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  • Les salaires dans la fonction publique en 2025

    Les salaires dans la fonction publique en 2025

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 11)

    Temps de lecture : 10 minutes.

    Poursuite de la lecture du rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique.

    Les dépenses publiques de rémunérations des agents publics, après avoir augmenté jusqu’aux années 80, connaissent une relative décrue depuis :

    • 10 % du PIB dans les années 60-70 ;

    • 13 % au début des années 80 ;

    • 12 % en 2023, en replis depuis les années 90.

    Autrement dit, depuis les années 80, l’augmentation des dépenses publiques ne tient pas aux dépenses de personnel, mais aux autres dépenses (essentiellement sociales).

    Toutefois, les écarts entre versants de la fonction publique sont extrêmes :

    • De 1980 à 2023, les dépenses des collectivités locales augmentent de 238 % ;
    • Sur la même période, les dépenses de l’État augmentent de 45 %.

    Le mode de rémunérations des agents publics

    Un mode de rémunération à trois étages

    La paie des fonctionnaires peut schématiquement se décomposer en trois parties :

    1. Le traitement indiciaire. Déterminé par une grille indiciaire qui s’applique à l’ensemble des agents relevant d’un corps.

          C’est le système le plus simple : on multiplie l’indice lié au grade et à l’échelon par la valeur du point d’indice.

          2. Le régime indemnitaire et les rémunérations annexes. Ces éléments comprennent les heures supplémentaires (pour certains agents publics), les primes et indemnités.

            Les rémunérations indemnitaires et annexes sont particulièrement complexes et ont été très dynamiques sur les vingt dernières années.

            Elles sont individualisées et portent sur :

            • La fonction exercée : encadrement, sujétions particulières… ;
            • Le lieu d’exercice : indemnités de résidence, primes spécifiques à certains territoires, notamment ultramarins ;
            • La situation de famille : supplément familial de traitement (pour des montants nettement plus modestes) ;
            • La performance de l’agent : au titre du complément indemnitaire annuel (CIA) notamment.

            Un élément important est à rappeler : les rémunérations indemnitaires et annexes sont partiellement retenues pour le calcul de la pension de retraite de l’agent public.

            3. Enfin, en déduction du revenu net (pour l’agent) : les cotisations et diverses retenues sociales. Ici, l’agent public se trouve dans la même situation que le salarié de droit privé avec une part de ces rémunérations consacrée aux différentes contributions et cotisations.

              Une rémunération de plus en plus individualisée

              Si la majeure partie du revenu d’un agent public est encore assise sur le traitement indiciaire (comparable aux grilles de classifications des branches professionnelles), la part dévolue aux primes et indemnités est en forte augmentation.

              Compte tenu des difficultés budgétaires de la France et des répercussions induites par une augmentation de la valeur du point d’indice1, les gouvernements successifs ont préféré des augmentations sectorielles.

              Le rapport ambivalent des fonctionnaires à leurs rémunérations : ils se considèrent mal payés, mais ils ne rejoignent pas la fonction publique pour l’argent

              Le sentiment d’être « mal payé » est diffus parmi les agents publics

              Ce sentiment est encore plus exacerbé lorsque le diplôme initial est élevé.

              En 2023, 68 % des fonctionnaires s’estiment mal ou très mal payés. 76 % parmi les enseignants2

              Cependant, le salaire n’est pas un motif d’entrée dans la fonction publique3. Et, quand des agents publics démissionnent, ce n’est pas tant parce que les rémunérations sont faibles. Les agents concernés évoquent d’abord l’absence (supposée ou réelle) de perspective d’évolution professionnelle.

              La vérité des prix : quel salaire dans la fonction publique et dans le privé

              Le salaire net mensuel moyen des agents publics en équivalent temps plein en 2021 est de 2 431 euros, contre 2 464 euros pour le secteur privé.

              Analysé par versant de la fonction publique, le salaire net mensuel moyen en 2021 se répartissait comme suit :

              • 2 039 euros dans la fonction publique territoriale ;
              • 2 590 euros dans la fonction publique hospitalière ;
              • 2 688 euros dans la fonction publique d’État.

              Les rémunérations dans la fonction publique d’État tiennent à un effet de structure

              En effet, les agents de l’État sont en moyenne plus diplômés, plus âgés, mais également plus féminisés que dans le secteur privé.

              La part de salariés disposant d’un diplôme du supérieur est très marquée selon l’employeur (données de 2021) :

              • 76 % pour les agents de la fonction publique d’État ;
              • 52 % pour les agents hospitaliers ;
              • 41 % pour les salariés du privé et
              • 32 % pour les agents de collectivité locale.

              Mécaniquement, la part d’agents civils de catégorie A (les cadres) était aussi très variable selon les versants de la fonction publique :

              • 62 % pour l’État,
              • 40 % pour le secteur hospitalier et
              • 3 % pour les collectivités locales.

              L’évolution des rémunérations par versants et dans le secteur privé

              Sur la période 2011-2021, le salaire net moyen en équivalent temps plein a augmenté (en euros constants) de 2,1 % pour l’ensemble des agents publics, mais cette augmentation cache de nombreuses disparités :

              • 8,8 % pour la fonction publique hospitalière, tirée par le rattrapage des salaires post-Covid ;
              • 2,5 % pour la fonction publique territoriale ;
              • – 0,2 % pour la fonction publique d’État.

              Il faut toutefois faire attention aux effets de composition : la part des agents de Cat A augmente et leur vieillissement aussi.

              Pour dépasser les limites du salaire moyen net en EQTP, il existe un indicateur d’évolution des salaires pour les agents restés en poste deux années d’affilée complètes. Autrement dit, la : « rémunération moyenne des personnes en place » (RMPP).

              Une évolution salariale essentiellement liée au développement des primes et indemnités

              Le décrochage du point d’indice

              Jusqu’aux années 1990, le point d’indice suivait l’évolution des prix. De 2010 à 2023, le point d’indice est systématiquement gelé, sauf exceptions.

              Des augmentations sont ainsi consenties en 2016 et 2017, à un niveau proche de l’inflation (0,6 %), puis en 2022 et 2023, mais dans un contexte de très forte inflation :

              • Le point d’indice est d’abord revalorisé de 3,5 % en 2021, puis de 1,5 % en 2022 ;
              • Sur la même période, l’inflation est de 10,4 %.

              Première conséquence, la progression salariale est essentiellement catégorielle ou individuelle :

              • Primes et indemnités individuelles,
              • Revalorisations de grilles indiciaires de certains corps.

              Seconde conséquence, les primes constituent aujourd’hui environ 25,5 % de la rémunération moyenne totale (un peu moins en rémunération nette individuelle) des agents publics. Cette part est stable depuis 2010 et est supérieure à celle constatée dans le secteur privé (proche de 20 %).

              Une augmentation des primes et indemnités qui peinent à maintenir le niveau de vie des agents publics

              Selon les rapporteurs :

               « Les dispositifs existants (primes, indemnités comme heures supplémentaires) servent d’abord à maintenir le pouvoir d’achat, ou pour certains bénéficiaires à compléter leur revenu (heures supplémentaires). »

              Par exemple, dans la fonction publique d’État, les gains en rémunérations proviennent quasi exclusivement du vieillissement des agents et des politiques indemnitaires.

              Le décrochage des cadres (cat. A) et professions intermédiaires (cat. B)

              De 2011 à 2021, les salaires moyens en EQTP des cadres et professions intermédiaires ont baissé dans la fonction publique et augmenté dans le secteur privé :

              • – 3 % pour la fonction publique d’État,
              • – 0,2 % pour la fonction publique territoriale ;
              • + 2 % dans le secteur privé.

              À titre de comparaison, le salaire net moyen des employés et des ouvriers a augmenté de 6 % pour la FPE et 2,5 % pour la FPT (contre 5 % dans le privé).

              Ce dynamisme des rémunérations pour les ouvriers et employés est lié aux mécanismes de préservation du pouvoir d’achat mis en place pour les bas salaires.

              La fonction publique hospitalière présente de son côté un caractère atypique (mesures Ségur prises suite à la pandémie de COVID-19) avec une augmentation des salaires réels moyens de 9 % sur la décennie :

              • 10 % pour les employés et ouvriers,
              • 6 % pour les cadres et professions intermédiaires.

              Un système de rémunérations inégalitaires

              Des inégalités entre ministères

              Le constat est connu, les différences de rémunérations entre les ministères demeurent :

              • La part de primes et indemnités est faible dans l’enseignement ;
              • Alors que les primes sont plus importantes dans les ministères de l’Économie, de la Défense ou de l’Intérieur.

              Ces différences de primes viennent parfois compenser une grille indiciaire jugée trop faible. Ils induisent toutefois un frein à la mobilité pour les agents et peuvent engendrer un sentiment d’iniquité.

              Pour les rapporteurs :

              « L’effet global du système tel qu’il existe est donc incertain. »

              Des évolutions salariales différentes entre contractuels et fonctionnaires

              En prenant le RMPP, ce qui n’est pas sans poser de difficultés méthodologiques4, l’évolution des contractuels est systématiquement plus élevée que celle des fonctionnaires.

              Des trajectoires salariales en détérioration

              Une augmentation de la rémunération moyenne des agents publics quasiment nulle depuis quinze ans

              De 1980 à 2010, le taux de croissance annuel moyen du salaire moyen par tête (SMPT) réel des administrations publiques était de 0,66 %.

              Toutefois, on peut clairement dissocier deux périodes :

              • 1,02 % sur la période 1990-2010,
              • 0,26 % sur la période 2010-2023.

              Autrement dit, sur les quinze dernières années, le pouvoir d’achat des fonctionnaires évolue quatre fois moins vite que les deux décennies précédentes. Par ailleurs, cette évolution est tellement faible qu’elle est quasiment nulle en termes réels.

              Des trajectoires de carrière en dégradation

              France stratégie s’appuie sur des données permettant de comparer les « débuts de carrière » de différentes générations de salariés de 1990 à 2010.

              « Tous diplômes confondus, les trajectoires des jeunes agents publics semblent se détériorer, en particulier entre les cohortes des années 2000 et 2010, avec une forme d’affaissement de la position salariale par rapport à l’ensemble de la population. »

              En témoigne, une évolution du salaire moyen par tête durablement plus importante dans le secteur privé par rapport aux administrations publiques depuis le début des années 2000 :

              Le salaire médian des jeunes agents publics évolue très défavorablement entre générations :

              • La génération 1990 gagnait 88 % du salaire médian en début de période et, 116 % après six ans ;
              • La génération 2010 gagnait 80 % du salaire médian en début de période et 102 % en fin de période.

              Cette dégradation concerne tous les versants de la fonction publique, à l’exception des agents de collectivités territoriales.

              Le cas des enseignants est particulièrement symptomatique d’une forme de décrochage.

