).

    Par ailleurs, ces concours peuvent être organisés (article L. 325-23 du code général de la fonction publique) :

    • Au niveau national, pour une affectation nationale ;
    • Au niveau national, pour une affection dans une ou plusieurs circonscriptions administratives déterminées (« concours national à affectation locale ») ;
    • Au niveau local (déconcentré).

    Le Principe de l’Égal Accès à la Fonction Publique

    Le principe d’égal accès à la fonction publique est un principe général du droit depuis la décision du Conseil d’État Barel de 1954.

    Depuis, les garanties et les principes de lutte contre les discriminations se sont multipliés, en particulier sur le fondement de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen :

     « Tous les Citoyens étant égaux (aux) yeux (de la loi) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

    Le recrutement par contrat comme par concours se doit de respecter les principes d’égalité et de non-discrimination, son corollaire.

    Les Critiques Formulées à l’Encontre du Recrutement par Concours

    Un Système de Sélection Insuffisamment Professionnel et Trop Théorique

    La principale critique est le caractère trop théorique du recrutement par concours et le biais d’une sélection essentiellement construite sur des épreuves écrites.

    En conséquence, les individus recrutés sont le plus souvent généralistes et doivent ensuite être formés pour intégrer la fonction publique.

    Un Système Lourd et Coûteux

    L’organisation des concours est particulièrement coûteuse pour les finances publiques, d’autant que de nombreux inscrits ne se présentent pas aux épreuves écrites (en moyenne un sur deux).

    Un Système Très (Trop ?) Sélectif

    Le système de recrutement par concours, en particulier dans l’accès à des corps d’encadrement supérieur, est ouvert très tôt, mais est très sélectif.

    Ce qui induit une forme d’homogénéité dans les profils recrutés et des profondes désillusions pour les candidats évincés.

    Comme l’énonce la fameuse formule :

     « En France, on peut rater sa vie à 25 ans. »

    Inversement, le concours peut aussi être jugé trop sélectif pour certaines professions, voire franchement inadaptés face à des compétences rares où le secteur public est placé en concurrence directe avec des employeurs privés (cas de la fonction publique territoriale et des professions du numérique).

    Une Forme de Cloisonnement et de Rigidité Induit par la Logique de Corps

    Le concours peut alimenter une forme de « monde clos », caractérisé par une sorte d’inertie et de lenteur. Les ascensions professionnelles sont régulières, mais rarement rapides.

    Ce système va aussi de pair avec une très forte hiérarchie, les différences entre les agents tenant essentiellement à leur positionnement hiérarchique — non à leur expertise.

    En conséquence, l’agent souhaitant progresser professionnellement devra passer des concours, plutôt que d’exceller au travail.

    Un Système qui Demeure Pertinent Pour de Nombreuses Fonctions

    Malgré toutes ces critiques, il me semble toutefois que dans certains cas, les avantages surpassent les inconvénients.

    En particulier lorsque nous devons recruter du personnel qualifié et de le fidéliser. La logique de corps peut compenser une certaine faiblesse des rémunérations et des perspectives offertes. Le sentiment collectif peut compenser une carrière moins ascendante (pour des cadres) que dans le secteur privé.

    Par ailleurs, plusieurs critiques énoncées ci-dessus peuvent être renversées par :

    • Les épreuves de sélection peuvent être plus techniques et moins généralistes — y compris par une logique de filière, déjà à l’œuvre dans des corps très techniques et qualifiés comme les magistrats administratifs ou les magistrats financiers ;
    • Une ouverture importante à d’autres corps et talents du privé est possible :
      • Par la pratique du détachement (pour citer ce même exemple, un quart des agents exerçant des fonctions de magistrats financiers sont détachés et issus d’autres corps ou cadres d’emploi) ;
      • Par une mobilité obligatoire (également prévu dans certains corps, comme les magistrats administratifs) ;
    • Enfin, une meilleure attention pour les agents en postes, dans une logique de viviers. Chemin déjà initié par la réforme des grands corps, mais qui pourrait être prolongé plus radicalement en conditionnant l’accès aux corps supérieurs par la justification d’une expérience professionnelle minimale en qualité de cadre.
    1. À l’exception des agents de catégorie C, où une exception générale est prévue au 3 de l’article L. 326-1 du code général de la fonction publique.
    2. Même si les intéressés peuvent, à titre personnel, éprouver des convictions et un attachement très fort envers leur employeur.
    3. Voir l’exemple emblématique de la première École nationale d’administration de 1848.
    4. Qui fusionnera en 1807 avec l’École d’artillerie de Châlons-sur-Marne pour devenir une école d’application de l’École polytechnique dans l’artillerie et le génie.
    5. Officiellement créée en 1741, elle sera fermée en 1758 avant d’être réouverte en 1765. L’École perdure depuis.
    6. Comme pour les administrateurs de l’État et les attachés d’administration de l’État.
    7. Sinon le président du jury, qui en cas de débats peut être amené à trancher.
    8. Toutefois, il convient de relever le développement du contentieux en la matière. À titre d’exemple, le jury doit désormais justifier, notamment par des grilles d’évaluation, la décision prise.
    9. Le juge administratif opère un contrôle relativement sévère du manque de respect de l’impartialité CE Section 18 juillet 2008, Madame B., Req. N° 291957.
    10. À compter d’un niveau Bac +2 pour les concours de catégories A (niveau licence pour l’INSP), d’un niveau Bac pour les concours de catégories B et du CAP, BEP ou brevet des collèges pour les concours de catégories C. Il existe toutefois deux grandes exceptions à la condition de diplôme : la première pour les parents d’au moins trois enfants et la seconde pour les sportifs de haut niveau.
    11. L’Institut national du service public, l’Institut national des études territoriales, l’École des hautes études en santé publique, l’École nationale supérieure de police et l’École nationale d’administration pénitentiaire.
    12. Qui se distingue du « concours sur épreuves ».
  • Comment Devenir Conseiller de Chambre Régionale des Comptes ? (Magistrat Financier)

    Comment Devenir Conseiller de Chambre Régionale des Comptes ? (Magistrat Financier)

    Temps de lecture : 7 minutes.

    Tous concours confondus, douze magistrats des chambres régionales des comptes (CRC) ont été recrutés sur 2024.

    Les missions des magistrats de CRC sont essentiellement de quatre ordres :

    • Contrôle juridictionnel : la CRC est tenue de déférer au ministère public près de la Cour des comptes les faits susceptibles de constituer des infractions au code des juridictions financières (article L. 211-1 dudit code). Par ailleurs, les magistrats de CRC peuvent être affectés sur des fonctions juridictionnelles durant leur carrière ;
    • Contrôle des comptes et de la gestion : régularité des recettes et des dépenses, économie des moyens mis en œuvre, évaluation des résultats atteints (article L. 211-3) d’organismes particulièrement divers dépendant ou financés par des collectivités territoriales ;
    • Contrôle des actes budgétaires (article L. 211-11) et des conventions relatives à des délégations de service public (article L. 211-12) ;
    • Évaluation de politiques publiques du ressort territorial de la chambre régionale (article L. 211-15).

    Concrètement, le magistrat est en binôme avec un vérificateur (article R. 212-23)1 et est chargé de réaliser trois à quatre contrôles par an.

    Calculs personnels à partir des rapports d’activité des CRC. Les juridictions financières comptent au total 1 808 magistrats (source : Chiffres clés de la Cour des comptes)
    Calculs personnels à partir des rapports d’activité des CRC. Les juridictions financières comptent au total 1 808 magistrats (source : Chiffres clés de la Cour des comptes)

    Pour une présentation plus complète, vous pouvez consulter la plaquette de présentation du concours publié par la Cour des comptes au titre de 2024.

    Les Modes d’Accès à la Fonction de Magistrat de Chambre Régionale des Comptes

    Compte tenu du faible nombre de magistrats de chambres régionales des comptes (environ 400), les voies d’accès sont relativement étroites.

    Le concours d’accès est ainsi unique (étudiants et professionnels réunis) et se tient tous les deux ans, en alternance avec la procédure de recrutement au tour extérieur.

    Les Concours

    Deux concours permettent d’accéder à la fonction de conseiller (article L. 221-3 du code des juridictions financières) :

    1. Le concours de l’Institut national du service public (INSP, ex-École nationale d’administration) pour les élèves formulant ce choix à la fin de leur scolarité. Au titre de 2024 : deux postes ont été ainsi attribués à des élèves de l’INSP ;
    2. Le concours direct (et unique). Dix postes ouverts au titre de 2024.

    Contrairement au concours de magistrat administratif, la sélectivité est plus forte au concours unique d’accès direct qu’au concours de l’Institut national du service public2.

    Toutefois, le faible nombre d’emplois offerts à l’issue de la scolarité plaide pour le passage du concours de conseiller si le candidat souhaite exercer en juridiction financière.

    Comme pour les magistrats administratifs, une formation statutaire est prévue pour les lauréats des concours dans les douze mois suivent l’entrée en fonction (article R. 221-3 et R. 228-7). Cette formation est assurée par la Cour des comptes et peut être complétée par une formation organisée par l’INSP. Elle est généralement assurée durant le premier semestre de l’année suivant la nomination.

    Le Tour Extérieur

    Il existe également une procédure de recrutement au « tour extérieur »3.

    Ouvert aux Agents Publics Ayant Dix ans d’Expérience

    Celle-ci est fixée à l’article L. 221-4 du code des juridictions financières. Elle concerne :

    • Les agents publics des trois versants de la fonction publique appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé4 et
    • Justifiant au 31 décembre de l’année considérée d’un minimum de dix ans de services publics dans un organisme relevant du contrôle de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes.

