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  • Le Recrutement par Concours dans la Fonction Publique est-il Fini ?

    Le Recrutement par Concours dans la Fonction Publique est-il Fini ?

    Temps de lecture : 9 minutes.

    La Cour des comptes a publié début juin 2025 un rapport sur l’attractivité de la fonction publique d’État auprès des jeunes.

    On y apprend notamment que sur les 250 000 recrutements réalisés en 2022, seuls 20 % concernaient des fonctionnaires, sélectionnés par concours.

    Le Recrutement par Concours est Indissociable de la Fonction Publique de Carrière

    La France est, malgré le développement important du contractualisme, régulièrement citée comme le système de carrière par excellence.

    Les Caractéristiques du Système de Carrière

    Le système de carrière se définit comme :

    • Un recrutement par concours (article L. 320-1 du Code général de la fonction publique)1 ;
    • L’intégration dans un corps ;
    • La réalisation de toute sa carrière dans ce corps par le passage d’échelons et de grades.

    Les avantages :

    • Sélection initiale des meilleurs candidats ;
    • Profil généraliste ;
    • Évolution différenciée en fonction de la manière de servir ;
    • Facilité de gestion et relations hiérarchiques aisées ;
    • Esprit de corps, sentiment d’appartenance… permettant de développer la cohésion, l’expérience collective et une forme de détachement technique du pouvoir politique.

    Les Caractéristiques du Système d’Emploi

    Le système de l’emploi se définit comme le recrutement d’un agent en vue d’occuper un poste déterminé.

    La notion de vocation, ou d’attachement à un principe supérieur et collectif, n’est pas formalisée2.

    Les avantages ;

    • Plus grande fluidité et mobilité, y compris dans les allers-retours privés publics ;
    • Plus grande ouverture, le recrutement direct évite les phénomènes de « caste », le corporatisme précité ;
    • Plus grande spécialisation des agents.

    Ce système est explicitement privilégié depuis plusieurs années, y compris en France. Comme le révèle la Cour des comptes dans ses observations de juin 2025 :

    Plus de 70 % des recrutements dans la fonction publique sont désormais réalisés par la voie contractuelle.

    Toutefois, le recrutement sur un emploi engendre aussi des difficultés :

    • Ce système est généralement plus coûteux, en rémunérations comme en coûts de gestion ;
    • Il accentue le phénomène d’hyperspécialisation des administrations et une forme de « silotage » au sein et entre les ministères ;
    • Il implique une augmentation du turn-over, une fragilisation des compétences et du rôle de l’administration face au pouvoir politique.

    L’Histoire du Recrutement par Concours « à la Française »

    Le concours n’est pas une création révolutionnaire, il peinera d’ailleurs à s’imposer au cours du XIXe siècle3.

    Il s’agit d’un principe plus ancien qui est souvent associé à des écoles spécialisées et symbolise l’essor de la centralisation monarchique de la fin du XVIIIe siècle :

    • En 1747, est ainsi créé l’École des Ponts et Chaussées ;
    • En 1749, l’École du Génie de Mézières4 ;
    • en 1751, l’École royale militaire de Paris ;
    • En 1765, l’École des ingénieur-constructeurs des ingénieur-constructeurs des vaisseaux royaux5 ;
    • En 1783, l’École des mines.

    Ces recrutements dans des écoles d’ingénieurs visent à sélectionner des profils de compétences techniques spécifiques indispensables à l’administration moderne.

    Ils préfigurent l’abolition des privilèges (vénalité et hérédité des offices publics) portés par les révolutionnaires de 1789, dans une monarchie qui peine à trouver son équilibre entre les officiers héréditaires et les agents commissionnés, à la main du Roi.

    Le Second Empire poursuivra cette utilisation du concours, notamment dans les écoles techniques précitées.

    Mais, c’est véritablement par l’affermissement de la IIIe République que se généralise le recrutement par concours :

    • Chaque administration édicte ses règles d’accès par décret ;
    • Le Parlement fixe par la loi le nombre d’emplois d’encadrement.

    Les Spécificités du Recrutement par Concours

    Les Différences entre le Recrutement par Concours et par Examen

    L’examen professionnel est réservé aux agents publics et vise à vérifier une aptitude, permettant l’accès à une fonction supérieure.

    Le concours permet d’accéder à un corps ou un cadre d’emploi (fonction publique territoriale).

    Le nombre de postes ouverts est limité dans un concours, il ne l’est pas dans un examen.

    Un Recrutement par un Jury

    Le recrutement par concours présente pour première singularité d’être effectué par des non-professionnels, autrement dit des fonctionnaires en poste, futurs collègues ou supérieurs de l’agent.

    Tandis que dans les fonctions publiques d’emploi, le recrutement est plus souvent réalisé par des agents des ressources humaines6.

    Ce jury présente d’autres singularités :

    • Il est indépendant du recruteur (ministère ou autorité interministérielle7), auprès de qui il ne reçoit aucune instruction ;
      • En conséquence, le recrutement ne se fait pas sur des emplois déterminés, mais au regard des compétences pour exercer les fonctions dévolues au corps ou cadre d’emploi ;
      • Par ailleurs, le jury est libre de ne pas pourvoir l’intégralité des postes ouverts par l’administration s’il juge que les candidats ne répondent pas aux critères ;
    • Il est collégial : les décisions sont prises collectivement, sans hiérarchie entre les membres8 ;
    • Il est souverain, la décision du jury ne peut pas, en principe, être contestée devant le juge par le candidat évincé, comme par l’administration9. Toutefois, le jury n’est pas omnipotent :
      • Ainsi, il ne peut pas s’écarter des règles applicables au concours ;
      • Par ailleurs, il doit toujours être impartial, y compris en apparence10.

    Le président du jury est garant de l’impartialité et du respect de la procédure de recrutement.

    Un Recrutement Normé

    L’opération de concours est normée, avec le plus souvent des épreuves d’admissibilités, écrites ; puis des épreuves d’admissions, orales, dont le programme est fixé par arrêté.

    Toutefois, pour certains concours, des épreuves de présélection peuvent être organisées. À l’inverse, d’autres concours achèvent la sélection par des épreuves sportives et psychologiques.

    Cette procédure est aussi manifeste dans le calendrier du concours, ce qui implique une certaine forme de rigidité, souvent relevée par les employeurs.

    Pour disposer d’informations sur le calendrier, le programme, les épreuves… consulter le site : https://www.fonction-publique.gouv.fr/devenir-agent-public/calendrier-general-concours

    Ce processus normatif, à étapes, associé au recrutement par un jury indépendant, permettent, en théorie, de prévenir l’arbitraire et le favoritisme.

    Les Différents Types de Concours

    Il existe plusieurs types de concours, selon les caractéristiques du candidat et les modalités de sélection :

    Les concours sur épreuves :

    • Le concours externe : ouvert aux titulaires de diplômes11, sans condition d’expérience professionnelle (article L. 325-2 du code général de la fonction publique). Il s’agit de la principale source de recrutements ;
    • Le concours interne : réservé aux agents publics (fonctionnaires ou contractuels, militaires, magistrats) ayant une certaine ancienneté (article L. 325-3 du code général de la fonction publique) ;
    • Le troisième concours : inventé en 1983 par le gouvernement socialiste afin d’ouvrir la fonction publique à des profils plus variés, et formalisé dans sa version actuelle en 1990 : pour les salariés du privé, responsables d’une association et élus d’une collectivité territoriale (article L. 325-7 du code général de la fonction publique) ;
    • Le concours unique, généralement utilisé pour les « petits » corps comme les conseillers de chambre régionale des comptes ou les administrateurs des assemblées, il est ouvert aux étudiants et aux agents en poste indifféremment ;
    • Le concours « talents », expérimentation initiée par l’ordonnance du 3 mars 2021 et réservé à quelques écoles de hauts fonctionnaires12. Le principe consiste à réserver une proportion de places (de 10 à 15 %) aux boursiers de l’enseignement supérieur et demandeurs d’emplois devenus élèves des « Prépas Talents » et des classes préparatoires intégrées.

    Le concours sur titres13 : en fonction des titres et diplômes du candidat, avec généralement une ou deux épreuves de sélection (2 de l’article L. 325-9 du code général de la fonction publique).

    Par ailleurs, ces concours peuvent être organisés (article L. 325-23 du code général de la fonction publique) :

    • Au niveau national, pour une affectation nationale ;
    • Au niveau national, pour une affection dans une ou plusieurs circonscriptions administratives déterminées (« concours national à affectation locale ») ;
    • Au niveau local (déconcentré).

    Le Principe de l’Égal Accès à la Fonction Publique

    Le principe d’égal accès à la fonction publique est un principe général du droit depuis la décision du Conseil d’État Barel de 1954.

    Depuis, les garanties et les principes de lutte contre les discriminations se sont multipliés, en particulier sur le fondement de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen :

     « Tous les Citoyens étant égaux (aux) yeux (de la loi) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

    Le recrutement par contrat comme par concours se doit de respecter les principes d’égalité et de non-discrimination, son corollaire.

    Les Critiques Formulées à l’Encontre du Recrutement par Concours

    Un Système de Sélection Insuffisamment Professionnel et Trop Théorique

    La principale critique est le caractère trop théorique du recrutement par concours et le biais d’une sélection essentiellement construite sur des épreuves écrites.

    En conséquence, les individus recrutés sont le plus souvent généralistes et doivent ensuite être formés pour intégrer la fonction publique.

    Un Système Lourd et Coûteux

    L’organisation des concours est particulièrement coûteuse pour les finances publiques, d’autant que de nombreux inscrits ne se présentent pas aux épreuves écrites (en moyenne un sur deux).

    Un Système Très (Trop ?) Sélectif

    Le système de recrutement par concours, en particulier dans l’accès à des corps d’encadrement supérieur, est ouvert très tôt, mais est très sélectif.

    Ce qui induit une forme d’homogénéité dans les profils recrutés et des profondes désillusions pour les candidats évincés.

    Comme l’énonce la fameuse formule :

     « En France, on peut rater sa vie à 25 ans. »

    Inversement, le concours peut aussi être jugé trop sélectif pour certaines professions, voire franchement inadaptés face à des compétences rares où le secteur public est placé en concurrence directe avec des employeurs privés (cas de la fonction publique territoriale et des professions du numérique).

    Une Forme de Cloisonnement et de Rigidité Induit par la Logique de Corps

    Le concours peut alimenter une forme de « monde clos », caractérisé par une sorte d’inertie et de lenteur. Les ascensions professionnelles sont régulières, mais rarement rapides.

    Ce système va aussi de pair avec une très forte hiérarchie, les différences entre les agents tenant essentiellement à leur positionnement hiérarchique — non à leur expertise.

    En conséquence, l’agent souhaitant progresser professionnellement devra passer des concours, plutôt que d’exceller au travail.

    Un Système qui Demeure Pertinent Pour de Nombreuses Fonctions

    Malgré toutes ces critiques, il me semble toutefois que dans certains cas, les avantages surpassent les inconvénients.

    En particulier lorsque nous devons recruter du personnel qualifié et de le fidéliser. La logique de corps peut compenser une certaine faiblesse des rémunérations et des perspectives offertes. Le sentiment collectif peut compenser une carrière moins ascendante (pour des cadres) que dans le secteur privé.