              En 2021, le salaire net moyen en EQTP est de :

              • 2 504 euros pour les enseignants de l’école élémentaire ;
              • 2 835 euros pour les enseignants du secondaire ;
              • 3 919 euros pour les cadres de la fonction publique (également de catégorie A) ;
              • 4 326 euros pour les cadres du secteur privé ;
              • 2 405 pour les professions intermédiaires du public (catégories B, recrutés à partir du baccalauréat) et 2 468 euros pour les professions intermédiaires du privé.

              Une dynamique salariale en faveur du secteur privé

              De 1997 à 2021, le salaire net moyen en équivalent temps plein a crû de 15 % dans le secteur privé, contre 7 % dans la fonction publique d’État.

              Sur la période 2011-2021, le taux de croissance annuel du salaire net moyen en équivalent temps plein des salariés en place du secteur privé a été constamment supérieur à celui de leurs homologues de la fonction publique, excepté en 2021.

              En conséquence, depuis 2017, le salaire net moyen dans le secteur privé est supérieur au salaire net moyen des agents publics. Ce qui, compte tenu de la proportion de cadres dans la fonction publique, témoigne d’une dégradation relative de la rémunération des plus qualifiés dans le secteur public.

              La fonction publique demeure attractive pour les femmes et les moins diplômés

              Un modèle de rémunération et de carrière en général plus favorable aux femmes

              Pour les niveaux de formation inférieurs à bac + 4, il existe des gains relatifs à être dans la fonction publique par rapport au privé en début de carrière, surtout pour les femmes.

              Cet avantage persiste pour les femmes au fil de la carrière, alors qu’il disparaît vite pour les hommes au cours des années 2000.

              Toutefois, ce gain s’estompe pour les plus diplômés, hommes comme femmes

              Les rémunérations du secteur public sont rapidement dépassées par les rémunérations offertes dans le secteur privé pour les hommes très diplômés (bac +4 et au-dessus). Cet écart ne fait ensuite que s’amplifier.

              Pour les femmes, l’avantage salarial offert par le public demeure sur une période un peu plus longue. Au-delà, comme pour les hommes, les divergences salariales sont très importantes et s’amplifient.

              « Le diplôme permet donc de jouir d’une rémunération d’entrée élevée par rapport à l’ensemble de la population, mais pour les hommes comme pour les femmes, la croissance est ensuite moindre dans la fonction publique que dans le privé. »

              Au-delà des montants, la structure de rémunérations est devenue illisible dans la fonction publique

              La complexité même du système de rémunérations dans le secteur public, sa fragmentation, les inégalités qu’il porte « ont pu affecter l’attractivité salariale ces dernières décennies ».

              Les rapporteurs posent ici un message fort invitant les administrations à renouveler leur communication, mais également les dispositions de rémunérations. L’objectif doit être d’offrir davantage de clarté, aux agents publics eux-mêmes et à tous les jeunes et moins jeunes désireux de rejoindre la fonction publique :

               « Une partie de la perte d’attractivité tient autant à l’évolution des salaires en elle-même qu’à l’architecture du système de rémunération du secteur public, qui peut être perçu comme illisible au regard de trois objectifs qu’il doit atteindre :

               « Ignorer la réalité d’un système de rémunération complexe, fragmenté, et tendanciellement moins valorisant pour les agents publics, ne permettrait pas de répondre aux frustrations ou au désintérêt croissant de la fonction publique en général. »

              1. Une augmentation du point d’indice concerne tous les fonctionnaires et présente également un impact sur les pensions de retraite.
              2. Sondage BVA Casden 2023.
              3. Sondage Ipsos de 2022 commandé par la FSU auprès des fonctionnaires et enquête Génération du Cereq sur les cohortes 2013 et 2017 de jeunes entrant sur le marché du travail.
              4. La RMPP des contractuels par construction se limite à ceux qui sont « stables » puisque présents sur deux années pleines.
              Pièces de monnaie qui tombent
            1. Être contractuel dans la fonction publique en 2025

              Être contractuel dans la fonction publique en 2025

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 10)

              Temps de lecture : 7 minutes.

              Une fonction publique duale : les fonctionnaires et les contractuels

              Le développement du nombre de contractuels a profondément changé la politique de ressources humaines et la perception des métiers du service public. Il est particulièrement critiqué par les rapporteurs qui considèrent le système actuel comme :

              « créateur d’inégalité de traitement tant en termes de rémunération et que de perspectives de carrière. »

              Par ailleurs, ce recours aux contractuels est généralisé, bien que dans des proportions variables entre les trois versants de la fonction publique.

              Les causes du développement de la contractualisation dans les trois versants de la fonction publique sont multiples

              Les réformes récentes ont toutes visé à favoriser le recrutement de contractuels. Principalement, pour deux raisons :

              • Pallier les besoins de recrutement par un nombre insuffisant de titulaires, principalement en lien avec les problèmes d’attractivité évoqués dans des précédents billets ;
              • Disposer d’agents pour des besoins temporaires ou en réponse à des besoins précis.

              Outre ces motivations concrètes, les représentations d’un recrutement par contrat sont également plus favorables :

              • Le recruteur dispose d’un panel de candidats plus importants pour faire son choix (fonctionnaires et… l’ensemble des actifs intéressés pour rejoindre son service)1, ce qui lui permet également de recruter davantage en fonction du profil des candidats ;
              • Les recrutements sont plus rapides qu’une affectation d’un agent par concours ;
              • La durée de recrutement fixée dans le contrat permet au recruteur de ne pas renouveler le contrat en cas d’insatisfaction ou pour des raisons budgétaires ;
              • Inversement, recruter un agent localement peut aussi être potentiellement plus stable que de voir le poste pourvu par un lauréat de concours venu d’une autre région.

              Point de situation dans la fonction publique d’État

              21 % des agents de l’État étaient contractuels en 2022 (24,5 % sans les militaires), et 63 % des agents des établissements publics administratifs (Agences régionales de santé, France travail).

              Plus l’employeur est autonome, plus il recourt à des non-titulaires. Les deux tiers des agents non titulaires sont affectés dans des établissements publics2, contre seulement 13 % des agents titulaires.

              Des situations très différentes selon les ministères

              • L’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur (écoles, universités…) comptent 24 % de contractuels3. Toutefois, compte tenu de la taille de ces ministères, ils concentrent près des deux tiers des 546 000 agents contractuels de l’État ;
              • Les ministères dits « régaliens » (et les établissements sous leur tutelle) présentent de plus faibles taux de recours aux contractuels : 7 % pour l’Intérieur, 11 % pour l’Économie et 15 % pour la Justice.

              Les contractuels publics sont plus précaires que dans le privé

              Le recours aux contrats à durée déterminée (CDD), plutôt qu’à durée indéterminée, est plus fréquent dans le secteur public. Il concerne 14 % des agents publics contre 8 % des salariés du secteur privé (auxquels il convient d’ajouter 3 % de salariés en intérim).

              Cette spécificité s’explique aussi par le fait que l’emploi durable est censé être occupé par un fonctionnaire.

              Le recours au CDD concerne, dans le secteur public, tout particulièrement les emplois peu qualifiés

              Le recours à des contrats courts concerne davantage les emplois peu qualifiés :

              • Pour les agents d’entretien, 21 % des travailleurs du public sont en CDD, contre 14 % des salariés du privé,
              • Pour les aides-soignants, 24 % sont en CDD dans la fonction publique, contre 13 % dans le privé ;
              • Pour les professionnels de l’action culturelle et sociale, 52 % sont en CDD dans la fonction publique et 25 % dans le privé ;
              • De même pour l’action sociale et l’orientation avec 18 % de CDD dans la fonction publique et 10 % dans le privé.

              Toutefois, et pour des raisons différentes, les métiers qualifiés (ou très qualifiés) sont également concernés :

              • 32 % des personnels d’études et de recherche sont en CDD dans le public contre 5 % dans le privé ;
              • 20 % des médecins dans la fonction publique, contre 8 % dans le secteur privé ;
              • 9 % des cadres de catégorie A, comme les attachés d’administration. Pourtant, dans le secteur privé, les cadres sont très peu employés en CDD (de l’ordre de 2 à 6 %).

              Cette logique métier se retrouve mécaniquement par des recours aux contrats très divers selon les employeurs. Le secteur hospitalier propose très majoritairement des contrats de moins d’un an, tandis que l’État comporte relativement beaucoup de CDI, ce qui suggère des besoins moins conjoncturels :

              Des contractuels plus précaires que dans le secteur privé

              Les transformations de CDD en CDI sont plus faibles que dans le privé :

              La transformation des contrats temporaires (CDD ou intérim) en CDI (ou emploi statutaire) un an plus tard est deux fois plus faible dans le public, par rapport au privé4.

               « 26 % des agents de catégorie B et 16 % des agents de catégorie C ont accédé à un emploi durable un an après, contre 34 % des employés et 49 % des techniciens administratifs du privé. »

              De manière générale :

               « Les taux de transitions de l’emploi temporaire vers l’emploi durable des familles professionnelles publiques font partie des plus faibles observés parmi l’ensemble des métiers. »

              Les contractuels ne restent pas dans la fonction publique

              Selon les rapporteurs, il existe encore une étanchéité relativement forte entre les parcours des agents contractuels et ceux des fonctionnaires.

              Pour les agents contractuels, le passage dans la fonction publique est le plus souvent perçu comme transitoire, pour accéder à un premier emploi ou dans l’attente de meilleures perspectives professionnelles.

              Ainsi, dans la fonction publique d’État, seuls 10 % des contractuels deviennent titulaires dans un ministère (ou un établissement public) et 8 % rejoignent une autre fonction publique. Les autres rejoignent le secteur privé ou sont indemnisés au titre de l’assurance chômage5.

              Les titularisations sont plus difficiles

              Pour les agents contractuels désireux de rester dans la fonction publique, la titularisation est longue : en moyenne huit ans.

              À l’inverse, cela signifie également que les durées d’exercices avec un statut contractuel s’allongent, sans les garanties offertes aux fonctionnaires :

              • La progression salariale est plus incertaine pour les contractuels,
              • La protection sociale peut être plus faible,
              • La mobilité est moins facile, avec la nécessité de négocier et de signer un nouveau contrat à chaque changement de poste.

              Les grands plans de titularisation sont terminés

              Depuis 1983, quatre plans de titularisation ont été organisés. Ils ont permis à des milliers d’agents contractuels d’accéder à un statut de fonctionnaire.

              Les modalités d’intégration étaient prévues dans la loi. Il pouvait s’agir d’un concours réservé ou d’un examen professionnel, voire d’une nomination directe par l’employeur :

              • Environ 146 000 titularisations ont été permises par la loi dite « Le Pors » de 19836 ;
              • 60 000 pour le plan de 1996 issu de la loi dite « Perben7 » ;
              • 30 000 pour le plan de 2001 issu de la loi dite « Sapin8 » ;
              • Enfin, 54 000 agents pour le dernier grand plan de titularisation, prévu par la loi Sauvadet du 12 mars 20129, portant sur les exercices 2013 à 2018.