    Le nombre de places est fixé par arrêté du président de la Cour des comptes et ne peut pas être supérieur au nombre de places offertes au concours direct (dix places pour 2023).

    L’Examen des Candidatures par une Commission de Haut Niveau

    Cette inscription est prononcée par une commission chargée d’examiner les titres des candidats et qui comprend onze membres :

    • Le premier président de la Cour des comptes, président de la commission ;
    • Le procureur général près la Cour des comptes ou son représentant ;
    • Le président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes ;
    • Trois membres désignés respectivement par :
      • Le ministre chargé des Finances ;
      • Le ministre chargé de l’Intérieur ;
      • Le ministre chargé de la Fonction publique ;
    • Le directeur de l’Institut national du service public ou son représentant ;
    • Un magistrat de la Cour des comptes désigné par le conseil supérieur de la Cour des comptes et
    • Trois magistrats de chambres régionales des comptes désignés par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

    Cet examen se fait en deux temps :

    1. Une analyse du dossier de chaque candidat, puis
    2. Une audition par la commission des candidats dont les dossiers sont jugés satisfaisants.

    L’Établissement d’une Liste d’Aptitude

    La commission établit ensuite une liste d’aptitude, par ordre de mérite.

    Il ressort de l’analyse des résultats au tour extérieur que la quasi-intégralité des candidats retenus au tour extérieur sont ou ont été vérificateurs en chambre régionale des comptes5.

    Comme pour les magistrats recrutés par la voie du concours, et dans des modalités identiques, une formation à compter de leur entrée en fonction est prévue par le code des juridictions financières (article R. 221-10).

    S’agissant des affectations géographiques, quelques CRC concentrent les recrutements :

    Calculs personnels, à partir des postes ouverts sur les trois derniers tours extérieurs.
    Calculs personnels, à partir des postes ouverts sur les trois derniers tours extérieurs.

    Le Détachement (Qui Peut Être Suivi d’une Intégration)

    L’article L. 221-10 établi la liste des corps pouvant être détachés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes :

    • Les magistrats de l’ordre judiciaire ;
    • Les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Institut national du service public ;
    • Les professeurs titulaires des universités ;
    • Les maîtres de conférences ;
    • Les fonctionnaires civils et militaires issus de corps et cadres d’emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable.

    Par ailleurs, l’alinéa 2 du même article L. 221-10 prévoit la possibilité pour certains contractuels justifiant d’une expérience professionnelle d’au moins six années d’activité « les qualifiant particulièrement » d’exercer des fonctions de magistrat des chambres régionales des comptes.

    Dans une communication de 20166, la Cour des comptes comptabilisait une centaine de personnels détachés dans des fonctions de magistrat en CRC (pour environ 350 magistrats en exercice). En majorité des administrateurs territoriaux.

    Autrement dit, près du quart des magistrats de CRC est constitué de fonctionnaires détachés7.

    Les Épreuves du Concours d’Accès au Grade de Conseiller (Concours Direct)

    Le concours direct est ouvert :

    • Aux agents publics appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé justifiant au 31 décembre de l’année du concours de sept ans de services publics effectifs, dont trois ans en catégorie A ;
    • Aux magistrats de l’ordre judiciaire ;
    • Aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Institut national du service public.

    La Composition du Jury

    Celle-ci est prévue par l’article R. 228-2 du code des juridictions financières8 et comprend dix membres :

    • La présidence du jury est assurée par le président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes assure la présidence du jury ;
    • Trois membres sont ensuite désignés par :
      • Le ministre chargé des Collectivités territoriales ;
      • Le ministre chargé du Budget ;
      • Le ministre chargé de la Fonction publique ;
    • Deux professeurs des universités (titulaires) ;
    • Un avocat général, un procureur financier ou un substitut général désigné par le procureur général près la Cour des comptes ;
    • Un président ou vice-président de chambre régionale des comptes ;
    • Deux membres du corps des magistrats de chambre régionale des comptes, proposés par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

    La diversité des professionnels représentés témoigne du haut niveau de compétences attendu.

    Les Épreuves d’Admissibilité et d’Admission

    Les épreuves du concours de conseiller de chambre régionale des comptes sont particulièrement ramassées (article R. 228-4).

    Deux épreuves d’admissibilité) :

    • L’étude d’un dossier de finances publiques (quatre heures, coefficient 2) ;
    • Une composition sur un sujet de droit constitutionnel ou administratif (quatre heures, coefficient 1).

    Une épreuve d’admission consistant en une interrogation portant sur un sujet tiré au sort se rapportant à la gestion publique locale suivie d’une conversation d’ordre général avec le jury sur des questions juridiques (trente minutes de préparation et quarante-cinq minutes d’échanges, coefficient 2)9.

    Toute note inférieure à 5 est éliminatoire (article R. 228-5). Cependant, et contrairement au concours de magistrat administratif, il n’existe aucune limite à la présentation du concours.

    Contrairement au tour extérieur, les postes ouverts sont nettement mieux répartis, y compris dans certaines régions plus attractives :

    Calculs personnels
    Calculs personnels

    Le Programme des Épreuves

    Le programme est fixé par l’arrêté du 8 mars 2018 fixant le programme des épreuves du concours organisé pour le recrutement direct de conseillers de chambre régionale des comptes. Bien que les épreuves soient peu nombreuses, le nombre de matières à maîtriser se révèle important.

    Le programme des écrits

    Le cadre général des finances publiques :

    Les prélèvements obligatoires et les autres ressources publiques :

    Déficits et dette publics :

    Les finances de l’État :

    Les finances locales :

    Les règles comptables et le contrôle des finances publiques :

    En compléments, des éléments de droit public sont également attendus.

    Ici, vous pouvez vous rapporter au programme de droit public pour le concours de magistrat administratif.

    Les sujets pouvant susciter des questions à réponses courtes ou à une discussion juridique avec le jury portent sur les sujets suivants :

    L’organisation et les compétences des collectivités territoriales :

    La politique budgétaire et financière des collectivités territoriales :

    La gestion du personnel dans les CT (statut de la FPT).

    Les services publics locaux :

    Les collectivités territoriales et les citoyens (information et communication locales, concertation et participation des citoyens).

    Le contrôle des comptes et la gestion des organismes publics locaux et de leurs satellites :

    1. Agent de catégorie A chargé de l’assister dans son contrôle.
    2. Environ 4 % de réussite au concours unique de CRC. Il s’agit de l’un des concours les plus difficiles de la République.
    3. Le recrutement au tour extérieur est un recrutement sur dossier, après audition des candidats. De solides références juridiques et un parcours professionnel de haut niveau sont évidemment requis.
    4. Sont également listés les magistrats de l’ordre judiciaire, mais ces derniers n’ont en réalité aucun intérêt à passer le concours ou le tour extérieur, puisqu’ils peuvent être détachés dans le corps.
    5. Et, dans une moindre mesure, à la Cour des comptes.
    6. « Devenir magistrat de chambre régionale des comptes », Cour des comptes, 10 octobre 2016.
    7. Inversement, une soixantaine de magistrats de CRC étaient, à la date de l’enquête, en dehors des CRC. Soit un peu moins du cinquième (dont certains à la Cour des comptes).
    8. Ici encore, la ressemblance avec le jury du concours de conseiller de juridiction administrative n’est pas fortuite. Les mêmes exigences techniques et intellectuelles sont requises.
    9. L’épreuve orale est en réalité double et se rapproche en cela de celle prévue au concours direct pour l’accès aux fonctions de conseiller de tribunal administration et cour administrative d’appel.
  • La DGCCRF : Bilan, Enjeux et Perspectives pour Préparer le Concours

    La DGCCRF : Bilan, Enjeux et Perspectives pour Préparer le Concours

    Examen du rapport de la Cour des comptes d’avril 2025 consacré à la DGCCRF

    Temps de lecture : 13 minutes.

    Introduction

    La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a été créée en 1985.

    Administration du ministère de l’économie et des finances, son rôle principal consiste à maintenir « l’ordre public économique » et à assurer en particulier la protection du consommateur.

    L’analyse de la Cour s’inscrit dans un contexte de transformation numérique, de pression budgétaire et de nouveaux défis liés aux pratiques commerciales en ligne, à la mondialisation des échanges et à la transition écologique.

    Cet article propose une synthèse des éléments essentiels de ce rapport, en examinant tout particulièrement l’évolution des missions de la DGCCRF, les pouvoirs de contrôle des agents et le risque d’une « administration à deux vitesses » largement développé par la Cour.

    À l’issue de cette lecture, vous pourrez comprendre les grands enjeux de la DGCCRF et entrevoir un peu de la réalité du quotidien des agents de contrôle.

    Les Missions de la DGCCRF

    Les Missions Historiques de la DGCCRF sont Stables

    La DGCCRF a depuis 1985 trois grandes missions :

    • La concurrence et la lutte contre les pratiques restrictives de concurrence ;
    • L’information des consommateurs et la protection de leurs intérêts économiques ;
    • La sincérité et la loyauté des transactions commerciales, la qualité et la sécurité des produits et services offerts sur le marché, la certification de ces produits et services, les appellations d’origine, les fraudes et falsifications.

    En 2009, une nouvelle mission est assigné : le contrôle de métrologie légale1, en lien avec la direction générale de l’économie2.

    Un Champ de Compétences en Constante Transformation et Particulièrement Étendu

    En droit de la consommation ou droit commercial, les rapporteurs de la Cour des comptes ont comptabilisé, sur la période 2020-2023, une cinquantaine de nouveaux textes par an.

    L’instauration de dispositifs d’aides publiques aux consommateurs faisant l’objet de « fraudes massives » comme Ma Prime Renov’ ou le 100 % santé3.