    Par ailleurs, plusieurs critiques énoncées ci-dessus peuvent être renversées par :

    • Les épreuves de sélection peuvent être plus techniques et moins généralistes — y compris par une logique de filière, déjà à l’œuvre dans des corps très techniques et qualifiés comme les magistrats administratifs ou les magistrats financiers ;
    • Une ouverture importante à d’autres corps et talents du privé est possible :
      • Par la pratique du détachement (pour citer ce même exemple, un quart des agents exerçant des fonctions de magistrats financiers sont détachés et issus d’autres corps ou cadres d’emploi) ;
      • Par une mobilité obligatoire (également prévu dans certains corps, comme les magistrats administratifs) ;
    • Enfin, une meilleure attention pour les agents en postes, dans une logique de viviers. Chemin déjà initié par la réforme des grands corps, mais qui pourrait être prolongé plus radicalement en conditionnant l’accès aux corps supérieurs par la justification d’une expérience professionnelle minimale en qualité de cadre.
    1. À l’exception des agents de catégorie C, où une exception générale est prévue au 3 de l’article L. 326-1 du code général de la fonction publique.
    2. Même si les intéressés peuvent, à titre personnel, éprouver des convictions et un attachement très fort envers leur employeur.
    3. Voir l’exemple emblématique de la première École nationale d’administration de 1848.
    4. Qui fusionnera en 1807 avec l’École d’artillerie de Châlons-sur-Marne pour devenir une école d’application de l’École polytechnique dans l’artillerie et le génie.
    5. Officiellement créée en 1741, elle sera fermée en 1758 avant d’être réouverte en 1765. L’École perdure depuis.
    6. Comme pour les administrateurs de l’État et les attachés d’administration de l’État.
    7. Sinon le président du jury, qui en cas de débats peut être amené à trancher.
    8. Toutefois, il convient de relever le développement du contentieux en la matière. À titre d’exemple, le jury doit désormais justifier, notamment par des grilles d’évaluation, la décision prise.
    9. Le juge administratif opère un contrôle relativement sévère du manque de respect de l’impartialité CE Section 18 juillet 2008, Madame B., Req. N° 291957.
    10. À compter d’un niveau Bac +2 pour les concours de catégories A (niveau licence pour l’INSP), d’un niveau Bac pour les concours de catégories B et du CAP, BEP ou brevet des collèges pour les concours de catégories C. Il existe toutefois deux grandes exceptions à la condition de diplôme : la première pour les parents d’au moins trois enfants et la seconde pour les sportifs de haut niveau.
    11. L’Institut national du service public, l’Institut national des études territoriales, l’École des hautes études en santé publique, l’École nationale supérieure de police et l’École nationale d’administration pénitentiaire.
    12. Qui se distingue du « concours sur épreuves ».
  • Le temps de travail des agents publics ?

    Le temps de travail des agents publics ?

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 13)

    Temps de lecture : 6 minutes.

    Le temps de travail

    Peu d’indicateurs de qualité de l’emploi placent la fonction publique dans une situation nettement plus favorable que le secteur privé. La conciliation des temps fait partie de ces exceptions. Les fonctionnaires et agents publics déclarent une durée annuelle de travail plus faible (même si les comparaisons demeurent très difficiles). Surtout, ils sont en général plus satisfaits de l’équilibre vie privée, vie professionnelle. Cependant, au sein de cet agrégat, certaines professions publiques sont en grande tension, notamment les directeurs d’établissement scolaire, les professionnels du soin et de la sécurité.

    La durée annuelle du travail est inférieure dans la fonction publique

    La durée annuelle effective de travail des salariés à temps complet du privé est de 1698 heures, contre 1 632 heures pour les agents de la fonction publique (hors enseignants)1 :

    • 1 684 heures pour les agents de l’État ;
    • 1 599 heures pour les agents de collectivités territoriales (soit près de trois semaines travaillées d’écart) et
    • 1 622 heures pour les agents du secteur hospitalier.

    Cet écart est essentiellement lié au :

    • Nombre de jours d’arrêt maladie, en moyenne plus élevé dans la fonction publique (et tout particulièrement dans la fonction publique territoriale) ;
    • Par un nombre plus élevé de jours de congés annuels (congés payés, RTT ou CET)2 et
    • Dans une moindre mesure, par le recours plus élevé à la formation professionnelle.

    Toutefois, de 2006 à 2023, on constate une réduction progressive de cet écart de temps de travail annuel : celui-ci n’est plus que de 3,6 %, quand il était de 8 % en 2006.

    Le travail en horaires atypiques est plus répandu dans la fonction publique

    • 57 % des agents hospitaliers ont travaillé au moins une fois le samedi lors des quatre dernières semaines, contre 36 % dans le privé ;
    • 53 % des agents hospitaliers ont travaillé au moins une fois le dimanche sur la même période, contre 18 % dans le privé ;
    • 45 % des agents de l’État (enseignants compris) et une proportion similaire dans le secteur hospitalier ont subi lors des quatre dernières semaines une « contrainte horaire élevée », contre 25 % dans le privé.

    Des durées longues de travail (supérieures à 44 heures par semaine) plus répandues pour certains métiers

    Une situation relativement plus favorable pour les cadres administratifs

    • 32 % des cadres de catégorie A déclarent travailler plus de 44 heures par semaine ;
    • Un pourcentage inférieur à quasiment tous les métiers de cadres dans le privé3, où les réponses vont de 43 % dans les transports à 57 % dans le commerce.

    Des contrastes dans le monde enseignement

    Les enseignants sont dans l’ensemble moins concernés par les durées longues de travail. Mais, au sein du secteur de l’enseignement, certains corps ou métiers sont nettement plus exposés :

    • 41 % des enseignants du supérieur déclarent de telles durées de travail ;
    • 78 % pour les directeurs d’établissement. Identifiés comme l’un des trois métiers les plus exposés parmi les 225 familles professionnelles.

    Pour rappel, le temps de travail des enseignants ne se résume pas aux heures de présence devant les élèves :

    Une intensité au travail particulièrement élevée dans les métiers de la sécurité et du soin

    • 33 % des professionnels publics des métiers de la sécurité déclarent travailler sur des durées longues. Ce pourcentage est très inférieur pour les agents de sécurité privée ;
    • 71 % des médecins du secteur hospitalier déclarent travailler plus de 44 heures par semaine. Une proportion semblable à celle des médecins libéraux, mais deux fois supérieure à celle des médecins salariés du secteur privé (34 %).

    Le recours au temps partiel

    Un recours en apparence comparable au secteur privé

    La part des agents de la fonction publique travaillant à temps partiel est comparable aux salariés du privé :

    • 18 % dans le public ;
    • 17 % dans le privé.

    Ce recours est plus répandu parmi les contractuels (28 %) et dans la fonction publique territoriale (23 %)4.

    Un recours un peu plus égalitaire entre les hommes et les femmes dans la fonction publique

    Les femmes sont plus concernées par le temps partiel que les hommes dans la fonction publique, mais l’écart de recours est moindre que dans le privé :

    • 24 % des femmes et 8 % des hommes travaillent à temps partiel dans le secteur public (soit un écart de 16 points) ;
    • Contre respectivement 28 % et 7 % dans le privé (un écart de 21 points).

    Un télétravail un peu plus choisi et pour une durée hebdomadaire en moyenne plus longue que dans le privé

    Le temps partiel à 80 % concerne 36 % des femmes du secteur public, contre 21 % du privé. Inversement, 25 % des femmes à temps partiel dans le privé occupent un emploi inférieur au mi-temps, contre 12 % dans le public.

    Par ailleurs, 6 % des agents du secteur public disent « subir » leur temps partiel, contre 8 % dans le secteur privé5.

    Le recours au télétravail

    Le recours au télétravail est possible depuis 2012 dans la fonction publique. Il est néanmoins demeuré marginal jusqu’à la crise sanitaire de 2020.

    Le décret du 5 mai 2020 continuait de laisser une marge de manœuvre importante aux administrations publiques. Cependant, l’accord du 13 juillet 2021 relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique a bousculé les employeurs en imposant un « droit au télétravail », sauf à justifier d’une impossibilité pour raison de service6.

    Désormais, l’autorisation de télétravail peut être délivrée pour un recours régulier ou ponctuel. Concrètement, la quotité de travail pouvant être exercée sous forme de télétravail régulier ou ponctuel peut varier jusqu’à trois jours maximum par semaine, voire davantage dans certaines circonstances.

    À l’occasion de la crise sanitaire, le télétravail a été généralisé très rapidement dans la fonction publique. Toutefois, il demeure moins pratiqué que dans le secteur privé :

    • 19 % des agents publics pratiquaient le télétravail en 2023, contre 6 % en 2019 ;
    • 26 % des salariés de droit privé pratiquaient le télétravail en 2023, alors qu’ils étaient 9 % en 2019.

    Sur la conciliation

    Une conciliation des temps en moyenne plus favorable dans le secteur public

    Les métiers publics sont en général plus favorables s’agissant de la conciliation des temps personnels et familiaux avec le temps de travail :

    • 12 % des enseignants et 13 % des cadres de catégorie A de l’administration se déclarent en difficulté de conciliation ;
    • Ce pourcentage est de 17 % dans la population générale de salariés (et de 14 à 23 % pour les cadres privés).

    Pour ces fonctionnaires, essentiellement de catégorie A et B, et travaillant dans le secteur administratif, la conciliation constitue même « l’avantage principal » de la fonction publique.

    Toutefois, ici encore, certains métiers publics sont très exposés aux difficultés de conciliation

    • 35 % des chefs d’établissement dans l’Education nationale déclarent des difficultés à concilier leur vie professionnelle avec leurs besoins personnels et familiaux.
    • 37 % des agents publics des métiers de la sécurité (armée, police, pompiers) sont concernés. Contre 28 % pour les agents de sécurité privée.
    • 39 % pour les infirmières et 38 % pour les médecins du secteur public, contre 19 % dans les deux cas pour leurs homologues du secteur privé.
    1. Les durées travaillées varient également selon les caractéristiques sociodémographiques. Les hommes et les agents de moins de 30 ans ont une durée de travail annuelle supérieure à celle des femmes et des autres classes d’âge. Par construction, la composition de la fonction publique présente donc un premier biais.
    2. 31,7 jours de congés en moyenne pour les agents publics contre 25,5 jours pour les salariés du privé. Cette différence tient aux choix de lisser conserver les régimes horaires hebdomadaires antérieurs aux 35 heures.
    3. Sauf agriculture.
    4. Et les deux phénomènes se conjuguent : 37 % des contractuels de la fonction publique sont à temps partiel.
    5. Cette même enquête (Emploi, 2019) révèle que 13 % des répondants du secteur public disent « choisir » leur temps partiel, contre 10 % des répondants du privé.
    6. A titre d’exemple, 4) du 1. : « Hors circonstances exceptionnelles et télétravail ponctuel, lorsque l’administration souhaite mettre fin à une autorisation de télétravail, sa décision, communiquée par écrit, doit être précédée d’un entretien et motivée au regard de l’intérêt du service. » Par ailleurs, l’administration doit respecter un délai de prévenance d’au moins deux mois (sauf période probatoire).
      Et, plus loin : « Les nécessités de service peuvent également justifier, sous réserve du respect d’un délai de prévenance, l’exigence d’un retour sur site pendant un jour de télétravail. Lorsqu’un retour sur site apparaît impératif pour plusieurs jours consécutifs, il peut être procédé à une suspension provisoire de l’autorisation de télétravail. Cette suspension doit être motivée par des nécessités de service. »
      La souplesse est donc à la main du travailleur (absence de motivation et délai raccourci), tandis que l’administration doit justifier ses décisions dans le cadre d’une procédure contradictoire et se voit imposer un délai de prévenance relativement long.
  • Les conditions de travail dans la fonction publique : la santé au travail

    Les conditions de travail dans la fonction publique : la santé au travail

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 12)

    Temps de lecture : 9 minutes.

    Avant-dernier billet consacré au rapport de France stratégie publié en décembre 2024 sur l’attractivité de la fonction publique (lien vers l’introduction du rapport de France stratégie), avec un focus sur la santé au travail.

    Seront ici évoqués les conditions de travail, à travers :

    • Le rapport au public ;
    • L’intensité émotionnelle ;
    • Le travail « sous pression » ;
    • La perception du management ;
    • L’autonomie au travail ;
    • Les collectifs de travail ;
    • Les moyens matériels et humains ;
    • Les conflits éthiques.

