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  • Comment Devenir Conseiller de Chambre Régionale des Comptes ? (Magistrat Financier)

    Comment Devenir Conseiller de Chambre Régionale des Comptes ? (Magistrat Financier)

    Temps de lecture : 7 minutes.

    Tous concours confondus, douze magistrats des chambres régionales des comptes (CRC) ont été recrutés sur 2024.

    Les missions des magistrats de CRC sont essentiellement de quatre ordres :

    • Contrôle juridictionnel : la CRC est tenue de déférer au ministère public près de la Cour des comptes les faits susceptibles de constituer des infractions au code des juridictions financières (article L. 211-1 dudit code). Par ailleurs, les magistrats de CRC peuvent être affectés sur des fonctions juridictionnelles durant leur carrière ;
    • Contrôle des comptes et de la gestion : régularité des recettes et des dépenses, économie des moyens mis en œuvre, évaluation des résultats atteints (article L. 211-3) d’organismes particulièrement divers dépendant ou financés par des collectivités territoriales ;
    • Contrôle des actes budgétaires (article L. 211-11) et des conventions relatives à des délégations de service public (article L. 211-12) ;
    • Évaluation de politiques publiques du ressort territorial de la chambre régionale (article L. 211-15).

    Concrètement, le magistrat est en binôme avec un vérificateur (article R. 212-23)1 et est chargé de réaliser trois à quatre contrôles par an.

    Calculs personnels à partir des rapports d’activité des CRC. Les juridictions financières comptent au total 1 808 magistrats (source : Chiffres clés de la Cour des comptes)
    Calculs personnels à partir des rapports d’activité des CRC. Les juridictions financières comptent au total 1 808 magistrats (source : Chiffres clés de la Cour des comptes)

    Pour une présentation plus complète, vous pouvez consulter la plaquette de présentation du concours publié par la Cour des comptes au titre de 2024.

    Les Modes d’Accès à la Fonction de Magistrat de Chambre Régionale des Comptes

    Compte tenu du faible nombre de magistrats de chambres régionales des comptes (environ 400), les voies d’accès sont relativement étroites.

    Le concours d’accès est ainsi unique (étudiants et professionnels réunis) et se tient tous les deux ans, en alternance avec la procédure de recrutement au tour extérieur.

    Les Concours

    Deux concours permettent d’accéder à la fonction de conseiller (article L. 221-3 du code des juridictions financières) :

    1. Le concours de l’Institut national du service public (INSP, ex-École nationale d’administration) pour les élèves formulant ce choix à la fin de leur scolarité. Au titre de 2024 : deux postes ont été ainsi attribués à des élèves de l’INSP ;
    2. Le concours direct (et unique). Dix postes ouverts au titre de 2024.

    Contrairement au concours de magistrat administratif, la sélectivité est plus forte au concours unique d’accès direct qu’au concours de l’Institut national du service public2.

    Toutefois, le faible nombre d’emplois offerts à l’issue de la scolarité plaide pour le passage du concours de conseiller si le candidat souhaite exercer en juridiction financière.

    Comme pour les magistrats administratifs, une formation statutaire est prévue pour les lauréats des concours dans les douze mois suivent l’entrée en fonction (article R. 221-3 et R. 228-7). Cette formation est assurée par la Cour des comptes et peut être complétée par une formation organisée par l’INSP. Elle est généralement assurée durant le premier semestre de l’année suivant la nomination.

    Le Tour Extérieur

    Il existe également une procédure de recrutement au « tour extérieur »3.

    Ouvert aux Agents Publics Ayant Dix ans d’Expérience

    Celle-ci est fixée à l’article L. 221-4 du code des juridictions financières. Elle concerne :

    • Les agents publics des trois versants de la fonction publique appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé4 et
    • Justifiant au 31 décembre de l’année considérée d’un minimum de dix ans de services publics dans un organisme relevant du contrôle de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes.

    Le nombre de places est fixé par arrêté du président de la Cour des comptes et ne peut pas être supérieur au nombre de places offertes au concours direct (dix places pour 2023).

    L’Examen des Candidatures par une Commission de Haut Niveau

    Cette inscription est prononcée par une commission chargée d’examiner les titres des candidats et qui comprend onze membres :

    • Le premier président de la Cour des comptes, président de la commission ;
    • Le procureur général près la Cour des comptes ou son représentant ;
    • Le président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes ;
    • Trois membres désignés respectivement par :
      • Le ministre chargé des Finances ;
      • Le ministre chargé de l’Intérieur ;
      • Le ministre chargé de la Fonction publique ;
    • Le directeur de l’Institut national du service public ou son représentant ;
    • Un magistrat de la Cour des comptes désigné par le conseil supérieur de la Cour des comptes et
    • Trois magistrats de chambres régionales des comptes désignés par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

    Cet examen se fait en deux temps :

    1. Une analyse du dossier de chaque candidat, puis
    2. Une audition par la commission des candidats dont les dossiers sont jugés satisfaisants.

    L’Établissement d’une Liste d’Aptitude

    La commission établit ensuite une liste d’aptitude, par ordre de mérite.

    Il ressort de l’analyse des résultats au tour extérieur que la quasi-intégralité des candidats retenus au tour extérieur sont ou ont été vérificateurs en chambre régionale des comptes5.

    Comme pour les magistrats recrutés par la voie du concours, et dans des modalités identiques, une formation à compter de leur entrée en fonction est prévue par le code des juridictions financières (article R. 221-10).

    S’agissant des affectations géographiques, quelques CRC concentrent les recrutements :

    Calculs personnels, à partir des postes ouverts sur les trois derniers tours extérieurs.
    Calculs personnels, à partir des postes ouverts sur les trois derniers tours extérieurs.

    Le Détachement (Qui Peut Être Suivi d’une Intégration)

    L’article L. 221-10 établi la liste des corps pouvant être détachés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes :

    • Les magistrats de l’ordre judiciaire ;
    • Les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Institut national du service public ;
    • Les professeurs titulaires des universités ;
    • Les maîtres de conférences ;
    • Les fonctionnaires civils et militaires issus de corps et cadres d’emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable.

    Par ailleurs, l’alinéa 2 du même article L. 221-10 prévoit la possibilité pour certains contractuels justifiant d’une expérience professionnelle d’au moins six années d’activité « les qualifiant particulièrement » d’exercer des fonctions de magistrat des chambres régionales des comptes.

    Dans une communication de 20166, la Cour des comptes comptabilisait une centaine de personnels détachés dans des fonctions de magistrat en CRC (pour environ 350 magistrats en exercice). En majorité des administrateurs territoriaux.

    Autrement dit, près du quart des magistrats de CRC est constitué de fonctionnaires détachés7.

    Les Épreuves du Concours d’Accès au Grade de Conseiller (Concours Direct)

    Le concours direct est ouvert :

    • Aux agents publics appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé justifiant au 31 décembre de l’année du concours de sept ans de services publics effectifs, dont trois ans en catégorie A ;
    • Aux magistrats de l’ordre judiciaire ;
    • Aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Institut national du service public.

    La Composition du Jury

    Celle-ci est prévue par l’article R. 228-2 du code des juridictions financières8 et comprend dix membres :

    • La présidence du jury est assurée par le président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes assure la présidence du jury ;
    • Trois membres sont ensuite désignés par :
      • Le ministre chargé des Collectivités territoriales ;
      • Le ministre chargé du Budget ;
      • Le ministre chargé de la Fonction publique ;
    • Deux professeurs des universités (titulaires) ;
    • Un avocat général, un procureur financier ou un substitut général désigné par le procureur général près la Cour des comptes ;
    • Un président ou vice-président de chambre régionale des comptes ;
    • Deux membres du corps des magistrats de chambre régionale des comptes, proposés par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

    La diversité des professionnels représentés témoigne du haut niveau de compétences attendu.

    Les Épreuves d’Admissibilité et d’Admission

    Les épreuves du concours de conseiller de chambre régionale des comptes sont particulièrement ramassées (article R. 228-4).

    Deux épreuves d’admissibilité) :

    • L’étude d’un dossier de finances publiques (quatre heures, coefficient 2) ;
    • Une composition sur un sujet de droit constitutionnel ou administratif (quatre heures, coefficient 1).

    Une épreuve d’admission consistant en une interrogation portant sur un sujet tiré au sort se rapportant à la gestion publique locale suivie d’une conversation d’ordre général avec le jury sur des questions juridiques (trente minutes de préparation et quarante-cinq minutes d’échanges, coefficient 2)9.

    Toute note inférieure à 5 est éliminatoire (article R. 228-5). Cependant, et contrairement au concours de magistrat administratif, il n’existe aucune limite à la présentation du concours.

    Contrairement au tour extérieur, les postes ouverts sont nettement mieux répartis, y compris dans certaines régions plus attractives :

    Calculs personnels
    Calculs personnels

    Le Programme des Épreuves

    Le programme est fixé par l’arrêté du 8 mars 2018 fixant le programme des épreuves du concours organisé pour le recrutement direct de conseillers de chambre régionale des comptes. Bien que les épreuves soient peu nombreuses, le nombre de matières à maîtriser se révèle important.

    Le programme des écrits

    Le cadre général des finances publiques :

    Les prélèvements obligatoires et les autres ressources publiques :

    Déficits et dette publics :

    Les finances de l’État :

    Les finances locales :

    Les règles comptables et le contrôle des finances publiques :

    En compléments, des éléments de droit public sont également attendus.

    Ici, vous pouvez vous rapporter au programme de droit public pour le concours de magistrat administratif.

    Les sujets pouvant susciter des questions à réponses courtes ou à une discussion juridique avec le jury portent sur les sujets suivants :

    L’organisation et les compétences des collectivités territoriales :

    La politique budgétaire et financière des collectivités territoriales :

    La gestion du personnel dans les CT (statut de la FPT).

    Les services publics locaux :

    Les collectivités territoriales et les citoyens (information et communication locales, concertation et participation des citoyens).

    Le contrôle des comptes et la gestion des organismes publics locaux et de leurs satellites :

    1. Agent de catégorie A chargé de l’assister dans son contrôle.
    2. Environ 4 % de réussite au concours unique de CRC. Il s’agit de l’un des concours les plus difficiles de la République.
    3. Le recrutement au tour extérieur est un recrutement sur dossier, après audition des candidats. De solides références juridiques et un parcours professionnel de haut niveau sont évidemment requis.
    4. Sont également listés les magistrats de l’ordre judiciaire, mais ces derniers n’ont en réalité aucun intérêt à passer le concours ou le tour extérieur, puisqu’ils peuvent être détachés dans le corps.
    5. Et, dans une moindre mesure, à la Cour des comptes.
    6. « Devenir magistrat de chambre régionale des comptes », Cour des comptes, 10 octobre 2016.
    7. Inversement, une soixantaine de magistrats de CRC étaient, à la date de l’enquête, en dehors des CRC. Soit un peu moins du cinquième (dont certains à la Cour des comptes).
    8. Ici encore, la ressemblance avec le jury du concours de conseiller de juridiction administrative n’est pas fortuite. Les mêmes exigences techniques et intellectuelles sont requises.
    9. L’épreuve orale est en réalité double et se rapproche en cela de celle prévue au concours direct pour l’accès aux fonctions de conseiller de tribunal administration et cour administrative d’appel.
  • Comment devenir juge administratif ?

    Comment devenir juge administratif ?

    Temps de lecture : 6 minutes.

    101 magistrats de tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et de la Commission nationale du droit d’asile ont été recrutés sur 2024.

    Le rapport public du Conseil d’État sur l’activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2024 permet d’abord de se représenter l’activité de ces magistrats :

    • Environ 600 000 litiges enregistrés sur l’exercice 2024 (+ 8 %), dont 280 000 enregistrés par les seuls tribunaux administratifs1 ;
    • Une durée moyenne prévisionnelle de jugement de onze mois pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, cinq mois à la Commission nationale du droit d’asile (CNDA) et six mois au Conseil d’État ;
    • Près de 1 300 magistrats et plus de 2 000 agents de greffe et soutien dans les tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et de la CNDA. Environ 240 membres du Conseil d’État et 400 agents de soutien.
    • Des affaires constituées pour près de la moitié par le contentieux des étrangers, suivi du contentieux des agents publics, du logement, des aides sociales.
    Extrait du rapport annuel du Conseil d’État sur l’exercice 2024
    Extrait du rapport annuel du Conseil d’État sur l’exercice 2024

    Les modes d’accès à la fonction de magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

    Les concours

    Deux concours permettent d’accéder à la fonction de conseiller (article L. 233-2 du code de justice administrative) :

    1. Le concours de l’Institut national du service public (ex-École nationale d’administration) pour les élèves formulant ce choix à la fin de leur scolarité. Relativement minoritaire : environ 10 % des entrées dans le corps ;
    2. Par un concours direct (externe ou interne), devenu la voie normale d’accès : environ 50 % des entrées dans le corps ;
      1. Le concours externe : ouvert aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Institut national du service public (niveau licence) ;
      2. Le concours interne : pour les agents publics, civils ou militaires, ainsi que les magistrats de l’ordre judiciaire justifiants, au 31 décembre de l’année du concours, de quatre années de services publics effectifs.

    Si votre souhait est de devenir magistrat, vous n’avez pas d’intérêt à passer le concours de l’Institut national du service public (sauf à vouloir multiplier vos chances) :

    • La sélectivité est plus élevée au concours de l’Institut national du service public2 ;
    • La formation est nettement plus longue (deux ans, contre six mois pour le concours direct) et
    • La diversité des postes proposées à l’issue de la formation constitue un aléa.

    Le tour extérieur

    Il existe plusieurs procédures de recrutement au « tour extérieur »3 :

    1. Celle de l’article L. 233-3 du code de justice administrative, qui offre accès au grade de conseiller pour :
      1. Les fonctionnaires civils ou militaires justifiants d’au moins dix ans de services publics effectifs dans un corps ou un cadre d’emplois de catégorie A ;
      2. Les magistrats de l’ordre judiciaire.
    2. Celle de l’article L. 233-4 du même code, qui offre accès au grade de premier conseiller pour les cadres supérieurs des trois fonctions publiques justifiant d’au moins huit ans de services effectifs dans les corps listés4.

    Chaque année, le vice-président du Conseil d’État détermine le nombre d’emplois à pourvoir au titre du L. 233-3 et du L. 233-4 précités.

    Concrètement, l’essentiel des candidats et des nommés relève de la catégorie 1.1 : attachés d’administration (des trois versants), inspecteurs des finances publiques, etc.

    Le tour extérieur concerne environ 15 % des entrées annuelles dans le corps.

    Le détachement (qui peut être suivi d’une intégration)

    Pour les corps suivants, il est possible de solliciter un détachement en qualité de conseiller ou de premier conseiller :

    • Les fonctionnaires recrutés par la voie de l’Institut national du service public ;
    • Les professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités ;
    • Les administrateurs des assemblées parlementaires et
    • Les fonctionnaires civils ou militaires de l’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois de niveau équivalent à celui des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel5.