    En juin 2024, la DGCCRF est ainsi habilitée par 76 groupes de textes législatifs et codes différents. Autrement dit, la compétence de la DGCCRF en droit français est quasiment universelle dans le champ économique4.

    Une Transformation des Pratiques de Consommation

    La consommation des ménages représente la moitié du produit intérieur brut (PIB) français.

    Si la part de cette consommation est stable dans le temps, sa composition évolue fortement :

    • Développement du numérique, avec de nouveaux acteurs (influenceurs, comparateurs en ligne, drop shiping) et de nouvelles pratiques (« faux avis ») ;
    • Demande de transparence accrue du consommateur sur les produits, leur comparabilité ;
    • Transition écologique et environnementale et multiplication des allégations de la part des producteurs ;
    • Consommation accrue de services5.

    Les Pouvoirs de Contrôle et de Sanction de la DGCCRF sont Très Étendus et se sont Renforcés depuis 2012

    Le Programme National d’Enquêtes (PNE)

    Le programme national d’enquêtes vise à garantir un niveau d’activité sur des thèmes prioritaires pour le gouvernement.

    Il est établi annuellement. Ce qui suppose une communication importante à l’attention des inspecteurs et des contrôleurs afin de garantir son application.

    La Différence entre les Contrôles et les Enquêtes

    Contrairement à ce que son intitulé pourrait laisser entendre, il porte essentiellement sur des « contrôles », entendu comme la vérification d’une pratique professionnelle pour s’assurer de sa régularité.

    « L’enquête » désigne « la recherche méthodique, l’analyse, le recoupement des éléments de preuves susceptibles de qualifier matériellement une fraude. »

    Des Pouvoirs de Contrôle Importants

    Les inspecteurs de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (CCRF) peuvent notamment :

    • Accéder aux locaux utilisés par les professionnels afin d’y recueillir des documents et des renseignements, et d’y effectuer des constatations ;
    • Se faire communiquer tout document (contrats, factures) utile à leurs missions ;
    • Prendre un échantillon ou prélever un produit aux fins d’analyse pour démontrer le manquement ou l’infraction ;
    • Consigner provisoirement des marchandises pour empêcher leur commercialisation, dans l’attente de résultats de contrôles ;
    • Saisir des marchandises non conformes ;
    • Utiliser une identité d’emprunt pour pouvoir vérifier la conformité des procédures de vente sur internet ;
    • Différer la révélation de leur qualité d’enquêteur de la CCRF et commencer leurs investigations incognito ;
    • Se faire accompagner lors de leurs contrôles par une personne qualifiée dans un domaine utile au contrôle.

    La Déjudiciarisation des Sanctions de la DGCCRF : l’Essor des Amendes Administratives

    Depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », la DGCCRF est dotée d’importantes prérogatives auparavant dévolues au juge.

    L’éventail de sanctions est désormais particulièrement étendu et permet à l’agent de proportionner sa sanction aux manquements constatés :

    • Les suites pédagogiques, en cas de manquement ou infraction de faible gravité (avertissement) ;
    • Les suites correctives, pour obtenir du professionnel une mise en conformité rapide :
      • Amendes (de faibles montants),
      • Injonctions,
      • Rappels de produits (avec obligation pour l’entreprise d’informer les consommateurs),
      • Publication aux frais de l’entreprise d’une décision de sanction.
    • Les sanctions, en cas de comportement grave du professionnel :
      • Mise en demeure (l’entreprise doit se mettre en conformité dans un délai donné) ;
      • Amendes administratives (avec des montants parfois très élevés, notamment en cas de pratiques anticoncurrentielles) ;
      • Retrait ou suspension de produits ;
      • Fermeture temporaire ou définitive de l’établissement.

    Par ailleurs, la DGCCRF dispose aussi d’un pouvoir de transaction qui lui permet de négocier directement avec l’entreprise.

    Une Direction d’Administration Centrale en Interaction avec la Quasi-Totalité des Ministères

    La DGCCRF est une direction spécialisée et pour autant riche de partenariats nombreux6.

    La direction de la consommation et de la concurrence a, en effet, des relations étroites avec plusieurs ministères :

    • L’environnement : direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et direction générale de la prévention des risques (DGPR) ;
    • L’alimentation et l’agriculture : direction générale de l’alimentation (DGAL) ;
    • L’économie et les finances : direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), Tracfin ;
    • L’intérieur : direction générale de la police nationale (DGPN) ;
    • Les affaires sociales (travail et santé) : la direction générale du travail (DGT) et la direction générale de la santé (DGS).

    Outre ce riche écosystème, la DGCCRF travail également avec :

    • Des autorités administratives indépendantes comme :
      • L’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ;
      • L’autorité de la concurrence (ADLC) ;
      • L’autorité nationale des jeux (ANJ) ;
      • L’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ;
      • La commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil)
    • Des établissements publics chargés d’une mission de régulation sectorielle :
      • L’agence nationale des fréquences (ANFR) ;
      • L’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ;
      • L’institut national des appellations d’origine (INAO) ;
      • D’autres organismes comme le centre européen des consommateurs (CEC).

    Le Risque d’une Administration à Deux Vitesses

     « En matière de protection du consommateur, l’action de la DGCCRF oscille entre deux extrêmes : d’un côté, elle doit lutter contre une fraude organisée de plus en plus massive et sophistiquée, de l’autre, elle doit maintenir, par ses contrôles standards, une vigilance sur l’ensemble des opérateurs économiques. »

    Le Service National des Enquêtes (SNE)

    Le service national des enquêtes (SNE) a été créé en 2009. Il s’agit d’un service à compétence nationale, rattaché directement à la DGCCRF.

    Composé de 85 agents répartis sur huit sites7, le service vise la réalisation d’enquêtes portant sur des sujets nouveaux8 ou nécessitant une mobilisation rapide et spécifique.

    Le SNE n’est pas véritablement concerné par le PNE précédemment évoqué afin de disposer d’une réactivité lui permettant de réagir aux signalements ou saisines des services judiciaires pour la réalisation d’enquêtes pénales.

    La Cellule de Renseignement Anti-Fraude Économique (Crafe)

    Créée en 2021 et composée de treize enquêteurs9, Crafe apporte un soutien opérationnel aux enquêteurs pour détecter des fraudes plus complexes.

    L’activité de la cellule connait une croissance rapide, de 32 dossiers traités en 2021 à 272 en 2023 et 121 pour le seul premier trimestre 2024.

    La Crafe échange des informations opérationnelles et des signalements avec les services de renseignement, afin de traiter la fraude sous tous ses aspects (fiscal, social, douanier…). La Crafe est désormais le point de contact officiel de la DGCCRF avec Tracfin et les services qu’enquêtes de la police et de la gendarmerie nationales.

    Des Réseaux d’Experts, en Complément de l’Organisation Pyramidale de la DGCCRF

    La DGCCRF compte également 22 réseaux de contrôles et 340 référents techniques régionaux (RTR).

    Ceux-ci couvrent des domaines thématiques :

    • Banque et assurance ;
    • Compléments alimentaires ;
    • Jouets ;
    • Logement et immobilier ;
    • Produits chimiques et biocides, etc.

    Une Organisation Régionalisée : les Pôles C des DREETS

    Au niveau régional, les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) disposent chacune d’un « Pôle C » dédié aux services de la DGCCRF.

    Si les services du Pôle C au sein de la DREETS peuvent assurer quelques missions opérationnelles (notamment en matière concurrentielle), leur rôle principal est celui d’interface entre les services départementaux et la DGCCRF :

    • Soutien, par le conseil et l’organisation de formations ;
    • Pilotage, par la répartition des contrôles et l’élaboration de plans régionaux déclinant le PNE ;
    • Animation, par l’affectation de moyens, budgétaires et humains, mais sans lien hiérarchique avec les directions départementales.

    L’effectif total des Pôles C des DREETS s’élève à 424,7 ETP en 2024, en baisse de 15 % sur la période 2017-2024. 

    Le Niveau Départemental : Cœur du Contrôle de la DGCCRF

    Les services CCRF sont placés directement sous l’autorité du préfet depuis 201010 et la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE).

    Toutefois, pour la Cour des comptes, cette réforme est peu adaptée aux missions de la DGCCRF :

     « En plaçant les services départementaux de la DGCCRF sous l’autorité unique du préfet chargé d’en assurer la coordination, elle a contribué à les enserrer dans une organisation et un périmètre d’intervention qui correspond de moins en moins à la réalité de leurs missions. En effet, l’activité de la DGCCRF est moins orientée par les limites administratives entre départements que par les zones de chalandises et les bassins d’activité, dont les limites coïncident rarement, a fortiori avec le développement du commerce en ligne. »

    De fait, la synergie est donc plutôt assurée par les comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf), que par les préfets.

    Une Activité en Recul et de Plus en Plus Orientée vers la Protection des Consommateurs

    La répartition des activités de contrôle et d’enquête évolue de plus en plus en faveur de la protection des consommateurs.

    Le nombre de visites a baissé de 40 % de 2017 à 2023, pour une pluralité de raisons11.

    En conséquence, l’activité se concentre de plus en plus dans les départements les plus dotés :

    En 2023, une vingtaine de départements représentent la moitié des visites.

    Une Gestion des Ressources Humaines Jugée Corporatiste et Rigide

    Le budget de la DGCCRF est essentiellement consacré aux dépenses de personnel. Celles-ci sont en hausse, malgré la baisse des effectifs, du fait des revalorisations du point d’indice et de diverses mesures indemnitaires12.