              La loi de transformation de la fonction publique de 2019 n’a pas renouvelé cette démarche. La principale finalité de cette loi étant de favoriser le recours aux contractuels et le maintien de leur statut dans la durée, notamment par l’accès plus aisé aux postes de direction de l’État.

              La contractualisation de la fonction publique fragiliserait les relations de travail

              S’agissant des rémunérations, un constat ambivalent

              Les rémunérations des contractuels sont le plus souvent inférieures aux fonctionnaires.

              Toutefois, dans certaines situations, il est plus intéressant d’être contractuel. On peut penser aux exemples récents s’agissant de l’intérim médical10, mais également de la circulaire dite « Borne » sur le recrutement d’agents contractuels dans les filières numériques11.

              Une très grande diversité de rémunérations

              Les conditions de rémunérations des agents contractuels sont très diverses entre et au sein des ministères : selon le métier, le niveau de diplôme, parfois l’expérience antérieure.

              Le salaire moyen net12 sur 2022 des fonctionnaires était de 2 598 euros, contre 2 014 euros pour les contractuels.

              Toutefois, cet écart présente des proportions diverses selon les versants de la fonction publique :

              • Les différences de rémunérations sont importantes dans la fonction publique d’État. Le salaire moyen net est de 2 955 euros pour les fonctionnaires contre 2 080 euros pour les contractuels ;
              • Les écarts sont plus faibles dans la fonction publique territoriale : 2 216 euros contre 1 923 euros.

              Ces divergences tiennent pour partie à un effet de structure : au regard des emplois occupés par les contractuels et de la moyenne d’âge des fonctionnaires en poste13.

              Il existerait ainsi un « double effet métier »14 :

              • Les métiers les moins qualifiés garantissent un certain avantage salarial aux titulaires ;
              • À l’inverse, pour les métiers les plus qualifiés, les contractuels disposent d’un avantage salarial sur les fonctionnaires.

              Des évolutions de rémunérations contrastées

              Pour la période de 2012 à 2021, le salaire moyen net des contractuels en EQTP progresse moins vite que celui des titulaires en termes réels (corrigés de l’inflation).

              Mais ici encore, les ministères présentent des trajectoires singulières :

              • Au sein de la fonction publique d’État, la dynamique globale des salaires des contractuels est très défavorable, en baisse de 5 % par rapport aux fonctionnaires.
              • Inversement, le salaire moyen des contractuels progresse fortement dans la fonction publique hospitalière.

              1. C’est cette ouverture dans le recrutement qui implique des niveaux très élevés de contractuels dans certains directions d’administration centrale comme la direction générale des entreprises ou dans une moindre mesure à la direction du budget.
              2. Essentiellement à l’Éducation nationale toutefois, ce qui brouille un peu l’analyse.
              3. Autrement dit, la proportion de contractuels dans les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur est dans la moyenne.
              4. Enquête Emploi (2017-2019).
              5. Peyrin A. I., Signoretto C. et Joubert L. (2020), L’insertion des jeunes dans la fonction publique d’État, 1991-2015, Injep, « Notes et rapports », Rapport d’étude.
              6. La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
              7. Premiers articles de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l’emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d’ordre statutaire.
              8. Premiers articles de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale
              9. Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique
              10. Le rapport de la Cour des comptes sur l’intérim médical ayant été particulièrement critique à cet égard.
              11. Les rémunérations proposées dans la grille sont supérieures à celles proposées pour les titulaires. Voir à ce propos le billet sur les inspecteurs des finances publiques et des douanes exerçant dans des fonctions numériques.
              12. Calculé en équivalent temps plein.
              13. Voir le précédent billet consacré au rapport de la Cour des comptes sur le vieillissement des agents publics.
              14. Selon le rapport de la Cour des comptes de 2020 : « Les agents contractuels dans la fonction publique 2010-2019 ».

              Deux jeunes gens dos à dos
            2. L’attractivité de la fonction publique (introduction)

              L’attractivité de la fonction publique (introduction)

              Temps de lecture : 10 minutes.

              France stratégie a publié fin décembre 2024 un rapport très commenté sur la situation de la fonction publique.

              Le constat dressé est alarmant, voire décourageant. On y découvre une fonction publique en crise profonde, marquée par un déclin profond de son attractivité :

              • Les difficultés de recrutement sont majeures : 15 % des postes non pourvus en 2022 ;
              • Ces difficultés résultent d’une dévalorisation des métiers et de conditions de travail jugées dégradées ;
              • Les rémunérations et promotions se révèlent en moyenne moins intéressantes que dans le privé ;
              • Plus inquiétant : on assiste également à un recul des inscriptions dans les filières universitaires, principal vivier de la fonction publique ;
              • Enfin, toutes ces difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel entrainent une dégradation des services publics : accueil des jeunes enfants, éducation, santé, justice.

              Le rapport traite des trois fonctions publiques. Cependant, je m’attarderai principalement sur la situation de l’État.

              Une crise de la FP profonde et multidimensionnelle

              La crise d’attractivité traversée par la fonction publique française est multidimensionnelle et s’installe dans la durée. Elle concerne, dans des proportions variables, les trois versants de la fonction publique :

              • La fonction publique d’État ;
              • La fonction publique hospitalière ;
              • La fonction publique territoriale.

              Cette fragilisation s’observe désormais à tous les moments de la relation de travail :

              • Avant l’embauche, avec un tarissement des viviers de recrutements et un moindre intérêt des jeunes vers les métiers du service public1 ;
              • Pendant le processus de recrutement, avec des proportions de renoncements de lauréats de concours plus élevées qu’auparavant ;
              • Puis, au cours de carrière, avec une augmentation des départs volontaires, en particulier dans l’Education nationale.

              « Le phénomène est d’autant plus préoccupant que la pénurie engendre la pénurie. 

              […]

              « Une spirale négative se met en place, reliant les difficultés de recrutement, la dégradation des conditions de travail, la moindre qualité du service et le manque d’attractivité. »

              Une situation qui se dégrade

              Une crise qui concerne l’ensemble des principaux métiers proposés par l’État

              Dans la fonction publique d’État (FPE), les problèmes de recrutement affectent tout particulièrement les métiers des ministères qui recrutent le plus :

              • Ministère de l’Éducation nationale (enseignants),
              • Ministère de l’Intérieur (gardiens de la paix, gendarmes),
              • Ministère de l’Économie et des Finances (inspection des finances publiques),
              • Ministère de la Justice (surveillants pénitentiaires et, dans une moindre mesure, greffiers),
              • Ministère des Armées (militaires du rang et sous-officiers2).

              Mais, ces difficultés touchent également3 :

              • Les fonctions support,
              • L’administration générale et
              • Les métiers très qualifiés des autres ministères (notamment les spécialistes du numérique).

              « En 2022, ce sont 15 % des postes offerts aux concours de la fonction publique d’État qui n’ont pas été pourvus (contre 5 % en 2018)4. Un véritable décrochage s’observe depuis les années 2010. »

              « Les postulants deviennent insuffisamment nombreux pour couvrir les besoins et les taux de sélectivité plongent : en moyenne, douze candidats se présentaient pour un poste aux concours externes de la FPE sur la période 2000-2010, ils ne sont plus que quatre en 2022. »

              L’Education nationale est le ministère le plus exposé à la pénurie, mais les difficultés de recrutement sont généralisées

              Les concours de recrutement d’enseignants connaissent, en effet, une désaffection importante. Toutefois, la baisse du nombre de candidats se constate pour l’ensemble des recrutements.

              « Les taux de sélectivité sont en 2022 de six candidats pour un poste pour les autres concours de catégories A [hors enseignants], B et C, quand ils étaient respectivement de 22, 29 et 17 en 2000. »

              En conséquence, pour l’Éducation nationale, le nombre de postes vacants mesurés à la rentrée scolaire connaît une hausse quasi constante :

              • De 1 988 postes vacants en 2006,
              • À 4 774 en 2023.

              Le recours accru aux contractuels ne permet pas de compenser le manque de candidats aux concours.

              Une nouvelle problématique : les départs volontaires

              « On observe parallèlement une fragilisation croissante de la capacité de la fonction publique à retenir ses agents. »

              En rappelant qu’en droit de la fonction publique, la démission unilatérale n’existe pas. Le fonctionnaire étant recruté par arrêté ministériel ou interministériel, l’administration doit accepter le départ de l’agent5.

              Il s’agit donc d’un fait relativement nouveau par son ampleur et sa nature : marquant une forme de délitement du lien entre certains agents et leur administration.

              Le tarissement des voies traditionnelles de recrutement

              Le manque de candidats aux concours résulte, pour les cadres, d’un tarissement des effectifs d’étudiants dans les filières générales de l’université.

              Le nombre d’inscrits en université devrait stagner jusqu’en 2031, selon les projections du ministère de l’Enseignement supérieur6.

              À l’inverse, l’enseignement supérieur privé, moins susceptible de conduire à une carrière dans la fonction publique, continue de croître.

              Une difficulté plus grande encore pour les formations dédiées à la préparation des concours de la fonction publique

              Les étudiants se détournent en particulier des sciences de l’éducation, qui connaissent une chute marquée des inscriptions, autant en licence qu’en master :

              De 2016 à 2023, les effectifs en master des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation ont baissé de 26 %.

              Toutefois, le recul est également marqué pour les effectifs inscrits en Institut de préparation à l’administration générale (IPAG) :

              De 2008 à 2020, le nombre d’étudiants inscrits en IPAG a baissé de 35 %.

              Une jeunesse peu intéressée par l’emploi public

              En creux, ce qui apparaît à la lecture du rapport est une forme de désintérêt diffus et profond (puisque partagé) pour la sphère publique :

              « La part des sortants de formation initiale qui choisissent l’emploi public décroît, tous diplômes confondus. »

              « La « troisième explosion scolaire », traduite par la croissance des effectifs des jeunes débutants diplômés du supérieur, y compris dans les disciplines les plus pourvoyeuses d’agents publics, comme les sciences humaines et sociales, semble ainsi s’être réalisée au seul profit du secteur privé. Le nombre de débutants diplômés du supérieur a, en effet, crû de 17 % dans le secteur privé, mais chuté de 29 % dans le secteur public de 2007 à 20197. »

              Les raisons de cette désaffection

              Une dévalorisation des métiers

              La majorité des agents publics rejoignent la fonction publique pour exercer un métier précis : policier, juge, greffier, enseignant, militaire, inspecteur (des finances publiques, du travail…). Or, ces métiers sont de plus en plus dévalorisés.