    Avant de plonger dans ces différents éléments, voici un extrait d’une enquête de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) sur les attentes des agents publics en matière de santé au travail (reproduite par France stratégie). La prépondérance des risques psycho-sociaux est flagrante :

    Le rapport au public

    85 % des agents publics sont en contact direct avec le public, contre 68 % des salariés du privé.

    Par ailleurs, les relations sont plus souvent difficiles dans le secteur public que dans le secteur privé :

    51 % des agents publics déclarent des tensions régulières avec le public, contre 40 % dans le privé.

    Une situation tendue dans les métiers de la sécurité

    Les métiers de la sécurité publique occupent une place à part.

    58 % des agents de sécurité du privé1 connaissent des tensions au travail. C’est le cas de 78 % des policiers et gendarmes (91 % pour les policiers municipaux).

    À titre général, dans l’analyse par métier : dès lors qu’une différence existe entre le secteur privé et public dans le niveau de tension, il est en défaveur du secteur public. C’est notamment le cas dans le versant hospitalier avec un niveau de tension nettement plus élevé pour le secteur public.

    Des niveaux de tension également très élevés dans l’éducation

    Les enseignants présentent un niveau important de tension :

    • 58 % des enseignants en général ;
    • 64 % pour les professeurs des écoles et
    • 88 % pour les directeurs d’établissements.

    Les rapporteurs soulignent une situation relativement paradoxale : une inquiétude diffuse et un sentiment de dégradation des relations. Cependant, la satisfaction est plutôt élevée dans les dimensions de sécurité au travail et de relations avec les élèves.

    La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale relève ainsi que :

    « Les personnels de l’éducation nationale aiment, de manière générale, exercer dans leur école ou établissement : la satisfaction s’élève en moyenne à 7,0 sur 10. Le sentiment de sécurité dans et aux abords de l’établissement est estimé à 7,9 sur 10. »

    Le sentiment d’être respecté par les élèves est évalué à un niveau également élevé (7,3 sur 10).

    Les relations sont plus compliquées avec les parents2, mais plus encore avec la hiérarchie. L’évaluation du soutien de la hiérarchie en cas de problème n’est ainsi que de 5,7 sur 10.

    Les rapporteurs relèvent un lien étroit entre les difficultés dans le rapport au public et le sentiment d’un faible soutien hiérarchique.

    L’intensité émotionnelle

    L’intensité émotionnelle se définit ici comme la proportion de salariés qui : « sont bouleversés, secoués, émus dans le travail » et renvoie autant à la qualité de la relation au public qu’à des enjeux d’organisation du travail ou de nature de l’activité.

    Les agents publics se déclarent deux fois plus souvent être concernés par un choc émotionnel (19 %) que les salariés du privé (9 %).

    De nouveau, la situation des enseignants est singulière :

    • 21 % des enseignants sont concernés par de fortes émotions contre 12 % de l’ensemble des salariés,
    • 13 % pour les cadres du secteur public (catégorie A) et
    • 6 % des cadres du secteur privé.

    Toutefois, dans les métiers du soin, si les agents publics demeurent plus concernés que les salariés du privé3, les indépendants occupent une place préoccupante :

    55 % des infirmiers libéraux et 42 % des médecins libéraux se déclarent ainsi régulièrement émus ou bouleversés par leur quotidien. Cette spécificité tient très probablement aux visites domiciliaires des malades et aux relations interpersonnelles plus étroites qu’elles impliquent.

    Le travail « sous pression »

    En apparence, le secteur public ne se distingue pas du secteur privé s’agissant du stress au travail :

    34 % des salariés du public déclarent travailler sous pression pour 35 % des salariés du privé.

    Les cadres de catégorie A (46 %) et les enseignants (40 % dans le primaire et 41 % dans le secondaire) se situent toutefois dans la fourchette haute des métiers de cadres dans le privé. Plus inquiétant : 72 % des directeurs d’établissements scolaires déclarent travailler sous pression.

    Le niveau de pression ressenti par les agents de catégorie B et C est comparable à leurs homologues du privé (agents administratifs, ouvriers, professions techniques).

    S’agissant du secteur hospitalier, l’écart se creuse entre le secteur public et les établissements privés : la part de salariés déclarant travailler sous pression augmente de 49 % à 51 % de 2013 à 20194, alors qu’il baisse de 44 % à 37 % dans le privé.

    En 2019, 68 % des infirmiers du public déclarent travailler sous pression, contre 48 % seulement dans le privé et 49 % parmi les indépendants.

    Pour les rapporteurs, compte tenu de la proximité des métiers, les spécificités organisationnelles du secteur public constituent une piste d’explication. On pourrait aussi y ajouter les contraintes inhérentes au service public : continuité, égalité d’accès, quasi-gratuité.

    Le management

    La « qualité du management »

    « Parmi les représentations négatives dont souffre la fonction publique au sein de la population française, persiste l’idée que le management y serait particulièrement peu efficace. Dans un sondage portant sur les critères d’attractivité comparée des grandes entreprises privées, du secteur non lucratif (associations, ONG, fondations) et de l’État, un panel de Français donne à ce dernier la moins bonne note pour l’item relatif « au style de management » (5,6/10 contre 6,3 pour les deux autres). C’est même la dimension la moins bien notée, sur les 23 dimensions citées. »

    Le secteur public est relativement bien perçu s’agissant de la stabilité du poste et de l’équilibre vie privée / vie professionnelle. Mais, pour les 21 autres critères, il est en deçà des secteurs privés, lucratifs et non lucratifs.

     « Plus inquiétant, quand on interroge uniquement des agents de la fonction publique, le management dans l’État est perçu encore plus négativement (5,2). »

    Le « style de management » est le dernier argument cité par les sondés pour rejoindre la fonction publique. Inversement, c’est aussi le critère négatif le plus cité, devant la rémunération.

    Le manque de soutien de la hiérarchie

    Les niveaux de tension avec les supérieurs sont similaires entre secteurs privés et publics.

    Toutefois, le sentiment d’être soutenu par la hiérarchie est nettement plus faible dans le secteur public.

    46 % des enseignants qui disent être aidés par leur hiérarchie, 42 % pour les directeurs d’établissement scolaire. Ce sont des niveaux particulièrement bas par rapport à la moyenne des salariés et plus encore des salariés qualifiés.

    L’autonomie au travail

    81 % des salariés du public déclarent être autonomes dans leur travail, contre 74 % dans le privé.

    Cette différence est encore plus marquée pour les métiers les moins qualifiés du public (cuisiniers, ouvriers, jardiniers).

    S’agissant des cadres de catégorie A de l’administration, leur niveau d’autonomie est comparable aux cadres du privé. Néanmoins, ce niveau d’autonomie est ressenti comme en forte dégradation (5 points perdus de 2013 à 2019).

    Les enseignants déclarent également une perte d’autonomie sur la même période, tout en affichant des niveaux élevés par rapport aux métiers de cadres.

    Le travail collectif

    Dans l’enquête Conditions de travail, les salariés du public déclarent être très souvent aidés par leurs collègues (87 %). Un niveau un peu plus élevé que dans le privé (79 %).

    Ces chiffres sont en augmentation de 2013 à 2019.

    En dépit de cette augmentation, les auteurs citent les travaux de Bergeron et Castel qui entrevoient un risque de fragilisation des coopérations par :

    • Les difficultés contemporaines à se projeter dans l’avenir ;
    • La rationalisation des coûts (dans les secteurs publics et privés), qui aboutit à un contrôle plus poussé des travailleurs5 ;
    • L’injonction à la « coordination » qui se traduit par davantage de procédures, des fusions d’organismes pour favoriser des économies d’échelle sans une réflexion préalable sur les « déterminants de ce manque de coordination ».

    Les moyens matériels et humains

    Parmi les agents publics, le constat d’une dégradation des conditions de travail semble relativement partagé. Il s’appuie sur différents paramètres :

    • La faiblesse (ou l’absence) de moyens matériels et humains ;
    • L’inadaptation de l’offre de formation (jugée trop théorique, avec trop de distanciel…) ;
    • La complexification des tâches à réaliser, en particulier les tâches administratives.

    L’insuffisance de moyens matériels humains

    • 43 % des agents publics de sécurité (armée, police, pompiers) déclarent disposer de moyens suffisants pour exercer leurs missions6 ;
    • C’est le cas de 56 % des cadres administratifs de catégorie A. Soit un niveau très en deçà des cadres du secteur privé.

    De 2013 à 2019, tous secteurs confondus, ces deux familles de métiers (sécurité et cadres administratifs) présentent la plus grande dégradation de cet indicateur7.

     S’agissant des métiers du soin, la faiblesse du secteur public est également très marquée :

    • 47 % des aides-soignants du public déclarent bénéficier de moyens suffisants contre 58 % de ceux du privé,
    • 49 % des infirmiers publics contre 67 % pour le privé et
    • 54 % des médecins contre 71 % pour le privé.

     « Ce manque de moyens est noté par les agents en poste, mais aussi par les viviers. Ce qu’il démontre qu’il pèse sur l’attractivité du secteur public. »

    Une forme de défiance des agents publics envers leur employeur

    « Ce manque de moyens est particulièrement mal ressenti par les agents. Il s’ajoute aux faibles rémunérations et au discours dévalorisants, entrainant une forme de défiance à l’égard de l’employeur. »

    « Les groupes et les entretiens ont mis en évidence un climat de méfiance généralisé envers l’État et plus largement les institutions chez les agents eux-mêmes8. »

    • En 2019, 62 % des agents publics avaient le sentiment d’être respecté et reconnu dans leur travail, contre 70 % des salariés de droit privé.
    • En 2013, les pourcentages étaient respectivement de 67 % et 70 %. Cette dégradation est donc spécifique à la fonction publique. 

    Ce déficit de reconnaissance est particulièrement marqué dans l’Éducation nationale :

    • 48 % des enseignants pensent recevoir le respect qui leur est dû, contre 59 % en 2013,
    • 34 % pour les professeurs des écoles (43 % en 2013) ;
    • 54 % pour les directeurs d’établissement et inspecteurs (contre 74 % en 2013, soit une chute de 20 points de pourcentage).

    Les conflits éthiques

    Le conflit éthique est ici défini comme le fait de : « devoir faire quelque chose que l’on réprouve ».

    Moins d’un salarié du secteur privé sur dix se dit concerné par de tels conflits :

    • 12 % pour les professeurs du secondaire ;
    • 18 % pour les métiers publics de la sécurité9 et jusqu’à 65 % pour les cadres intermédiaires de la police nationale ;

    « Si cela peut être interprété comme le fait que la fonction publique regroupe des métiers plus susceptibles d’être exposés à des conflits de valeur, cela accrédite également le fait qu’il existe un risque de décalage entre le « sentiment d’utilité sociale », qui peut motiver le choix d’entrer dans la fonction publique, et les réalités du travail ; la perception de promesses déçues pour des salariés qui ont plus d’attentes que dans le secteur privé. »

    Plusieurs facteurs explicatifs sont évoqués et reprennent pour partie les hypothèses envisagées sur une dégradation possible des collectifs de travail :

    • La pression des chiffres ;
    • La dématérialisation des services ;
    • La complexification des tâches :
    • Une dégradation des relations avec les usagers.

    Les arrêtés maladie, un signal faible ?

    En conclusion, pour les rapporteurs, l’augmentation récente des arrêts maladie dans la fonction publique constitue un point d’alerte. Cette évolution est particulièrement inquiétante pour les versants territoriaux et hospitaliers de la fonction publique10, mais également pour les enseignants, auparavant très peu concernés.