    Par ailleurs, les effectifs CCRF sont essentiellement des catégories A, en raison de la volonté de positionner le corps sur des missions d’inspection et d’expertise13 :

    Une Répartition Territoriale Inégale qui Interroge sur la Capacité à Maintenir un Niveau Minimal d’Expertise et de Contrôle dans Certains Départements

    Si les effectifs sont encore en majorité dans les services déconcentrés (1 500 ETP), on constate un recentrage des missions, via notamment le SNE évoqué plus haut (84 ETP), mais également le service Réponse Conso (41 ETP).

    Par ailleurs, les effectifs en DDI ont évolué de manière très différenciée depuis 2017 :

    • Une baisse de près de 35 % des effectifs pour les départements les moins peuplés (qui comptent à peine quelques agents),
    • Une augmentation des effectifs de 4 % en Ile-de-France.

     « Ces évolutions traduisent une priorisation, dans un contexte global de réduction des effectifs, sur les départements les plus peuplés et dans lesquels le tissu économique est plus dense, ce qui n’est pas en soi contestable. Elles n’en posent pas moins deux questions qui touchent à l’efficacité de l’action de la DGCCRF sur l’ensemble du territoire et à l’égalité de traitement entre citoyens. »

    Une Logique de Corps Parfois en Décalage Avec les Besoins

    Au 31 décembre 2022, les corps CCRF comptaient 2 658 agents, dont 92 % occupaient des fonctions au sein de la DGCCRF. S’y ajoutent une cinquantaine d’emplois fonctionnels : directeurs départementaux ou directeurs adjoints.

    Le corps sait fidéliser ses agents : seuls 5 % des membres du corps sont positionnés à l’extérieur de la DGCCRF et des emplois de direction correspondants.

    Cette forte cohérence entre une administration et les corps qui exercent ses missions traduit toutefois une absence de réflexion sur la réalité des tâches confiées aux agents, qui toutes ne nécessitent pas un même niveau de compétence. Sur les 72 métiers du référentiel des métiers et des compétences, seuls 13 relèvent de la famille professionnelle CCRF.

    Une Forme de Surqualification des Agents CCRF au Regard des Missions de Contrôles Réalisées

    75 % des membres du corps sont de catégorie A et 9 % exercent des fonctions d’encadrement, sans missions d’enquêtes. 14 % des membres du corps sont de catégorie B.

    Cependant, pour les enquêteurs, la démarcation entre les missions des inspecteurs (catégorie A) et les contrôleurs (catégorie B) n’est pas évidente. Les uns et les autres se voyant confier indistinctement les tâches de contrôle, comme les enquêtes complexes.

    Pour la Cour, un repyramidage et une ouverture à des corps interministériels et administratifs s’imposent, afin de décharger les agents de certaines tâches annexes :

    Le pilotage par les indicateurs et la volonté politique d’illustrer la présence de la DGCCRF par le nombre de contrôles réalisés et d’infractions constatées ont conduit à faire réaliser des missions de contrôle, à la valeur ajoutée limitée, indifféremment par des inspecteurs et des contrôleurs, dans des proportions qui peuvent paraître excessives pour les agents de catégorie A.

    Il convient de s’interroger sur l’efficience de ces pratiques qui mobilisent un personnel surqualifié, ce qui se traduit autant par un coût élevé au regard de l’utilité que par une démotivation des agents concernés.

    Des Processus de Mobilités Mettant Peu en Valeur les Compétences et l’Expertise

    Le processus de mobilité interne (de 150 à 200 mutations par an) répond principalement aux aspirations de mobilité géographique des agents.

    Il existe deux procédures de mobilité au sein de la DGCCRF :

    • Le « tableau de mutation »14 qui est établi sans spécification relative aux besoins de compétences ou de spécialisation, à partir de critères légaux (rapprochement de conjoint, handicap, etc.) et d’une pondération en fonction de l’ancienneté et du lieu d’affectation. Les postes non pourvus dans le cadre de cette procédure étant attribués aux lauréats du concours.
    • Les « postes à profil », essentiellement pour l’administration centrale et le SNE.

    Le système du « tableau de mutation » apparaît très rigide (une seule campagne annuelle, donc un poste peut être vide onze mois) et en décalage avec le besoin d’expertise désormais requis par les services, selon la Cour.

    Un Régime Indemnitaire Qualifié par la Cour de « Rigide et Obsolète »

    Le régime indemnitaire des agents de la CCRF, dans sa configuration actuelle, a été mis en place en 2003.

    Il est constitué de :

    • L’indemnité d’administration et de technicité (IAT) ou de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS),
    • La prime de rendement (PR) et
    • L’allocation complémentaire de fonction (ACF).

    Le barème de chaque prime est strictement parallèle à la grille indiciaire, avec un niveau de prime pour chaque échelon. Seule l’ACF peut varier en fonction de la résidence administrative.

    Un barème spécifique, reposant sur les mêmes principes, est institué pour les encadrants.

    Ce régime indemnitaire repose donc intégralement sur le grade et l’ancienneté des agents, sans aucune part variable, même pour la prime de rendement. À l’image de la DGFIP et de la DGDDI, la DGCCRF a jusqu’à présent fait le choix – soutenue par les organisations syndicales – de ne pas mettre en place le RIFSEEP15.

    La Cour est particulièrement sévère sur ce régime indemnitaire, qui lui semble préjudiciable aux missions de la DGCCRF :

    « Compte tenu des difficultés à maintenir un niveau d’expertise technique suffisant à l’échelle de chaque DDI, l’effectivité de l’action de la DGCCRF sur le terrain repose de plus en plus sur la capacité de certains agents à exercer leurs fonctions sur un territoire plus vaste (mutualisations interdépartementales), à s’investir dans l’animation d’un réseau ou à développer une expertise technique qui fasse référence à l’échelle régionale. Il y a donc un paradoxe à maintenir une architecture administrative dont l’efficacité repose de plus en plus, et de manière systémique, sur la capacité de certains agents à dépasser le cadre d’action habituel alors que le régime indemnitaire repose intégralement sur l’ancienneté. »

    1. Ensemble des exigences et procédures de contrôle imposées par l’État pour garantir la fiabilité de certains instruments de mesure : balances, pompes à essence, taximètres, thermomètres, compteurs d’eau, de gaz, de fioul…
    2. Inversement, en 2022, la police en charge de la sécurité sanitaire des aliments est désormais sous le pilotage unique du ministère de l’agriculture. Une soixantaine d’ETP ont rejoint le ministère de l’agriculture. L’ensemble constitue un corps d’inspection d’environ 150 ETP.
    3. D’autres dispositifs comme le Compte personnel de formation (CPF) ont également pu nécessiter l’attention de la DGCCRF. Toutefois, en matière de formation professionnelle, le ministère du travail et de l’emploi dispose de son propre corps d’inspection.
    4. En revanche, la DGCCRF n’est pas compétente s’agissant de litiges d’ordre contractuel, lié à l’inexécution ou la mauvaise exécution (alléguée) du contrat. Seul le juge judiciaire est le juge du contrat. Il en est de même en matière de pratique commerciale (jugée) déloyale. La partie s’estimant lésée devant s’adresser au juge judiciaire.
    5. Tendance qui s’inscrit dans une dynamique plus large : les dépenses de santé, communication, loisirs et culture sont en très forte hausse sur les trente dernières années. Inversement : la part de dépenses consacrée aux biens (notamment les vêtements) et à l’alimentation est en baisse.
    6. Pour coordonner ses actions, la DGCCRF a ainsi formalisé 18 protocoles, principalement bilatéraux.
    7. Lille, Strasbourg, Montpellier, Lyon, Bordeaux, Rennes, Morlaix.
    8. Le SNE dispose notamment d’une expertise sur les sujets numériques, comme les crypto-actifs. Une cellule de recherche et développement en matière numérique a même été constituée en 2018 pour promouvoir l’utilisation de méthodes et outils innovants : vérification automatique des avis publiés sur internet, recherche et collecte de preuves numériques…
    9. Objectif de seize enquêteurs pour fin 2024.
    10. Au sein des directions interministérielles chargées de la protection des populations.
    11. Baisse des effectifs (- 4 % sur la période), postes de contrôle vacants, volonté de privilégier les enquêtes (plus longues) aux contrôles, transfert en 2023 du contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, management inégal et un temps important consacré à la formation du fait de l’instabilité légale et règlementaire.
    12. Dont une harmonisation des régimes indemnitaires des agents CCRF en 2022, pour 3,1 millions d’euros.
    13. Un mouvement similaire a été pris par l’inspection du travail, avec la mise en extinction du corps de contrôleur du travail de catégorie B. Plus largement, on constate une augmentation de du nombre d’agents de catégorie A dans la fonction publique d’État.
    14. Le fonctionnement des mutations est quasiment identique pour la DGDDI et la DGFiP.
    15. Créé en 2014, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) s’inscrit dans le cadre d’une démarche de simplification du paysage indemnitaire. Il comprend une prime annuelle, en fonction des résultats de l’agent (le Complément indemnitaire annuel) et un Indice en fonction des sujétions et de l’expertise (l’IFSE) : qui évolue selon les responsabilités de l’agent, sa manière de servir, etc. C’est le régime indemnitaire des attachés d’administration de l’État et des administrateurs de l’État.
  • Comment devenir juge administratif ?

    Comment devenir juge administratif ?

    Temps de lecture : 6 minutes.

    101 magistrats de tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et de la Commission nationale du droit d’asile ont été recrutés sur 2024.