    S’ils satisfont aux critères des articles L. 233-3 et L. 233-4 précités, ils peuvent alors demander l’intégration dans ce corps ; aux grades de conseiller ou de premier conseiller.

    Le détachement est le mode d’accès le plus aisé pour les corps précités. La procédure formelle de sélection au tour extérieur étant nettement plus lourde et complexe.

    22 % des entrées dans le corps se font par la voie du détachement, qui est donc un instrument important de gestion.

    Ce haut niveau témoigne également de l’attractivité de ce corps.

    En synthèse

    Extrait (chapitre 2) du guide pratique du site www.lesja.fr consacré au recrutement
    Extrait (chapitre 2) du guide pratique du site www.lesja.fr consacré au recrutement

    Les épreuves du concours d’accès au grade de conseiller (concours direct)

    L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État a abrogé l’article L. 233-6 consacré au « recrutement direct ».

    Pour autant, la partie règlementaire du code de justice administrative continue d’y faire référence et fixe plusieurs principes.

    Tout d’abord, deux règles importantes :

    L’impossibilité de se présenter plus de trois fois au concours (R. 233-9)6 et le caractère éliminatoire de toute note inférieure à 5 (R. 233-11)

    La composition du jury

    Celle-ci est prévue par l’article R. 233-8 du code de justice administrative :

    • Le chef de la mission permanente d’inspection des juridictions administrative (président du jury) ;
    • Un représentant du ministre de la justice ;
    • un représentant du ministre chargé de la fonction publique ;
    • Deux professeurs titulaires d’université et
    • Deux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel7.

    La diversité des professionnels représentés témoigne du haut niveau de compétences attendu.

    Les épreuves d’admissibilité et d’admission

    Les trois épreuves d’admissibilité (1° du R. 233-11 du code de justice administrative) :

    • L’étude d’un dossier de contentieux administratif (quatre heures, coefficient 3). L’épreuve la plus déterminante ;
    • Une épreuve constituée de (en général, quatre) questions portant sur des sujets juridiques ou administratifs appelant une réponse courte (une heure et demie, coefficient 1) ;
    • Une dernière épreuve (quatre heures, coefficient 1), suivant l’origine des candidats :
      • Concours externe : dissertation portant sur un sujet de droit public ;
      • Concours interne : note administrative portant sur la résolution d’un cas pratique posant des questions juridiques.

    Deux épreuves d’admission :

    • Une épreuve orale portant sur un sujet de droit public suivie d’une conversation avec le jury sur des questions juridiques (trente minutes de préparation et trente minutes d’échanges, coefficient 2) ;
    • Un entretien avec le jury portant sur le parcours et la motivation du candidat (vingt minutes, coefficient 2).

    Le programme des épreuves

    L’étude d’un dossier de contentieux, la dissertation portant sur un sujet de droit public (concours externe) et le programme de sujets de droit public tirés au sort par les candidats lors de la première épreuve d’admission portent sur les sujets suivants :

    Quelques éléments fondamentaux de droit public :

    Le droit constitutionnel :

    Le droit administratif :

    Le contentieux administratif :

    Les sujets pouvant susciter des questions à réponses courtes ou à une discussion juridique avec le jury portent sur les sujets suivants :

    La gestion des administrations :

    Quelques éléments sur les grandes politiques publiques :

    Le droit de la fiscalité :

    Enfin, des notions fondamentales de :

    • Droit civil et de procédure civile ;
    • Droit pénal et de procédure pénale.
    1. 200 000 pour le tribunal du stationnement pays, 56 500 pour la Cour nationale du droit d’asile, 31 500 pour les cours administratives d’appel et 9 500 pour le Conseil d’État.
    2. Environ 6 % au titre du concours externe pour 2023, contre 10 % pour le concours externe direct. Pour le concours interne, le constat est plus nuancé, le taux de sélectivité étant d’environ 10 % à l’INSP, contre 12 à 13 % pour le concours interne direct.
    3. Le recrutement au tour extérieur est un recrutement sur dossier, après audition des candidats. De solides références juridiques et un parcours professionnel de haut niveau sont évidemment requis.
    4. Fonctionnaires de l’INSP, fonctionnaires de catégorie A ou cadre d’emplois de même niveau et titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours d’entrée de l’INSP, magistrats de l’ordre judiciaire, professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, administrateurs territoriaux, personnels de direction des établissements de santé et autres établissements (directeur d’hôpital et directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social).
    5. En pratique, cela recouvre les corps cités à l’article L. 233-4 de la note de bas de page précédente. Le Conseil d’État est chargé d’établir la liste.
    6. On peut s’interroger sur la portée de cette disposition attachée à un article abrogé. Ici, le concours de magistrat administratif se distingue de celui de juge judiciaire où le nombre de passage n’est pas limité. Régulièrement des élèves de l’Ecole nationale de la magistrature ont ainsi passés plus de trois fois le concours avant d’être admis.
    7. Nommés par arrêté du vice-président du Conseil d’État, sur proposition du Conseil supérieur des tribunaux administratives et des cours administratives d’appel.
  • Les salaires dans la fonction publique en 2025

    Les salaires dans la fonction publique en 2025

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 11)

    Temps de lecture : 10 minutes.

    Poursuite de la lecture du rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique.

    Les dépenses publiques de rémunérations des agents publics, après avoir augmenté jusqu’aux années 80, connaissent une relative décrue depuis :

    • 10 % du PIB dans les années 60-70 ;

    • 13 % au début des années 80 ;

    • 12 % en 2023, en replis depuis les années 90.

    Autrement dit, depuis les années 80, l’augmentation des dépenses publiques ne tient pas aux dépenses de personnel, mais aux autres dépenses (essentiellement sociales).

    Toutefois, les écarts entre versants de la fonction publique sont extrêmes :

    • De 1980 à 2023, les dépenses des collectivités locales augmentent de 238 % ;
    • Sur la même période, les dépenses de l’État augmentent de 45 %.

    Le mode de rémunérations des agents publics

    Un mode de rémunération à trois étages

    La paie des fonctionnaires peut schématiquement se décomposer en trois parties :

    1. Le traitement indiciaire. Déterminé par une grille indiciaire qui s’applique à l’ensemble des agents relevant d’un corps.

          C’est le système le plus simple : on multiplie l’indice lié au grade et à l’échelon par la valeur du point d’indice.

          2. Le régime indemnitaire et les rémunérations annexes. Ces éléments comprennent les heures supplémentaires (pour certains agents publics), les primes et indemnités.

            Les rémunérations indemnitaires et annexes sont particulièrement complexes et ont été très dynamiques sur les vingt dernières années.

            Elles sont individualisées et portent sur :

            • La fonction exercée : encadrement, sujétions particulières… ;
            • Le lieu d’exercice : indemnités de résidence, primes spécifiques à certains territoires, notamment ultramarins ;
            • La situation de famille : supplément familial de traitement (pour des montants nettement plus modestes) ;
            • La performance de l’agent : au titre du complément indemnitaire annuel (CIA) notamment.

            Un élément important est à rappeler : les rémunérations indemnitaires et annexes sont partiellement retenues pour le calcul de la pension de retraite de l’agent public.

            3. Enfin, en déduction du revenu net (pour l’agent) : les cotisations et diverses retenues sociales. Ici, l’agent public se trouve dans la même situation que le salarié de droit privé avec une part de ces rémunérations consacrée aux différentes contributions et cotisations.

              Une rémunération de plus en plus individualisée

              Si la majeure partie du revenu d’un agent public est encore assise sur le traitement indiciaire (comparable aux grilles de classifications des branches professionnelles), la part dévolue aux primes et indemnités est en forte augmentation.

              Compte tenu des difficultés budgétaires de la France et des répercussions induites par une augmentation de la valeur du point d’indice1, les gouvernements successifs ont préféré des augmentations sectorielles.

              Le rapport ambivalent des fonctionnaires à leurs rémunérations : ils se considèrent mal payés, mais ils ne rejoignent pas la fonction publique pour l’argent

              Le sentiment d’être « mal payé » est diffus parmi les agents publics

              Ce sentiment est encore plus exacerbé lorsque le diplôme initial est élevé.

              En 2023, 68 % des fonctionnaires s’estiment mal ou très mal payés. 76 % parmi les enseignants2

              Cependant, le salaire n’est pas un motif d’entrée dans la fonction publique3. Et, quand des agents publics démissionnent, ce n’est pas tant parce que les rémunérations sont faibles. Les agents concernés évoquent d’abord l’absence (supposée ou réelle) de perspective d’évolution professionnelle.

              La vérité des prix : quel salaire dans la fonction publique et dans le privé

              Le salaire net mensuel moyen des agents publics en équivalent temps plein en 2021 est de 2 431 euros, contre 2 464 euros pour le secteur privé.

              Analysé par versant de la fonction publique, le salaire net mensuel moyen en 2021 se répartissait comme suit :

              • 2 039 euros dans la fonction publique territoriale ;
              • 2 590 euros dans la fonction publique hospitalière ;
              • 2 688 euros dans la fonction publique d’État.

              Les rémunérations dans la fonction publique d’État tiennent à un effet de structure

              En effet, les agents de l’État sont en moyenne plus diplômés, plus âgés, mais également plus féminisés que dans le secteur privé.

              La part de salariés disposant d’un diplôme du supérieur est très marquée selon l’employeur (données de 2021) :

              • 76 % pour les agents de la fonction publique d’État ;
              • 52 % pour les agents hospitaliers ;
              • 41 % pour les salariés du privé et
              • 32 % pour les agents de collectivité locale.

              Mécaniquement, la part d’agents civils de catégorie A (les cadres) était aussi très variable selon les versants de la fonction publique :

              • 62 % pour l’État,
              • 40 % pour le secteur hospitalier et
              • 3 % pour les collectivités locales.

              L’évolution des rémunérations par versants et dans le secteur privé

              Sur la période 2011-2021, le salaire net moyen en équivalent temps plein a augmenté (en euros constants) de 2,1 % pour l’ensemble des agents publics, mais cette augmentation cache de nombreuses disparités :

              • 8,8 % pour la fonction publique hospitalière, tirée par le rattrapage des salaires post-Covid ;
              • 2,5 % pour la fonction publique territoriale ;
              • – 0,2 % pour la fonction publique d’État.

              Il faut toutefois faire attention aux effets de composition : la part des agents de Cat A augmente et leur vieillissement aussi.

              Pour dépasser les limites du salaire moyen net en EQTP, il existe un indicateur d’évolution des salaires pour les agents restés en poste deux années d’affilée complètes. Autrement dit, la : « rémunération moyenne des personnes en place » (RMPP).

              Une évolution salariale essentiellement liée au développement des primes et indemnités

              Le décrochage du point d’indice

              Jusqu’aux années 1990, le point d’indice suivait l’évolution des prix. De 2010 à 2023, le point d’indice est systématiquement gelé, sauf exceptions.

              Des augmentations sont ainsi consenties en 2016 et 2017, à un niveau proche de l’inflation (0,6 %), puis en 2022 et 2023, mais dans un contexte de très forte inflation :

              • Le point d’indice est d’abord revalorisé de 3,5 % en 2021, puis de 1,5 % en 2022 ;
              • Sur la même période, l’inflation est de 10,4 %.

              Première conséquence, la progression salariale est essentiellement catégorielle ou individuelle :

              • Primes et indemnités individuelles,
              • Revalorisations de grilles indiciaires de certains corps.

              Seconde conséquence, les primes constituent aujourd’hui environ 25,5 % de la rémunération moyenne totale (un peu moins en rémunération nette individuelle) des agents publics. Cette part est stable depuis 2010 et est supérieure à celle constatée dans le secteur privé (proche de 20 %).

              Une augmentation des primes et indemnités qui peinent à maintenir le niveau de vie des agents publics

              Selon les rapporteurs :

               « Les dispositifs existants (primes, indemnités comme heures supplémentaires) servent d’abord à maintenir le pouvoir d’achat, ou pour certains bénéficiaires à compléter leur revenu (heures supplémentaires). »

              Par exemple, dans la fonction publique d’État, les gains en rémunérations proviennent quasi exclusivement du vieillissement des agents et des politiques indemnitaires.

              Le décrochage des cadres (cat. A) et professions intermédiaires (cat. B)

              De 2011 à 2021, les salaires moyens en EQTP des cadres et professions intermédiaires ont baissé dans la fonction publique et augmenté dans le secteur privé :

              • – 3 % pour la fonction publique d’État,
              • – 0,2 % pour la fonction publique territoriale ;
              • + 2 % dans le secteur privé.

              À titre de comparaison, le salaire net moyen des employés et des ouvriers a augmenté de 6 % pour la FPE et 2,5 % pour la FPT (contre 5 % dans le privé).

              Ce dynamisme des rémunérations pour les ouvriers et employés est lié aux mécanismes de préservation du pouvoir d’achat mis en place pour les bas salaires.

              La fonction publique hospitalière présente de son côté un caractère atypique (mesures Ségur prises suite à la pandémie de COVID-19) avec une augmentation des salaires réels moyens de 9 % sur la décennie :

              • 10 % pour les employés et ouvriers,
              • 6 % pour les cadres et professions intermédiaires.

              Un système de rémunérations inégalitaires

              Des inégalités entre ministères

              Le constat est connu, les différences de rémunérations entre les ministères demeurent :

              • La part de primes et indemnités est faible dans l’enseignement ;
              • Alors que les primes sont plus importantes dans les ministères de l’Économie, de la Défense ou de l’Intérieur.

              Ces différences de primes viennent parfois compenser une grille indiciaire jugée trop faible. Ils induisent toutefois un frein à la mobilité pour les agents et peuvent engendrer un sentiment d’iniquité.

              Pour les rapporteurs :

              « L’effet global du système tel qu’il existe est donc incertain. »

              Des évolutions salariales différentes entre contractuels et fonctionnaires

              En prenant le RMPP, ce qui n’est pas sans poser de difficultés méthodologiques4, l’évolution des contractuels est systématiquement plus élevée que celle des fonctionnaires.

              Des trajectoires salariales en détérioration

              Une augmentation de la rémunération moyenne des agents publics quasiment nulle depuis quinze ans

              De 1980 à 2010, le taux de croissance annuel moyen du salaire moyen par tête (SMPT) réel des administrations publiques était de 0,66 %.

              Toutefois, on peut clairement dissocier deux périodes :

              • 1,02 % sur la période 1990-2010,
              • 0,26 % sur la période 2010-2023.

              Autrement dit, sur les quinze dernières années, le pouvoir d’achat des fonctionnaires évolue quatre fois moins vite que les deux décennies précédentes. Par ailleurs, cette évolution est tellement faible qu’elle est quasiment nulle en termes réels.

              Des trajectoires de carrière en dégradation

              France stratégie s’appuie sur des données permettant de comparer les « débuts de carrière » de différentes générations de salariés de 1990 à 2010.