    1. France stratégie réalise des comparaisons sur des métiers « mixtes » à partir de catégories de fonction. Il demeure, à l’évidence, des spécificités irréductibles à toutes comparaisons s’agissant de certains métiers publics. Les policiers et militaires n’ont pas d’équivalents dans le secteur privé. Il est toutefois proposé une comparaison fonctionnelle.
    2. Le sentiment d’être respectés par les parents d’élèves est de 6,3 sur 10.
    3. Parmi les agents publics, 42 % des infirmiers et 32 % des émotions disent avoir vécu des épisodes d’intensité émotionnelle contre respectivement 33 % et 27 % de leurs homologues du privé.
    4. Les rapporteurs s’arrêtent en situation pré-COVID pour ne pas fausser les comparaisons.
    5. Ce qui implique également une charge administrative et de reporting, qui peut être jugée très négativement par les salariés concernés.
    6. Ce ratio est de 77 % pour les agents de sécurité privée.
    7. Les agents publics de catégorie B et C présentent également un indicateur relativement dégradé s’agissant des moyens à leur disposition pour exercer leurs fonctions. Toutefois, la dégradation de cet indicateur sur la période 2013 à 2019 est similaire à celles de leurs homologues salariés de droit privé.
    8. Ce qui rejoint aussi les constats de Luc Rouban sur l’augmentation du vote pour le Rassemblement national parmi les agents publics.
    9. Le taux est de 19 % pour les agents de sécurité privé. Les ratios sont donc ici élevés, mais homogènes.
    10. En rappelant toutefois qu’il y a aussi des effets de composition.
  • Les salaires dans la fonction publique en 2025

    Les salaires dans la fonction publique en 2025

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 11)

    Temps de lecture : 10 minutes.

    Poursuite de la lecture du rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique.

    Les dépenses publiques de rémunérations des agents publics, après avoir augmenté jusqu’aux années 80, connaissent une relative décrue depuis :

    • 10 % du PIB dans les années 60-70 ;

    • 13 % au début des années 80 ;

    • 12 % en 2023, en replis depuis les années 90.

    Autrement dit, depuis les années 80, l’augmentation des dépenses publiques ne tient pas aux dépenses de personnel, mais aux autres dépenses (essentiellement sociales).

    Toutefois, les écarts entre versants de la fonction publique sont extrêmes :

    • De 1980 à 2023, les dépenses des collectivités locales augmentent de 238 % ;
    • Sur la même période, les dépenses de l’État augmentent de 45 %.

    Le mode de rémunérations des agents publics

    Un mode de rémunération à trois étages

    La paie des fonctionnaires peut schématiquement se décomposer en trois parties :

    1. Le traitement indiciaire. Déterminé par une grille indiciaire qui s’applique à l’ensemble des agents relevant d’un corps.

          C’est le système le plus simple : on multiplie l’indice lié au grade et à l’échelon par la valeur du point d’indice.

          2. Le régime indemnitaire et les rémunérations annexes. Ces éléments comprennent les heures supplémentaires (pour certains agents publics), les primes et indemnités.

            Les rémunérations indemnitaires et annexes sont particulièrement complexes et ont été très dynamiques sur les vingt dernières années.

            Elles sont individualisées et portent sur :

            • La fonction exercée : encadrement, sujétions particulières… ;
            • Le lieu d’exercice : indemnités de résidence, primes spécifiques à certains territoires, notamment ultramarins ;
            • La situation de famille : supplément familial de traitement (pour des montants nettement plus modestes) ;
            • La performance de l’agent : au titre du complément indemnitaire annuel (CIA) notamment.

            Un élément important est à rappeler : les rémunérations indemnitaires et annexes sont partiellement retenues pour le calcul de la pension de retraite de l’agent public.

            3. Enfin, en déduction du revenu net (pour l’agent) : les cotisations et diverses retenues sociales. Ici, l’agent public se trouve dans la même situation que le salarié de droit privé avec une part de ces rémunérations consacrée aux différentes contributions et cotisations.

              Une rémunération de plus en plus individualisée

              Si la majeure partie du revenu d’un agent public est encore assise sur le traitement indiciaire (comparable aux grilles de classifications des branches professionnelles), la part dévolue aux primes et indemnités est en forte augmentation.

              Compte tenu des difficultés budgétaires de la France et des répercussions induites par une augmentation de la valeur du point d’indice1, les gouvernements successifs ont préféré des augmentations sectorielles.

              Le rapport ambivalent des fonctionnaires à leurs rémunérations : ils se considèrent mal payés, mais ils ne rejoignent pas la fonction publique pour l’argent

              Le sentiment d’être « mal payé » est diffus parmi les agents publics

              Ce sentiment est encore plus exacerbé lorsque le diplôme initial est élevé.

              En 2023, 68 % des fonctionnaires s’estiment mal ou très mal payés. 76 % parmi les enseignants2

              Cependant, le salaire n’est pas un motif d’entrée dans la fonction publique3. Et, quand des agents publics démissionnent, ce n’est pas tant parce que les rémunérations sont faibles. Les agents concernés évoquent d’abord l’absence (supposée ou réelle) de perspective d’évolution professionnelle.

              La vérité des prix : quel salaire dans la fonction publique et dans le privé

              Le salaire net mensuel moyen des agents publics en équivalent temps plein en 2021 est de 2 431 euros, contre 2 464 euros pour le secteur privé.

              Analysé par versant de la fonction publique, le salaire net mensuel moyen en 2021 se répartissait comme suit :

              • 2 039 euros dans la fonction publique territoriale ;
              • 2 590 euros dans la fonction publique hospitalière ;
              • 2 688 euros dans la fonction publique d’État.

              Les rémunérations dans la fonction publique d’État tiennent à un effet de structure

              En effet, les agents de l’État sont en moyenne plus diplômés, plus âgés, mais également plus féminisés que dans le secteur privé.

              La part de salariés disposant d’un diplôme du supérieur est très marquée selon l’employeur (données de 2021) :

              • 76 % pour les agents de la fonction publique d’État ;
              • 52 % pour les agents hospitaliers ;
              • 41 % pour les salariés du privé et
              • 32 % pour les agents de collectivité locale.

              Mécaniquement, la part d’agents civils de catégorie A (les cadres) était aussi très variable selon les versants de la fonction publique :

              • 62 % pour l’État,
              • 40 % pour le secteur hospitalier et
              • 3 % pour les collectivités locales.

              L’évolution des rémunérations par versants et dans le secteur privé

              Sur la période 2011-2021, le salaire net moyen en équivalent temps plein a augmenté (en euros constants) de 2,1 % pour l’ensemble des agents publics, mais cette augmentation cache de nombreuses disparités :

              • 8,8 % pour la fonction publique hospitalière, tirée par le rattrapage des salaires post-Covid ;
              • 2,5 % pour la fonction publique territoriale ;
              • – 0,2 % pour la fonction publique d’État.

              Il faut toutefois faire attention aux effets de composition : la part des agents de Cat A augmente et leur vieillissement aussi.

              Pour dépasser les limites du salaire moyen net en EQTP, il existe un indicateur d’évolution des salaires pour les agents restés en poste deux années d’affilée complètes. Autrement dit, la : « rémunération moyenne des personnes en place » (RMPP).

              Une évolution salariale essentiellement liée au développement des primes et indemnités

              Le décrochage du point d’indice

              Jusqu’aux années 1990, le point d’indice suivait l’évolution des prix. De 2010 à 2023, le point d’indice est systématiquement gelé, sauf exceptions.

              Des augmentations sont ainsi consenties en 2016 et 2017, à un niveau proche de l’inflation (0,6 %), puis en 2022 et 2023, mais dans un contexte de très forte inflation :

              • Le point d’indice est d’abord revalorisé de 3,5 % en 2021, puis de 1,5 % en 2022 ;
              • Sur la même période, l’inflation est de 10,4 %.

              Première conséquence, la progression salariale est essentiellement catégorielle ou individuelle :

              • Primes et indemnités individuelles,
              • Revalorisations de grilles indiciaires de certains corps.

              Seconde conséquence, les primes constituent aujourd’hui environ 25,5 % de la rémunération moyenne totale (un peu moins en rémunération nette individuelle) des agents publics. Cette part est stable depuis 2010 et est supérieure à celle constatée dans le secteur privé (proche de 20 %).

              Une augmentation des primes et indemnités qui peinent à maintenir le niveau de vie des agents publics

              Selon les rapporteurs :

               « Les dispositifs existants (primes, indemnités comme heures supplémentaires) servent d’abord à maintenir le pouvoir d’achat, ou pour certains bénéficiaires à compléter leur revenu (heures supplémentaires). »

              Par exemple, dans la fonction publique d’État, les gains en rémunérations proviennent quasi exclusivement du vieillissement des agents et des politiques indemnitaires.

              Le décrochage des cadres (cat. A) et professions intermédiaires (cat. B)

              De 2011 à 2021, les salaires moyens en EQTP des cadres et professions intermédiaires ont baissé dans la fonction publique et augmenté dans le secteur privé :

              • – 3 % pour la fonction publique d’État,
              • – 0,2 % pour la fonction publique territoriale ;
              • + 2 % dans le secteur privé.

              À titre de comparaison, le salaire net moyen des employés et des ouvriers a augmenté de 6 % pour la FPE et 2,5 % pour la FPT (contre 5 % dans le privé).

              Ce dynamisme des rémunérations pour les ouvriers et employés est lié aux mécanismes de préservation du pouvoir d’achat mis en place pour les bas salaires.

              La fonction publique hospitalière présente de son côté un caractère atypique (mesures Ségur prises suite à la pandémie de COVID-19) avec une augmentation des salaires réels moyens de 9 % sur la décennie :

              • 10 % pour les employés et ouvriers,
              • 6 % pour les cadres et professions intermédiaires.

              Un système de rémunérations inégalitaires

              Des inégalités entre ministères

              Le constat est connu, les différences de rémunérations entre les ministères demeurent :

              • La part de primes et indemnités est faible dans l’enseignement ;
              • Alors que les primes sont plus importantes dans les ministères de l’Économie, de la Défense ou de l’Intérieur.

              Ces différences de primes viennent parfois compenser une grille indiciaire jugée trop faible. Ils induisent toutefois un frein à la mobilité pour les agents et peuvent engendrer un sentiment d’iniquité.

              Pour les rapporteurs :

              « L’effet global du système tel qu’il existe est donc incertain. »

              Des évolutions salariales différentes entre contractuels et fonctionnaires

              En prenant le RMPP, ce qui n’est pas sans poser de difficultés méthodologiques4, l’évolution des contractuels est systématiquement plus élevée que celle des fonctionnaires.

              Des trajectoires salariales en détérioration

              Une augmentation de la rémunération moyenne des agents publics quasiment nulle depuis quinze ans

              De 1980 à 2010, le taux de croissance annuel moyen du salaire moyen par tête (SMPT) réel des administrations publiques était de 0,66 %.

              Toutefois, on peut clairement dissocier deux périodes :

              • 1,02 % sur la période 1990-2010,
              • 0,26 % sur la période 2010-2023.

              Autrement dit, sur les quinze dernières années, le pouvoir d’achat des fonctionnaires évolue quatre fois moins vite que les deux décennies précédentes. Par ailleurs, cette évolution est tellement faible qu’elle est quasiment nulle en termes réels.

              Des trajectoires de carrière en dégradation

              France stratégie s’appuie sur des données permettant de comparer les « débuts de carrière » de différentes générations de salariés de 1990 à 2010.

              « Tous diplômes confondus, les trajectoires des jeunes agents publics semblent se détériorer, en particulier entre les cohortes des années 2000 et 2010, avec une forme d’affaissement de la position salariale par rapport à l’ensemble de la population. »

              En témoigne, une évolution du salaire moyen par tête durablement plus importante dans le secteur privé par rapport aux administrations publiques depuis le début des années 2000 :

              Le salaire médian des jeunes agents publics évolue très défavorablement entre générations :

              • La génération 1990 gagnait 88 % du salaire médian en début de période et, 116 % après six ans ;
              • La génération 2010 gagnait 80 % du salaire médian en début de période et 102 % en fin de période.