              Les principaux éléments cités sont :

              • Le manque de reconnaissance, alimenté par les discours politiques et médiatiques négatifs et par les exigences des citoyens ;
              • La détérioration des conditions d’exercice ;
              • Enfin, la représentation de ces métiers comme une « vocation », avec un sous-entendu sacrificiel suscitant : « davantage de compassion que d’envie ».

              Une interrogation profonde sur le modèle d’emploi

              Par ailleurs, la concurrence à l’œuvre dans la « quête de sens » des actifs est majeure. L’État n’y occupe plus la première place8.

              Ce déclin de l’État s’inscrit dans une contestation de sa neutralité (et, peut-être plus encore, des exécutifs locaux), au profit d’organisations non gouvernementales, d’associations, voire d’entreprises à mission.

              Le rapport relève également les difficultés inhérentes au recrutement par concours, en particulier par l’incertitude tenant au lieu de première affectation.

              Dans ce cadre, le seul argument d’une garantie de l’emploi, qui plus est dans un contexte de baisse du chômage et d’une tension sur les recrutements dans le privé, ne permet pas d’attirer de jeunes actifs.

              Le développement ambivalent du recrutement contractuel

              Les contractuels bénéficient d’avantages qui semblent attrayants :

              • Des modalités d’accès simplifiées (ce point a notamment été relevé dans un rapport récent de la Cour des comptes s’agissant de la direction du budget),
              • Un recrutement local qui lève les contraintes de l’affectation géographique,
              • Des niveaux de rémunération plus élevés que les titulaires dans certains cas.

              Toutefois, la très grande majorité des jeunes entrés dans la FPE comme contractuels (CDD) n’y restent pas9. Par ailleurs, la part des titularisations tend à baisser.

              Le recours accru aux contrats peut aussi conduire à fragiliser l’attractivité du statut lui-même.

              Un double cadre de gestion s’installe durablement : celui des titulaires et celui des contractuels. Ces deux cadres évoluent en parallèle, potentiellement pourvoyeur d’inégalités, voire de rivalités.

              Le modèle de gestion de la FP

              Un instrument de promotion social pour les plus diplômés issus de milieux modestes

              La fonction publique reste un débouché privilégié pour les diplômés des catégories modestes, et plus encore pour les femmes10.

              Pour ces deux catégories, la « pénalité » pour l’accès aux postes d’encadrement est moindre dans le secteur public que dans le privé. Cette surreprésentation des enfants de catégories populaires parmi les cadres du public a eu en outre tendance à s’accentuer dans la période récente :

              Pour autant, une difficulté à promouvoir en interne les moins diplômés

              En dépit d’un recrutement socialement plus égalitaire (à niveau de diplôme égal), la fonction publique peine ensuite à promouvoir ses agents.

              La logique de catégories, contestée encore récemment par le ministre chargé de la fonction publique11, semble réduire pour partie les perspectives d’évolution professionnelle des agents les moins diplômés. Le passage d’une catégorie à l’autre suppose la réussite à des concours ou des examens professionnels, qui peuvent pénaliser les publics les moins qualifiés12.

              « Pour ceux qui commencent en bas de l’échelle, les perspectives d’évolution socioprofessionnelles se traduisant par un changement de catégorie et un accès aux échelons supérieurs de la hiérarchie sociale sont en définitive plus limitées que dans le privé. »

              Des rémunérations devenues problématiques, en particulier pour les plus diplômés

              L’évolution de la rémunération moyenne des agents publics a été inférieure à celle du privé tous les ans de 2011 à 2020 :

              En s’attachant à une cohorte de jeunes actifs, on constate des évolutions du salaire médian particulièrement différenciées, alors même que la fonction publique est structurellement plus diplômée que le secteur public :

              « De 2002 à 2019, le salaire médian des jeunes travaillant dans le secteur public a progressé en termes réels de 52 %, celui des jeunes du privé de 65 %. »

              La fonction publique maintient globalement un positionnement salarial plus favorable au fil de la carrière que le privé pour les moins diplômés.

              En revanche, pour les plus diplômés, les perspectives de progression salariale sont moindres dans la fonction publique :

              • Pour les hommes diplômés, le secteur privé propose des perspectives salariales nettement plus profitables13 ;
              • Pour les femmes, il existe un avantage salarial dans la fonction publique en début et milieu de carrière. Toutefois, cet intérêt s’estompe ensuite, en faveur du secteur privé.

              Le rapport note également que la complexité du mode de rémunération dans le secteur public participe de la baisse d’attractivité.

              Un déclin de l’autonomie et de la qualité de vie au travail

              L’un des derniers avantages comparatifs encore en faveur des agents publics concerne l’autonomie au travail. Cependant, cette spécificité tend à se réduire, notamment pour les emplois plus qualifiés et pour les enseignants, alors même que le soutien hiérarchique reste faible comparé au privé.

              Le rôle des collectifs de travail constitue également un atout du public :

              • Les salariés du public se déclarent très souvent aidés par leurs collègues (87 %), davantage que dans le privé (79 %), et ce chiffre est en augmentation de 2013 à 2019.

              C’est particulièrement vrai dans les métiers peu qualifiés (agents d’entretien, cuisiniers, jardiniers) ainsi que dans le secteur hospitalier, où les collectifs de travail jouent un rôle essentiel : 92 % des salariés s’y sentent soutenus par leurs collègues, contre 82 % de l’ensemble des salariés. Mais, ici encore, ces avantages sont susceptibles de se déliter sous l’effet de la multiplication des statuts et de l’intensification du travail.

              Enfin, le temps de travail est plus faible que dans le privé, mais en contrepartie d’un travail sur des horaires plus fréquemment atypiques (soir et weekend). Cependant, une nouvelle fois, les différences entre le secteur public et le privé semblent se réduire.

              Ce rapprochement des conditions de travail interroge. Régulièrement soulevé par la doctrine juridique, depuis l’apparition du statut jusqu’à la loi de transformation de la fonction publique, il ne cesse de soulever les débats. Ce clivage constitue d’ailleurs, pour Maya Bacache-Beauvallet, un sujet politique structurant du partage gauche-droite14.

              1. On pourrait préciser que le moindre intérêt pour le service public concerne… le service public « du secteur public ». Le rapport met ainsi en avant une forme de concurrence dans la réponse au besoin de sens des actifs avec les secteurs associatifs et entrepreneuriaux. L’Etat n’a plus (s’il l’a déjà eu) : « le monopole de l’intérêt général ».
              2. Toutefois, les métiers techniques qui mobilisent des compétences spécifiques transposables dans le civil sont particulièrement difficiles à recruter. C’est le cas des informaticiens en cybersécurité et renseignement ou des ingénieurs dans le domaine de l’armement.
              3. Voir également le rapport de la Cour des comptes (2024), Le budget de l’État en 2023. Résultats et gestion, cité par France stratégie.
              4. DGAFP (2024), Rapport annuel sur l’état de la fonction publique – édition 2024.
              5. Par ailleurs, une démission n’ouvre pas droit au chômage (en code du travail comme au code général de la fonction publique).
              6. SIES (2023), « Projection des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2022 à 2031 », Note d’information du SIES, n° 2023-04, avril (cité dans le rapport de France stratégie).
              7. Ce constat, inquiétant, fait écho au billet de Luc Rouban sur le risque de paupérisation de la fonction publique.
              8. Ce qui peut apparaître très étrange pour nombre d’agents publics, convaincus du caractère essentiel de leurs missions.
              9. Élément également constaté à la direction générale des entreprises.
              10. Ces deux caractéristiques se combinant.
              11. Mais abandonnée depuis.
              12. Il faut toutefois préciser que les métiers de cadres dans la fonction publique d’État (mais également dans les autres fonctions publiques) nécessitent des compétences juridiques. Cela peut-être moins le cas dans les services, où les compétences requises pour l’accès à des fonctions supérieures peuvent être plus larges : commerciales, comptables, managériales…
              13. Le secteur privé est moins égalitaire que la fonction publique s’agissant de l’égalité femmes-hommes.
              14. Économie politique de l’emploi public, Édition Connaissances et Savoirs, Paris, 2006, 362 p.

              Un homme de dos traverse un pont

            3. La fonction publique est-elle encore attractive ?

              La fonction publique est-elle encore attractive ?

              Temps de lecture : 10 minutes.

              J’ai lu avec beaucoup d’intérêt un rapport du Sénat relatif à la mission « Transformation et fonction publique »1 du projet de loi de finances pour 2024.

              Vous pouvez le retrouver ci-après : Avis n°1778 – Tome IX – 16e législature – Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)

              Une augmentation inquiétante du ratio d’emplois non pourvus

              Le rapport sénatorial cite en premier lieu une note de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) datée de mai 2023.

              Celle-ci relevait qu’en 2021, comme en 2019 et en 2020, environ 8 % des postes de fonctionnaires de l’État n’avaient pas été pourvus : sur les 39 900 postes ouverts aux recrutements externes (concours et contractuels), seuls 36 700 agents avaient été recrutés.

              Si on s’intéresse aux emplois non pourvus à la suite d’un concours externe, le ratio augmente encore fortement, à près de 15%2. Ce qui peut expliquer, par ailleurs, la hausse du recours aux contractuels dans les différentes fonctions publiques.

              A titre de comparaison, et selon la DARES, au deuxième trimestre 2024, le taux d’emplois vacants s’élève à 2,8% dans les entreprises du secteur privé (hors agriculture, intérim, particuliers employeurs et activités extraterritoriales).

              Ce ratio global recouvre évidemment une diversité de situations avec des métiers plus ou moins tendus. On peut toutefois relever que la quasi-intégralité (99%) des employeurs de la fonction publique hospitalière font état de difficultés de recrutements3.

              Or l’attractivité d’un secteur est essentiel, pour a minima disposer du personnel en nombre suffisant pour exercer les missions confiées (le point de vue « quantitatif »), mais également pour disposer d’un personnel qualifié et ayant les compétences adaptées au besoin du recruteur (le point de vue « qualitatif »).

              Une problématique commune à plusieurs pays

              La moyenne d’âge dans les pays développés augmente progressivement, accentuant à la fois le vieillissement de la population et les besoins associés, notamment en termes de santé. Mécaniquement, les agents publics eux-mêmes vieillissent, d’autant que les fonctions publiques sont en moyenne plus âgées que le secteur privé.

              Parallèlement, si la part de jeunes intégrant la fonction publique demeure stable sur la période 1991-2015, entre 9 et 11%. Il convient de noter en termes relatifs une dégradation de l’attractivité de la fonction publique, évaluée en termes de rapports entre le nombre de candidats et de postes à pourvoir.