              « Tous diplômes confondus, les trajectoires des jeunes agents publics semblent se détériorer, en particulier entre les cohortes des années 2000 et 2010, avec une forme d’affaissement de la position salariale par rapport à l’ensemble de la population. »

              En témoigne, une évolution du salaire moyen par tête durablement plus importante dans le secteur privé par rapport aux administrations publiques depuis le début des années 2000 :

              Le salaire médian des jeunes agents publics évolue très défavorablement entre générations :

              • La génération 1990 gagnait 88 % du salaire médian en début de période et, 116 % après six ans ;
              • La génération 2010 gagnait 80 % du salaire médian en début de période et 102 % en fin de période.

              Cette dégradation concerne tous les versants de la fonction publique, à l’exception des agents de collectivités territoriales.

              Le cas des enseignants est particulièrement symptomatique d’une forme de décrochage.

              En 2021, le salaire net moyen en EQTP est de :

              • 2 504 euros pour les enseignants de l’école élémentaire ;
              • 2 835 euros pour les enseignants du secondaire ;
              • 3 919 euros pour les cadres de la fonction publique (également de catégorie A) ;
              • 4 326 euros pour les cadres du secteur privé ;
              • 2 405 pour les professions intermédiaires du public (catégories B, recrutés à partir du baccalauréat) et 2 468 euros pour les professions intermédiaires du privé.

              Une dynamique salariale en faveur du secteur privé

              De 1997 à 2021, le salaire net moyen en équivalent temps plein a crû de 15 % dans le secteur privé, contre 7 % dans la fonction publique d’État.

              Sur la période 2011-2021, le taux de croissance annuel du salaire net moyen en équivalent temps plein des salariés en place du secteur privé a été constamment supérieur à celui de leurs homologues de la fonction publique, excepté en 2021.

              En conséquence, depuis 2017, le salaire net moyen dans le secteur privé est supérieur au salaire net moyen des agents publics. Ce qui, compte tenu de la proportion de cadres dans la fonction publique, témoigne d’une dégradation relative de la rémunération des plus qualifiés dans le secteur public.

              La fonction publique demeure attractive pour les femmes et les moins diplômés

              Un modèle de rémunération et de carrière en général plus favorable aux femmes

              Pour les niveaux de formation inférieurs à bac + 4, il existe des gains relatifs à être dans la fonction publique par rapport au privé en début de carrière, surtout pour les femmes.

              Cet avantage persiste pour les femmes au fil de la carrière, alors qu’il disparaît vite pour les hommes au cours des années 2000.

              Toutefois, ce gain s’estompe pour les plus diplômés, hommes comme femmes

              Les rémunérations du secteur public sont rapidement dépassées par les rémunérations offertes dans le secteur privé pour les hommes très diplômés (bac +4 et au-dessus). Cet écart ne fait ensuite que s’amplifier.

              Pour les femmes, l’avantage salarial offert par le public demeure sur une période un peu plus longue. Au-delà, comme pour les hommes, les divergences salariales sont très importantes et s’amplifient.

              « Le diplôme permet donc de jouir d’une rémunération d’entrée élevée par rapport à l’ensemble de la population, mais pour les hommes comme pour les femmes, la croissance est ensuite moindre dans la fonction publique que dans le privé. »

              Au-delà des montants, la structure de rémunérations est devenue illisible dans la fonction publique

              La complexité même du système de rémunérations dans le secteur public, sa fragmentation, les inégalités qu’il porte « ont pu affecter l’attractivité salariale ces dernières décennies ».

              Les rapporteurs posent ici un message fort invitant les administrations à renouveler leur communication, mais également les dispositions de rémunérations. L’objectif doit être d’offrir davantage de clarté, aux agents publics eux-mêmes et à tous les jeunes et moins jeunes désireux de rejoindre la fonction publique :

               « Une partie de la perte d’attractivité tient autant à l’évolution des salaires en elle-même qu’à l’architecture du système de rémunération du secteur public, qui peut être perçu comme illisible au regard de trois objectifs qu’il doit atteindre :

               « Ignorer la réalité d’un système de rémunération complexe, fragmenté, et tendanciellement moins valorisant pour les agents publics, ne permettrait pas de répondre aux frustrations ou au désintérêt croissant de la fonction publique en général. »

              1. Une augmentation du point d’indice concerne tous les fonctionnaires et présente également un impact sur les pensions de retraite.
              2. Sondage BVA Casden 2023.
              3. Sondage Ipsos de 2022 commandé par la FSU auprès des fonctionnaires et enquête Génération du Cereq sur les cohortes 2013 et 2017 de jeunes entrant sur le marché du travail.
              4. La RMPP des contractuels par construction se limite à ceux qui sont « stables » puisque présents sur deux années pleines.
              Pièces de monnaie qui tombent
            1. Être contractuel dans la fonction publique en 2025

              Être contractuel dans la fonction publique en 2025

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 10)

              Temps de lecture : 7 minutes.

              Une fonction publique duale : les fonctionnaires et les contractuels

              Le développement du nombre de contractuels a profondément changé la politique de ressources humaines et la perception des métiers du service public. Il est particulièrement critiqué par les rapporteurs qui considèrent le système actuel comme :

              « créateur d’inégalité de traitement tant en termes de rémunération et que de perspectives de carrière. »

              Par ailleurs, ce recours aux contractuels est généralisé, bien que dans des proportions variables entre les trois versants de la fonction publique.

              Les causes du développement de la contractualisation dans les trois versants de la fonction publique sont multiples

              Les réformes récentes ont toutes visé à favoriser le recrutement de contractuels. Principalement, pour deux raisons :

              • Pallier les besoins de recrutement par un nombre insuffisant de titulaires, principalement en lien avec les problèmes d’attractivité évoqués dans des précédents billets ;
              • Disposer d’agents pour des besoins temporaires ou en réponse à des besoins précis.

              Outre ces motivations concrètes, les représentations d’un recrutement par contrat sont également plus favorables :

              • Le recruteur dispose d’un panel de candidats plus importants pour faire son choix (fonctionnaires et… l’ensemble des actifs intéressés pour rejoindre son service)1, ce qui lui permet également de recruter davantage en fonction du profil des candidats ;
              • Les recrutements sont plus rapides qu’une affectation d’un agent par concours ;
              • La durée de recrutement fixée dans le contrat permet au recruteur de ne pas renouveler le contrat en cas d’insatisfaction ou pour des raisons budgétaires ;
              • Inversement, recruter un agent localement peut aussi être potentiellement plus stable que de voir le poste pourvu par un lauréat de concours venu d’une autre région.

              Point de situation dans la fonction publique d’État

              21 % des agents de l’État étaient contractuels en 2022 (24,5 % sans les militaires), et 63 % des agents des établissements publics administratifs (Agences régionales de santé, France travail).

              Plus l’employeur est autonome, plus il recourt à des non-titulaires. Les deux tiers des agents non titulaires sont affectés dans des établissements publics2, contre seulement 13 % des agents titulaires.

              Des situations très différentes selon les ministères

              • L’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur (écoles, universités…) comptent 24 % de contractuels3. Toutefois, compte tenu de la taille de ces ministères, ils concentrent près des deux tiers des 546 000 agents contractuels de l’État ;
              • Les ministères dits « régaliens » (et les établissements sous leur tutelle) présentent de plus faibles taux de recours aux contractuels : 7 % pour l’Intérieur, 11 % pour l’Économie et 15 % pour la Justice.

              Les contractuels publics sont plus précaires que dans le privé

              Le recours aux contrats à durée déterminée (CDD), plutôt qu’à durée indéterminée, est plus fréquent dans le secteur public. Il concerne 14 % des agents publics contre 8 % des salariés du secteur privé (auxquels il convient d’ajouter 3 % de salariés en intérim).

              Cette spécificité s’explique aussi par le fait que l’emploi durable est censé être occupé par un fonctionnaire.

              Le recours au CDD concerne, dans le secteur public, tout particulièrement les emplois peu qualifiés

              Le recours à des contrats courts concerne davantage les emplois peu qualifiés :

              • Pour les agents d’entretien, 21 % des travailleurs du public sont en CDD, contre 14 % des salariés du privé,
              • Pour les aides-soignants, 24 % sont en CDD dans la fonction publique, contre 13 % dans le privé ;
              • Pour les professionnels de l’action culturelle et sociale, 52 % sont en CDD dans la fonction publique et 25 % dans le privé ;
              • De même pour l’action sociale et l’orientation avec 18 % de CDD dans la fonction publique et 10 % dans le privé.

              Toutefois, et pour des raisons différentes, les métiers qualifiés (ou très qualifiés) sont également concernés :

              • 32 % des personnels d’études et de recherche sont en CDD dans le public contre 5 % dans le privé ;
              • 20 % des médecins dans la fonction publique, contre 8 % dans le secteur privé ;
              • 9 % des cadres de catégorie A, comme les attachés d’administration. Pourtant, dans le secteur privé, les cadres sont très peu employés en CDD (de l’ordre de 2 à 6 %).

              Cette logique métier se retrouve mécaniquement par des recours aux contrats très divers selon les employeurs. Le secteur hospitalier propose très majoritairement des contrats de moins d’un an, tandis que l’État comporte relativement beaucoup de CDI, ce qui suggère des besoins moins conjoncturels :

              Des contractuels plus précaires que dans le secteur privé

              Les transformations de CDD en CDI sont plus faibles que dans le privé :

              La transformation des contrats temporaires (CDD ou intérim) en CDI (ou emploi statutaire) un an plus tard est deux fois plus faible dans le public, par rapport au privé4.

               « 26 % des agents de catégorie B et 16 % des agents de catégorie C ont accédé à un emploi durable un an après, contre 34 % des employés et 49 % des techniciens administratifs du privé. »

              De manière générale :

               « Les taux de transitions de l’emploi temporaire vers l’emploi durable des familles professionnelles publiques font partie des plus faibles observés parmi l’ensemble des métiers. »

              Les contractuels ne restent pas dans la fonction publique

              Selon les rapporteurs, il existe encore une étanchéité relativement forte entre les parcours des agents contractuels et ceux des fonctionnaires.

              Pour les agents contractuels, le passage dans la fonction publique est le plus souvent perçu comme transitoire, pour accéder à un premier emploi ou dans l’attente de meilleures perspectives professionnelles.

              Ainsi, dans la fonction publique d’État, seuls 10 % des contractuels deviennent titulaires dans un ministère (ou un établissement public) et 8 % rejoignent une autre fonction publique. Les autres rejoignent le secteur privé ou sont indemnisés au titre de l’assurance chômage5.

              Les titularisations sont plus difficiles

              Pour les agents contractuels désireux de rester dans la fonction publique, la titularisation est longue : en moyenne huit ans.

              À l’inverse, cela signifie également que les durées d’exercices avec un statut contractuel s’allongent, sans les garanties offertes aux fonctionnaires :

              • La progression salariale est plus incertaine pour les contractuels,
              • La protection sociale peut être plus faible,
              • La mobilité est moins facile, avec la nécessité de négocier et de signer un nouveau contrat à chaque changement de poste.

              Les grands plans de titularisation sont terminés

              Depuis 1983, quatre plans de titularisation ont été organisés. Ils ont permis à des milliers d’agents contractuels d’accéder à un statut de fonctionnaire.

              Les modalités d’intégration étaient prévues dans la loi. Il pouvait s’agir d’un concours réservé ou d’un examen professionnel, voire d’une nomination directe par l’employeur :

              • Environ 146 000 titularisations ont été permises par la loi dite « Le Pors » de 19836 ;
              • 60 000 pour le plan de 1996 issu de la loi dite « Perben7 » ;
              • 30 000 pour le plan de 2001 issu de la loi dite « Sapin8 » ;
              • Enfin, 54 000 agents pour le dernier grand plan de titularisation, prévu par la loi Sauvadet du 12 mars 20129, portant sur les exercices 2013 à 2018.

              La loi de transformation de la fonction publique de 2019 n’a pas renouvelé cette démarche. La principale finalité de cette loi étant de favoriser le recours aux contractuels et le maintien de leur statut dans la durée, notamment par l’accès plus aisé aux postes de direction de l’État.

              La contractualisation de la fonction publique fragiliserait les relations de travail

              S’agissant des rémunérations, un constat ambivalent

              Les rémunérations des contractuels sont le plus souvent inférieures aux fonctionnaires.

              Toutefois, dans certaines situations, il est plus intéressant d’être contractuel. On peut penser aux exemples récents s’agissant de l’intérim médical10, mais également de la circulaire dite « Borne » sur le recrutement d’agents contractuels dans les filières numériques11.

              Une très grande diversité de rémunérations

              Les conditions de rémunérations des agents contractuels sont très diverses entre et au sein des ministères : selon le métier, le niveau de diplôme, parfois l’expérience antérieure.

              Le salaire moyen net12 sur 2022 des fonctionnaires était de 2 598 euros, contre 2 014 euros pour les contractuels.

              Toutefois, cet écart présente des proportions diverses selon les versants de la fonction publique :

              • Les différences de rémunérations sont importantes dans la fonction publique d’État. Le salaire moyen net est de 2 955 euros pour les fonctionnaires contre 2 080 euros pour les contractuels ;
              • Les écarts sont plus faibles dans la fonction publique territoriale : 2 216 euros contre 1 923 euros.

              Ces divergences tiennent pour partie à un effet de structure : au regard des emplois occupés par les contractuels et de la moyenne d’âge des fonctionnaires en poste13.

              Il existerait ainsi un « double effet métier »14 :

              • Les métiers les moins qualifiés garantissent un certain avantage salarial aux titulaires ;
              • À l’inverse, pour les métiers les plus qualifiés, les contractuels disposent d’un avantage salarial sur les fonctionnaires.

              Des évolutions de rémunérations contrastées

              Pour la période de 2012 à 2021, le salaire moyen net des contractuels en EQTP progresse moins vite que celui des titulaires en termes réels (corrigés de l’inflation).

              Mais ici encore, les ministères présentent des trajectoires singulières :

              • Au sein de la fonction publique d’État, la dynamique globale des salaires des contractuels est très défavorable, en baisse de 5 % par rapport aux fonctionnaires.
              • Inversement, le salaire moyen des contractuels progresse fortement dans la fonction publique hospitalière.

              1. C’est cette ouverture dans le recrutement qui implique des niveaux très élevés de contractuels dans certains directions d’administration centrale comme la direction générale des entreprises ou dans une moindre mesure à la direction du budget.
              2. Essentiellement à l’Éducation nationale toutefois, ce qui brouille un peu l’analyse.
              3. Autrement dit, la proportion de contractuels dans les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur est dans la moyenne.
              4. Enquête Emploi (2017-2019).
              5. Peyrin A. I., Signoretto C. et Joubert L. (2020), L’insertion des jeunes dans la fonction publique d’État, 1991-2015, Injep, « Notes et rapports », Rapport d’étude.
              6. La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
              7. Premiers articles de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l’emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d’ordre statutaire.
              8. Premiers articles de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale
              9. Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique
              10. Le rapport de la Cour des comptes sur l’intérim médical ayant été particulièrement critique à cet égard.
              11. Les rémunérations proposées dans la grille sont supérieures à celles proposées pour les titulaires. Voir à ce propos le billet sur les inspecteurs des finances publiques et des douanes exerçant dans des fonctions numériques.
              12. Calculé en équivalent temps plein.
              13. Voir le précédent billet consacré au rapport de la Cour des comptes sur le vieillissement des agents publics.
              14. Selon le rapport de la Cour des comptes de 2020 : « Les agents contractuels dans la fonction publique 2010-2019 ».