              Cette dégradation concerne tous les versants de la fonction publique, à l’exception des agents de collectivités territoriales.

              Le cas des enseignants est particulièrement symptomatique d’une forme de décrochage.

              En 2021, le salaire net moyen en EQTP est de :

              • 2 504 euros pour les enseignants de l’école élémentaire ;
              • 2 835 euros pour les enseignants du secondaire ;
              • 3 919 euros pour les cadres de la fonction publique (également de catégorie A) ;
              • 4 326 euros pour les cadres du secteur privé ;
              • 2 405 pour les professions intermédiaires du public (catégories B, recrutés à partir du baccalauréat) et 2 468 euros pour les professions intermédiaires du privé.

              Une dynamique salariale en faveur du secteur privé

              De 1997 à 2021, le salaire net moyen en équivalent temps plein a crû de 15 % dans le secteur privé, contre 7 % dans la fonction publique d’État.

              Sur la période 2011-2021, le taux de croissance annuel du salaire net moyen en équivalent temps plein des salariés en place du secteur privé a été constamment supérieur à celui de leurs homologues de la fonction publique, excepté en 2021.

              En conséquence, depuis 2017, le salaire net moyen dans le secteur privé est supérieur au salaire net moyen des agents publics. Ce qui, compte tenu de la proportion de cadres dans la fonction publique, témoigne d’une dégradation relative de la rémunération des plus qualifiés dans le secteur public.

              La fonction publique demeure attractive pour les femmes et les moins diplômés

              Un modèle de rémunération et de carrière en général plus favorable aux femmes

              Pour les niveaux de formation inférieurs à bac + 4, il existe des gains relatifs à être dans la fonction publique par rapport au privé en début de carrière, surtout pour les femmes.

              Cet avantage persiste pour les femmes au fil de la carrière, alors qu’il disparaît vite pour les hommes au cours des années 2000.

              Toutefois, ce gain s’estompe pour les plus diplômés, hommes comme femmes

              Les rémunérations du secteur public sont rapidement dépassées par les rémunérations offertes dans le secteur privé pour les hommes très diplômés (bac +4 et au-dessus). Cet écart ne fait ensuite que s’amplifier.

              Pour les femmes, l’avantage salarial offert par le public demeure sur une période un peu plus longue. Au-delà, comme pour les hommes, les divergences salariales sont très importantes et s’amplifient.

              « Le diplôme permet donc de jouir d’une rémunération d’entrée élevée par rapport à l’ensemble de la population, mais pour les hommes comme pour les femmes, la croissance est ensuite moindre dans la fonction publique que dans le privé. »

              Au-delà des montants, la structure de rémunérations est devenue illisible dans la fonction publique

              La complexité même du système de rémunérations dans le secteur public, sa fragmentation, les inégalités qu’il porte « ont pu affecter l’attractivité salariale ces dernières décennies ».

              Les rapporteurs posent ici un message fort invitant les administrations à renouveler leur communication, mais également les dispositions de rémunérations. L’objectif doit être d’offrir davantage de clarté, aux agents publics eux-mêmes et à tous les jeunes et moins jeunes désireux de rejoindre la fonction publique :

               « Une partie de la perte d’attractivité tient autant à l’évolution des salaires en elle-même qu’à l’architecture du système de rémunération du secteur public, qui peut être perçu comme illisible au regard de trois objectifs qu’il doit atteindre :

               « Ignorer la réalité d’un système de rémunération complexe, fragmenté, et tendanciellement moins valorisant pour les agents publics, ne permettrait pas de répondre aux frustrations ou au désintérêt croissant de la fonction publique en général. »

              1. Une augmentation du point d’indice concerne tous les fonctionnaires et présente également un impact sur les pensions de retraite.
              2. Sondage BVA Casden 2023.
              3. Sondage Ipsos de 2022 commandé par la FSU auprès des fonctionnaires et enquête Génération du Cereq sur les cohortes 2013 et 2017 de jeunes entrant sur le marché du travail.
              4. La RMPP des contractuels par construction se limite à ceux qui sont « stables » puisque présents sur deux années pleines.
              Pièces de monnaie qui tombent
            1. Les parcours de carrière offerts par la fonction publique

              Les parcours de carrière offerts par la fonction publique

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 9)

              Temps de lecture : 6 minutes.

              Le chapitre sur les parcours de carrière du rapport de France stratégie est très dense. Outre les informations détaillées dans le précédent article sur le recrutement, ce chapitre comporte également des informations sur la mobilité des agents publics et le rapport aux contractuels.

              Voici donc ici esquissés quelques éléments de synthèse en rapport avec les mobilités professionnelles, les possibilités d’avancement et de formation et quelques comparaisons avec le secteur privé.

              Des possibilités de mobilité, d’avancement et de formation professionnels en apparence comparables avec le secteur privé

              « Les possibilités de mobilité professionnelle, d’avancement et de formation ne sont pas systématiquement défavorables au secteur public, voire peuvent y être plus fréquentes. Toutefois, elles sont rarement synonymes d’ascension professionnelle rapide comme cela peut être plus souvent le cas dans le secteur privé. »

              Un accès à la formation professionnelle aisé pour les agents publics

              L’accès à la formation est relativement aisé dans la fonction publique. Il est même substantiellement plus élevé pour les exécutants et les cadres moyens ou intermédiaires du secteur public par rapport au secteur privé1.

              Il convient toutefois de relever une singularité, le caractère souvent fermé de ces formations : l’offre de formation disponible n’est pas aussi abondante que dans le secteur privé.

              À titre d’exemple, le Compte personnel de formation (CPF) des agents publics nécessite l’accord de l’administration. Le salarié de droit privé bénéficie de son côté d’une liberté de choix presque totale, sans besoin d’en référer à son employeur2.

              De même, le Conseil en évolution professionnel (CEP) est une mission assurée en interne, avec des garanties permettant d’assurer la confidentialité des échanges et la professionnalisation des agents publics. Le salarié de droit privé bénéficie lui d’un service dédié, externe à l’entreprise, puisque assuré par des prestataires sélectionnés par appel d’offres des pouvoirs publics.

              Par ailleurs, et contrairement au secteur privé, il n’existe pas de classification des emplois et des compétences dans une grille dédiée d’une convention collective. Les grilles indiciaires du secteur public concernent des corps, pas des métiers. En conséquence, le passage d’un diplôme n’entraîne pas de droits à rémunérations pour l’agent public. Seul le passage d’échelon (à l’ancienneté), de grade ou de corps (promotion interne) peut, avec l’occupation d’un emploi à sujétions, procurer une rémunération supplémentaire3.

              Des perspectives de mobilité en apparence favorables

               « Les familles professionnelles publiques connaissent de fait plutôt plus de promotions et d’améliorations de revenus que les métiers comparables du privé. Ainsi, les agents de catégorie A connaissent plus de promotions et d’améliorations de leurs revenus que la majorité des emplois de cadres du privé. Il en est de même pour les agents de catégorie B ou pour des métiers comparables dans le privé, à l’exception notable des enseignants (toujours par rapport aux cadres). »

              Toutefois, si les agents publics évoluent globalement davantage que leurs collègues du privé, leurs rémunérations demeurent généralement moindres, en particulier pour les métiers qualifiés. L’exemple le plus évident concerne les filières informatiques (voir l’article sur les informaticiens des ministères économiques et financiers).

              Des changements importants de carrière relativement rares

              Une progression relativement plus homogène et moins rapide que dans le secteur privé

              L’autre singularité de la fonction publique est de proposer un modèle de progression de carrière plutôt incrémental4 : la progression est continue, mais plutôt modeste.

               « Une carrière publique permet des promotions régulières, mais n’implique pas nécessairement de changement de catégorie d’emploi. »

              Cet effet est particulièrement marqué pour les emplois les moins qualifiés :

              • 25 % des salariés du secteur privé entrés sur le marché du travail comme employés exercent une profession intermédiaire ou sont devenus cadres en 2015 ;
              • Ce ratio est de 21 % dans le secteur public.

              « En raisonnant à caractéristiques d’entrée sur le marché du travail et socio-démographiques comparables, l’écart entre ces deux populations baisse légèrement, mais la probabilité de devenir cadre ou profession intermédiaire reste inférieure à celle du secteur privé de 13 %. »

              Des mobilités « très ascendantes » nettement plus difficiles dans le secteur public

              Les écarts sont encore plus importants pour les mobilités très ascendantes :

               Un employé du public a 48 % de chances en moins de devenir cadre qu’un employé du privé aux mêmes caractéristiques.

              L’accès au grade de catégorie A (par exemple : le corps des attachés d’administration) est relativement verrouillé par le système de concours, en dépit d’un accès plus aisé à la formation professionnelle.

              Une fonction publique globalement moins discriminante que le secteur privé

              Les trajectoires très ascendantes du secteur privé bénéficient essentiellement aux hommes

              Les trajectoires de mobilité « très ascendantes » du secteur privé se révèlent très discriminantes :

              « En raisonnant toujours à caractéristiques du premier emploi et socio-démographiques comparables, on observe que les femmes ayant débuté comme employées dans le secteur privé ont une probabilité près de 23 points inférieurs de devenir cadre ou profession intermédiaire qu’un homme, contre 10 points seulement dans le secteur public. »

              À titre d’exemple :

              79 % des femmes et 84 % des hommes diplômés d’un Bac + 3 et plus deviennent cadres dans le secteur public ; soit 5 points d’écart.

              Elles sont seulement 53 % (contre 74 % des hommes) dans le secteur privé, soit un écart de plus de 20 points.

              Toutefois, en creusant l’analyse, on constate de fortes divergences entre fonction publique s’agissant de la promotion des femmes

              Dans la fonction publique d’État, les femmes ont une probabilité plus élevée d’être cadre que dans le secteur privé. Mais, si on s’attache à analyser chaque fonction publique, les fonctions publiques territoriales et hospitalières se révèlent davantage « discriminantes » que le secteur privé.

              Les métiers techniques sont très féminisés dans ces fonctions publiques (santé, travail social et administratif). À l’inverse, l’encadrement est nettement masculin.

              La fonction publique d’État est de son côté déséquilibrée par le poids du corps enseignant, mais l’encadrement supérieur présente également une sur-proportion d’hommes.

              L’égalité des chances offerte par le secteur public est occultée

              La fonction publique est un instrument de promotion sociale, en particulier pour les jeunes diplômés issus de milieux populaires et les femmes5. Cette caractéristique semble ignorée du grand public et des agents publics eux-mêmes.

              L’attractivité de la fonction publique pour les femmes

              Ainsi, les femmes ont une probabilité de travailler dans le secteur public de 11 points supplémentaires par rapport aux hommes.

              « Avoir un parent ouvrier ou employé (versus « avoir un parent cadre ») accroît la probabilité de travailler dans le secteur public d’environ 4 points lorsqu’il s’agit du père et de 2 à 3 points pour la mère. »

              L’attractivité de la fonction publique pour les jeunes diplômés

              Si la surqualification dans la fonction publique est réelle6, elle n’est pas spécifique au secteur public et est similaire dans le secteur privé

              Par ailleurs, le diplôme protègerait davantage du déclassement dans le secteur public que dans le secteur privé. En particulier pour les femmes :

              Cette égalité des chances n’est pas intégrale

              Pour les descendants d’immigrés, la probabilité d’être agent public est négative de 2 points. Une hypothèse pourrait être la méconnaissance des métiers de la fonction publique par ce public, ce qui rejoint le constat dressé dans le précédent billet sur une relative autarcie du secteur public.

              De même, le recrutement social des enseignants du secondaire et du supérieur est très favorisé :

              54 % des professeurs du secondaire et du supérieur sont issus de familles à dominante cadre ou intermédiaire, proportion supérieure à celle observée parmi les cadres du privé et du public.

              À titre de comparaison, 13 % des enseignants du premier degré (école maternelle et primaire) sont issus de familles de cadres7.