              Une problématique commune à toutes les fonctions publiques

              Concernant la fonction publique de l’État, la sélectivité aux concours externes a varié du simple au triple depuis le milieu des années 1980, mais elle baisse tendanciellement depuis la fin des années 2000. La sélectivité des recrutements externes est ainsi passée de 17 candidats pour 1 admis en 1997 pour s’établir en 2020 à 5,8 candidats pour 1 admis.

              Rapport annuel sur la fonction publique de 2022, « Les recrutements externes dans la fonction publique de l’Etat en 2020 »

              « La baisse tendancielle de la sélectivité n’est pas imputable à l’évolution du volume des recrutements mais est bien plus liée à une fuite des candidats : le nombre d’inscrits et de présents aux concours externes diminue depuis le milieu des années 1990, alors même que le vivier de jeunes diplômés, potentiels candidats, a crû presque continûment. Ainsi, à comportement inchangé des jeunes diplômés, la sélectivité des concours de catégorie A et B, hors enseignants, aurait dû croître. »

              Concernant la fonction publique hospitalière, les emplois les plus qualifiés et dans certains secteurs sont particulièrement en tension : 25% des postes de pédiatre et 46% des postes de radiologue sont vacants. 

              Concernant la fonction publique territoriale, 39% des recruteurs faisaient état de difficultés pour recruter en 2021. En particulier dans des métiers comme la police municipale, la petite enfance et le périscolaire, la propreté et l’administratif. La concurrence avec le secteur privé, notamment s’agissant des rémunérations est régulièrement soulevée4.

              Par ailleurs, les recrutements en milieu rural surajoute une difficulté rendant les recrutements particulièrement difficiles.

              Enfin, et de manière transversale, la filière du numérique représente également un sujet de difficulté pour les employeurs. Le secteur privé étant réputé répondre davantage aux attentes des candidats tant en terme de rémunérations, malgré les vélléités de l’Etat notamment5, de parcours de carrière, que de « culture managériale » selon un rapport de l’OCDE citée par la sénatrice6.

              Une contagion jusque dans la haute fonction publique

              La baisse de l’attractivité ne semble pas épargner la haute fonction publique, même si les grandes tendances cachent encore des situations contrastées selon les écoles et les types de concours.

              Le rapport Thiriez7 relevait ainsi en 2020 que « tous concours confondus (École nationale d’administration, École nationale de la magistrature, Institut national des études territoriales, École des hautes études en santé publique), le nombre de candidats a baissé d’un millier entre 2010 et 2018 pour s’établir à 5 900, alors même que le nombre de postes offerts augmentait de 50 % ».

              Il faut cependant nuancer l’analyse : à l’Institut national du service public (INSP), qui a succédé à l’École nationale d’administration (ÉNA), le nombre total d’inscrits et le taux de sélectivité se sont globalement maintenus sur cette période, et ont même légèrement augmenté depuis 2018, principalement sous l’effet de la multiplication des voies d’accès (création des concours externes « Docteurs » et « Talents »).

              L’ENM, l’INET et l’EHESP sont donc, plus spécialement, confrontés à de plus grandes difficultés de recrutements.

              Une attractivité de la fonction publique qui semble corrélée à la situation du marché du travail

              Cette faiblesse de l’attractivité de la fonction publique semble par ailleurs s’accentuer en période de faible chômage, avec une concurrence accrue entre employeurs.

              L’enquête « Besoins en main-d’œuvre » réalisée par Pôle Emploi en 2023 souligne ainsi que 61 % des recrutements sont jugés « difficiles », contre 57,9 % en 2022. De même, les études de la DARES sur les métiers en tension témoignent de la grande diffusion des difficultés de recrutements dans les différentes filières, en particulier dans les métiers qualifiés.

              Les atouts des métiers de la fonction publique et les difficultés à surmonter

              L’auteure du rapport tente ensuite de rappeler les atouts des métiers de la fonction publique.

              Le principal atout : les « valeurs du service public »

              Il est d’abord rappelé que la principale raison de l’engagement dans la fonction publique tient aux missions et aux valeurs, qui se distinguent le plus souvent du secteur privé notamment lucratif. L’intérêt pour le service public est mis en avant par trois candidats à la fonction publique sur quatre, et chez neuf candidats sur dix c’est le métier qui est la principale source de motivation selon le Rapport de restitution des travaux de la conférence sur les perspectives salariales de la fonction de mars 20228.

              Pour autant, la fonction publique ne dispose pas d’un monopole sur l’intérêt général. De nombreuses associations, ONG, voire entreprises à mission peuvent également remplir cette quête de sens.

              Première difficulté : une gestion jugée trop rigide et hiérarchique

              A l’inverse, l’« emploi à vie » n’est plus un élément fort d’attractivité. La sénatrice cite ainsi une enquête réalisée par la CFDT : « seuls 29 % des jeunes ayant répondu, exerçant dans les trois versants de la fonction publique, se disent prêts à y passer toute leur carrière. »

              A titre personnel, il me semble également qu’il existe désormais unhiatus entre la rigidité statutaire (corps ou cadres d’emploi, catégories hiérarchiques relativement étanches, recrutement sur concours et affectation nationale pour les métiers de la fonction publique d’Etat) et les velléités de mobilité et d’ouverture des agents.

              Le rapport relève aussi une gestion souvent jugée lourde et très hiérarchique.

              Le recrutement par concours est aussi en lui-même particulièrement long et coûteux et parfois en décalage avec les besoins immédiats des recruteurs et les viviers de candidats9.

              La Cour des comptes relevait ainsi dans un rapport consacré au recrutement des compétences numériques au sein des ministères économiques et financiers10, que le faible intérêt pour les postes offerts était : « accentué par le délai de recrutement dans l’administration comparé à celui des entreprises : 14 mois minimum pour les titulaires et 11 mois pour les contractuels. Ces délais ne sont pas adaptés à un marché en tension. Ils laissent peu de chance face à la concurrence du secteur privé qui peut recruter les jeunes 15 jours après leur diplôme. »

              Deuxième difficulté : les rémunérations, jugées trop basses

              Les faibles rémunérations sont régulièrement évoquées, dans la population générale, mais également par les fonctionnaires eux-mêmes, en particulier dans la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale.

              En valeur absolue, les rémunérations étaient en 2020 légèrement supérieures dans le secteur privé (2 518 euros) par rapport au secteur public (2 378 euros), mais avec d’importantes disparités :

              • Si le salaire de la fonction publique d’Etat est relativement élevé, à 2 639 euros, cela tient à un effet de composition, du fait de l’importance des catégories A (cadres), dont les enseignants ;
              • À l’inverse, la fonction publique territoriale, par un effet de composition inverse, présente un salaire net mensuel moyen plus bas : à 2 019 euros ;
              • Enfin, la fonction publique hospitalière présente un niveau médian, à 2 464 euros, mais avec là-encore, d’importantes disparités (notamment entre les personnels médicaux et les fonctionnaires11).

              Surtout, la dynamique des salaires est radicalement différente entre les secteurs public et privé.

              Selon l’INSEE 12, entre 2009 et 2020, le salaire des employés du secteur privé a augmenté de 7,8 %, soit une hausse de 0,7 % par an. Cette évolution est largement supérieure à celle constatée dans la fonction publique, où le salaire a augmenté de 1 % seulement sur la période, soit + 0,1 % par an.

              Concernant certains métiers, les évolutions sont encore plus éloquentes.

              Ainsi, le salaire d’entrée des enseignants en collège et lycée titulaires du CAPES, hors primes, était équivalent à 2,17 fois le SMIC en 1980, contre seulement 1,14 fois actuellement 13.

              La « smicardisation » de la fonction publique est également en marche : près d’un agent public sur cinq est aujourd’hui rémunéré autour du SMIC.

              Dans un contexte de hausse de l’inflation et de renchérissement du logement, cette situation devient problématique pour de nombreux agents publics, notamment dans les zones urbaines les plus denses, comme en Île-de-France et dans les grandes métropoles régionales.

              Le gel ou la sous-revalorisation du point d’indice a ainsi impliqué des efforts sur les rémunérations des agents publics essentiellement concentrés sur des mesures conjoncturelles, ciblées et dispersées (notamment à destination des hauts-fonctionnaires, mais également des agents de la santé14 ou de la police nationale), nuisant à la cohérence globale et, peut-être, aux besoins du service public.

              Données de l’INSEE, présentées dans le rapport sénatorial.

              La rapporteure souligne également la grande complexité de la rémunération des agents publics, qui est jugée « illisible » pour les observateurs extérieurs.

              Des conditions de travail considérées par les agents comme « en dégradation »

              Quatre agents publics sur dix déclarent effectuer une quantité de travail excessive et 55 % des agents de l’État continuent de penser à leur travail même quand ils n’y sont pas (soit 19 points de plus que pour les salariés du privé)15.

              Dans la fonction publique territoriale, plus des deux-tiers des agents exerçant des missions de catégorie C sont par ailleurs fortement exposés aux risques professionnels, et notamment à des relations difficiles avec les usagers, à des risques physiques et psycho-sociaux, à des horaires atypiques, ainsi qu’à une mobilisation fréquente dans le cadre d’astreintes16.

              Les recommandations de la sénatrice

              La sénatrice énonce plusieurs propositions, mais le contexte des finances publiques interroge sur les facultés à la main du gouvernement pour y répondre.

              La sénatrice propose en premier lieu de rendre les rémunérations plus attractives avec :

              • Une nouvelle augmentation du point d’indice ;
              • Une réforme des modalités de calcul de l’indemnité de résidence afin d’en faire un véritable levier d’attractivité 17.

              Mais il s’agit également de promouvoir des initiatives managériales accordant une plus grande flexibilité dans l’organisation du travail afin d’améliorer les conditions de travail comme le droit à la déconnexion (en particulier pour les fonctionnaires d’Etat) et le développement du télétravail.

              La sénatrice propose aussi de poursuivre le développement de la marque employeur récemment créée, pour mieux faire connaître les métiers de la fonction publique et mettre en œuvre des campagnes de communication ciblées sur les métiers en tension, auprès des jeunes, comme des travailleurs âgés.