              Deux jeunes gens dos à dos
            2. Quel avenir pour le recrutement par concours et la fonction publique de carrière ?

              Quel avenir pour le recrutement par concours et la fonction publique de carrière ?

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 8)

              Temps de lecture : 10 minutes.

              Suite de l’analyse du rapport de France stratégie avec un chapitre long et dense qui s’interroge sur le parcours de carrière des agents publics. Il s’agira ici de revenir sur le principe statutaire et sa consécration dans le recrutement par concours.

              Dans deux prochains billets, nous nous attarderons plus longuement sur les contractuels eux-mêmes et sur les parcours professionnels des agents publics.

              Qu’est-ce que le « statut de la fonction publique » ?

              Un principe inscrit dans la loi

              Le droit à la carrière

              Les rapporteurs rappellent tout d’abord le principe statutaire de garantie de l’emploi et de la carrière1 :

              La garantie de l’emploi2 protège le fonctionnaire contre l’arbitraire en empêchant les mutations pour des raisons autres que l’intérêt du service et en limitant les licenciements à des circonstances particulièrement graves : faute grave, insuffisance professionnelle…

              La garantie de la carrière pose le principe que les fonctionnaires sont recrutés dans un corps de la fonction publique et qu’ils disposent, au sein de ce corps, d’une forme de « carrière automatique ou minimale » — indépendamment des missions exercées3. L’évolution des rémunérations évolue pour partie à l’ancienneté (progression dans une grille indiciaire par échelon), et, éventuellement, par le passage d’un grade supérieur (notamment par examens professionnels).

              Cette garantie de l’emploi et de la carrière vise à protéger les agents publics des ingérences, au nom des principes de neutralité et d’égalité des citoyens devant le service public.

              La séparation du grade et de l’emploi

              L’autre principe pivot du statut est celui de la séparation du grade et de l’emploi :

              Le fonctionnaire est titulaire de son grade et non de son emploi. Autrement dit, le fonctionnaire dispose du droit d’occuper des fonctions compatibles avec son grade4. En revanche, l’administration dispose des emplois qu’elle peut modifier à tout moment.

              La situation d’un fonctionnaire est qualifiée de statutaire et règlementaire :

              • Les modalités de recrutement et d’évolution de la carrière du fonctionnaire sont définies dans le décret règlementant son corps,
              • Tandis que les emplois correspondant à ce corps dépendent d’une organisation administrative règlementaire.

              Inversement, le salarié de droit privé et le contractuel de droit public5 sont recrutés sur un emploi considéré, pour une tâche et des fonctions précises. Tout changement substantiel du contrat du salarié ou du contractuel de droit public nécessite donc un avenant ou un nouveau contrat.

              En contrepartie : un recrutement par concours et des obligations

              Les fonctionnaires sont le plus souvent6 recrutés par concours avec un niveau de sélectivité relativement élevé.

              Il s’ensuit une période de stage, généralement longue (le plus souvent un an). Durant cette période, l’employeur public peut se séparer à tout moment du stagiaire.

              Enfin, le statut de fonctionnaire implique plusieurs obligations :

              • L’interdiction d’exercer d’autres fonctions (principe de non-cumul des rémunérations), avec quelques exceptions ;
              • L’obligation de réaliser les tâches confiées et d’informer le public, de veiller à la continuité du service ;
              • L’obligation de réserve (y compris en dehors du service) et de respecter le secret professionnel ;
              • L’obligation d’impartialité et de neutralité (y compris la laïcité) ;
              • L’obligation de probité et d’intégrité (des dispositions pénales s’appliquent spécifiquement aux agents publics) ;
              • L’obéissance hiérarchique7.

              Le foisonnement de statuts : l’émiettement de la fonction publique

              Le modèle français de fonction publique figure encore comme l’exemple topique d’une fonction publique de carrière. Toutefois, l’emploi public est de plus en plus protéiforme.

              En effet, à l’analyse, le premier constat est celui d’une profusion de cadres d’emploi pour les agents publics :

              • Les « classiques » : fonctionnaires (y compris les fonctionnaires stagiaires), militaires (régis par le Code de la défense) et magistrats ;
              • Les « contractuels de droit public » : agents en contrat à durée déterminée et indéterminée. On les retrouve de plus en plus dans les administrations, y compris dans les directions d’administration centrale (comme la Direction générale des entreprises ou la Direction du budget) ;
              • Les vacataires : rémunérés à la tâche (ils ne disposent pas de congés payés ni depuis droit à titularisation) ;
              • Les salariés de droit privé : comme les agents de France travail, mais également les agents des caisses de sécurité sociale ou des établissements publics industriels et commerciaux comme la SNCF ou la RATP ;
              • Les « autres statuts » : ouvriers d’État, contrats aidés, médecins hospitaliers, enseignants de l’enseignement privé sous contrat, apprentis, assistantes maternelles (dans les collectivités), individus en engagement ou volontariat de service civique.

              Un constat : « l’emploi à vie » n’est plus attractif pour les jeunes générations

               La promesse d’un « emploi à vie » n’est pas attrayante

              La promesse d’un emploi garanti a perdu de son importance pour une multitude de raisons :

              • Le déclin général des projections à long terme du fait des crises successives depuis le début des années 2000 (crise écologique, guerres, difficultés démocratiques). Ce qui induit une préférence pour le présent8 ;
              • La multiplication du nombre de métiers en tension9 qui fragilise l’argument d’une meilleure sécurité de l’emploi pour le secteur public10 ;
              • Plus généralement, le privé est vu comme offrant davantage de perspectives ;
              • Enfin, une conception plus répandue selon laquelle la stabilité de l’emploi est considérée comme un risque : celui de perdre en compétences. Une carrière stable est vue comme « statique ».

              La stabilité de l’emploi demeure un élément distinctif et un argument pour les salariés les plus fragiles

              Cependant, pour les salariés du privé, la stabilité de l’emploi public reste un élément fort et différenciant :

              84 % des salariés du privé citent la sécurité de l’emploi comme un attrait des carrières de fonctionnaire11.

              La sécurité de l’emploi demeure recherchée par les salariés les plus vulnérables sur le marché du travail : seniors, salariés peu qualifiés ou jeunes issus de milieux populaires.

              Les fluctuations du chômage ne jouent plus sur l’attractivité de la fonction publique : celle-ci ne constitue plus un « refuge »

               La hausse du niveau de chômage de 2008 à 2017 n’enraye pas la chute du taux de sélectivité des concours qui continue à décroître. Malgré la hausse du chômage et en présence d’une augmentation du nombre de postes offerts dans les fonctions publiques, le nombre de candidats n’augmente pas.

              En dehors de la sécurité de l’emploi, les « avantages » offerts par les employeurs publics semblent peu élevés pour les actifs

              Une protection sociale globalement moins favorable, en particulier s’agissant de la protection sociale complémentaire12

               « Lorsque l’on compare les dispositifs en vigueur (…) les différences avec le secteur privé (en matière de santé, de retraite, ou d’autres avantages sociaux indirects, CESU, garde d’enfants, etc.) ne sont globalement pas à l’avantage de la fonction publique. Ces avantages, souvent mis en avant comme des compensations à des rémunérations réputées moins attractives, ne constituent plus une réelle différenciation. »

              À cet égard, les rapporteurs notent une culture différente s’agissant, par exemple, de la protection sociale complémentaire. Celle-ci est quasiment inexistante dans les discussions et représentations des agents publics. À l’inverse, pour les salariés du privé, il s’agit d’un élément d’appréciation important de la qualité de l’emploi.

               « La culture de la protection sociale complémentaire n’a pas (encore) imprégné le secteur public. »

              Plus largement :

              S’agissant de l’action sociale (garde d’enfant, loisirs-vacances, restauration, accompagnement social) : « au regard des effectifs globaux, le nombre de personnes concernées et les montants financiers qui y sont consacrés restent anecdotiques. »

              Des droits à retraite similaires entre les agents publics et les salariés de droit privé

              Deux différences importantes subsistent s’agissant des retraites :

              • Une prise en compte de la pénibilité au titre des catégories actives (ensemble des corps de la police nationale, infirmiers et sages-femmes, sapeurs-pompier, contrôleurs aériens, égoutiers…) plus généreuse dans la fonction publique (que le compte personnel de prévention des salariés) et permettant des départs anticipés13 ;
              • Un mode de calcul de la pension assis sur le traitement indiciaire (donc, hors primes) des derniers mois d’activité contre un calcul sur les 25 meilleures années pour les salariés.

              Toutefois, ces différences de règles de calcul ne conduisent pas à des montants de retraite en moyenne plus avantageux pour les fonctionnaires14. Par ailleurs, les âges de départ en retraite sont aussi similaires entre la fonction publique et le secteur privé (article sur le vieillissement de la fonction publique).

              Un recrutement par concours très contesté

              Le constat général dressé par les rapporteurs est celui d’une relative inadaptation des concours. Ils seraient :

              • Mal connus ;
              • Adossés à des épreuves inadaptées et trop théoriques ;
              • Avec un déroulement complexe et trop formalisé ;
              • Pour des postes à pourvoir en trop faible nombre, ce qui présente un caractère décourageant.

              Les modalités de recrutement se sont diversifiées, mais le concours demeure la voie d’accès principale à la fonction publique

              Au-delà du concours classique, « externe » et dédié aux jeunes diplômés, les modes de recrutement se sont pourtant diversifiés :

              • Le « troisième concours » est né en 1990 et est dédié aux salariés bénéficiant d’une expérience professionnelle de même nature que celle exercée à l’issue du concours ;
              • Le Pacte (Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique), créé en 2005, permet à un jeune peu ou pas diplômé ou à un chômeur de longue durée d’accéder à une qualification, puis à un emploi de catégorie C dans la fonction publique15 ;
              • Enfin, l’accès direct sans concours est commun pour les recrutements de catégorie C.

              Par ailleurs, depuis 2018, le dispositif Prépas talents permet, sous conditions de ressources, à des étudiants, jeunes diplômés et demandeurs d’emploi d’accéder à une aide à la préparation aux concours de la fonction publique (aide à la fois financière, au logement, mais aussi accès à des dispositifs du tutorat renforcé)16.

              Pour autant, le concours demeure la voie d’accès normale à l’ensemble des grands métiers publics : enseignants, forces de sécurité, infirmiers, personnels d’inspection et d’administration…

              Des concours qui ne garantissent pas contre les discriminations

              Les rapporteurs citent les travaux du rapport du professeur Yannick L’Horty de 201617 pour conclure au caractère pour partie discriminant du mode de recrutement par concours :

              « Les femmes, les personnes nées hors de France métropolitaine, ou encore celles qui résidant dans une ville avec une forte emprise de ZUS, [ont] moins de chances de réussir les écrits puis les oraux de nombreux concours, tandis qu’à l’inverse les chances de succès sont plus élevées toutes choses égales par ailleurs pour les personnes qui habitent Paris et celles qui vivent en couple. »

              Des concours qui accentuent les disparités territoriales

              L’autre difficulté inhérente au concours est l’affectation sur le premier poste. Or, les postes disponibles pour les primo-affectés sont en majorité difficiles et le plus souvent dans les territoires les moins attractifs :

              • Les grandes métropoles régionales (Rennes, Nantes, Lille, Strasbourg, Lyon, Marseille, Toulouse et Bordeaux) et les façades maritimes18 reçoivent proportionnellement moins de primo-affectés ;
              • À l’inverse, les départements franciliens connaissent un fort turn-over et des besoins en recrutements croissants.

              Ce phénomène de turn-over élevé pour les territoires les moins attractifs et de départ des plus anciens vers les territoires les plus favorisés s’auto-entretient.

              Les jeunes ne restent pas sur leur poste et préfèrent partir assez vite :

              Pour pallier les difficultés de recrutements dans les territoires les plus difficiles, l’administration recrute localement des contractuels

              Le recrutement de contractuels se développe, tout particulièrement dans les territoires les moins attractifs19.

              En retour, ce recrutement de contractuels accentue la désaffection des concours :

              Les fonctionnaires en première affectation doivent le plus souvent déménager pour rejoindre un lieu d’affectation inconnu à la réussite du concours.

              Les contractuels disposent du choix de leur lieu d’exercice et sont dispensés de la sélection par concours.

              Outre le recrutement de contractuels, les rapporteurs citent la possibilité ouverte par la loi de transformation de la fonction publique de 2019 de recruter des fonctionnaires par la voie de concours nationaux à affectation locale. Toutefois, ce dispositif est encore peu développé et n’a concerné, à la date de rédaction du rapport, qu’une cinquantaine de corps et près de 10 000 agents20.