              1. 23 % des catégories B et 16 % des catégories C sont partis en formation au cours du dernier trimestre, contre des niveaux entre 7 % et 16 % pour les secrétaires, secrétaires de direction ou encore les techniciens administratifs
              2. La seule limite est que la formation soit inscrire au Répertoire national des certifications professionnelles. Autrement dit, qu’elle soit certifiante.
              3. Il me semblait important de rappeler cette différence, puisque les rapporteurs de France stratégie ne le font pas.
              4. À l’exception probablement des cadres supérieurs, comme on a pu le voir dans un précédent billet sur le vieillissement des agents publics.
              5. Gollac S. et Hugrée C. (2015), « Avoir trente ans dans le secteur public en 1982 et en 2002 les transformations d’une filière de promotion sociale par le diplôme », Revue française d’administration publique, n° 153, p. 23-43. En conservant la nuance évoquée plus haut pour les fonctions publiques territoriales et hospitalières.
              6. L’Insee estime ainsi qu’un quart des fonctionnaires de l’État de catégorie B et trois quarts de catégorie C sont surdiplômés. On compte même 5 % de docteurs parmi les agents de catégorie B.
              7. 27 % sont mêmes issus d’une famille à dominante ouvrière ou mono-active. Taux nettement plus élevé que pour les professeurs du secondaire ou les cadres du privé.
              Image d’un escalator
            2. Une crise des valeurs du service public ?

              Une crise des valeurs du service public ?

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 7)

              Temps de lecture : 9 minutes.

              Dans ce nouveau chapitre issu du rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique, les rapporteurs interrogent les valeurs du service public.

              Ces valeurs constituent la première source d’engagement des jeunes fonctionnaires1.

              Pour autant, parmi l’ensemble des jeunes interrogés, les valeurs du service public sont peu partagées, leur contenu étant le plus souvent flou, voire ambivalent. Par ailleurs, l’administration renvoie généralement une image inspirant la défiance.

              L’affaiblissement, voire la disparition des « valeurs du service public »

              Une fonction publique mystérieuse

              Les premiers constats dressés par les auteurs font état d’une fonction publique très peu connue. Une part importante de la population ignore les distinctions entre les trois fonctions publiques et ne peut pas lister des administrations et leurs fonctions.

              Les principales connaissances sont celles du quotidien et de quelques éléments généraux égrainés çà et là :

              « La compréhension du fonctionnement et de l’organisation de la fonction publique apparaît très lacunaire et s’appuie principalement sur les expériences des usagers ou celles de leurs proches. Souvent négatives, ces dernières amplifient l’image d’un univers distant et hermétique, mais aussi dégradé et privé de moyens. »

              « Les confusions sur le périmètre s’accompagnent d’une méconnaissance totale du poids et de l’organisation de la fonction publique. Les personnes interrogées ne savent à peu près rien du statut et de ses justifications et principes. »

              Une fonction publique en apparence fermée

              Cette méconnaissance tient aussi à une forme de repli de l’administration. Les étudiants interrogés effectuent peu ou pas de stage dans la sphère publique, celle-ci étant peu présente durant la scolarité2 ou plus tard dans les salons professionnels (sauf pour quelques grands métiers).

              Dans ce contexte, avoir un parent fonctionnaire constitue donc un moyen privilégié pour connaître la sphère publique, ce qui explique par ailleurs le phénomène de « reproduction statutaire. »

              « La fonction publique apparaît comme un univers opaque, lointain, « à part », qu’on peine à envisager dans le cadre de son choix de carrière. »

              Une fonction publique à l’image ambivalente

              Cette ambivalence se retrouve à deux niveaux :

              • Tout d’abord, la fonction publique est souvent jugée « datée » :

              « La fonction publique pâtit de la persistance de l’image d’un univers poussiéreux, lent et ennuyeux3. »

              • D’autre part, même lorsque certains métiers publics sont valorisés, la représentation de l’engagement du fonctionnaire est souvent attachée à une forme de compassion :

               « Se superpose ainsi l’image attachée aux métiers « de vocation », « indispensables », « utiles », voire « essentiels ». Cependant, ceux-ci sont aussi perçus comme « sacrificiels » et souffrant d’une dégradation de leurs conditions de travail et d’un manque de reconnaissance (…). Soignants, policiers, mais aussi enseignants, sont ainsi l’objet d’une forme de commisération assez largement partagée. »

              86 % des sondés interrogés dans le cadre de l’enquête OpinionWay pour Indeed estiment que les enseignants « ont du mérite ». 85 % qu’il faut améliorer leurs conditions de travail.(…) Un tel contraste suscite chez certains d’entre eux des formes d’admiration proches de la compassion pour un métier pris entre « bénévolat » et éthique du « sacrifice » et aujourd’hui « dévalorisé ». »

               « On arrive ainsi à ce paradoxe, que les métiers considérés comme « les plus essentiels » sont aussi ceux… qui font partie des moins attractifs et font le moins rêver les jeunes (à l’exception de médecin). »

              Une forte défiance vis-à-vis de l’employeur public

              Une crise du service public attachée à la crise du politique

              La défiance vis-à-vis des institutions semble, en effet, fortement corrélée à la défiance vis-à-vis du personnel politique :

               70 % des Français4 n’ont pas confiance dans la politique (dont 24 % « pas du tout »).

              Mécaniquement, les institutions politiques comme la présidence de la République, le Parlement et le Gouvernement recueillent des scores de confiance particulièrement faibles (le plus souvent inférieurs à 25 %).

              Pour les auteurs, la fonction publique pâtit sévèrement de cette défiance :

              Comment vouloir travailler pour des institutions dont on n’a pas confiance ?

              En conséquence : un attachement au métier plutôt qu’à l’administration

              Certains agents publics, en particulier dans les grandes collectivités ou certaines administrations de l’État, ont le sentiment de travailler davantage pour les élus plutôt que pour les usagers.

              En réaction, les agents se définissent plutôt par leur métier, que par leur statut d’agent public5. Ce qui leur permet d’offrir un peu de recul à leurs fonctions, de se raccrocher à la source de leur engagement et de se distinguer d’une politisation qui peut parfois les embarrasser dans leur quotidien.

              Le concept de « motivation de service public »

              Un concept créé dans les années 90 et présentant en France quelques spécificités

              Ce concept de « Motivation de service public » (MSP) a été créé et défini par les auteurs américains James Perry et Lois Recascino Wise en 1990. Il pourrait se rapprocher6 des notions d’habitus notamment développées par Luc Rouban, mais également des travaux sociologiques de Philippe d’Iribarne sur une forme de noblesse dans l’engagement de l’agent public français.

              Le concept de Perry et Wise insiste sur la spécificité des motivations altruistes des agents publics et propose une échelle servant à la mesurer, qui comprend plusieurs dimensions :

              S’agissant du cas français, s’ajoute une spécificité : celle d’un attachement très fort à la figure de l’État

              La motivation de service public « à la française » est principalement alimentée par un attachement fort à l’intérêt général et aux services publics, ainsi que par la place centrale de l’État, comme pourvoyeur de richesse et de cohésion sociale.

              On note toutefois un premier hiatus :

              • Les salariés du privé attendent de l’exemplarité ;
              • Les agents publics veulent poursuivre un but d’intérêt général.

              Une réalité concrète pour les agents publics : on ne devient généralement pas fonctionnaire par hasard

              Travailler pour la fonction publique relève le plus souvent d’un choix explicite :

               « 84 % des jeunes agents publics et élèves fonctionnaires disent travailler dans la fonction publique par choix7. »

              Cette « utilité sociale » est génératrice d’une certaine fierté professionnelle :

              • 86 % des salariés français estiment que le secteur public permet d’exercer « des métiers qui ont du sens » (84 % dans le secteur privé et 90 % dans le secteur public8 — ces derniers étant évidemment les premiers concernés)
              • 72 % des agents publics sont fiers de leur emploi (contre 64,6 % dans le secteur privé)9 ;
              • 83 % des agents publics se sentent « utiles », contre 68,5 % des salariés du secteur privé. Ce sentiment est particulièrement fort pour les professions en contact avec le public : accueil de jeunes enfants, animation, enseignement, action sociale, santé10.

              Des motivations différentes selon les statuts (et niveaux de diplôme)

               « Différemment incarnées selon les métiers et les secteurs, les motivations de service public sont également variables et inégalement réparties chez les agents selon leurs diplômes et leur position (encadrant ou non). »

              Les rapporteurs citent les travaux de Céline Desmarais et de Claire Edey Gamassou qui montrent une diversité de motivations11 :

              Ressorts affectifs Ressorts rationnels et normatifs
              Exécutants Compassion, abnégation, voire sacrifice de soi Peu d’intérêt pour les valeurs du service public et les politiques publiques (vision métier)
              Encadrants de proximité Compassion Valeurs du service public
              Experts Neutre Valeurs du service public, goût pour les politiques publiques
              Cadres managers Nul : peu ou pas de relations directes avec des personnes identifiables, vision d’un citoyen abstrait Valeurs du service public, goût pour les politiques publiques, motivations politiques (forte perméabilité des hauts fonctionnaires et des représentants politiques)
              Motivations selon Céline Desmarais et Claire Edey Gamassou

              Autrement dit, plus le niveau hiérarchique est élevé, plus la motivation est liée à des éléments théoriques12.

              Par ailleurs, de cette même conception du service public découle l’idée que le « principe » (théorique) est supérieur au « service » (individuel)13.

              Toutefois, il semblerait que :

              • La conception unitaire du service public soit de plus en plus disputée et que
              • Les sollicitations des citoyens tiennent davantage à considérer les situations individuelles et à exiger une efficacité démontrable14.

              Une concurrence accrue dans la défense de l’intérêt général

              L’État n’est plus associé à l’intérêt général

              Les nouvelles générations ne sont pas moins « altruistes », la difficulté proviendrait plutôt d’un affaissement de l’idée du service public administratif :

              « Les pouvoirs publics manquent de crédibilité pour incarner une promesse de sens particulièrement élevée. L’utilité sociale et l’intérêt général sont aussi (voire, selon certains, surtout) servis ailleurs. »

              Seuls 3 % des Français associent spontanément l’intérêt général à l’État et aux pouvoirs publics15.

              « Ainsi, paradoxalement, les pouvoirs et la fonction publics n’apparaissent pas forcément les mieux placés pour donner un débouché aux aspirations de ceux qui ont de fortes motivations de service public et pour lesquels l’intérêt général est un déterminant important de l’attractivité. »

              À l’inverse, le secteur privé et le troisième secteur (associatif, mutualiste…) est jugé nettement plus favorablement

              Si les finalités d’intérêt général portées par l’État et les collectivités publiques sont concurrencées (voire éclipsées) par le secteur privé16, le quotidien en entreprises ou en associations est également jugé plus favorablement :

               « Les enquêtes d’opinion montrent que le secteur non lucratif (…) est largement plus reconnu que l’État, en tant qu’employeur, sur les dimensions « sens du travail et des missions », « valeurs de l’organisation » et « impact du travail sur la vie des citoyens ». Pour les deux premiers points, même les grandes entreprises privées sont mieux notées que l’État employeur. »

              Le secteur public peine également à convaincre l’ensemble de ses agents

              L’attachement au sens est autant une force qu’un point de fragilité dans la fonction publique. Il peut être « porteur d’un risque élevé de désillusion et de désenchantement » :

              49 % des salariés du public (fonctionnaires et contractuels) qui souhaitent rejoindre le secteur privé le veulent car « ils ont le sentiment que ce qu’ils font dans le secteur public n’a plus de sens ».

              L’enquête du collectif « Nos services publics » de 2021 montre ainsi un décalage entre les motivations d’entrée dans le service public (l’intérêt général pour 69 % des sondés) et un sentiment d’absurdité17 dans leur travail ressenti « régulièrement » par 80 % des personnes interrogées.