              Enfin, la sénatrice propose de rendre les processus de recrutement plus efficaces :

              • En publiant des offres d’emploi plus pédagogiques et notamment plus précises s’agissant de la rémunération offerte ;
              • En adaptant le format de certains concours, notamment pour les apprentis ;
              • en améliorant la coordination entre les acteurs au niveau local pour proposer de véritables parcours de carrière au sein des différentes collectivités publiques.
              1. Le programme 148 en nomenclature LOLF (loi organique relative aux lois de finances), géré par le ministère chargé de la fonction publique.
              2. Pour la source, voir l’article publié sur le site vie-publique.fr sur les difficultés de recrutement par concours.
              3. Article précité publié sur le site vie-publique.fr.
              4. Une autre difficulté est celle du recrutement par concours, en particulier dans des métiers en tension où cette étape se révèle parfois incongrue lorsque la condition de diplôme est par ailleurs déterminante pour exercer la profession. C’est notamment le cas des éducatrices de jeunes enfants et auxiliaires de puériculture pour les crèches municipales.
              5. Confer la circulaire n° 6434-SG du 3 janvier 2024 relative à la politique salariale interministérielle des métier de la filière numérique signée par la Première ministre.
              6. OCDE, « Renforcer l’attractivité de la fonction publique en France. Vers une approche territoriale », 2023.
              7. Pour consulter ce rapport, suivre ce lien.
              8. Autrement connu comme le rapport Peny, Simonpoli. Disponible en suivant ce lien.
              9. Le procédé de recrutement par concours vise à évaluer l’« aptitude » générale du candidat à exercer les fonctions prévues dans son corps ou son cadre d’emploi, pas à mesurer les compétences en vue d’un emploi spécifique.
              10. Cour des comptes, « Disposer des personnels qualifiés pour réussir la transformation numérique : l’exemple des ministères économiques et financiers », Rapport public annuel de 2020. Pour consulter ce rapport, voici le lien.
              11. Les personnels médicaux avaient ainsi un salaire net moyen de 5 870 euros en 2020, contre 2 319 euros pour les fonctionnaires selon une étude de l’INSEE.
              12. Insee, « Chiffres-clés : L’essentiel sur… les salaires », 12 juin 2023. Et voici le lien.
              13. Lucas Chancel, La chute du salaire des enseignants (1980-2022) », document de travail, avril 2023.
              14. Au titre du « Ségur de la santé » à destination du personnel hospitalier, mais aussi des EHPAD et établissements médico-sociaux.
              15. Rapport précité de mars 2022 sur les perspectives salariales de la fonction publique de MM. Peny et Simonpoli.
              16. Rapport sur l’attractivité de la fonction publique territoriale, par Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Corinne Desforges, inspectrice générale de l’administration, et Mathilde Icard, présidente de l’association des DRH des grandes collectivités, janvier 2022.
              17. Le rapport pointe ainsi montant brut moyen versé par mois de seulement 46 euros pour les agents publics d’Ile-de-France, ce qui ne compense évidemment pas le surcoût lié notamment au logement.
            4. Mobilité interne, comment réussir ?

              Mobilité interne, comment réussir ?

              Quelques éléments grappillés dans l’ouvrage éponyme de M. Pierre Bultel

              Temps de lecture : 3 minutes.

              Du côté de la personne promue

              La réflexion

              La première question à se poser est de savoir ce qui, professionnellement, compte le plus pour vous : la production, le fait d’obtenir par vous-même un résultat ; ou l’organisation, le fait de mettre en place ce qui permet de produire ?

              Beaucoup de managers le sont par défaut, parce que « je ne pouvais pas dire non ». Or, jouer d’un instrument ou être chef d’orchestre n’ont rien à voir l’un avec l’autre.

              Regarder votre caractère, vos loisirs, votre façon d’être avec les autres. Êtes vous plutôt un expert ou un animateur ?

              La deuxième question : êtes vous en phase avec la personne qui vous recrute ? Ce sont ici les valeurs qui entrent en jeu :

              ⁃ Est-ce que vous comprenez ses décisions ?

              ⁃ Auriez-vous pris les mêmes ?

              ⁃ Vous reconnaissez vous dans son discours sur le travail ?

              ⁃ Considérez vous ses rapports avec les autres collègues comme conformes à ce que vous feriez à sa place ?

              ⁃ Approuvez vous ses relations avec les partenaires et les clients ?

              Quelle est votre légitimité ? Vos expériences passées ou votre emploi actuel ?

              Une expérience technique peut vous aider à comprendre les sujets et déverrouiller certaines situations, toutefois elles ne vous permettront pas d’animer l’équipe, de gérer les conflits et les recrutements.

              Quelles compétences dois-je acquérir ?

              Il faut ici dresser la liste sans tabou, en les classant par ordre d’importance.

              Les connaissances générales sur le secteur, mais également les connaissances liées aux fonctions managériales.

              Il convient également de dresser la situation afin de comprendre davantage les tenants de votre éventuelle candidature :

              ⁃ Le contexte d’ouverture du poste ;

              ⁃ L’intérêt / les raisons du supérieur à me recruter ;

              ⁃ L’accompagnement à la prise de fonction ;

              ⁃ Le positionnement du poste dans l’organisation ;

              ⁃ L’intérêt personnel que j’aurai à occuper ce poste ;

              ⁃ Les risques ;

              ⁃ Les évolutions possibles à l’issu de l’occupation de ce poste ;

              ⁃ Ce poste répond il à mes objectifs à long terme ?

              ⁃ L’impact de ce poste sur mon environnement personnel et familial, l’implication intellectuelle, le rythme de vie ;

              ⁃ Aurais-je été réceptif à une proposition similaire dans une autre organisation ?

              En synthèse, vous pouvez établir un tableau trois colonnes comme suit :

              1. Les raisons favorables ;
              2. Les réticences ;
              3. Les zones d’ombre, à éclaircir avec le recruteur.

              La construction de la relation avec son supérieur

              La qualité de nos résultats et de notre bien-être au travail sont assez directement proportionnel à l’intérêt et au respect que nous portons à notre hiérarchie.

              Ne vous laissez pas enfermer dans des suppositions et clarifier la situation avant de vous avancer :

              ⁃ Sur quels critères allez-vous être évalué ?

              ⁃ Quelles sont les attentes horaires ?

              ⁃ Quelles seront les marges de manœuvre ? En matière budgétaire, RH, de dossiers… ?

              ⁃ Quelle articulation ? Qui décide sur quel sujet ? Comment on se tient informé de l’ensemble des sujets du bureau ?

              Identifiez ensuite les informations à faire remonter :

              ⁃ Au titre d’un tableau de bord (à remplir ou à constituer),

              ⁃ Au titre des problèmes rencontrés : anticipés et traités ou qui n’ont pu être traités,

              ⁃ Les notes d’ambiance.

              Le travail avec l’équipe

              Dans le cas où vous prenez une fonction hiérarchique auprès d’anciens collègues, il y a nécessairement des histoires différentes. Il ne faut pas hésiter en parler avec chacun des individus concernés et mettre les choses à plat.

              Il s’agira ensuite d’être homogène dans ses relations, s’il y a un tutoiement avec un collègue, il doit devenir la norme pour tous, etc.

              La première étape consiste ensuite à réfléchir sur les atouts de l’équipe (raisonner en termes d’atout est plus productif que l’inverse) :

              ⁃ Les réactions passées lors de situations difficiles ;

              ⁃ La cohésion lors des pics d’activité ;

              ⁃ Le mode de relation entre les membres de l’équipe ;

              ⁃ Les retours positifs sur l’équipe.

              Une fois ces éléments positifs dressés, vient le moment d’esquisser les marges de progrès : en ciblant uniquement celles en notre pouvoir et en indiquant le niveau de probabilité de la réussite et une échéance calendaire.

              Une fois ce bilan esquissé, il convient de s’attaquer au groupe, le mieux étant de rencontrer chacun des agents.

              Dans l’hypothèse où l’un d’eux a brigué votre poste, ne vous excusez pas, mais écoutez activement et manifestez au besoin de l’empathie. Pas besoin d’en faire ou d’en dire beaucoup : vous n’étiez pas le décideur.

              Faire des bilans avec l’équipe

              Dès que possible, célébrer un pallier : une réussite, une durée…

              Toutefois, dans vos rapports avec l’équipe, veillez à éviter certains pièges :

              Le changement radical : votre nouvelle fonction n’implique pas que vous devez changer de façon d’être, en particulier avec vos collègues. Instaurez une continuité, soyez lisible ;

              ⁃ A l’inverse, vous ne pouvez pas croire que votre nouvelle fonction ne changera rien, votre nouveau positionnement induira nécessairement un peu de distance avec vos anciens collègues ;

              Refuser le changement et se focaliser sur les pratiques antérieures ;

              Critiquer le prédécesseur (évidemment) ;

              ⁃ Ne pas oser poser de questions.

              Enfin, il est toujours utile de clore votre période de découverte par un rapport d’étonnement avec : les surprises, une proposition de plan d’action et une évaluation des moyens nécessaires à l’optimisation du service.

            5. Qui travaille au… ministère du travail ?

              Qui travaille au… ministère du travail ?

              Temps de lecture : 15 minutes.

              Observations définitives de la Cour des comptes sur les exercices 2015 à 2022

              Le lien vers le rapport : Documents | Cour des comptes (ccomptes.fr)

              Les observations de la Cour portent sur trois points principaux :

              1. La performance du service de ressources humaines (RH), qui demeure à améliorer;
              2. La baisse des effectifs du ministère, dont l’impact est difficile à évaluer;
              3. L’analyse des initiatives prises par le ministère pour développer l’attractivité.

              D’abord, quel est le périmètre couvert ?

              Le programme 155 relatif à la conception, la gestion et l’évaluation des politiques de l’emploi et du travail porte sur les effectifs du ministère. A savoir, 8 360 équivalents temps plein (ETP) répartis entre directions d’administration centrale :

              • La direction générale du travail (DGT),
              • La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP),
              • La direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES),
              • Une partie des agents du secrétariat général aux affaires sociales (et des agents des cabinets ministériels) et
              • Les services déconcentrés : avec les DEETS (direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) et les DREETS (échelon régional des DEETS).

              La gestion RH elle-même est partagée entre un cœur centralisé à la DRH des ministères sociaux et un réseau de correspondants de proximité dans les directions et services déconcentrés.

              Un ministère touché par d’importantes baisses d’effectifs dans ses services déconcentrés :

              « Les effectifs du ministère chargé du travail ont diminué de 15 % depuis 2015 pour atteindre 8 360 ETPT en 2021. Cette baisse est liée non seulement à des suppressions d’emplois mais aussi au transfert de 603 ETPT en 2021 au ministère de l’intérieur dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État. Hors transferts, la diminution des emplois est de 9% sur la période, ce qui reste significatif. Les réductions d’effectifs ont été en totalité portées par les services déconcentrés : l’effectif du niveau central a même augmenté de 6 % sur la période 2015-2021. »

              Toutefois, les services déconcentrés continuent de demeurer les principaux employeurs avec 85% des agents contre 15% pour l’administration centrale.

              L’inspection du travail représente 42% des effectifs du ministère.

              Parallèlement, la structure des emplois est bouleversée avec une augmentation de la part des catégorie A de 36% à 58% entre 2015 et 2021, principalement du fait de la mise en extinction du corps des contrôleurs du travail. Ceci explique que la masse salariale a moins baissé que les effectifs (respectivement 8% et 15%). Elle représentait 567 M€ en 2021, soit 3% des crédits du ministère du travail et de l’emploi sur l’exercice.