              Une gestion des fonctionnaires également problématique sur le long terme

              Le cas de l’Éducation nationale est particulièrement symptomatique pour les rapporteurs :

               « La crainte est double : elle concerne l’affectation sur le premier poste, mais elle porte également sur la possibilité d’obtenir ultérieurement une mutation en vue de rejoindre l’académie ou l’établissement de son choix. Or, les étudiants ou futurs enseignants jugent le système ou l’algorithme utilisé pour les campagnes de postes particulièrement opaque, source d’inégalités de traitement et d’incohérences manifestes. Cette perception d’une procédure sans règles claires entretient un sentiment d’arbitraire et d’inefficacité dans la gestion des ressources humaines, appuyé par de nombreux exemples jugés aberrants de personnels dont l’affectation semble contraire à toute logique. »

              1. Principes attachés au modèle de la fonction publique dite « de carrière » qui implique l’existence de corps de la fonction publique. À l’inverse, la fonction publique dite « de l’emploi » repose sur un recrutement de gré à gré en fonction des besoins de l’employeur, sans droit à carrière spécifique.
              2. Ce que des journalistes et commentateurs désignent, paresseusement, par « emploi à vie ». Il conviendrait plutôt, en effet, de parler de « droit à carrière », puisque le fonctionnaire a justement vocation à occuper une succession d’emplois.
              3. On distingue ici la rémunération indiciaire, assise sur les fameuses grilles indiciaires des différents corps de fonctionnaires (professeur des écoles, gradés et gardiens de la paix, attaché d’administration, inspecteur des finances publiques…) et la rémunération en primes liées aux fonctions et sujétions. La seconde part de la rémunération, de loin la plus dynamique, est assise sur la réalité des fonctions exercées. Toutefois, pour certaines professions, comme les magistrats ou le corps enseignants, la part indemnitaire demeure essentielle.
              4. Un inspecteur des finances publiques ne peut pas être affecté dans une fonction d’agent d’accueil.
              5. Dans un format qui ressemble aux principes de la fonction publique d’emploi, à l’inverse d’une fonction publique de carrière.
              6. Hors catégorie C de la fonction publique territoriale, notamment.
              7. Sauf en cas d’un ordre manifestement illégal et de nature à troubler l’ordre public.
              8. Les sociologues Castel et Bergeron interrogés par les rapporteurs rapprochent cette préférence pour le présent d’une anxiété quant à l’avenir : « on ne se projette pas dans un monde incertain ».
              9. A titre d’exemple, plus de 40 % des entreprises rencontraient des difficultés de recrutements selon la DARES dans son point sur la situation du marché du travail au 3e trimestre 2024.
              10. Voire le renverse, puisqu’en raisonnant du point de vue de l’individu, l’employabilité et la désirabilité des recruteurs quant aux compétences rares est mieux rémunérée dans les secteurs privés que dans le secteur public.
              11. Enquête Opinion-Way- Indeed (2023), « L’attractivité du secteur public chez les salariés français : entre réalité et désillusion », juin. Enquête réalisée sur un panel de 1 594 salariés représentatifs des salariés du secteur public (4 %) et du secteur privé (60 %).
              12. Il convient cependant de relever les travaux récents du ministère de la fonction publique en la matière afin de prévoir une protection sociale complémentaire pour les agents publics de l’État, puis à terme, des autres fonctions publiques.
              13. Ces « avantages » existent en Belgique, mais pourraient être remis en cause par le nouveau Gouvernement. Une réflexion pourrait s’ouvrir sur la responsabilité de l’administration dans le reclassement des agents publics concernés sur des fonctions moins exposées.
              14. Voir à ce sujet Drees (2022), « Retraite : règles de la fonction publique et du privé. Comparaison du calcul des droits à la retraite à l’aide du modèle Trajectoire », Les dossiers de la Drees, n° 103, novembre.
              15. Mais cette voie d’accès reste marginale, en 2021 elle a permis de recruter 200 personnes pour 300 postes offerts selon le Rapport annuel sur l’état de la fonction publique de 2023.
              16. En 2021, environ 700 étudiants étaient inscrits aux préparations des concours de catégorie A, 400 aux concours de catégorie A+ et 350 pour les concours de catégorie B. Depuis 2018, le taux de réussite progresse régulièrement (9 % en 2018-2019 et 23 % en 2021-2022).
              17. L’Horty Y. (2016), Les discriminations dans l’accès à l’emploi public, Rapport au Premier ministre, juin.
              18. Et plus encore pour les façades maritimes du sud et de l’ouest de la France. Ce qui, par ailleurs, peut poser des difficultés de mobilités pour les agents en poste, les opportunités étant plus rares.
              19. L’exemple le plus évident est la pratique du job dating par le rectorat de Versailles.
              20. Une autre difficulté tient aussi aux lieux de formation des lauréats des concours. À cet égard, l’initiative récente visant à développer auprès de l’Institut régional de Lille un lieu de formation à Nanterre pour les attachés d’administration est probablement salutaire.

              Étudiant en examen
            3. Une crise des valeurs du service public ?

              Une crise des valeurs du service public ?

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 7)

              Temps de lecture : 9 minutes.

              Dans ce nouveau chapitre issu du rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique, les rapporteurs interrogent les valeurs du service public.

              Ces valeurs constituent la première source d’engagement des jeunes fonctionnaires1.

              Pour autant, parmi l’ensemble des jeunes interrogés, les valeurs du service public sont peu partagées, leur contenu étant le plus souvent flou, voire ambivalent. Par ailleurs, l’administration renvoie généralement une image inspirant la défiance.

              L’affaiblissement, voire la disparition des « valeurs du service public »

              Une fonction publique mystérieuse

              Les premiers constats dressés par les auteurs font état d’une fonction publique très peu connue. Une part importante de la population ignore les distinctions entre les trois fonctions publiques et ne peut pas lister des administrations et leurs fonctions.

              Les principales connaissances sont celles du quotidien et de quelques éléments généraux égrainés çà et là :

              « La compréhension du fonctionnement et de l’organisation de la fonction publique apparaît très lacunaire et s’appuie principalement sur les expériences des usagers ou celles de leurs proches. Souvent négatives, ces dernières amplifient l’image d’un univers distant et hermétique, mais aussi dégradé et privé de moyens. »

              « Les confusions sur le périmètre s’accompagnent d’une méconnaissance totale du poids et de l’organisation de la fonction publique. Les personnes interrogées ne savent à peu près rien du statut et de ses justifications et principes. »

              Une fonction publique en apparence fermée

              Cette méconnaissance tient aussi à une forme de repli de l’administration. Les étudiants interrogés effectuent peu ou pas de stage dans la sphère publique, celle-ci étant peu présente durant la scolarité2 ou plus tard dans les salons professionnels (sauf pour quelques grands métiers).

              Dans ce contexte, avoir un parent fonctionnaire constitue donc un moyen privilégié pour connaître la sphère publique, ce qui explique par ailleurs le phénomène de « reproduction statutaire. »

              « La fonction publique apparaît comme un univers opaque, lointain, « à part », qu’on peine à envisager dans le cadre de son choix de carrière. »

              Une fonction publique à l’image ambivalente

              Cette ambivalence se retrouve à deux niveaux :

              • Tout d’abord, la fonction publique est souvent jugée « datée » :

              « La fonction publique pâtit de la persistance de l’image d’un univers poussiéreux, lent et ennuyeux3. »

              • D’autre part, même lorsque certains métiers publics sont valorisés, la représentation de l’engagement du fonctionnaire est souvent attachée à une forme de compassion :

               « Se superpose ainsi l’image attachée aux métiers « de vocation », « indispensables », « utiles », voire « essentiels ». Cependant, ceux-ci sont aussi perçus comme « sacrificiels » et souffrant d’une dégradation de leurs conditions de travail et d’un manque de reconnaissance (…). Soignants, policiers, mais aussi enseignants, sont ainsi l’objet d’une forme de commisération assez largement partagée. »

              86 % des sondés interrogés dans le cadre de l’enquête OpinionWay pour Indeed estiment que les enseignants « ont du mérite ». 85 % qu’il faut améliorer leurs conditions de travail.(…) Un tel contraste suscite chez certains d’entre eux des formes d’admiration proches de la compassion pour un métier pris entre « bénévolat » et éthique du « sacrifice » et aujourd’hui « dévalorisé ». »

               « On arrive ainsi à ce paradoxe, que les métiers considérés comme « les plus essentiels » sont aussi ceux… qui font partie des moins attractifs et font le moins rêver les jeunes (à l’exception de médecin). »

              Une forte défiance vis-à-vis de l’employeur public

              Une crise du service public attachée à la crise du politique

              La défiance vis-à-vis des institutions semble, en effet, fortement corrélée à la défiance vis-à-vis du personnel politique :

               70 % des Français4 n’ont pas confiance dans la politique (dont 24 % « pas du tout »).

              Mécaniquement, les institutions politiques comme la présidence de la République, le Parlement et le Gouvernement recueillent des scores de confiance particulièrement faibles (le plus souvent inférieurs à 25 %).

              Pour les auteurs, la fonction publique pâtit sévèrement de cette défiance :

              Comment vouloir travailler pour des institutions dont on n’a pas confiance ?

              En conséquence : un attachement au métier plutôt qu’à l’administration

              Certains agents publics, en particulier dans les grandes collectivités ou certaines administrations de l’État, ont le sentiment de travailler davantage pour les élus plutôt que pour les usagers.

              En réaction, les agents se définissent plutôt par leur métier, que par leur statut d’agent public5. Ce qui leur permet d’offrir un peu de recul à leurs fonctions, de se raccrocher à la source de leur engagement et de se distinguer d’une politisation qui peut parfois les embarrasser dans leur quotidien.

              Le concept de « motivation de service public »

              Un concept créé dans les années 90 et présentant en France quelques spécificités

              Ce concept de « Motivation de service public » (MSP) a été créé et défini par les auteurs américains James Perry et Lois Recascino Wise en 1990. Il pourrait se rapprocher6 des notions d’habitus notamment développées par Luc Rouban, mais également des travaux sociologiques de Philippe d’Iribarne sur une forme de noblesse dans l’engagement de l’agent public français.

              Le concept de Perry et Wise insiste sur la spécificité des motivations altruistes des agents publics et propose une échelle servant à la mesurer, qui comprend plusieurs dimensions :

              S’agissant du cas français, s’ajoute une spécificité : celle d’un attachement très fort à la figure de l’État

              La motivation de service public « à la française » est principalement alimentée par un attachement fort à l’intérêt général et aux services publics, ainsi que par la place centrale de l’État, comme pourvoyeur de richesse et de cohésion sociale.

              On note toutefois un premier hiatus :

              • Les salariés du privé attendent de l’exemplarité ;
              • Les agents publics veulent poursuivre un but d’intérêt général.

              Une réalité concrète pour les agents publics : on ne devient généralement pas fonctionnaire par hasard

              Travailler pour la fonction publique relève le plus souvent d’un choix explicite :

               « 84 % des jeunes agents publics et élèves fonctionnaires disent travailler dans la fonction publique par choix7. »

              Cette « utilité sociale » est génératrice d’une certaine fierté professionnelle :

              • 86 % des salariés français estiment que le secteur public permet d’exercer « des métiers qui ont du sens » (84 % dans le secteur privé et 90 % dans le secteur public8 — ces derniers étant évidemment les premiers concernés)
              • 72 % des agents publics sont fiers de leur emploi (contre 64,6 % dans le secteur privé)9 ;
              • 83 % des agents publics se sentent « utiles », contre 68,5 % des salariés du secteur privé. Ce sentiment est particulièrement fort pour les professions en contact avec le public : accueil de jeunes enfants, animation, enseignement, action sociale, santé10.

              Des motivations différentes selon les statuts (et niveaux de diplôme)

               « Différemment incarnées selon les métiers et les secteurs, les motivations de service public sont également variables et inégalement réparties chez les agents selon leurs diplômes et leur position (encadrant ou non). »

              Les rapporteurs citent les travaux de Céline Desmarais et de Claire Edey Gamassou qui montrent une diversité de motivations11 :

              Ressorts affectifs Ressorts rationnels et normatifs
              Exécutants Compassion, abnégation, voire sacrifice de soi Peu d’intérêt pour les valeurs du service public et les politiques publiques (vision métier)
              Encadrants de proximité Compassion Valeurs du service public
              Experts Neutre Valeurs du service public, goût pour les politiques publiques
              Cadres managers Nul : peu ou pas de relations directes avec des personnes identifiables, vision d’un citoyen abstrait Valeurs du service public, goût pour les politiques publiques, motivations politiques (forte perméabilité des hauts fonctionnaires et des représentants politiques)
              Motivations selon Céline Desmarais et Claire Edey Gamassou

              Autrement dit, plus le niveau hiérarchique est élevé, plus la motivation est liée à des éléments théoriques12.

              Par ailleurs, de cette même conception du service public découle l’idée que le « principe » (théorique) est supérieur au « service » (individuel)13.

              Toutefois, il semblerait que :

              • La conception unitaire du service public soit de plus en plus disputée et que
              • Les sollicitations des citoyens tiennent davantage à considérer les situations individuelles et à exiger une efficacité démontrable14.

              Une concurrence accrue dans la défense de l’intérêt général

              L’État n’est plus associé à l’intérêt général

              Les nouvelles générations ne sont pas moins « altruistes », la difficulté proviendrait plutôt d’un affaissement de l’idée du service public administratif :

              « Les pouvoirs publics manquent de crédibilité pour incarner une promesse de sens particulièrement élevée. L’utilité sociale et l’intérêt général sont aussi (voire, selon certains, surtout) servis ailleurs. »

              Seuls 3 % des Français associent spontanément l’intérêt général à l’État et aux pouvoirs publics15.

              « Ainsi, paradoxalement, les pouvoirs et la fonction publics n’apparaissent pas forcément les mieux placés pour donner un débouché aux aspirations de ceux qui ont de fortes motivations de service public et pour lesquels l’intérêt général est un déterminant important de l’attractivité. »

              À l’inverse, le secteur privé et le troisième secteur (associatif, mutualiste…) est jugé nettement plus favorablement

              Si les finalités d’intérêt général portées par l’État et les collectivités publiques sont concurrencées (voire éclipsées) par le secteur privé16, le quotidien en entreprises ou en associations est également jugé plus favorablement :

               « Les enquêtes d’opinion montrent que le secteur non lucratif (…) est largement plus reconnu que l’État, en tant qu’employeur, sur les dimensions « sens du travail et des missions », « valeurs de l’organisation » et « impact du travail sur la vie des citoyens ». Pour les deux premiers points, même les grandes entreprises privées sont mieux notées que l’État employeur. »

              Le secteur public peine également à convaincre l’ensemble de ses agents

              L’attachement au sens est autant une force qu’un point de fragilité dans la fonction publique. Il peut être « porteur d’un risque élevé de désillusion et de désenchantement » :

              49 % des salariés du public (fonctionnaires et contractuels) qui souhaitent rejoindre le secteur privé le veulent car « ils ont le sentiment que ce qu’ils font dans le secteur public n’a plus de sens ».

              L’enquête du collectif « Nos services publics » de 2021 montre ainsi un décalage entre les motivations d’entrée dans le service public (l’intérêt général pour 69 % des sondés) et un sentiment d’absurdité17 dans leur travail ressenti « régulièrement » par 80 % des personnes interrogées.

              Une « perte de sens » dans la fonction publique qui reste à analyser

              Comme le soulignent les rapporteurs, la littérature académique envisage le plus souvent cette perte de sens comme liée à la Nouvelle gestion publique. Autrement dit, le rapprochement des modes de gestion du secteur public d’autres modes de gestion : critères de performance et d’efficacité productive, rémunérations au mérite, etc.

              Or, force est de constater18 que le mode de gestion public est systématiquement dévalorisé par les jeunes diplômés et, semble-t-il, par une proportion significative d’agents publics.

              Si le mode de gestion privé était si décrié, pourquoi les jeunes diplômés et certains agents publics, préfèrent le secteur privé ou le troisième secteur ?

              Au-delà des arguties politiques, de mon point de vue, une question de management se pose : l’exemplarité, la transparence, la confiance et la quête de sens paraissent désormais être des critères essentiels aux travailleurs. Tout particulièrement lorsque ceux-ci sont très diplômés.