              Une « perte de sens » dans la fonction publique qui reste à analyser

              Comme le soulignent les rapporteurs, la littérature académique envisage le plus souvent cette perte de sens comme liée à la Nouvelle gestion publique. Autrement dit, le rapprochement des modes de gestion du secteur public d’autres modes de gestion : critères de performance et d’efficacité productive, rémunérations au mérite, etc.

              Or, force est de constater18 que le mode de gestion public est systématiquement dévalorisé par les jeunes diplômés et, semble-t-il, par une proportion significative d’agents publics.

              Si le mode de gestion privé était si décrié, pourquoi les jeunes diplômés et certains agents publics, préfèrent le secteur privé ou le troisième secteur ?

              Au-delà des arguties politiques, de mon point de vue, une question de management se pose : l’exemplarité, la transparence, la confiance et la quête de sens paraissent désormais être des critères essentiels aux travailleurs. Tout particulièrement lorsque ceux-ci sont très diplômés.

              1. En particulier ceux de catégorie A et B de l’État. L’enquête Nos services publics citée plus bas, ainsi que celle réalisée par la CFDT s’agissant des jeunes fonctionnaires confirment ce point.
              2. Qui connait par exemple le fonctionnement administratif de l’Éducation nationale ? La répartition des compétences entre les collectivités et l’État et au sein de l’État, les différentes fonctions du rectorat ?
              3. Une pensée pour la scène finale de l’Auberge espagnole : https://www.youtube.com/watch?v=fj7gYzQaiUM
              4. Cevipof (2024), « En quoi les Français ont-ils confiance aujourd’hui ? Le baromètre de la confiance politique », 15e vague, février
              5. « Je suis professeur / policier / infirmier / jardinier / juriste… »
              6. Dans leurs versions françaises.
              7. CFDT (2022), Résultats de la quatrième enquête focus jeunes, décembre (enquête réalisée auprès de 1 000 jeunes agents, titulaires, stagiaires, contractuels, étudiants, des trois versants de la fonction publique).
              8. Sondage OpinionWay de 2023.
              9. Pény P. et Simonpoli S. (2022), Conférence sur les perspectives salariales de la fonction publique, op. cit., p. 12.
              10. Rapport Pény et Simonpoli (2022) précité.
              11. En reprenant les classifications établies dans la théorie des « Motivations du service public ».
              12. Selon ces mêmes auteurs, et c’est dichotomie se retrouve dans les travaux ici présentés par les rapporteurs, il existe une « mythologie du service public à la française » qui synthétise des aspirations diverses : entre d’une part le service concret du citoyen pour les agents d’exécution et, d’autre part, une dimension plus abstraite et politique de place de l’État dans la société, notamment incarnée par les hauts fonctionnaires.
              13. En effet, la compassion français est plutôt assise sur des principes théoriques, supposant que l’État doit assurer la défense de l’intérêt général. Ce faisant, la compassion directe (philanthropie) est faible en France. L’État joue donc un rôle véritablement unique en France en portant des valeurs et un impératif de solidarité assurés directement par d’autres acteurs ailleurs (populations, secteurs associatifs, églises, voire entreprises).
              14. La démonstration de l’efficacité implique la contestation du ressort uniquement théorique de l’action publique.
              15. Étude BVA pilotée par la mission APIE (Appui au patrimoine immatériel de l’État) pour la DGAFP (2020), Attractivité de l’État employeur ; 1 000 personnes interrogées, 18-45 ans représentatifs de la population française, en février-avril 2020
              16. Et le troisième secteur.
              17. Lié notamment au manque de moyens, au poids de la structure ou de la hiérarchie, ou encore au manque de reconnaissance. On peut, ici (les rapporteurs ne le font pas), rapprocher les éléments cités plus haut s’agissant de la distinction entre une masse de fonctionnaires au contact du public et animée par des motivations concrètes et une interprétation plus intellectuelle et abstraite des décideurs.
              18. Les rapporteurs ne traitent pas spécifiquement les critiques de cette interprétation du tournant « managerial » comme explicatif de la perte d’attractivité des collectivités publiques.

              Des galets en équilibre
            3. La Direction générale des entreprises (en 5 minutes)

              La Direction générale des entreprises (en 5 minutes)

              Temps de lecture : 5 minutes.

              La Cour des comptes a publié ses observations définitives le 5 décembre 2024 consacrées à la Direction générale des entreprises.

              La direction générale des entreprises est née en 2014 de la fusion de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services. Elle constitue l’administration centrale de référence pour la conception et la mise en œuvre des politiques de soutien aux entreprises et des politiques économiques sectorielles. 

              Malgré son rôle d’impulsion fondamental dans l’accompagnement des entreprises, cette direction des ministères économiques et financiers demeure peu connue. Ces quelques éléments de synthèse permettront, je l’espère, de disposer d’une première image de son activité, de son histoire récente et des agents qui la compose.

              Une direction au service des entreprises

              Selon les termes du décret n° 2009-37 du 12 janvier 2009 modifié, elle :

              « propose, met en œuvre et évalue les actions et les mesures, notamment financières, juridiques et scientifiques, propres à créer, sur le territoire national, un environnement favorable à la création et au développement des entreprises, notamment les petites ou moyennes entreprises et les entreprises de croissance, ainsi qu’au développement de l’industrie, du tourisme, du commerce, de l’artisanat, des services aux entreprises et aux personnes, de l’économie numérique, des communications électroniques et des professions libérales. Elle propose des mesures fiscales dans ces domaines. Elle concourt à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de compétitivité, d’innovation, d’accompagnement des mutations économiques, de développement de la compétitivité internationale des entreprises et d’attractivité du territoire français. »

              Les moyens budgétaires à la disposition de la DGE

              Les dépenses de la DGE sont importantes et principalement portés par trois programmes budgétaires :

              • Le programme 134 (P134), « Développement des entreprises et régulations » ;
              • Le programme 192 (P192), « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » ;
              • Le programme 343 (P343), « Plan France Très haut débit ».

              Au titre du plan de relance, la DGE a également géré de nouveaux programmes :

              • Le programme 362 (P362), « Écologie » (en soutien aux stratégies de transformation énergétique) ;
              • Le programme 363 (P363), « Compétivité » (consacré au secteur spatial, au numérique et à la souveraineté industrielle) ;
              • Le programme 364 (P364), « Cohésion » (petites entreprises, zones rurales…).

              Ces crédits sont désormais en extinction progressive.

              Des crédits budgétaires en recul jusqu’à la pandémie de la COVID 19

              Avant la crise sanitaire, ces programmes étaient en baisse et majoritairement orientés vers le financement des écoles et aides à l’innovation (P192), qui constituait 65 à 75 % des enveloppes gérées.

              Le mouvement de concentration de ces aides à l’innovation vers la mission budgétaire d’investissements d’avenir amplifiait cette tendance baissière.

              Une rupture avec le « quoiqu’il en coûte »

              À la suite de la crise sanitaire de la COVID-19, les crédits gérés par la DGE sont multipliés par six :

              De 1,13 milliard d’euros en 2017 (dont 0,76 milliard sur le P192) à 6,66 milliards d’euros en 2023.

              Outre les effets de la relance budgétaire initiée par le Gouvernement, il convient de noter également un effet de périmètre avec le transfert à la DGE des crédits du programme 193 dédiés à la recherche spatiale à compter de 2021 (en jaune dans le graphique à suivre).

              Une réorganisation profonde à compter de 2018

              En 2018 et 2019, à la prise de fonctions du nouveau directeur général et quelques mois à peine avant la crise sanitaire, la DGE et son réseau régional ont connu une restructuration en profondeur.

              Ces transformations visaient à répondre aux ambitions gouvernementales portées dans la démarche « Action publique 2022 » et aux circulaires du Premier ministre relatives à :

              • La transformation et la réorganisation des administrations centrales (5 juin 2019) et
              • L’organisation territoriale des services publics (24 juillet 2018 et 12 juin 2019).

              Elles ont conduit à diviser par près de deux le nombre d’agents dans le réseau territorial1 et à concentrer les effectifs à l’échelon central.

              Les effets de la réorganisation sur le déploiement des agents

              Les effectifs relevant de la DGE ont baissé d’un tiers de 2018 à 2023. Soit une baisse de 187 équivalents temps pleins travaillés.

              Toutefois, cette baisse n’a pas été uniforme :

              • Les effectifs en administration centrale ont augmenté de 6,1 % (+43,3 ETP),
              • Tandis que les effectifs du réseau territorial diminuaient de 40 %.

              La nouvelle composition de la DGE suite à la réforme

              Les données pour l’année 2019 détaillées par service révèlent l’ampleur de la réorganisation opérée :

              Près des deux tiers des effectifs du SISSE et du service de l’économie numérique ont été renouvelés, un tiers de ceux du service de l’industrie, du SCIDE et du secrétariat général.

              Le remplacement des fonctionnaires de catégories A et B, par des contractuels recrutés au niveau A+

              La moyenne d’âge est passée de 47,9 ans à 40,6 ans ; la part des plus de 50 ans de 52 % à 29 % et celle des contractuels de 22 % à 50 %.

              En parallèle, un repyramidage des postes a été opéré :

              • La part des agents titulaires et contractuels de catégorie A + représente désormais 38,7 % des effectifs, contre 23,5 % en 2018 ;
              • Celle des agents de catégorie A est toutefois en régression à : 49,4 %, contre 52 % en 2018.

              Les catégories A et A + regroupent ainsi 88 % des agents en 2023 contre 76 % en 2018.

              « La forte hausse du nombre d’agents A+ résulte des modalités de recrutement des agents contractuels, dont la majorité sont recrutés sous ce statut qui leur garantit l’accès à un indice majoré plus élevé, à même de rendre leur rémunération plus attractive. »

              Pour aller plus loin : Les hauts fonctionnaires des ministères économiques et financiers.

              Du point de vue structurel : une bascule des effectifs vers le soutien au numérique

              Certaines missions ont été abandonnées ou transférées :

              • L’Agence du numérique a ainsi été transférée à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT),
              • La sous-direction de l’animation territoriale, de l’Europe et de l’International a été supprimée, ces missions étant redistribuées (et le cas échéant ajustées) ou arrêtées.

              L’objectif de ces reconfigurations étant de renforcer les effectifs des services jugés prioritaires :

              • L’économie numérique, avec un quasi-doublement des ETP ;
              • L’industrie (+ 70,6 % des effectifs) et, dans une moindre mesure), le SISSE (Service de l’information stratégique et de la sécurité économique)é.

              Lorsqu’on regarde en région, les bouleversements sont majeurs :

              Des éléments qui demeurent encore à parfaire, malgré la réorganisation

              Le taux de renouvellement du personnel est élevé, à 25 %. Si, comme le souligne la Cour, cela n’est pas inhabituel pour une direction d’administration centrale, il s’agit d’une critique récurrente de la part des partenaires2.

              Par ailleurs, l’articulation avec les autres directions d’administration centrale demeure perfectible. Notamment avec :

              • La DGEFP sur les politiques de l’emploi et de la formation ;
              • La DG Trésor, pour la publication de travaux de référence en matière économique ;
              • Avec les directions métiers des ministères chargés de l’Environnement (pour les sujets liés à l’énergie, la construction…), l’Agriculture (pour le soutien aux entreprises agroalimentaires) ou encore l’Aviation civile…

              1. Étant considéré, notamment, qu’il ressort des missions des conseils régionaux d’animer les politiques économiques locales.
              2. La mobilité en administration centrale est généralement favorisée après deux ou trois ans en poste. Si bien que les turn-over sont le plus souvent élevés, ce qui contraste en effet avec les longévités rencontrées parmi les dirigeants et salariés d’opérateurs de l’Etat, d’entreprises ou d’associations partenaires, les représentants de branches professionnelles ou de fédérations…
              Vue sur la Seine
            4. Les attachés d’administration de l’État : un corps interministériel

              Les attachés d’administration de l’État : un corps interministériel

              Temps de lecture : 6 minutes.