              1-S’agissant de la performance du service RH

              La Cour rappelle l’origine de l’actuelle DRH, issue de la fusion en 2013, dans le cadre de la création d’un secrétariat général commun aux ministères chargés des affaires sociales, de l’ancienne DRH des ministères de la santé et du social et de la sous-direction chargée des ressources humaines de l’ancienne direction de l’administration générale et de la modernisation (DAGEMO) du ministère chargé du travail.

              Les magistrats évoquent également une réorganisation de la DRH plus récente, datée de 2019, qui manifestement n’a pas fonctionné et qui pourrait avoir son rôle dans le renouvellement quasiment complet en deux années seulement de l’ensemble des agents de la direction, ce qui n’est pas sans conséquence sur la compétence technique globale de la structure.

              Cette réorganisation qui a fortement complexifié les relations avec les directions partenaires (avec le passage parfois d’un interlocuteur à sept…) est par ailleurs intervenue au mauvais moment : crise sanitaire et réforme autour de la déconcentration des actes RH.

              La Cour note ensuite une coopération très limitée entre la DRH et les services ministériels. Par exemple, les correspondants RH n’ont pas accès à l’ensemble des données de paie des agents. Aucun outil de pilotage n’a été mis à disposition et le pilotage des effectifs est qualifié par la Cour d’ « artisanal ».

              En termes de systèmes d’informations (SI), le ministère du travail utilise depuis 2016 la solution RenoiRH développée par le CISIRH. Or, la Cour constate que certaines fiabilisations de données ne sont toujours pas opérantes entrainant des erreurs, par exemple le remplissage et le contrôle automatique n’est pas systématique sur l’ensemble des données :

              « Fin juin 2022, la DRH elle-même constatait de très nombreuses erreurs ou oublis d’enregistrement des dates de fin réelle de contrat et des dossiers non complets concernant les agents détachés ou mis à disposition et les agents transférés. Certains dossiers indiquent en outre des affectations incomplètes ou un programme budgétaire erroné. L’ancienneté n’est pas systématiquement saisie – ce qui engendre des listes de personnes promouvables incomplètes – tandis que les emplois-types du poste ne correspondent pas toujours à la fiche de poste, rendant approximatives les analyses qui peuvent être réalisées. »

              Par ailleurs, si un module « RenoiRH Décisionnel » existe, la Cour note que la quasi-exclusivité des bureaux préfèrent travailler sur des outils développés sur Excel indépendamment du SIRH.

              « La meilleure illustration en est le fichier de suivi des emplois et des effectifs, baptisé « fichier MSK», qui consiste en l’agrégation par la DRH, une fois tous les deux mois, de 92 fichiers remplis à la main par les services RH de proximité. Aucune comparaison n’est réalisée entre ce fichier et les données de RenoiRH afin de s’assurer de la qualité des données. C’est sur cette base que sont réalisées les prévisions de consommation d’ETPT et les analyses d’évolution d’effectifs. »

              L’analyse du taux de connexion à « RenoiRH Décisionnel» montre par ailleurs que la grande majorité des agents, à tous les niveaux hiérarchiques, ne l’utilise jamais. 

              Sur d’autres sujets, la Cour note qu’il n’existe pas de dossier personnel numérique des agents, ceux-ci sont encore aujourd’hui conservés en propre par les agents de la DRH ; le suivi du temps de travail et de télétravail diffère suivant les directions d’emploi ; la culture numérique des agents du ministère et de la DRH en particulier semble « particulièrement faible » avec notamment des formations qui se concentrent sur la bureautique.

              En conséquence, la Cour sollicite une feuille de route SI à même d’asseoir une gouvernance efficace de ce qu’elle considère être un enjeu stratégique au titre de la fiabilité et de la performance.

              2-Une baisse des effectifs du ministère dont l’impact est difficile à évaluer

              La Cour note en premier lieu que la baisse des effectifs de 2 à 3% par an porte exclusivement sur les services déconcentrés.

              Extrait du rapport de la Cour des comptes.
              Extrait du rapport de la Cour des comptes.

              Cette baisse générale intègre notamment le transfert de près de 600 équivalents temps pleins (ETPT) au ministère de l’intérieur en 2021 dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, que ce soit au titre des services de la main-d’œuvre étrangère (une centaine d’ETPT) ou du fait des transferts des fonctions supports aux secrétariats généraux communs départementaux.

              Hors transfert et pour rappel : la baisse d’effectifs entre 2015 et 2021 est de 9% (contre 15% avec la prise en compte du transfert).

              Sur la période récente, il convient de noter le gel des effectifs dans le schéma d’emplois pour 2022, qui rompt avec la logique baissière des années précédentes. 

              Pour assurer cette trajectoire, il faut par ailleurs noter l’absence d’utilisation du mécanisme de ruptures conventionnelles, puisque la Cour n’en relève par exemple que deux pour l’exercice 2021. 

              Extrait du rapport, trajectoire en ETPT : administrations centrales (DGT, DGEFP, DARES) et déconcentrées (DEETS et DREETS).
              Extrait du rapport, trajectoire en ETPT : administrations centrales (DGT, DGEFP, DARES) et déconcentrées (DEETS et DREETS).

               Dans le détail, entre 2015 et 2021, le principal contributeur aux économies d’emplois a été l’inspection du travail (contrôle et renseignement inclus), qui a perdu 16% de ses effectifs, soit près de 740 ETP. Le secteur emploi présente quant à lui une baisse de 11 % mais il intègre, en 2021, les effectifs temporaires liés à la crise sanitaire (300 agents en charge de l’activité partielle). Sans ces renforts, la baisse serait d’environ 530 agents, soit 25% des effectifs de 2015. 

              Evidemment, les fonctions support ont également été concernées dans le cadre de la réforme de l’organisation territoriale de l’Etat (OTE), ainsi que les postes de direction en services déconcentrés puisqu’une vingtaine, soit 14% d’entre eux, ont été supprimés entre 2015 et 2020.

              On peut, dans ces conditions, aisément imaginer un climat social tendu dans le réseau déconcentré.

              Dans le même temps, les effectifs de l’administration centrale ont augmenté de 6%, portés par une hausse assez élevée des effectifs des cabinets et des effectifs ministériels, qui passent sur la période de 136 ETPT à 193 ETPT (une augmentation de 42%…) et par des augmentations des emplois en administration centrale.

              Si on fait les comptes : il y a donc une augmentation de 71 ETPT en « administration centrale », dont 57 ETPT dans les cabinets ministériels, ce qui laisserait 14 ETPT pour l’administration centrale « classique ».

              La Cour précise ensuite que les postes de direction en administration centrale ont augmenté sur la période, passant de 27 à 38, soit une augmentation de 44%, du fait de la suppression d’un poste de sous-direction et de la création de sept postes de chef de service, de cinq postes de direction de projet ou d’expert de haut niveau.

              Cela fait donc 11 postes supplémentaires. En définitive, l’administration centrale n’a donc gagné qu’1 ETPT d’agent de conception et de pilotage de politique publique. Le déséquilibre dans la répartition des efforts et des créations de postes est frappant et pourrait interroger sur une forme de déconnexion entre une administration centrale qui, par définition, se politise (par les postes en cabinet et la création notamment de fonctions de chefs de services – en interaction avec ce cabinet) et l’ensemble des agents chargés de la mise en œuvre concrète et territorialisée des actions du ministère.

              Autre constat, une augmentation très forte des agents contractuels.

              La part des agents contractuels sur emploi permanent, étant normalement entendu comme « un emploi qui a normalement vocation à être occupé par un fonctionnaire », est passé de 5% en 2015 à 10% en 2021, soit 828 ETPT de contractuels contre 7 128 ETPT de fonctionnaires. Et parmi les agents contractuels occupant un emploi permanent, près du tiers est en CDI.

              On note également un effort et qui apparait somme toute logique pour le ministère du travail en faveur du recrutement d’apprentis. Ceux-ci sont passés de 16 en 2015 à 97 en 2021. 

              Sur la composition des effectifs et comme on l’a dit en introduction, il y a une profonde transformation du ministère. Les catégories A représentent 36% des effectifs en 2015 et 58% en 2021.

              Cette évolution est fortement liée au plan « ministère fort » porté initialement par le ministre Michel Sapin de suppression progressive du corps de contrôleurs du travail, mais elle tient également à une évolution de la filière administrative. On constate ainsi une forte augmentation du nombre d’attachés (+16% d’ETPT sur la période). Ce qui témoigne d’un besoin de technicité, mais aussi probablement, d’adaptabilité et de mutabilité. L’attaché d’administration étant un généraliste. 

              Extrait du rapport de la Cour des comptes.
              Extrait du rapport de la Cour des comptes.

              Les rapporteurs constatent également une forte diminution des catégories C, en valeur et en proportion, qui devrait encore s’accélérer du fait de l’augmentation du taux de promotion interne vers le corps des secrétaires administratifs depuis 2022 et jusqu’en 2024 (passage du taux de promotion de 1% à 5%, soit 125 possibilités de promotion sur 2022 au lieu de 32 en 2021).

              La Cour fait ensuite un petit point sur la réforme de l’OTE.

              Le transfert concernait donc 603 ETPT, dont une centaine sur le suivi de la main-d’œuvre étrangère, 84 directeurs de DEETS et 419 ETPT sur des fonctions support. On y apprend que plus de la moitié des agents (320) ont refusé le transfert, pourtant censément avantageux en terme indemnitaire, afin d’être repositionnés sur des emplois vacants du ministère du travail.

              Par ailleurs, il semblerait que ce transfert ait réalisé de manière assez chaotique avec des remarques réitérées de la Cour sur le manque de prévision et de suivi des effectifs par le ministère du travail.

              Plus généralement, et faisant écho aux constats précédents sur le pilotage RH, la Cour maintient ses critiques sur le suivi et l’analyse des besoins, effectué de manière « artisanale et chronophage » selon les termes du rapport.

              Cette mauvaise organisation du travail tient notamment au partage de tâches entre la DRH et la DFAS, la première n’ayant pas accès à Chorus ou à l’infocentre de gestion budgétaire, quand la DFAS n’a elle pas accès aux extractions automatisées de « RenoiRH ». En conséquence, la DRH n’est pas en capacité de justifier les données du rapport annuel de performance (RAP) de la mission travail et emploi avec 736 ETPT d’écart…

              La Cour rappelle que la DRH s’appuie aujourd’hui sur le réseau pour faire remonter des données, alors qu’il lui revient normalement d’alimenter les services à partir des données contenues dans les logiciels de gestion.

              Par ailleurs, le ratio de gestion présenté dans le rapport annuel de performance (RAP) apparaît particulièrement élevé pour les ministères sociaux pr rapport au secteur privé selon la Cour. Mais cette même Cour se refuse à aller plus loin : les comparaisons étant particulièrement difficiles à établir du fait des divergences organisationnelles et méthodologiques entre les secteurs privés et publics et entre les ministères eux-mêmes.