    Le rapport public du Conseil d’État sur l’activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2024 permet d’abord de se représenter l’activité de ces magistrats :

    • Environ 600 000 litiges enregistrés sur l’exercice 2024 (+ 8 %), dont 280 000 enregistrés par les seuls tribunaux administratifs1 ;
    • Une durée moyenne prévisionnelle de jugement de onze mois pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, cinq mois à la Commission nationale du droit d’asile (CNDA) et six mois au Conseil d’État ;
    • Près de 1 300 magistrats et plus de 2 000 agents de greffe et soutien dans les tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et de la CNDA. Environ 240 membres du Conseil d’État et 400 agents de soutien.
    • Des affaires constituées pour près de la moitié par le contentieux des étrangers, suivi du contentieux des agents publics, du logement, des aides sociales.
    Extrait du rapport annuel du Conseil d’État sur l’exercice 2024
    Extrait du rapport annuel du Conseil d’État sur l’exercice 2024

    Les modes d’accès à la fonction de magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

    Les concours

    Deux concours permettent d’accéder à la fonction de conseiller (article L. 233-2 du code de justice administrative) :

    1. Le concours de l’Institut national du service public (ex-École nationale d’administration) pour les élèves formulant ce choix à la fin de leur scolarité. Relativement minoritaire : environ 10 % des entrées dans le corps ;
    2. Par un concours direct (externe ou interne), devenu la voie normale d’accès : environ 50 % des entrées dans le corps ;
      1. Le concours externe : ouvert aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Institut national du service public (niveau licence) ;
      2. Le concours interne : pour les agents publics, civils ou militaires, ainsi que les magistrats de l’ordre judiciaire justifiants, au 31 décembre de l’année du concours, de quatre années de services publics effectifs.

    Si votre souhait est de devenir magistrat, vous n’avez pas d’intérêt à passer le concours de l’Institut national du service public (sauf à vouloir multiplier vos chances) :

    • La sélectivité est plus élevée au concours de l’Institut national du service public2 ;
    • La formation est nettement plus longue (deux ans, contre six mois pour le concours direct) et
    • La diversité des postes proposées à l’issue de la formation constitue un aléa.

    Le tour extérieur

    Il existe plusieurs procédures de recrutement au « tour extérieur »3 :

    1. Celle de l’article L. 233-3 du code de justice administrative, qui offre accès au grade de conseiller pour :
      1. Les fonctionnaires civils ou militaires justifiants d’au moins dix ans de services publics effectifs dans un corps ou un cadre d’emplois de catégorie A ;
      2. Les magistrats de l’ordre judiciaire.
    2. Celle de l’article L. 233-4 du même code, qui offre accès au grade de premier conseiller pour les cadres supérieurs des trois fonctions publiques justifiant d’au moins huit ans de services effectifs dans les corps listés4.

    Chaque année, le vice-président du Conseil d’État détermine le nombre d’emplois à pourvoir au titre du L. 233-3 et du L. 233-4 précités.

    Concrètement, l’essentiel des candidats et des nommés relève de la catégorie 1.1 : attachés d’administration (des trois versants), inspecteurs des finances publiques, etc.

    Le tour extérieur concerne environ 15 % des entrées annuelles dans le corps.

    Le détachement (qui peut être suivi d’une intégration)

    Pour les corps suivants, il est possible de solliciter un détachement en qualité de conseiller ou de premier conseiller :

    • Les fonctionnaires recrutés par la voie de l’Institut national du service public ;
    • Les professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités ;
    • Les administrateurs des assemblées parlementaires et
    • Les fonctionnaires civils ou militaires de l’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois de niveau équivalent à celui des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel5.

    S’ils satisfont aux critères des articles L. 233-3 et L. 233-4 précités, ils peuvent alors demander l’intégration dans ce corps ; aux grades de conseiller ou de premier conseiller.

    Le détachement est le mode d’accès le plus aisé pour les corps précités. La procédure formelle de sélection au tour extérieur étant nettement plus lourde et complexe.

    22 % des entrées dans le corps se font par la voie du détachement, qui est donc un instrument important de gestion.

    Ce haut niveau témoigne également de l’attractivité de ce corps.

    En synthèse

    Extrait (chapitre 2) du guide pratique du site www.lesja.fr consacré au recrutement
    Extrait (chapitre 2) du guide pratique du site www.lesja.fr consacré au recrutement

    Les épreuves du concours d’accès au grade de conseiller (concours direct)

    L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État a abrogé l’article L. 233-6 consacré au « recrutement direct ».

    Pour autant, la partie règlementaire du code de justice administrative continue d’y faire référence et fixe plusieurs principes.

    Tout d’abord, deux règles importantes :

    L’impossibilité de se présenter plus de trois fois au concours (R. 233-9)6 et le caractère éliminatoire de toute note inférieure à 5 (R. 233-11)

    La composition du jury

    Celle-ci est prévue par l’article R. 233-8 du code de justice administrative :

    • Le chef de la mission permanente d’inspection des juridictions administrative (président du jury) ;
    • Un représentant du ministre de la justice ;
    • un représentant du ministre chargé de la fonction publique ;
    • Deux professeurs titulaires d’université et
    • Deux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel7.

    La diversité des professionnels représentés témoigne du haut niveau de compétences attendu.

    Les épreuves d’admissibilité et d’admission

    Les trois épreuves d’admissibilité (1° du R. 233-11 du code de justice administrative) :

    • L’étude d’un dossier de contentieux administratif (quatre heures, coefficient 3). L’épreuve la plus déterminante ;
    • Une épreuve constituée de (en général, quatre) questions portant sur des sujets juridiques ou administratifs appelant une réponse courte (une heure et demie, coefficient 1) ;
    • Une dernière épreuve (quatre heures, coefficient 1), suivant l’origine des candidats :
      • Concours externe : dissertation portant sur un sujet de droit public ;
      • Concours interne : note administrative portant sur la résolution d’un cas pratique posant des questions juridiques.

    Deux épreuves d’admission :

    • Une épreuve orale portant sur un sujet de droit public suivie d’une conversation avec le jury sur des questions juridiques (trente minutes de préparation et trente minutes d’échanges, coefficient 2) ;
    • Un entretien avec le jury portant sur le parcours et la motivation du candidat (vingt minutes, coefficient 2).

    Le programme des épreuves

    L’étude d’un dossier de contentieux, la dissertation portant sur un sujet de droit public (concours externe) et le programme de sujets de droit public tirés au sort par les candidats lors de la première épreuve d’admission portent sur les sujets suivants :

    Quelques éléments fondamentaux de droit public :

    Le droit constitutionnel :

    Le droit administratif :

    Le contentieux administratif :

    Les sujets pouvant susciter des questions à réponses courtes ou à une discussion juridique avec le jury portent sur les sujets suivants :

    La gestion des administrations :

    Quelques éléments sur les grandes politiques publiques :

    Le droit de la fiscalité :

    Enfin, des notions fondamentales de :

    • Droit civil et de procédure civile ;
    • Droit pénal et de procédure pénale.
    1. 200 000 pour le tribunal du stationnement pays, 56 500 pour la Cour nationale du droit d’asile, 31 500 pour les cours administratives d’appel et 9 500 pour le Conseil d’État.
    2. Environ 6 % au titre du concours externe pour 2023, contre 10 % pour le concours externe direct. Pour le concours interne, le constat est plus nuancé, le taux de sélectivité étant d’environ 10 % à l’INSP, contre 12 à 13 % pour le concours interne direct.
    3. Le recrutement au tour extérieur est un recrutement sur dossier, après audition des candidats. De solides références juridiques et un parcours professionnel de haut niveau sont évidemment requis.
    4. Fonctionnaires de l’INSP, fonctionnaires de catégorie A ou cadre d’emplois de même niveau et titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours d’entrée de l’INSP, magistrats de l’ordre judiciaire, professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, administrateurs territoriaux, personnels de direction des établissements de santé et autres établissements (directeur d’hôpital et directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social).
    5. En pratique, cela recouvre les corps cités à l’article L. 233-4 de la note de bas de page précédente. Le Conseil d’État est chargé d’établir la liste.
    6. On peut s’interroger sur la portée de cette disposition attachée à un article abrogé. Ici, le concours de magistrat administratif se distingue de celui de juge judiciaire où le nombre de passage n’est pas limité. Régulièrement des élèves de l’Ecole nationale de la magistrature ont ainsi passés plus de trois fois le concours avant d’être admis.
    7. Nommés par arrêté du vice-président du Conseil d’État, sur proposition du Conseil supérieur des tribunaux administratives et des cours administratives d’appel.
  • Tristesse, peur, colère de Stéphanie Hahusseau

    Tristesse, peur, colère de Stéphanie Hahusseau

    Temps de lecture : 9 minutes.

    Dans son ouvrage « Tristesse, peur, colère », Stéphanie Hahusseau explore la nature et la gestion des émotions, proposant des clés précieuses pour mieux comprendre et appréhender nos réactions émotionnelles.

    Bien que débordant des sujets de politiques publiques et des institutions administratives, il me semblait utile de partager cette lecture : dans un contexte professionnel, mais aussi personnel. L’agent public (en devenir ou non) est, en effet, de plus en plus appelé à mobiliser des compétences comportementales1.

    Leçon n° 1 : L’Émotion est un Indicateur

    Les émotions sont des signaux produits par notre corps. Ils nous renseignent sur notre état intérieur.

    « Une émotion est un indicateur, comme une sensation de soif ou de faim, elle ne signifie rien de notre valeur. »

    On n’a pas honte de sa faim. N’ayons pas honte d’une émotion.

    Leçon n° 2 : L’Émotion a un Impact Physique

    Les émotions ont des effets physiques, comme l’accélération du rythme cardiaque, la sécrétion d’hormones et la modification de la respiration.