              1. En particulier ceux de catégorie A et B de l’État. L’enquête Nos services publics citée plus bas, ainsi que celle réalisée par la CFDT s’agissant des jeunes fonctionnaires confirment ce point.
              2. Qui connait par exemple le fonctionnement administratif de l’Éducation nationale ? La répartition des compétences entre les collectivités et l’État et au sein de l’État, les différentes fonctions du rectorat ?
              3. Une pensée pour la scène finale de l’Auberge espagnole : https://www.youtube.com/watch?v=fj7gYzQaiUM
              4. Cevipof (2024), « En quoi les Français ont-ils confiance aujourd’hui ? Le baromètre de la confiance politique », 15e vague, février
              5. « Je suis professeur / policier / infirmier / jardinier / juriste… »
              6. Dans leurs versions françaises.
              7. CFDT (2022), Résultats de la quatrième enquête focus jeunes, décembre (enquête réalisée auprès de 1 000 jeunes agents, titulaires, stagiaires, contractuels, étudiants, des trois versants de la fonction publique).
              8. Sondage OpinionWay de 2023.
              9. Pény P. et Simonpoli S. (2022), Conférence sur les perspectives salariales de la fonction publique, op. cit., p. 12.
              10. Rapport Pény et Simonpoli (2022) précité.
              11. En reprenant les classifications établies dans la théorie des « Motivations du service public ».
              12. Selon ces mêmes auteurs, et c’est dichotomie se retrouve dans les travaux ici présentés par les rapporteurs, il existe une « mythologie du service public à la française » qui synthétise des aspirations diverses : entre d’une part le service concret du citoyen pour les agents d’exécution et, d’autre part, une dimension plus abstraite et politique de place de l’État dans la société, notamment incarnée par les hauts fonctionnaires.
              13. En effet, la compassion français est plutôt assise sur des principes théoriques, supposant que l’État doit assurer la défense de l’intérêt général. Ce faisant, la compassion directe (philanthropie) est faible en France. L’État joue donc un rôle véritablement unique en France en portant des valeurs et un impératif de solidarité assurés directement par d’autres acteurs ailleurs (populations, secteurs associatifs, églises, voire entreprises).
              14. La démonstration de l’efficacité implique la contestation du ressort uniquement théorique de l’action publique.
              15. Étude BVA pilotée par la mission APIE (Appui au patrimoine immatériel de l’État) pour la DGAFP (2020), Attractivité de l’État employeur ; 1 000 personnes interrogées, 18-45 ans représentatifs de la population française, en février-avril 2020
              16. Et le troisième secteur.
              17. Lié notamment au manque de moyens, au poids de la structure ou de la hiérarchie, ou encore au manque de reconnaissance. On peut, ici (les rapporteurs ne le font pas), rapprocher les éléments cités plus haut s’agissant de la distinction entre une masse de fonctionnaires au contact du public et animée par des motivations concrètes et une interprétation plus intellectuelle et abstraite des décideurs.
              18. Les rapporteurs ne traitent pas spécifiquement les critiques de cette interprétation du tournant « managerial » comme explicatif de la perte d’attractivité des collectivités publiques.

              Des galets en équilibre
            4. La crise de l’Université, ses conséquences sur la fonction publique

              La crise de l’Université, ses conséquences sur la fonction publique

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 6)

              Temps de lecture : 7 minutes.

              Suite de l’analyse du rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique avec une analyse de deux éléments concomitants (et complémentaires) :

              • La concurrence accrue du secteur privé pour le recrutement de jeunes diplômés ;
              • La difficulté concomitante des universités à attirer de nouveaux profils, en particulier parmi les garçons.

              Une fonction publique très féminisée

              Ce caractère genré concerne les trois fonctions publiques et presque toutes les catégories

              La féminisation des trois fonctions publiques est indéniable :

              • La fonction publique hospitalière est composée à 90 % de femmes (notamment du fait du poids des effectifs d’infirmières et d’aides-soignantes) ;
              • La fonction publique territoriale a un poids relativement stabilisé autour de 60 % ;
              • Enfin, la fonction publique d’État présente la spécificité d’une féminisation continue, y compris sur les dernières années.

              Dans les trois versants de la fonction publique, la féminisation concerne toutes les catégories d’emploi, à l’exception de l’encadrement supérieur (les A+, voir notamment l’article sur les ministères économiques et financiers) et des catégories B du ministère de l’Intérieur (gendarmes, policiers) et des Armées1.

              On peut souligner que ce point concerne en apparence toutes les grandes économies, avec une élévation du niveau scolaire des filles. Ce qui implique un intérêt plus élevé de ces dernières à rejoindre le secteur public, traditionnellement plus éduqué que le secteur privé.

              Outre l’encadrement supérieur et les métiers régaliens, une part de femmes encore insuffisante dans les métiers informatiques

              La fonction publique ne se distingue malheureusement pas du secteur privé dans la féminisation du personnel informatique.

              Compte tenu du vivier de professionnels, par ailleurs souvent très éduqués, on aurait pu s’attendre à une féminisation plus élevée. Il n’en est donc rien :

              Des agents publics toujours très diplômés par rapport au secteur privé

              Le niveau de diplôme est substantiellement plus élevé dans le secteur public

              « En 2022, 57 % des agents publics détiennent un diplôme du supérieur, contre 42 % dans le secteur privé. »

              Ce niveau de diplôme est toutefois très hétérogène selon les fonctions publiques :

              • 76 % des agents de la fonction publique d’État détiennent un diplôme du supérieur2 ;
              • 54 % dans la fonction publique hospitalière et
              • 33 % dans la fonction publique territoriale3.

              Depuis 2007, la fonction publique peine à recruter des jeunes diplômés

              Des recrutements de jeunes en diminution

              Le nombre de « jeunes débutants » (sortis de formation initiale trois ans auparavant) baisse de façon continue depuis plusieurs années :

              • 84 % des jeunes diplômés sont employés dans le secteur privé en 2019, contre 16 % dans le secteur public.
              • Depuis 2007, le taux d’emploi des « jeunes débutants » dans le secteur privé est en hausse de trois points, contre une baisse équivalente pour le secteur public.

               « Cette moindre attraction affecte surtout la fonction publique d’État qui offre moins d’opportunités d’emploi sur cette période, avec une baisse marquée de ses effectifs. »

              Parmi ces jeunes, une chute plus problématique encore du nombre de diplômés du supérieur

              Depuis plusieurs années, les jeunes diplômés du supérieur se tournent davantage vers le secteur privé :

              De 2007 à 2019, leur nombre a crû de 17 % dans le secteur privé et chuté de 29 % dans le secteur public.

              L’écart de recrutements est encore plus flagrant lorsqu’on s’intéresse aux plus diplômés : ceux détenteurs d’au moins un bac +4 :

              De 2007 à 2019, les effectifs de jeunes débutants diplômés de niveau bac +4 et plus ont augmenté de 63 % dans le secteur privé et baissé de 2 % dans le secteur public.

              Les diplômes préparés pour rejoindre la fonction publique se distinguent du secteur privé

              En effet, la fonction publique dispose de spécificités dans les diplômes du supérieur recrutés :

              • 6 % des jeunes diplômés de la fonction publique relèvent de filières relevant des mathématiques, de l’ingénierie et des systèmes, contre 29 % pour le secteur privé4 ;
              • 15 % des jeunes diplômés de la fonction publique relèvent de formation en gestion, contre 37 % dans le privé5.

              Inversement, les jeunes diplômés du supérieur recrutés dans la fonction publique sont nettement plus souvent issus :

              • De filières en sciences humaines et sociales6, dont est issue une grande partie du corps enseignants et
              • De filières en sciences du vivant et de la terre7, dont sont issus les professionnels de santé.

              Les « viviers traditionnels » des sciences du vivant et des sciences sociales peinent eux-mêmes à attirer les étudiants

              Or, ces deux filières, sciences du vivant et sciences humaines et sociales, sont en difficulté. Elles peinent à attirer de nouveaux étudiants à hauteur des besoins :

              Cette baisse d’attractivité est toutefois généralisable à l’ensemble de la sphère universitaire

              L’ensemble des filières universitaires, qu’elles aient ou non traditionnellement la fonction publique comme débouché de prédilection, voient leur part relative s’affaiblir, face à la concurrence de l’enseignement supérieur privé.

              Les rapporteurs soulignent également l’effet de l’introduction d’une sélection à l’entrée en Master 1 dans les universités à compter de 2017 (devenue définitive en 2020) :

              Les projections réalisées par le SIES8 montrent que l’attractivité supérieure de l’enseignement supérieur privé devrait se prolonger, au détriment des universités :

              « Les effectifs des étudiants inscrits à l’université en 2031 devraient être comparables à ceux de 2021 (en très légère baisse, de 0,1 % entre 2021 et 2031) alors que l’ensemble des inscrits de l’enseignement supérieur devrait connaître une hausse de 1,5 %. »

              Certaines professions sont très concernées par cette diminution du vivier de recrutements : les professeurs, les cadres administratifs et les inspecteurs

              La situation est encore plus problématique pour les étudiants en master des métiers de l’enseignement (qui prépare au concours d’enseignement du premier degré) :

              Pour les catégories A, dont les besoins sont pourtant importants sur les années à venir, l’effondrement des effectifs en Institut de préparation à l’administration générale (IPAG) est également très inquiétant :

               « Indépendamment du niveau d’études, les effectifs d’étudiants inscrits dans un IPAG ont ainsi presque été divisés par deux entre 2008 et 2016, avant de se stabiliser. »

              Cette baisse n’est pas due à une diminution des effectifs, mais bien à un choix des étudiants :

              1. Mais ces effectifs régaliens connaissent également une féminisation croissante, bien que plus tardive.
              2. 33 % des agents publics de l’État ont un niveau licence ou master 1, contre 11 % dans le privé. 31 % ont un master 2 ou un doctorat contre 15 % dans le privé (Rapport annuel de la DGAFP de 2024).
              3. La fonction publique territoriale accueille plus d’actifs peu diplômés que le secteur privé : 15 % de ses agents sont sans diplôme ou titulaires d’un diplôme de niveau CEP ou brevet des collèges, contre 14% des salariés du privé. 30 % d’un diplôme de niveau CAP, BEP ou équivalent, contre 21 % dans le privé (Rapport annuel de la DGAFP de 2024).
              4. Inclut notamment les mathématiques, les technologies numériques, industrielles et du bâtiment.
              5. Inclut notamment l’économie, le droit, les finances et le secrétariat.
              6. Inclut notamment la philosophie, l’histoire, la psychologie, la littérature et la géographie.
              7. Inclut notamment le sanitaire et social, la physique, la chimie et les sciences de la vie et de la terre (y compris agronomie et agriculture).
              8. SIES (2023), « Projection des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2022 à 2031 », Note d’information du SIES, n° 2023-04, avril.
              Dôme de l’Université de Panthéon Assas
            5. La baisse du taux de sélectivité dans la fonction publique et ses effets

              La baisse du taux de sélectivité dans la fonction publique et ses effets

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 4)

              Temps de lecture : 6 minutes.

              Disclaimer : Comme France stratégie a déjà pu l’expliquer en introduction de son étude, il est difficile d’évaluer l’attractivité d’une profession ou d’un secteur. Dans le secteur public, l’attractivité repose sur des éléments divers et polymorphes, par ailleurs, l’appareil de mesure peut également faire défaut.

              La fonction publique territoriale présente une singularité supplémentaire puisque 83 % de ses recrutements concernent des agents de catégorie C. Or, ces derniers sont le plus souvent recrutés sans concours (dans 87 % des cas).

              Une baisse importante du taux de sélectivité aux concours de la fonction publique depuis 2007

              Cette baisse du taux de sélectivité tient également à une élévation du niveau de recrutements des agents publics

              France stratégie s’appuie notamment sur l’exemple de la profession enseignante, dont le niveau de recrutement, en particulier dans le premier degré, n’a cessé d’augmenter :

              « Cette élévation continue du diplôme requis pour devenir enseignant a eu pour conséquence non seulement de transformer la morphologie et la sociologie du corps enseignant, mais aussi de réduire à plusieurs reprises, et parfois du jour au lendemain, le vivier disponible, mettant « hors-jeu » – temporairement ou définitivement – l’ensemble des prétendants ne possédant pas le niveau exigé. Elle a aussi contribué à une forme de baisse d’attractivité relative, en raison de la concurrence de débouchés de carrières perçues comme plus rémunératrices ou plus valorisantes. »

              D’autres exemples concourent dans le même sens, avec une élévation plus ou moins forte du niveau de diplôme et une catégorisation en conséquence.

              On peut citer, pêle-mêle :

              • Le passage en catégorie A des infirmiers en 2009, à la suite de la réingénierie de leur formation désormais de niveau licence1 ;
              • À partir de 2010 pour les gardiens de la paix, avec un recrutement en catégorie B ;
              • Enfin, en 2022, la recatégorisation en catégorie B des auxiliaires de puériculture.

              L’attractivité de la fonction publique et le marché de l’emploi

              La fonction publique était très dépendante des conjonctures économiques jusqu’à la fin des années 2000, mais ce phénomène semble s’être estompé. La « protection de l’emploi » offerte par la fonction publique ne parait plus être un argument déterminant.

              « À la différence des phénomènes observés au cours des dernières décennies, les difficultés de recrutement s’inscrivent désormais dans le temps et paraissent depuis au moins dix ans être devenues relativement inélastiques à la conjoncture. »

              Ce constat est similaire pour la fonction publique territoriale, mais dans une proportion toutefois moindre.

              De 2011 à 2022, le nombre de candidats présents aux concours externes de la fonction publique territoriale a baissé de 20 % et le nombre de postes offerts a quant à lui augmenté de 30 %.

              Mécaniquement, l’évolution du taux de sélectivité est en forte baisse, tous concours et fonction publique confondus

              En témoigne, cette représentation, hors enseignants, du taux de sélectivité dans la fonction publique d’État. Ce qui souligne également le caractère global du défaut d’attractivité :

              Ce manque d’attractivité concerne également la filière administrative, en très forte tension : l’exemple des attachés d’administration de l’État

              « Les taux de sélectivité des concours aux instituts régionaux d’administration (IRA), qui rassemblent 9 % seulement des candidats présents aux concours de catégorie A hors enseignement, divergent assez sensiblement de la moyenne. Les fortes fluctuations des taux de sélectivité de ces concours au cours des cinq dernières années reflètent d’importants mouvements aussi bien dans le nombre d’admis2 que dans le nombre de candidats. Depuis 2020 néanmoins, le nombre d’admis augmente sensiblement (de 402 à 485) alors que celui des candidats connaît une chute marquée (d’environ 4 600 à environ 3 500). »

              La comparaison avec le secteur privé démontre la spécificité de l’administration

              « L’enquête Besoins de main-d’œuvre (BMO) de France Travail interroge les employeurs chaque année sur les projets de recrutement et sur les difficultés de recrutement anticipées. Il est donc possible de comparer ces difficultés en distinguant le secteur privé de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. »

              Ce manque d’attractivité et les difficultés de recrutements entraînent une dégradation des conditions de travail

              La première conséquence est une forte augmentation de l’intérim

              À cet égard, la situation de la fonction publique hospitalière est particulièrement inquiétante.