              3-Les initiatives pour développer l’attractivité du ministère doivent être prolongées

              En premier lieu, la Cour note le déficit d’attractivité de l’inspection du travail, ayant donné lieu à un plan d’actions qu’elle juge peu efficace.

              La DGT qui est chargée de l’organisation du système d’inspection du travail (la Cour ne le précise pas) suit le taux de vacances des sections d’inspection qui évolue de manière dégradé d’année en année avec 2 048 sections vacantes sur 2022 (soit 18% du total) contre 2 194 sections vacantes en 2017 (soit 15%) du total. Il convient par ailleurs de rappeler que la détérioration de ce ratio intervient malgré de nombreuses fusions de sections opérées sur la période.

              Le nombre de candidats au concours diminue, alors même que le nombre de places augmente très fortement. La Cour note assez justement que la réponse au déficit d’attractivité du concours ne peut pas passer uniquement par une augmentation du nombre de postes, sauf à renoncer à toute sélectivité.

              Extrait du rapport de la Cour des comptes.
              Extrait du rapport de la Cour des comptes.

              Plusieurs démarches ont été entreprises, avec une possibilité de détachement offerte avec 23 agents qui ont rejoint l’inspection sur ce fondement depuis 2021, mais qui n’est pas sans poser de difficultés. Le ministère de l’Education nationale, également en difficulté de recrutements, s’est ainsi opposé au détachement de plusieurs enseignants volontaires.

              Sinon, outre l’augmentation du nombre de postes au concours, un concours national à affectation régionale et locale a été proposé pour les secrétaires administratifs, ainsi qu’une refonte du déroulé de carrière des inspecteurs. 

              Plus largement, ce défaut d’attractivité fait également écho à ce que l’on a lu sur les perspectives de carrière en déconcentré, mais également aux problématiques plus larges qui se posent sur l’attractivité de la fonction publique. A titre personnel, je m’interroge sur le bien-fondé d’un recrutement national par concours qui ne vise, par définition, que des sorties d’écoles. Le détachement peut en effet, s’il offre des perspectives et valorise les nouveaux affectés, constituer une voie d’accès ou de débouchés. La pente semble toutefois raide et la voie étroite…

              Sur les autres métiers du ministère, et faute de données de la DRH, la Cour n’est pas en mesure d’évaluer l’attractivité des métiers.  

              En termes de formations internes, la Cour note une construction du catalogue assez classique, mais relève une initiative bienvenue d’une des directions du ministère, la DGEFP, qui a développé une « académie de la formation interne » permettant de partager des connaissances et savoirs sur les politiques publiques qu’elle porte. Ces formations sont assurées par l’encadrement interne.

              S’agissant des sanctions disciplinaires. Entre 2015 et 2021, le nombre moyen de sanctions disciplinaires est de 16 par an pour l’ensemble des ministères chargés des affaires sociales. 

              Cela fait donc très peu de sanctions disciplinaires et la Cour note que la plupart sont par ailleurs de faible niveau : deux tiers relevant du premier degré (sans réunion du conseil de discipline). Il n’y a eu aucun licenciement pour insuffisance professionnelle sur la période de contrôle, les quelques cas où cette solution de dernier recours avait été envisagée n’ayant pas prospéré compte tenu de pathologies médicales.

              En termes d’égalité femmes-hommes, le ministère est composé à 69% de femmes, avec une répartition équilibrée y compris dans les emplois de direction.

              Extrait du rapport de la Cour des comptes.
              Extrait du rapport de la Cour des comptes.

              En termes de rémunérations.

              La quasi-totalité des agents bénéficient du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep). En 2021, le Rifseep représente ainsi 74,3 M€, soit 85 % des primes versées aux agents.

              Seuls les élèves inspecteurs du travail et les agents sur emploi fonctionnel bénéficient d’un régime indemnitaire distinct.

              La part du régime indemnitaire dans la rémunération brute des agents est variable selon les corps (comme pour tous les ministères). Elle représente en moyenne, sur la période 2015-2021, 23% de la rémunération brute des agents en catégorie C, 24% en catégorie B et 29% en catégorie A.

              Elle varie fortement en fonction du corps d’appartenance des agents: 25 % pour les inspecteurs du travail, 32 % pour les attachés d’administration de l’État, 45% pour les administrateurs de l’État. Cette part a globalement peu évolué au cours des dernières années. Le Rifseep est constitué de deux éléments : l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) et le complément indemnitaire annuel (CIA) lié à l’engagement et à la performance individuelle. 

              Sur l’IFSE, la Cour note un montant sensiblement plus élevé en administration centrale, en particulier pour les attachés d’administration. Par ailleurs, 17% des agents bénéficient de l’IFSE alors même que le renseignement de leur groupe de fonctions n’est pas effectué…

              S’agissant du CIA, celui-ci est à la main de la direction d’administration centrale ou du service déconcentré, qui le répartit selon des critères qu’il fixe lui-même ou avec son équipe de direction.  

              Extrait du rapport de la Cour des comptes.
              Extrait du rapport de la Cour des comptes.

              On constate que les montants évoluent substantiellement et qu’ils couvrent une population de plus en plus importante, marquant là la volonté d’individualiser la rémunération à la performance.

              Extrait du rapport de la Cour des comptes.
              Extrait du rapport de la Cour des comptes.

              Toutefois, et comme le note la Cour, ces montants ne sont pas homogènes entre catégories et affectations. Assez logiquement (au regard des éléments précités), les catégories A d’administration centrale sont les mieux servis.

              Le constat peut être prolongé s’agissant des agents des cabinets ministériels qui disposent d’indemnités de sujétions particulières en évolution très forte sur la période, ce qui pourrait accentuer aussi le clivage au sein du ministère entre les services déconcentrés et le sommet de la hiérarchie, au sein des cabinets ministériels.

              Extrait du rapport de la Cour des comptes.
              Extrait du rapport de la Cour des comptes.

              Au-delà de cette singularité des cabinets, la Cour note que les rémunérations de la filière administrative (la plus simple à comparer, puisqu’interministérielle) demeure très inférieure aux autres ministères, de l’ordre de 12%, voire de 26% pour les catégories B. Seul le corps des administrateurs de l’Etat, qui dépend directement du Premier ministre, est épargné. Autrement dit, ce sont les attachés et, plus encore, les secrétaires qui sont les mal-lotis du ministère.

              Pour répondre à cet enjeu, la DGAFP a lancé fin 2021 un chantier de convergence indemnitaire qui s’est traduit par l’attribution d’un montant supplémentaire forfaitaire pour l’ensemble des attachés et secrétaires administratifs (1 889 agents concernés), mais cette convergence demeure inachevée selon la Cour.

              Avant de conclure, voilà les rémunérations moyennes constatées par la Cour sur 2021 :

              Extrait du rapport de la Cour des comptes.
              Extrait du rapport de la Cour des comptes.
              Extrait du rapport de la Cour des comptes.
              Extrait du rapport de la Cour des comptes.

              S’agissant des contractuels, le niveau de rémunération est proche des attachés, à l’exception des agents contractuels recrutés sur des postes techniques (comme énoncé plus haut), notamment sur les fonctions informatiques, nettement mieux rémunérés que les titulaires (respectivement 67 700 € contre 53 600 € bruts).

              A cet égard, le rapport précise les conditions de fixation des rémunérations au moment du recrutement des contractuels, à savoir sur la base d’une fourchette de rémunération fixée par la DRH en fonction de l’expérience de l’agent recruté et des salaires pratiqués sur le marché, révisés selon l’inflation et le niveau de tension de recrutements sur certains postes.

              Photo de couverture : Par © Croquant / Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=16688738

            6. Quelles évolutions des rémunérations pour la haute fonction publique ?

              Quelles évolutions des rémunérations pour la haute fonction publique ?

              Temps de lecture : 2 minutes.

              Avec la lecture des observations définitives (délibérées le 2 octobre 2023) de la Cour des comptes sur la réforme de l’encadrement supérieur de l’Etat dans les ministères économiques et financiers (autrement dit, « Bercy ») : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/67857.

              Le périmètre : les ministères économiques et financiers (MEF) emploient plus d’un tiers des administrateurs de l’Etat (soit 1 866) et sont concernés par l’extinction d’importants corps de fonctionnaires qui leur sont rattachés.

              Le nouveau corps des administrateurs de l’Etat doit réunir environ 5 500 fonctionnaires en « un corps unique, attractif et véritablement interministériel. »

              Auparavant, seize différents corps de hauts fonctionnaires cohabitaient dans lesdites ministères, quatorze d’entre eux permettent à ceux qui le souhaitent de se maintenir, tandis que deux corps sont simplement supprimés et les agents reclassés dans le nouveau corps.

              Parmi ces corps et pour les MEF, on retrouve les administrateurs des finances publiques (651), de l’inspection générale des finances (184) et du contrôle général économique et financier (87).

              Par ailleurs, le chantier de l’encadrement supérieur technique reste ouvert : les administrateurs (675) et inspecteurs généraux (112) de l’Insee, les ingénieurs des mines (929) et les corps de direction de la DGDDI et de la DGCCRF ne sont pas concernés par la réforme. La Cour ne donne pas les effectifs des deux derniers corps.

              La nouvelle grille indiciaire du corps des AE est fondée sur une attractivité continue, avec un réhaussement moyen de 4,7% de la rémunération brute mensuelle au moment du reclassement des cadres supérieurs du MEF et des perspectives de carrière globalement améliorées.

              Le nombre d’échelons est multiplié, tandis que leur durée est réduite, avec pour effet de réduire légèrement les progressions de rémunérations en milieu de carrière afin de favoriser l’occupation d’un emploi fonctionnel supérieur, permettant d’accélérer le gain d’échelon.

              Comme on peut le constater dans le graphique ci-après de la Cour de comptes, on peut difficilement faire mieux en termes d’attractivité :

              Nouvelle grille indiciaire des administrateurs de l’Etat
              Nouvelle grille indiciaire des administrateurs de l’Etat

              Toutefois, le niveau indemnitaire continuera de jouer un rôle essentiel dans l’attractivité du MINEFI avec un équilibre subtil entre la convergence interministérielle et la valorisation des postes d’encadrement jugés stratégiques.

              A titre de comparaison et pour mémoire, voici les rémunérations moyennes (plus basses et plus hautes) proposées par les ministères avant la création du corps des administrateurs de l’Etat :

              Le mieux pour commencer semble donc être l’Intérieur. Pour terminer votre carrière, choisissez les solidarités…
              Le mieux pour commencer semble donc être l’Intérieur. Pour terminer votre carrière, choisissez les solidarités…

              La Cour évalue le coût, pour les seuls MEF et en septembre 2023, à 4,6 M€.