    Pour certaines personnes, ces conséquences physiques peuvent elles-mêmes devenir source d’angoisse, jusqu’à déclencher des attaques de panique. Un cercle vicieux s’installe.

    Certains facteurs peuvent également amplifier les effets des émotions :

    • Fatigue : La fatigue accentue les émotions négatives et diminue les positives.
    • Hormones : Les hormones jouent un rôle crucial, avec des différences notables entre les sexes.
    • Pensées Envahissantes : Elles sont des déclinaisons émotionnelles, teintant notre perception du monde.

    Leçon n° 3 : La Façon dont nous Évaluons nos Émotions est Déterminante Pour Notre Bien-Être et Notre Autonomie de Jugement

    Il existe deux niveaux de traitement des émotions :

    • Niveau Rapide et Instinctif : Réaction immédiate à un stimulus. Un bruit fort et soudain nous fait sursauter.
    • Niveau Lent et Analytique : Production d’une analyse, engendrant des sentiments.

    Ces deux niveaux de traitement des émotions peuvent être affectés par des distorsions cognitives.

    Les Distorsions Cognitives

    Il existe sept distorsions cognitives qui déforment la réalité et aggravent notre perception des émotions négatives. Chacune de ces déformations peut se combiner à une ou plusieurs autres :

    1. Interférence Arbitraire : Tirer des conclusions sans preuve.
    2. Abstraction Sélective : Ne retenir qu’un détail négatif (une journée sur une plage paradisiaque, mais un ballon qui nous arrive sur la figure).
    3. Surgénéralisation : Utiliser des termes absolus comme « toujours » ou « jamais ».
    4. Minimalisation : Minimiser ses réussites ;
    5. Maximalisation : L’opposé, qui consiste à maximaliser ses échecs.
    6. Personnalisation : Interpréter les actions des autres comme dirigées contre soi.
    7. Pensée Dichotomique : Le blanc ou noir (« S’il ne me dit pas bonjour, c’est qu’il me méprise »).

    Chaque individu a un style d’interprétation, influencé par son tempérament, son éducation, ses expériences passées… C’est la personnalité émotionnelle qui sera détaillée plus loin.

    Toutefois, un style d’interprétation majoritairement négatif peut conduire à un phénomène « d’impuissance apprise ». L’enfermement du sujet, la dépression.

    Leçon n° 4 : L’Émotion est Aussi un Outil

    Les émotions peuvent nous inciter au changement, à l’écoute ou à la prudence. Elles sont des outils précieux pour adapter notre comportement.

     « Ce n’est qu’en affrontant nos peurs que nous pouvons les canaliser, c’est la théorie de l’habituation, l’exposition répétée à nos peurs. »

    Affronter régulièrement ses peurs est donc essentiel pour progresser et demeurer libre de choisir.

    Savoir Écouter son Stress

     « Le stress est inversement proportionnel à la capacité de contrôle. »

    Le stress est un « bébé émotion », il est l’état de latence avant que l’émotion n’apparaisse : la joie, la colère, la tristesse, la peur.

    S’écouter peut permettre de prévenir la survenue d’une émotion intense et potentiellement désagréable.

    Leçon n° 5 : Nous ne Sommes Pas Égaux Face aux Émotions

    Le vécu, le tempérament, l’éducation aux émotions… autant de facteurs qui nous différencient dans la gestion des émotions une fois adulte. Cependant, si le passé marque chacun d’entre nous, il ne nous empêche pas d’agir.

    Événements Gravissimes

    Lorsque notre intégrité physique est directement menacée, nous perdons notre sentiment d’invulnérabilité. Nous ne pouvons plus vivre sereinement.

    Une personne sur trois ayant subi un choc grave développera une forme de stress post-traumatique. La répétition intérieure et incontrôlée du traumatisme.

    Dans cette situation, l’émotion n’est plus contrôlée. Un accompagnement médical est nécéssaire.

    Émotions du Passé

    Les schémas émotionnels de l’enfance peuvent influencer nos réactions actuelles dans un contexte présentant des points communs avec une situation vécue et difficile.

     « Un adulte qui aura, enfant, souvent été délaissé pendant de longues heures se sentira très mal au moindre éloignement d’un de ses proches. Son schéma d’abandon va s’activer et déclencher des émotions violentes. »

    Ces circonstances « gâchettes » réactivent un souvenir difficile, mais non étiqueté comme tel et génèrent en nous une réaction automatique et incontrôlable, la même que nous avons eue enfant. On parle de « schéma égosyntonique ».

    Tempérament Génétique

    Chaque individu dispose d’un tempérament génétique, prédisposant à certaines émotions comme l’anxiété, l’optimisme ou l’agressivité.

    Personnalité Émotionnelle

    Des tests2 permettent d’évaluer la personnalité émotionnelle suivant :

    • Le degré d’extraversion ou d’introversion ;
    • Le degré de sensibilité.

    L’extraversion prédispose à des interprétations positives des émotions, et inversement. La stabilité émotionnelle protège également de certaines formes d’émotions négatives. L’hypersensibilité, à l’inverse, expose à des émotions plus fluctuantes et plus fortes.

    Alexithymie

    L’alexithymie est la difficulté à identifier, verbaliser et comprendre ses émotions3.

    L’alexithymie est fréquemment associée à des troubles psychosomatiques et des comportements d’addiction.

    Acceptation des Émotions

    L’acceptation de nos émotions est cruciale. Refuser ses émotions peut nous plonger dans un cercle vicieux, renforçant les difficultés à les appréhender.

    On parle de « couche émotionnelle secondaire » : ce que le ressenti d’une émotion provoque en nous4.

    Pour les candidats à un concours et confronté au trac et au stress, voilà un élément essentiel : ne pas se juger. Accepter cette peur, telle qu’elle est. Ne pas la fuir, mais simplement respirer, calmement. La maitrise du stress est aussi une compétence évaluée par le jury5.

    La Maladie de la Peur

    Il est important de légitimer ses émotions, au risque de développer la maladie de la peur : le trouble anxieux.

    Le trouble anxieux apparait lorsqu’une peur fait l’objet d’un évitement systématique, qui renforce la menace perçue et, ce faisant, le sentiment d’échec (émotion secondaire).

    Ces peurs peuvent provenir du sentiment d’être jugé négativement par autrui, de pensées récurrentes dont on a honte, d’endroits dont il pourrait être difficile de s’échapper, de stimuli rappelant un traumatisme grave.

    Dans les cas les plus handicapants, se développe une peur de la peur : l’attaque de panique. Ici encore, un accompagnement par des praticiens diplômés s’impose.

    Paradoxalement, ces crises de paniques peuvent survenir dans les moments de détente, lorsque l’individu est le plus à même d’écouter ses émotions… Et, d’avoir peur d’elles, faute de s’y confronter plus souvent.

    Apprendre à Mieux Vivre les Émotions Négatives

    Comprendre les Fonctions des Émotions Négatives

    Les émotions négatives poursuivent des fonctions distinctes :

    • Tristesse : Permet de prendre conscience de ce qui est mauvais pour nous et d’accepter une perte.
    • Peur : Nous signale un danger et nous incite à nous protéger.
    • Colère : Nous signale que nos droits sont bafoués et nous donne l’énergie nécessaire à leur rétablissement.

    L’intelligence émotionnelle consiste à étiqueter justement ses émotions, à les exprimer de manière adéquate et à utiliser les émotions pour penser et agir de façon constructive.

    Mettre à Distance ses / ces Émotions

    Être équilibré dans son approche. Traiter le problème, sans être obnubilé :

    • Accepter de vivre certaines émotions déplaisantes et prendre conscience qu’elles tiennent à des situations particulières.

        Commencer par identifier les facteurs déclenchants, sans ressasser. Une émotion n’est ni un signe de folie ni un passage à l’acte.

        • Ne pas sombrer dans l’expression émotionnelle déplacée (par exemple : une colère au travail) ou permanente, qui épuise les proches et plonge dans une forme d’égocentrisme et de solitude.

          N’offrez pas non plus trop de place aux émotions, il n’est ni sain ni pertinent d’exprimer sans arrêt son ressenti.

          • Ne pas se fixer sur ses émotions en permanence, mais être proactif.

            Tenez un « journal des solutions » avec, au cas par cas :

            Un traitement du problème, lorsque nous avons une prise sur le problème.

            Dans les autres cas, une action sur l’émotion elle-même. Par une activité artistique comme la musique ; des exercices de détente et de respiration…

            Ce qu’il Ne Faut Pas Faire : Faire Comme si ces Émotions n’Existaient Pas, les Éviter

            La fuite peut être utile à court terme, mais elle est particulièrement est néfaste à moyen et long terme.

            Il est préférable de s’exposer régulièrement à ses émotions pour les apprivoiser. 90 % des émotions ne durent pas plus d’une heure ou deux.

            Comprendre son Schéma Émotionnel

            Chaque individu à un schéma émotionnel :

            • Un niveau de contrôle émotionnel général, qui lui est propre ;
            • Une sensibilité particulière à la colère, aux émotions positives, à la tristesse et à la peur.

            Le Développement Émotionnel de l’Enfant

            À mesure que l’enfant grandit, sa palette d’émotions s’élargit :

            • Jusqu’aux six premiers mois de l’enfant, le système émotionnel est binaire : plaisir ou déplaisir ;
            • De six mois à deux ans : les émotions se complexifient avec l’apparition de la peur, de la colère et du dégoût ;
            • La deuxième année est un florilège émotionnel, qui accompagne le développement du langage : embarras, envie, plaisir, joie, affection ;
            • Entre trois et cinq ans, l’enfant commence à être capable d’empathie, de respect et de honte. Il intériorise graduellement les émotions d’autrui ;
            • Ce n’est qu’à sept ans que l’enfant est capable d’un raisonnement complet. La notion de temps est également acquise ;
            • L’adolescence est la dernière étape de développement cérébral : abstraction, symbolisation, conscience des émotions. Mais, les pics hormonaux, les changements corporels et dans les conditions de vie bouleversent fortement le jeune qui dispose, par ailleurs, d’une très jeune intelligence émotionnelle.