              La deuxième répercussion est l’augmentation des emplois non pourvus

              « Depuis 2011, dans la FPE, le nombre de recrutements externes est inférieur au nombre de postes offerts. En 2022, ce sont 15 % des postes offerts qui n’ont pas été pourvus. »

              Les ministères les plus en difficulté sont les plus gros recruteurs :

              • Le ministère de l’Education nationale ;
              • Le ministère de l’Intérieur (9 % des recrutements de la fonction publique d’État) ;
              • Les ministères des Finances et de la Justice (8 % des recrutements chacun).

              Les emplois non pourvus dans la fonction publique d’État

              Dans son rapport global sur l’exécution budgétaire publié en 20243, la Cour des comptes mentionne ainsi que :

               « Malgré deux lois de finances initiales qui prévoyaient une progression des emplois en 2021 et 2022, ces deux derniers exercices s’étaient achevés sur des baisses d’effectifs de respectivement -3 750 ETP en 2021 et de -5 765 ETP en 2022 du fait de difficultés de recrutements. »

              La Cour signale également des difficultés de recrutement dans l’administration générale et territoriale de l’État avec des recrutements de contractuels de plus en plus importants sur des postes et missions pérennes (normalement réservés aux fonctionnaires).

              Ce point fait notamment écho à un autre rapport de la Cour des comptes sur le vieillissement de la fonction publique, dressant une image inquiétante de certaines administrations, et tout particulièrement les préfectures.

              Une attractivité également fonction des territoires :

              Les départements franciliens sont davantage en tension (et au-delà jusqu’à l’Oise, l’Eure, l’Eure et Loire et l’Orne), ainsi que la Haute-Savoie. Inversement, les départements de l’ouest et du sud de la France sont nettement plus attractifs et recrutent plus aisément.

              Les emplois non pourvus dans la fonction publique territoriale

              Dans la fonction publique territoriale, les difficultés de recrutement sont particulièrement aiguës dans les territoires ruraux et sur quelques professions.

              Dix métiers sont particulièrement en tension, dont beaucoup en contact direct avec la population :

              1. Les animateurs éducatifs dans l’accompagnement périscolaire,
              2. Les agents d’interventions techniques polyvalents en milieu rural,
              3. Les ouvriers de maintenance des bâtiments,
              4. Les animateurs enfance-jeunesse,
              5. Les agents de restauration,
              6. Les secrétaires de mairie,
              7. Les jardiniers,
              8. Les agents de services polyvalents en milieu rural,
              9. Les assistants éducatifs petite enfance,
              10. Les policiers municipaux.

              Les emplois non pourvus dans la fonction publique hospitalière

              Sur ce point, il convient de signaler le caractère international de cette pénurie. L’Union européenne est tout particulièrement concernée, mais c’est aussi le cas du Royaume-Uni ou des États-Unis.

              Enfin, l’émergence d’un nouveau phénomène : la démission

              Les recruteurs constatent davantage d’abandons suite aux concours

              Traditionnellement, le nombre de lauréats aux concours et le nombre d’agents reçus et effectivement titularisés étaient relativement similaires. Désormais, cet écart s’accentue.

              « Dans la police nationale, on constate (…) ces dernières années une augmentation du taux de déperdition après concours qui peut atteindre 15 % pour les gardiens de la paix, convoqués pour prendre leur poste près de 4 à 5 mois après leur concours »

              Pour les infirmières, la perte de futurs soignants potentiels se constate durant leur formation.

              « Les étudiants en formation d’infirmière sont trois fois plus nombreux à abandonner en première année en 2021 (10 %) qu’en 2011 (3 %)4. »

              Les départs volontaires sont également en forte croissance

              « Entre 2014 et 2021, les effectifs de fonctionnaires sortant de la fonction publique pour autre motif qu’un départ en retraite ont augmenté de 47 %. »

              Cette augmentation des départs, volontaires ou non, est pour partie due à un « effet de composition » : l’augmentation du nombre de contractuels (notamment constaté récemment dans un rapport sur la Direction générale des entreprises, par exemple), le plus souvent en contrat à durée déterminée, ce qui implique davantage de turn-over.

              Toutefois, et pour ne prendre que cet exemple, le cas des démissions de professeurs est symptomatique d’un bouleversement du rapport à l’institution :

              1. Un mouvement identique avait été réalisé en 2014 par le reclassement en catégorie A des sages femmes.
              2. 370 en 2017, 205 en 2018 et 2019, plus de 400 depuis 2020.
              3. Cour des comptes (2024), Le budget de l’État en 2023. Résultats et gestion, rapport, avril.
              4. DREES, 2023, Etudes et résultats n° 1266.

              Chaises vides dans une salle
            6. Une pénurie durable d’agents publics ?

              Une pénurie durable d’agents publics ?

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 3)

              Temps de lecture : 8 minutes.

              L’emploi public ne cesse d’augmenter, pourquoi ?

              L’augmentation des besoins en agents publics tient à plusieurs explications :

              • Un vieillissement de la société : les plus de 60 ans représentant aujourd’hui près de 28 % des Français (et les plus de 75 ans : 10 %) contre 18 % (et 6 %) quarante ans plus tôt ;
              • Un nombre de jeunes encore élevé : le nombre de jeunes de moins de 20 ans (et notamment ceux de moins de 15 ans) auxquels sont associés des besoins de services d’éducation oscillent autour de 15,5 millions depuis le début des années 1990 (contre 16,5 millions durant les années 1970 et 1980)1 ;
              • La poursuite de l’augmentation du taux d’activité des femmes, ce qui induit de nouveaux besoins dans le secteur des services – en particulier dans l’accueil des jeunes enfants et les services à la personne.
              • Enfin, le choix de l’emploi public pour répondre à tous ces défis.

              Une augmentation générale de l’emploi dans les secteurs public et privé

              Outre les spécificités tenant au secteur public esquissées dans le paragraphe précédent, il convient de relever que l’augmentation du taux d’emploi et du nombre de personnes en activité est générale :

              Sur les trente dernières années (1991-2022), l’emploi total, public et privé, a progressé plus vite (+28 %) que la population active (près de 20 %), compte tenu de la baisse marquée du taux de chômage.

              Mécaniquement, l’emploi public est donc également en hausse :

              Des créations d’emploi dans le privé plus élevées sur la période récente

              Jusqu’à une période récente, l’emploi public connaissait une dynamique plus forte que le secteur privé. Toutefois, depuis le début des années 2000, le secteur privé a été plus dynamique grâce à une forte accélération des créations d’emploi.

              La croissance du secteur privé n’est pas linéaire, contrairement à celui du secteur public. Néanmoins, le taux de croissance annuel moyen du secteur public, souvent supérieur à 1 % avant 2005, est autour de 0,5 % depuis cette date, avec parfois des destructions d’emplois.

              Le cas spécifique des ingénieurs informatiques : un recul dans le secteur public à rebours des évolutions du secteur privé

              Si le nombre d’agents publics est globalement en hausse continue, il convient de relever une anomalie : celle des ingénieurs informatiques.

              « La part de ces emplois n’a cessé de croître sur le marché de l’emploi, passant de 2,73 % en 2009 à 4,6 % en 2023. En revanche, cette croissance de l’emploi ne se constate pas dans le secteur public, y compris pour le métier d’ingénieurs de l’informatique. Leurs effectifs y ont même baissé alors que pour la même période ils augmentaient pour les actifs du secteur privé. »

              En conséquence, les services informatiques sont très largement externalisés dans le secteur public

              Au premier semestre 2022, pour l’activité courante des ministères, le taux d’externalisation variait ainsi de 25 % à 75 % selon les ministères.

              Pour les grands projets informatiques, le taux médian était de 60 %, variant de 0 % à 93 %. Un quart des projets dépassait un taux de 75 %. En conséquence, les dépenses d’externalisation de l’État ont crû régulièrement depuis 2018.

              Le positionnement de la France sur la scène internationale en matière d’emplois publics

              La place de la France en termes d’emplois publics se situe : dans une « moyenne haute », sans être atypique.

              Toutefois, en comme l’a récemment souligné l’OCDE, les comparaisons internationales sont délicates. En Allemagne, par exemple, la santé est financée par l’impôt, mais de nombreux emplois ne sont pas comptabilités comme « public » car les paiements sont indirects.

              « Si la France a une dépense publique élevée, c’est d’abord en raison d’une forte mutualisation des risques sociaux et de prestations sociales élevées. En revanche, en termes de dépenses publiques de fonctionnement, et d’emploi public, la position de la France n’apparaît pas particulièrement atypique2. »

              La féminisation de la fonction publique

              Le rapport cite notamment les travaux de Cédric Hugrée et Sybille Gollac qui tendent à démontrer que le développement de l’État social et du secteur public a été central dans l’accès des femmes au salariat. Et, il l’est encore davantage dans l’accès des femmes au salariat qualifié dans la deuxième moitié du XXe siècle.

              « Sur les 6,4 millions d’emplois supplémentaires entre 1960 et 2017, 5,9 millions sont occupés par des femmes. »

              La longue marche des femmes vers le salariat au cours du XXe siècle

              La part des femmes parmi les agents publics augmente fortement tout au long du XXe siècle, en commençant par les catégories d’exécution et les cadres intermédiaires :

              « Au début des années 1960, Alain Darbel et Dominique Schnapper dénombraient, dans les administrations centrales, 11 % de femmes parmi les agents de catégorie A, 50 % parmi les B et 70 % parmi les C. »

              Ces chiffres sont évidemment à mettre en parallèle avec les données récentes en administration centrale, y compris dans des directions pourtant relativement moins féminisées comme celles des ministères économiques et financiers.

              L’évolution des normes permettant de lever les barrières à l’entrée des femmes dans la fonction publique

              Cette féminisation de la fonction publique s’accompagne d’évolutions successives du droit3 :

              • Inscription du principe de non-discrimination dans le statut général des fonctionnaires en 1959 ;
              • Limitation des corps de fonctionnaires autorisés à recruter distinctement des hommes et des femmes en 1975,
              • Enfin, la suppression progressive des exceptions à cette règle, en particulier par la loi du 7 mai 1982.

              « Dans la fonction publique d’État, les femmes sont majoritaires dans toutes les catégories d’emploi au tournant du siècle. En 2008, elles représentent 58 % des agents civils de l’État, 53 % hors enseignement. Elles sont alors également majoritaires parmi les personnels non titulaires, soit 60 % en 2008, hors enseignants. Elles sont les plus nombreuses dans les ministères sociaux (éducation, santé, travail – entre 65 % et 71 %) et moins nombreuses à l’Intérieur ou à l’Équipement (respectivement 32 % et 28 %), la nature des filières et des métiers étant évidemment diverse. »

              L’exemple frappant est la féminisation de l’Éducation nationale

              La croissance des effectifs désormais portée par les contractuels

              Une évolution du nombre de contractuels particulièrement remarquable sur la période récente

              De 1996 à 2021, les effectifs de la fonction publique ont augmenté de 23,4 % :

              • La croissance est d’abord portée, jusqu’en 2007, par l’augmentation du nombre de fonctionnaires ;
              • Puis, à partir de 2007, par les contractuels. Le nombre de fonctionnaires et militaires étant même en diminution de 2,3 % sur la période (1,6 % si l’on retient uniquement les fonctionnaires civils).

              La part de contractuels parmi l’ensemble des effectifs connaît ainsi une augmentation régulière :

              • Après une relative stabilité du milieu des années 1990 jusqu’aux années 2000 autour de 14,5 %,
              • La part de contractuels augmente au début des années 2000 jusqu’à atteindre 17 % en 2010.

              Toutefois, ce niveau élevé de contractuels n’est pas inédit et est équivalent à ceux relevés dans les 1970.

              Une reconnaissance juridique d’un état de fait : l’augmentation du nombre de contractuels

              La situation des contractuels a longtemps été un « angle mort juridique », n’étant pas couvert par le Code du travail et très peu par le droit de la fonction publique4. Leur protection sociale est faible et les contrats peuvent être renouvelés sans limites, contrairement aux salariés de droit privé.

              C’est le droit communautaire qui, transposé dans la loi du 26 juillet 2005, fixe à six la durée maximale des contrats à durée déterminée, impliquant l’apparition d’une bizarrerie conceptuelle et juridique dans le paysage statutaire : le contractuel en contrat à durée indéterminée.

              La fonction publique de l’État présente une trajectoire heurtée avec, comme énoncé plus haut, une augmentation relativement constante du nombre de contractuels et, à rebours, une baisse, plus ou moins rapide, du nombre de fonctionnaires.

              Ces évolutions sont particulièrement marquantes dans l’Éducation nationale :

              Un objectif politique de réduction du nombre de fonctionnaires et de promotion du management inspiré du secteur privé

              Outre ce changement législatif, il convient de relever une terminologie politique mouvante avec une succession depuis les années 2000 des politiques de « modernisation » et l’assignation d’objectifs « managériaux » aux agents publics. À cet égard, la Revue générale des politiques publiques (RGPP) de 2007 marque un tournant :

              • La réduction du nombre de fonctionnaires devient un objectif gouvernemental et
              • Le ministère de la Fonction publique, généralement placé auprès du Premier ministre, est désormais rattaché au ministère du Budget.

              Les résultats de cette politique de réduction du nombre de fonctionnaires pour l’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière

              De 2002 à 2012, les effectifs de fonctionnaires de l’État sont en baisse, puis, de 2012 à 2022, on observe un équilibre entre recrutements et départs.

              Dans la fonction publique territoriale, se dessine, au contraire, une forte hausse des effectifs, puis un ralentissement. L’augmentation du nombre d’agents publics est dorénavant exclusivement imputable aux recrutements de contractuels.

              En dépit du ralentissement de cette croissance, sur une période relativement longue et en comparaison avec les autres pays de l’OCDE, la France présente une dynamique d’évolution du nombre d’agents publics territoriaux supérieure à la moyenne :

              Les filières de la fonction publique territoriale qui ont connu une croissance la plus forte de 2010 à 20175 sont celles :

              • De l’animation, notamment dans le périscolaire et l’extrascolaire (+ 59 % d’effectifs) ;
              • De la police municipale (+ 16 %) ;
              • Du médicosocial, dont les auxiliaires de puériculture pour l’accueil de jeunes enfants (+ 16 %) ;
              • Du médico-technique, ce qui comprend les vétérinaires, biologistes ou techniciens paramédicaux (+14 %).

              Enfin, dans le secteur hospitalier, l’augmentation des effectifs est continue, avec une évolution substantielle au début des années 2000 : l’essor du nombre de contractuels :

              • 80 % de la croissance des effectifs de 2005 à 2021 est portée par les recrutements de contractuels ;
              • La part des contractuels dans l’emploi total passe ainsi de 8 % en 1996 à 11 % en 2000, 16 % en 2010 et près de 22 % en 2022.