            L’éducation émotionnelle de l’enfant est donc cruciale. Les parents doivent autant que possible nommer les émotions, les respecter et les distinguer des actes.

            Parler de ses émotions, c’est comme parler anglais. On ne peut pas apprendre si personne ne parle la langue des émotions autour de nous.

            Les Traumatismes de l’Enfance et les Besoins Fondamentaux

            Un traumatisme est causé par une atteinte brutale ou répétée à un des besoins fondamentaux de l’enfant :

            • Un besoin physiologique : boire, manger, dormir, être propre ;
            • Un besoin de sécurité : parent protecteur et non-violent, au comportement prévisible et rassurant ;
            • Un besoin d’être aimé : l’absence d’affection entrave gravement le développement psychomoteur de l’enfant. C’est la théorie de l’attachement ;
            • Un besoin d’être estimé : être régulièrement valorisé, approuvé, encouragé, reconnu, respecté dans son indépendance et son autonomie.

            L’adulte ayant subi enfant un abandon, un manque de reconnaissance ou une insécurité est souvent terrorisé à l’idée de revivre ces émotions et peut choisir la contre-attaque6 ou à l’inverse la perpétuation7. Il existe également une autre voie, celle consistant à se défaire progressivement du passé, pour demeurer pleinement dans le temps présent.

            Les Différents Schémas Émotionnels

            Le schéma émotionnel repose en particulier sur des peurs (« je ne veux pas ») ou des impératifs (« je dois ») :

            • Injustice ;
            • Rejet ;
            • Imperfection ;
            • Échec ;
            • Sujétion ;
            • Vulnérabilité ;
            • Sacrifice ;
            • Phobie des émotions ;
            • Performance ;
            • Droits personnels exagérés ;
            • Absence de contrôle de soi.

            Méthode de Gestion des Émotions

            Première Étape : Écrire et Prendre du Temps pour Soi

            Écrire permet de prendre de la distance, de soulager sa charge mentale et émotionnelle et de consacrer du temps à soi-même.

            Listez les émotions de la journée et évaluez :

            • L’intensité (de 1 à 10),
            • Le caractère adapté ou non de l’émotion,
            • L’éventuelle pensée automatique8.

            Respirez doucement et calmement, en prenant conscience de votre corps et de vos ressentis pendant quelques instants.

            Évaluez ensuite votre niveau de compassion (de 1 à 10) vis-à-vis de vous-mêmes et de l’attention que vous vous êtes octroyé dans la journée.

            Plus largement, faites régulièrement des choses que vous aimez9.

            Deuxième Étape : Faites des Exercices de Méditation de Pleine Conscience

            Attention : cette technique suppose de la persistance et un entraînement régulier.

            Quantité de tutoriels vidéos ou écrits existent sur Internet.

            Pour les Crises de Panique et de Colère

            Des techniques de respiration relativement simples peuvent permettre de calmer à la fois les crises de panique ou de colère :

            • Inspirez sans bruits par le nez pendant deux secondes ;
            • Bloquez deux secondes ;
            • Expirez deux secondes par la bouche ;
            • Bloquez deux secondes.

            Pratiquez autant que possible. Faites-en un automatisme.

            Troisième Étape : L’Exposition aux Émotions

            Dans une pièce au calme et seul, s’exposer aux émotions difficiles. Évaluez au démarrage l’intention de celle-ci, puis à l’issue de votre séance.

            L’objectif est de se focaliser sur les sensations physiques, d’identifier les tensions et de déceler l’enfant intérieur.

            Laissez aller, avec compassion et sans jugement.

            L’Autoparentage

            Être enfant consiste à vivre sous une norme parentale, sans capacité de comparaison, donc de jugement.

            C’est généralement à l’âge adulte que les ressentis émotionnels émergent, car l’émotion est enfin « étiquetée ».

            L’auto-parentage est une technique permettant, lorsque vous traversez une émotion de votre enfance, de qualifier l’émotion vécue et d’accompagner cet enfant dans son ressenti. L’enjeu est de se décentrer et de faire preuve d’empathie vis-à-vis de soi-même.

            Il est souvent frappant de voir le décalage entre l’histoire personnelle des individus et le manque d’empathie à leur égard – la froideur, la dureté qu’elles s’infligent (et qu’elle n’infligerait à nulle autre personne).

            On ne change pas le passé, mais on peut changer les croyances sur soi que ces événements ont laissé.

            Quatrième Étape : S’Affirmer, l’Assertivité

            S’affirmer permet de faire valoir ses pensées, ses désirs et ses émotions sans léser les droits d’autrui. Dire son ressenti, et l’assumer, sans le besoin de blesser ou de faire l’autre.

            Savoir dire « non », ou pleinement « oui ».

            L’affirmation de soi représente un coût émotionnel immédiat, parfois important, ce qui provoque un malaise en soi (signe du dépassement de notre inhibition naturelle), mais cela permet de dépasser d’éventuelles rancœurs et ruminations stériles.

            Listez les éléments que vous aimeriez partager à vos proches : familles, amis, travail. Puis programmez-vous un temps dédié pour le faire.

            Ce n’est pas l’autre qui nous maintient dans un système qui nous fait souffrir, mais nous-mêmes :

            • Faites le point sur ce qui vous pese ;
            • Détaillez, dans les reproches que vous faites aux autres, ce qu’ils font trop et ce qu’ils ne font pas assez ;
            • Observez de quelle manière vous essayez de compenser ;
            • Décidez de ne plus compenser et faites-vous plaisir ;
            • Observez vos nouvelles émotions et
            • Chaque semaine, prenez un petit risque. Changez vos habitudes. Soyez-vous.
            1. Voir par exemple l’article consacré aux conditions de travail des agents publics, issu du rapport de France stratégie de décembre 2024.
            2. Notamment l’inventaire EPN31, proposé dans l’ouvrage.
            3. Le test BAVQ permet d’identifier l’alexithymie. En précisant toutefois qu’un diagnostic ne peut être établi que par un médecin.
            4. Par exemple : Une émotion de jalousie peut susciter ensuite de la honte.
            5. Un candidat surmontant son stress est même plus avantagé qu’un candidat désinvolte ou débonnaire. Il démontre à la fois son implication et ses ressources pour faire face aux imprévus et difficultés, le tout, en situation professionnelle.
            6. L’enfant battu devient un adulte violent.
            7. L’enfant battu demeure adulte dans des situations de sujétions et de violence subie.
            8. Le traitement « rapide et instinctif » évoqué plus haut dans l’article.
            9. Se prendre un café, regarder par la fenêtre, écouter de la musique, lire un livre, faites un jeu…

          1. La Cour des comptes et la formation professionnelle, épisode 2 : l’OPCO EP

            La Cour des comptes et la formation professionnelle, épisode 2 : l’OPCO EP

            Temps de lecture : 7 minutes.

            Le rapport de la Cour des comptes sur l’OPCO Entreprises de proximité (OPCO EP) met en lumière les défis et les opportunités liés à la gouvernance, à la gestion et à la transformation de cet opérateur de compétences.

            Pour rappel, les opérateurs de compétences sont responsables du financement de l’apprentissage et de l’accompagnement des petites et moyennes entreprises dans leurs projets de formation (financement et conseils). Organismes privés, chargés d’une mission de service public ; les OPCO sont à mi-chemin entre les secteurs publics et privés.

            Présentation de l’OPCO EP

            OPCO interprofessionnel, comme AKTO (précédent billet consacré à l’OPCO AKTO)1, l’OPCO EP réunit 53 branches professionnelles, dont la principale cohérence tient à leur taille : en moyenne trois salariés.

            L’OPCO couvre 434 000 entreprises et près de 2,4 millions de salariés2.

            Une gouvernance éclatée et mobilisant beaucoup d’administrateurs

            L’OPCO compte presque autant d’administrateurs que de salariés

            L’OPCO compte 1 000 administrateurs pour 1 140 salariés :

            • Un conseil d’administration de 60 administrateurs ;
            • Sept instances d’appui composées d’une vingtaine d’administrateurs :
              • Un bureau ;
              • Un comité stratégique ;
              • Une commission financière ;
              • Une commission apprentissage et professionnalisation ;
              • Une commission immobilière ;
              • Une commission certifications ;
              • Un comité des risques et d’audit ;
            • 33 sections paritaires professionnelles, réunissant l’essentiel des administrateurs (960) et
            • 17 commissions paritaires régionales (340 administrateurs).

            Ces 67 instances présentent un coût important et embolisent le conseil d’administration

            Cette comitologie présente un coût croissant : de 0,6 million d’euros en 2020 (pendant la crise sanitaire) à 5,5 millions d’euros en 2022.

            La Cour note par ailleurs que le conseil d’administration est : « encombré par des sujets d’un niveau peu stratégique », malgré un nombre élevé de commissions et comités. Le bureau manque notamment de délégations durables du conseil d’administration.

            Les sections paritaires professionnelles (SPP) sont encore trop nombreuses et pas assez interprofessionnelles

            L’OPCO EP comptait à fin 2022 :

            • 32 sections paritaires professionnelles (SPP), dont 6 multibranches3 et
            • 1 section paritaire interprofessionnelle.

            26 SPP sont « mono branches », soit la moitié des branches professionnelles adhérentes à l’OPCO.

            Pour la Cour, il convient de poursuivre ce travail de rapprochement entre branches :

            • Le foisonnement de SPP présente des coûts importants, y compris en coordination administrative et est contraire au principe de mutualisation des financements et de convergence des prises en charges ;
            • Par ailleurs, certaines SPP regroupent à peine quelques milliers de salariés ou apparaissent incomplètes (par exemple : il existe une SPP dentaire et une SPP santé).

            Le cas particulier de l’APNI

            L’OPCO EP présente la particularité de déléguer une partie de ses missions et financement à une association paritaire : l’APNI (association des particuliers-employeur).

            Outre le fait que cette délégation est illégale, elle rajoute une complexité à un système déjà compliqué. D’autant que l’APNI délègue elle-même à un prestataire l’animation de la politique de formation de la branche.

            La Cour sollicite la création d’une SPP qui délèguerait directement cette animation au prestataire (faute de mieux).

            Une organisation des ressources humaines marquée par de profondes transformations

            Un changement de paradigme lors de la fusion-transformation d’Agefos PME

            Agefos PME était l’organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) interprofessionnel préexistant à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Son organisation était profondément décentralisée.

            Inversement, Actalians4, le second OPCA fusionné, était assis sur une organisation centralisée. C’est cette vision, notamment incarnée par son directeur général, devenu directeur général d’OPCO EP, qui a prévalu.

            Ainsi, 45 % des effectifs du nouvel ensemble ont été réaffectés à la direction générale. 367 postes de gestionnaires de dossiers ont été recentralisés. Le réseau de proximité ne comptait plus, à fin 2020, que 334 postes sur 1 054.

            Un recours systématique et coûteux à des cabinets de consultants

            Comme pour l’OPCO AKTO :

             « L’Opco a un recours permanent à une société de conseil pour des prestations intellectuelles « de conseil en stratégie et en organisation pour la constitution opérationnelle de l’entreprise EP » pour des montants facturés très élevés. »

            Par ailleurs, la Cour note qu’au regard des documents transmis (tardivement) :

            « (Les livrables) relèvent davantage d’un travail de secrétariat ou de l’exercice d’une activité courante dévolue aux agents des directions de l’opérateur que d’une prestation de conseil de haut niveau, stratégique ou organisationnelle, justifiant une tarification élevée. »

            Les coûts (qui ont fait l’objet d’un audit) et la couverture de la quasi-intégralité des missions de l’OPCO témoignent du caractère excessif et incontrôlé de ce recours :

            Une transformation sans plan social

            L’opérateur n’a pas connu de plan social d’entreprise, ni mis en œuvre de rupture conventionnelle collective. L’effectif de salariés est donc resté stable, de 1 134 ETP en 2020 à 1 087 fin 2021.

            Pour autant et comme pour AKTO, des transactions ont été réalisées pour certains salariés. La Cour en relève six, dont trois sans délégation du conseil d’administration. Par ailleurs, aucune transaction n’a été évoquée au conseil d’administration5.

            Enfin, et ici encore, la Cour relève des montants particulièrement élevés pour ces transactions :

             « Deux transactions (indemnité de licenciement incluse) ont atteint plus de 400 000 euros, alors que l’indemnité médiane des cadres dirigeants s’élève ainsi à 62 360 € en cas d’ancienneté supérieure à 10 ans. »

            Un pilotage administratif et financier à parfaire

            Des charges de fonctionnement élevées

            L’OPCO EP présente, avec AKTO, les charges les plus importantes de l’ensemble des OPCO. Toutefois, le ratio de dépenses de l’OPCO est cohérent avec le nombre de salariés qu’il gère :

            • L’OPCO EP emploie 18 % des effectifs des onze OPCO ;
            • Ses charges de fonctionnement représentent 19 % de l’ensemble des charges de fonctionnement.

            Le déclin des versements volontaires

            Depuis la loi du 5 septembre 2018, les montants collectés directement et volontairement auprès des entreprises ne cessent de baisser.

            Cette baisse tient pour partie à la structuration de l’OPCO (peu de grandes entreprises) et à une offre de services qui peine à démontrer son intérêt et justifier un versement volontaire de la part des entreprises.

            De plus en plus, les OPCO deviennent de simples payeurs, en particulier sur l’apprentissage :

            Le droit de la commande publique est encore peu appliqué

            L’OPCO EP s’est doté d’un « embryon de service » par le recrutement d’une personne dédiée aux achats publics en 2020.

            Toutefois, l’opérateur ne suit de manière systématique ses achats que depuis fin 2022, trois ans après sa constitution.

            Pour la Cour, et malgré le recours à des cabinets de consultants spécialisés :

            « L’essentiel reste à faire en matière de respect de la commande publique »6.

            Une structuration solide du contrôle interne, mais une lutte contre la fraude encore timide

            Un OPCO manifestement actif s’agissant du contrôle interne

            L’OPCO EP a mis en place un dispositif de contrôle interne et de gestion des risques organisé en trois « lignes de défense » conformément aux préconisations de l’institut français d’audit et du contrôle internes (IFACI).

            Un référentiel de contrôle interne et gestion des risques et une charte d’audit interne, validés par les instances paritaires, font l’objet d’un suivi par le comité d’audit et des risques.

            À ce titre, l’opérateur contrôle ainsi aléatoirement 5 % des dossiers financés.

            Une lutte contre la fraude encore peu prioritaire

            La lutte contre la fraude ne fait pas l’objet d’une priorité, même si des projets notamment en lien avec l’intelligence artificielle sont évoqués.

            L’engagement automatique des contrats d’apprentissage présentent cependant des risques élevés, en termes de fraudes ou d’erreurs sur les données.

            Par ailleurs, le discours tenu par les administrateurs sur leur manque supposé de prérogatives contredit la réalité des pouvoirs importants dévolus aux OPCO dans le Code du travail. La Cour recommande à l’OPCO EP de se saisir de l’ensemble de ses prérogatives de contrôle.

            Un rôle majeur joué par l’OPCO dans la dynamique d’apprentissage

            L’apprentissage est une priorité de l’OPCO

            L’OPCO EP concentre près de 24 % des alternants français. La dynamique très relevée est, comme pour les autres OPCO, très supérieure aux prévisions initiales.

            Par ailleurs, les apprentis financés par l’OPCO préparent très majoritairement des diplômes de niveau bac et infra (86 % de niveaux infra-bac). Il convient de noter que ce type de qualifications (historiquement très présente en apprentissage), a été moins dynamique que celles de l’enseignement supérieur.

            L’OPCO a adopté une posture d’accompagnement des CFA

            L’OPCO EP a formé ses conseillers formation à l’accompagnement des centres de formation des apprentis (CFA). Près de 1 700 visites de centres étaient ainsi prévues sur 2022.

            L’OPCO dépasse son rôle de financeur, dans l’objectif de pérenniser l’offre de formations et d’améliorer les relations avec l’OPCO (notamment du point de vue administratif et financier). Par ailleurs, l’OPCO a mis à disposition un baromètre de satisfaction permettant de mesurer le niveau de satisfaction des CFA.

            L’ensemble de ces éléments témoignent d’une approche qualitative et particulièrement fine dans le développement et le suivi de l’offre de formation par apprentissage.

            L’offre de services à destination des entreprises de l’OPCO

            La promotion de l’accès des TPE-PME à la formation

            L’OPCO a dépassé les objectifs qui lui étaient assignés dans la convention d’objectifs et de moyens signés avec l’État.

            Toutefois, ces indicateurs « ne rendent qu’imparfaitement compte de la qualité et de l’adéquation des formations réalisées, tout particulièrement à destination des salariés » selon la Cour.

            La durée moyenne de formation demeure relativement courte (10 heures en 2021). Cependant, l’OPCO en est conscient et a fléché une enveloppe de six millions d’euros en 2023 pour le financement de formations exclusivement certifiantes.

            Des prestations de conseil aux entreprises en relatif échec

            Comme on l’a vu, les conseillers de l’OPCO ont la particularité d’accompagner les entreprises relevant de l’OPCO, mais également les CFA.

            En moyenne, chaque conseiller a un portefeuille de 1 450 entreprises.

            Ces conseillers proposent des solutions en matière de formation dans le cadre des priorités fixées par le conseil d’administration et les SPP. Le plus souvent, ces conseillers proposent les services de l’OPCO à l’occasion de visites en entreprise, mais également, et de plus en plus, par des moyens dématérialisés.

            Toutefois, l’OPCO est ici en difficulté et peine à atteindre les objectifs qui lui sont assignés :

            1. Né d’un accord entre la CPME et l’U2P. Alors qu’AKTO a un accord constitutif signé par le MEDEF, comme on a pu le voir dans notre précédent billet.
            2. Pour rappel, avec un peu moins d’entreprises couvertes, l’OPCO AKTO compte près de six millions de salariés, soit trois fois plus.
            3. Artisanat alimentaire ; communication graphique et du multimédia ; juridique ; officiers publics et ministériels ; santé ; particuliers employeurs et emploi à domicile.
            4. Au-delà de la querelle organisationnelle et managériale, ce sont aussi des enjeux politiques qui se sont affrontés : Agefos PME était dirigée, côté patronal, par la CPME, tandis qu’Actalians l’était par l’U2P.
            5. Le contrôleur général économique et financier et le commissaire du gouvernement auprès de l’OPCO n’ont pas davantage été informé de ces transactions.
            6. Chose étonnante, ces difficultés concernent également l’achat de… formations. Malgré son expertise supposée dans le domaine, la Cour relève un nombre anormalement élevé de marchés demeurant infructueux, notamment du fait de « l’inadéquation de l’allotissement avec le marché de la formation »