              1. Toutefois, leur part relative baisse depuis une dizaine d’années (INSEE).
              2. Le constat de France stratégie est à nuancer cependant, la France présentant, sur la quasi-intégralité des typologies de dépenses (exception faite des dépenses de sécurité intérieure), un niveau de dépenses supérieur à la moyenne de l’OCDE.
              3. Sans compter l’action du juge administratif, dès 1936.
              4. Ce qui, in fine était le cas de l’ensemble des agents publics sous la IIIe République.
              5. Chiffres issus du rapport du Conseil national de la fonction publique territoriale

              Un désert de sable
            7. L’attractivité de la fonction publique (introduction)

              L’attractivité de la fonction publique (introduction)

              Temps de lecture : 10 minutes.

              France stratégie a publié fin décembre 2024 un rapport très commenté sur la situation de la fonction publique.

              Le constat dressé est alarmant, voire décourageant. On y découvre une fonction publique en crise profonde, marquée par un déclin profond de son attractivité :

              • Les difficultés de recrutement sont majeures : 15 % des postes non pourvus en 2022 ;
              • Ces difficultés résultent d’une dévalorisation des métiers et de conditions de travail jugées dégradées ;
              • Les rémunérations et promotions se révèlent en moyenne moins intéressantes que dans le privé ;
              • Plus inquiétant : on assiste également à un recul des inscriptions dans les filières universitaires, principal vivier de la fonction publique ;
              • Enfin, toutes ces difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel entrainent une dégradation des services publics : accueil des jeunes enfants, éducation, santé, justice.

              Le rapport traite des trois fonctions publiques. Cependant, je m’attarderai principalement sur la situation de l’État.

              Une crise de la FP profonde et multidimensionnelle

              La crise d’attractivité traversée par la fonction publique française est multidimensionnelle et s’installe dans la durée. Elle concerne, dans des proportions variables, les trois versants de la fonction publique :

              • La fonction publique d’État ;
              • La fonction publique hospitalière ;
              • La fonction publique territoriale.

              Cette fragilisation s’observe désormais à tous les moments de la relation de travail :

              • Avant l’embauche, avec un tarissement des viviers de recrutements et un moindre intérêt des jeunes vers les métiers du service public1 ;
              • Pendant le processus de recrutement, avec des proportions de renoncements de lauréats de concours plus élevées qu’auparavant ;
              • Puis, au cours de carrière, avec une augmentation des départs volontaires, en particulier dans l’Education nationale.

              « Le phénomène est d’autant plus préoccupant que la pénurie engendre la pénurie. 

              […]

              « Une spirale négative se met en place, reliant les difficultés de recrutement, la dégradation des conditions de travail, la moindre qualité du service et le manque d’attractivité. »

              Une situation qui se dégrade

              Une crise qui concerne l’ensemble des principaux métiers proposés par l’État

              Dans la fonction publique d’État (FPE), les problèmes de recrutement affectent tout particulièrement les métiers des ministères qui recrutent le plus :

              • Ministère de l’Éducation nationale (enseignants),
              • Ministère de l’Intérieur (gardiens de la paix, gendarmes),
              • Ministère de l’Économie et des Finances (inspection des finances publiques),
              • Ministère de la Justice (surveillants pénitentiaires et, dans une moindre mesure, greffiers),
              • Ministère des Armées (militaires du rang et sous-officiers2).

              Mais, ces difficultés touchent également3 :

              • Les fonctions support,
              • L’administration générale et
              • Les métiers très qualifiés des autres ministères (notamment les spécialistes du numérique).

              « En 2022, ce sont 15 % des postes offerts aux concours de la fonction publique d’État qui n’ont pas été pourvus (contre 5 % en 2018)4. Un véritable décrochage s’observe depuis les années 2010. »

              « Les postulants deviennent insuffisamment nombreux pour couvrir les besoins et les taux de sélectivité plongent : en moyenne, douze candidats se présentaient pour un poste aux concours externes de la FPE sur la période 2000-2010, ils ne sont plus que quatre en 2022. »

              L’Education nationale est le ministère le plus exposé à la pénurie, mais les difficultés de recrutement sont généralisées

              Les concours de recrutement d’enseignants connaissent, en effet, une désaffection importante. Toutefois, la baisse du nombre de candidats se constate pour l’ensemble des recrutements.

              « Les taux de sélectivité sont en 2022 de six candidats pour un poste pour les autres concours de catégories A [hors enseignants], B et C, quand ils étaient respectivement de 22, 29 et 17 en 2000. »

              En conséquence, pour l’Éducation nationale, le nombre de postes vacants mesurés à la rentrée scolaire connaît une hausse quasi constante :

              • De 1 988 postes vacants en 2006,
              • À 4 774 en 2023.

              Le recours accru aux contractuels ne permet pas de compenser le manque de candidats aux concours.

              Une nouvelle problématique : les départs volontaires

              « On observe parallèlement une fragilisation croissante de la capacité de la fonction publique à retenir ses agents. »

              En rappelant qu’en droit de la fonction publique, la démission unilatérale n’existe pas. Le fonctionnaire étant recruté par arrêté ministériel ou interministériel, l’administration doit accepter le départ de l’agent5.

              Il s’agit donc d’un fait relativement nouveau par son ampleur et sa nature : marquant une forme de délitement du lien entre certains agents et leur administration.

              Le tarissement des voies traditionnelles de recrutement

              Le manque de candidats aux concours résulte, pour les cadres, d’un tarissement des effectifs d’étudiants dans les filières générales de l’université.

              Le nombre d’inscrits en université devrait stagner jusqu’en 2031, selon les projections du ministère de l’Enseignement supérieur6.

              À l’inverse, l’enseignement supérieur privé, moins susceptible de conduire à une carrière dans la fonction publique, continue de croître.

              Une difficulté plus grande encore pour les formations dédiées à la préparation des concours de la fonction publique

              Les étudiants se détournent en particulier des sciences de l’éducation, qui connaissent une chute marquée des inscriptions, autant en licence qu’en master :

              De 2016 à 2023, les effectifs en master des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation ont baissé de 26 %.

              Toutefois, le recul est également marqué pour les effectifs inscrits en Institut de préparation à l’administration générale (IPAG) :

              De 2008 à 2020, le nombre d’étudiants inscrits en IPAG a baissé de 35 %.

              Une jeunesse peu intéressée par l’emploi public

              En creux, ce qui apparaît à la lecture du rapport est une forme de désintérêt diffus et profond (puisque partagé) pour la sphère publique :

              « La part des sortants de formation initiale qui choisissent l’emploi public décroît, tous diplômes confondus. »

              « La « troisième explosion scolaire », traduite par la croissance des effectifs des jeunes débutants diplômés du supérieur, y compris dans les disciplines les plus pourvoyeuses d’agents publics, comme les sciences humaines et sociales, semble ainsi s’être réalisée au seul profit du secteur privé. Le nombre de débutants diplômés du supérieur a, en effet, crû de 17 % dans le secteur privé, mais chuté de 29 % dans le secteur public de 2007 à 20197. »

              Les raisons de cette désaffection

              Une dévalorisation des métiers

              La majorité des agents publics rejoignent la fonction publique pour exercer un métier précis : policier, juge, greffier, enseignant, militaire, inspecteur (des finances publiques, du travail…). Or, ces métiers sont de plus en plus dévalorisés.

              Les principaux éléments cités sont :

              • Le manque de reconnaissance, alimenté par les discours politiques et médiatiques négatifs et par les exigences des citoyens ;
              • La détérioration des conditions d’exercice ;
              • Enfin, la représentation de ces métiers comme une « vocation », avec un sous-entendu sacrificiel suscitant : « davantage de compassion que d’envie ».

              Une interrogation profonde sur le modèle d’emploi

              Par ailleurs, la concurrence à l’œuvre dans la « quête de sens » des actifs est majeure. L’État n’y occupe plus la première place8.

              Ce déclin de l’État s’inscrit dans une contestation de sa neutralité (et, peut-être plus encore, des exécutifs locaux), au profit d’organisations non gouvernementales, d’associations, voire d’entreprises à mission.

              Le rapport relève également les difficultés inhérentes au recrutement par concours, en particulier par l’incertitude tenant au lieu de première affectation.

              Dans ce cadre, le seul argument d’une garantie de l’emploi, qui plus est dans un contexte de baisse du chômage et d’une tension sur les recrutements dans le privé, ne permet pas d’attirer de jeunes actifs.

              Le développement ambivalent du recrutement contractuel

              Les contractuels bénéficient d’avantages qui semblent attrayants :

              • Des modalités d’accès simplifiées (ce point a notamment été relevé dans un rapport récent de la Cour des comptes s’agissant de la direction du budget),
              • Un recrutement local qui lève les contraintes de l’affectation géographique,
              • Des niveaux de rémunération plus élevés que les titulaires dans certains cas.

              Toutefois, la très grande majorité des jeunes entrés dans la FPE comme contractuels (CDD) n’y restent pas9. Par ailleurs, la part des titularisations tend à baisser.

              Le recours accru aux contrats peut aussi conduire à fragiliser l’attractivité du statut lui-même.

              Un double cadre de gestion s’installe durablement : celui des titulaires et celui des contractuels. Ces deux cadres évoluent en parallèle, potentiellement pourvoyeur d’inégalités, voire de rivalités.

              Le modèle de gestion de la FP

              Un instrument de promotion social pour les plus diplômés issus de milieux modestes

              La fonction publique reste un débouché privilégié pour les diplômés des catégories modestes, et plus encore pour les femmes10.

              Pour ces deux catégories, la « pénalité » pour l’accès aux postes d’encadrement est moindre dans le secteur public que dans le privé. Cette surreprésentation des enfants de catégories populaires parmi les cadres du public a eu en outre tendance à s’accentuer dans la période récente :

              Pour autant, une difficulté à promouvoir en interne les moins diplômés

              En dépit d’un recrutement socialement plus égalitaire (à niveau de diplôme égal), la fonction publique peine ensuite à promouvoir ses agents.

              La logique de catégories, contestée encore récemment par le ministre chargé de la fonction publique11, semble réduire pour partie les perspectives d’évolution professionnelle des agents les moins diplômés. Le passage d’une catégorie à l’autre suppose la réussite à des concours ou des examens professionnels, qui peuvent pénaliser les publics les moins qualifiés12.

              « Pour ceux qui commencent en bas de l’échelle, les perspectives d’évolution socioprofessionnelles se traduisant par un changement de catégorie et un accès aux échelons supérieurs de la hiérarchie sociale sont en définitive plus limitées que dans le privé. »

              Des rémunérations devenues problématiques, en particulier pour les plus diplômés

              L’évolution de la rémunération moyenne des agents publics a été inférieure à celle du privé tous les ans de 2011 à 2020 :

              En s’attachant à une cohorte de jeunes actifs, on constate des évolutions du salaire médian particulièrement différenciées, alors même que la fonction publique est structurellement plus diplômée que le secteur public :

              « De 2002 à 2019, le salaire médian des jeunes travaillant dans le secteur public a progressé en termes réels de 52 %, celui des jeunes du privé de 65 %. »

              La fonction publique maintient globalement un positionnement salarial plus favorable au fil de la carrière que le privé pour les moins diplômés.

              En revanche, pour les plus diplômés, les perspectives de progression salariale sont moindres dans la fonction publique :

              • Pour les hommes diplômés, le secteur privé propose des perspectives salariales nettement plus profitables13 ;
              • Pour les femmes, il existe un avantage salarial dans la fonction publique en début et milieu de carrière. Toutefois, cet intérêt s’estompe ensuite, en faveur du secteur privé.

              Le rapport note également que la complexité du mode de rémunération dans le secteur public participe de la baisse d’attractivité.

              Un déclin de l’autonomie et de la qualité de vie au travail

              L’un des derniers avantages comparatifs encore en faveur des agents publics concerne l’autonomie au travail. Cependant, cette spécificité tend à se réduire, notamment pour les emplois plus qualifiés et pour les enseignants, alors même que le soutien hiérarchique reste faible comparé au privé.

              Le rôle des collectifs de travail constitue également un atout du public :

              • Les salariés du public se déclarent très souvent aidés par leurs collègues (87 %), davantage que dans le privé (79 %), et ce chiffre est en augmentation de 2013 à 2019.

              C’est particulièrement vrai dans les métiers peu qualifiés (agents d’entretien, cuisiniers, jardiniers) ainsi que dans le secteur hospitalier, où les collectifs de travail jouent un rôle essentiel : 92 % des salariés s’y sentent soutenus par leurs collègues, contre 82 % de l’ensemble des salariés. Mais, ici encore, ces avantages sont susceptibles de se déliter sous l’effet de la multiplication des statuts et de l’intensification du travail.

              Enfin, le temps de travail est plus faible que dans le privé, mais en contrepartie d’un travail sur des horaires plus fréquemment atypiques (soir et weekend). Cependant, une nouvelle fois, les différences entre le secteur public et le privé semblent se réduire.

              Ce rapprochement des conditions de travail interroge. Régulièrement soulevé par la doctrine juridique, depuis l’apparition du statut jusqu’à la loi de transformation de la fonction publique, il ne cesse de soulever les débats. Ce clivage constitue d’ailleurs, pour Maya Bacache-Beauvallet, un sujet politique structurant du partage gauche-droite14.

              1. On pourrait préciser que le moindre intérêt pour le service public concerne… le service public « du secteur public ». Le rapport met ainsi en avant une forme de concurrence dans la réponse au besoin de sens des actifs avec les secteurs associatifs et entrepreneuriaux. L’Etat n’a plus (s’il l’a déjà eu) : « le monopole de l’intérêt général ».
              2. Toutefois, les métiers techniques qui mobilisent des compétences spécifiques transposables dans le civil sont particulièrement difficiles à recruter. C’est le cas des informaticiens en cybersécurité et renseignement ou des ingénieurs dans le domaine de l’armement.
              3. Voir également le rapport de la Cour des comptes (2024), Le budget de l’État en 2023. Résultats et gestion, cité par France stratégie.
              4. DGAFP (2024), Rapport annuel sur l’état de la fonction publique – édition 2024.
              5. Par ailleurs, une démission n’ouvre pas droit au chômage (en code du travail comme au code général de la fonction publique).
              6. SIES (2023), « Projection des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2022 à 2031 », Note d’information du SIES, n° 2023-04, avril (cité dans le rapport de France stratégie).
              7. Ce constat, inquiétant, fait écho au billet de Luc Rouban sur le risque de paupérisation de la fonction publique.
              8. Ce qui peut apparaître très étrange pour nombre d’agents publics, convaincus du caractère essentiel de leurs missions.
              9. Élément également constaté à la direction générale des entreprises.
              10. Ces deux caractéristiques se combinant.
              11. Mais abandonnée depuis.
              12. Il faut toutefois préciser que les métiers de cadres dans la fonction publique d’État (mais également dans les autres fonctions publiques) nécessitent des compétences juridiques. Cela peut-être moins le cas dans les services, où les compétences requises pour l’accès à des fonctions supérieures peuvent être plus larges : commerciales, comptables, managériales…
              13. Le secteur privé est moins égalitaire que la fonction publique s’agissant de l’égalité femmes-hommes.
              14. Économie politique de l’emploi public, Édition Connaissances et Savoirs, Paris, 2006, 362 p.

              Un homme de dos traverse un pont