              Un bilan de gestion du corps interministériel des attachés d’administration de l’État a été présenté au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État le 13 juillet 2016. Il est disponible sur le site internet d’Acteurs publics1.

              Le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d’administration de l’État est l’acte fondateur de ce nouveau corps.

              Voilà les principaux éléments du bilan ici synthétisés.

              Des vagues d’intégration de 2013 à 2019

              L’intégration en 2013 de treize corps ministériels

              L’article 20 du décret n° 2013-876 du 30 septembre 2013 a eu pour objet principal de procéder à l’intégration, dans le corps interministériel des attachés d’administration de l’État, des membres des treize corps ministériels suivants : 

              • les attachés d’administration des services du Premier ministre,
              • les attachés des Affaires sociales,
              • les attachés de l’Agriculture et de la pêche,
              • les attachés de la Culture et de la communication,
              • les attachés de l’Économie, des Finances et de l’Industrie,
              • les attachés de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur,
              • les attachés de l’Équipement (écologie),
              • les attachés de l’Intérieur et de l’Outre-mer,
              • les attachés des juridictions financières,
              • les attachés de la Justice,
              • les attachés du Conseil d’État et de la Cour nationale du droit d’asile,
              • les attachés de la Caisse des dépôts et consignations,
              • les attachés de l’Office national des forêts.

              Le texte a également fixé les modalités d’adhésion des membres des trois corps en extinction suivants :

              • les conseillers d’administration scolaire et universitaire (CASU),
              • les directeurs de préfecture et
              • les chefs des services administratifs du Conseil d’État.

              L’intégration en 2014 des personnels civils administratifs relevant du ministère des Armées

              Le mouvement s’est poursuivi par l’article 8 du décret n° 2014-1553 du 19 décembre 2014 portant diverses dispositions relatives au corps interministériel des attachés d’administration de l’État, avec l’intégration des membres de deux corps suivants : 

              • les attachés d’administration de la Défense (désormais, les Armées) et
              • les directeurs des services déconcentrés de la Défense.

              L’intégration en 2015 des personnels civils administratifs relevant de l’aviation civile

              En 2015, ont été intégrés dans le corps interministériel, en vertu de l’article 4 du décret n° 2015-1784 du 28 décembre 2015 :

              • les attachés d’administration de l’Aviation civile.

              L’intégration en 2016 des personnels civils administratifs de l’OFPRA.

              Enfin, le décret n° 2016-907 du 1ᵉʳ juillet 2016 portant diverses dispositions relatives au corps interministériel des attachés d’administration de l’État fixe les modalités d’adhésion au corps :

              • des officiers de protection des réfugiés et apatrides de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

              L’intégration, enfin, des secrétaires des affaires étrangères du cadre d’administration

              Cette intégration, postérieure au bilan ici présenté, est intervenue par l’article 51 du décret n° 2019-86 du 8 février 2019 relatif aux instituts régionaux d’administration.

              Un corps interministériel à gestion ministérielle

              Le corps des attachés d’administration de l’État relève du Premier ministre. Toutefois, sa gestion est ministérielle. D’où l’expression « CIGEM » : pour corps interministériel à gestion ministérielle.

              À titre de comparaison :

              • Les administrateurs de l’État (catégorie A, dite A+) appartiennent à un corps interministériel à gestion interministérielle2 ;
              • Les secrétaires administratifs à un corps ministériel (mais commun à l’ensemble des ministères), à gestion ministérielle3.

              La répartition des attachés d’administration par grade

              Compte tenu des rattachements évoqués plus haut, le corps des attachés relève aujourd’hui de seize autorités de rattachement, soit près de 31 500 agents à la date du bilan (2016), répartis dans les trois grades suivants :

              • 18 500 attachés d’administration (11 500 femmes et 7 000 hommes) — environ 60 % du corps ;
              • 11 000 attachés principaux (6 000 femmes et 5 000 hommes) — soit près de 35 % du corps ;
              • Enfin, près de 2 000 attachés hors classe (dont 500 directeurs de services), à parité entre femmes et hommes — soit 5 % du corps.

              Au titre de 2015, l’âge moyen des agents promus attaché principal (examen professionnel et liste d’aptitude) est de 48,1 ans. Âge relativement stable comparativement aux exercices 2013 et 2014, avec respectivement 46,8 et 48,5 ans.

              L’âge moyen des agents promus au grade d’attaché hors classe est lui de 50 ans au titre de 2015. L’échelon spécial est quant à lui accordé en moyenne à 59 ans.

              La répartition des attachés d’administration par ministère

              Deux ministères concentrent plus de la moitié des effectifs

              Le principal recruteur est sans surprise l’Education nationale avec près de 12 000 attachés d’administration, pour un plafond d’emploi (projet de loi de finances pour 2015) de 984 000 équivalents temps pleins (ETP).

              Le second grand vivier d’attachés d’administration est constitué par le ministère de l’Intérieur4 avec près de 5 500 attachés d’administration, pour 284 000 ETP.

              Les 45 % restants se répartissent dans les différents ministères, juridictions et à la Caisse des dépôts et consignations

              Répartition des attachés d’administration dans les autres ministères5 :

              • 2 800 au ministère de l’Ecologie (ex-équipement)6, pour près de 44 400 ETP ;
              • 2 300 au sein des ministères sociaux (travail et santé), pour 20 000 ETP7 ;
              • 2 000 à l’intérieur des ministères économiques et financiers (à mettre en rapport avec les effectifs des douanes ou de l’inspection des finances publiques) pour 146 000 ETP ;
              • 1 600 au ministère des Armées, pour 267 000 ETP ;
              • 1 400 au ministère de l’Agriculture, pour 31 000 ETP ;
              • 1 000 au ministère de la Justice, pour 79 000 ETP ;
              • 800 à la Caisse des dépôts et consignations ;
              • 600 au ministère de la Culture, pour 11 000 ETP ;
              • 500 dans les services du Premier ministre (dont les effectifs des secrétariats généraux affaires régionales) pour près de 10 000 ETP ;
              • 400 dans les juridictions financières (dont les vérificateurs placés auprès des magistrats) ;
              • 160 au Conseil d’État ;
              • 150 à l’Office national des forêts.

              Ce qui saute aux yeux est évidemment la petitesse de leur nombre, au regard de l’ensemble des effectifs desdits ministères.

              Les avantages d’un corps interministériel

              La création d’un corps interministériel visait à faciliter la mobilité et l’attractivité du corps des attachés d’administration.

              En termes opérationnels, la création de ce corps a permis les avancées suivantes :

              • La fin de la pratique du détachement et de la double carrière. Les attachés d’administration peuvent désormais librement passer d’une administration à une autre8 ;
              • L’application d’un taux de promotion pour l’accès au grade d’attaché principal identique pour toutes les autorités de gestion du corps depuis 2015. Ce taux de référence est de 7 % ;
              • Une convergence indemnitaire entre les autorités de gestion (encore imparfaite) ;
              • La création d’un troisième grade d’attaché hors classe et d’un échelon spécial dans le corps interministériel des attachés d’administration de l’État. L’objectif étant de revaloriser la carrière du corps des attachés, de mener une réflexion sur la cartographie des fonctions de catégorie A et d’ouvrir de nouvelles perspectives fonctionnelles pour les attachés principaux les plus confirmés.

              La composition du corps

              Des entrées dans le corps très hétérogènes

              Au titre de 2015, près de 2 000 recrutements ont été réalisés :

              • 600 par la voie des Instituts régionaux d’administration (IRA) ;
              • 100 par la voie de concours directs organisés par les ministères ;
              • 300 par la voie du concours réservé dit « Sauvadet » (pour les contractuels) ;
              • 500 par liste d’aptitude au titre de la promotion interne ;
              • 160 par examen professionnel ;
              • 285 par intégration directe ou détachement.

              Les recrutements réalisés par les IRA sont donc particulièrement faibles, constituant à peine le tiers des entrées.

              Des sorties moins élevées, signe d’un corps en expansion

              En effet, seules 1 200 sorties sont relevées sur l’exercice 2015. Parmi celles-ci, près de 1 000 départs en retraite.

              Le reliquat est constitué de promotions de corps (administrateurs civils, magistrats…), une intégration dans un autre corps (inspecteur des finances publiques…) ou par une sortie de la fonction publique.

              Un corps faisant l’objet d’une mobilité ministérielle et interministérielle

              Près de 2 000 mobilités annuelles au sein de l’autorité de gestion sont enregistrées chaque année (changement de service ou d’établissement), pour environ 500 mobilités en dehors de l’autorité de gestion (mobilité interministérielle). Soit un taux de mobilité d’environ 8 %.

              1. A ma connaissance, les autres bilans de gestion n’ont pas été rendus publics, ce qui interroge sur la transparence dans la gestion des effectifs. Ces bilans sont prévus à l’article 7 du décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011.
              2. Article 1 du décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l’Etat.
              3. Article 4 du décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux corps des secrétaires administratifs des administrations de l’Etat et à certains corps analogues relevant du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l’Etat.
              4. Dont l’Outre-mer.
              5. Nous ne disposons pas du nombre d’attachés pour les affaires étrangères, près de 17 000 ETP au titre de 2006, mais les effectifs d’attachés y sont également très modestes.
              6. Dont l’aménagement du territoire.
              7. Comparativement aux autres ministères, il s’agit donc du périmètre le plus « intensif » en attachés d’administration.
              8. Les attachés étant en « position normale d’activité ». Ce qui n’est donc toujours pas le cas des secrétaires administratifs évoqués plus haut.
            5. Le vieillissement de la fonction publique

              Le vieillissement de la fonction publique

              Temps de lecture : 10 minutes.

              Lecture d’un document récent1 de la Cour des comptes consacré à : L’allongement de la vie professionnelle des agents dans une fonction publique vieillissante.

              Le vieillissement des travailleurs n’est évidemment pas propre à la fonction publique2. En revanche, compte tenu de l’importance des trois fonctions publiques françaises au regard de l’ensemble des actifs, un rapport n’était pas inutile.

              Un vieillissement principalement lié aux réformes successives des retraites

              À cet égard, le graphique présenté par la Cour est éclairant :

              Cette pression du vieillissement est due à deux phénomènes conjugués :

              • Un départ en retraite plus tardif,
              • Une arrivée dans la fonction publique, également plus tardive.

              On peut également y ajouter une politique de recrutements heurtée, qui a induit notamment sous le mandat de Nicolas Sarkozy, un vieillissement de la cohorte du fait du non-remplacement de l’ensemble des fonctionnaires partant en retraite :

              Des agents qui partent en retraite de plus en plus tard

              La Cour note ainsi que les agents civils sédentaires partent en moyenne à 63 ans et 8 mois.

              Le report de l’agent de retraite à 64 ans n’aura donc qu’un effet très marginal sur la fonction publique :

              « La dernière étude communiquée par les services de l’État à la Cour évalue le « gain » de ce report (de l’âge de retraite à 64 ans) à 150 M€ pour 2024 et 2025. Pour une masse salariale estimée à 153,6 milliards d’euros sur 2024. »

              « Les différentes réformes de 2003, 2010 et 2014 ont progressivement repoussé l’âge de départ à la retraite des agents de la fonction publique. En 2006, 80 % des agents de catégorie sédentaire3 de la FPE partaient avant 61 ans, ils n’étaient plus que 10 % en 2022. Les agents de catégorie active enregistrent la même évolution : la part des fonctionnaires civils de catégorie active partant à la retraite après 55 ans est passée de 39 % en 2006 à 93 % en 2022. »

              Des jeunes de moins en moins jeunes

              L’âge moyen d’entrée dans la fonction publique d’État est en constante augmentation depuis plusieurs décennies :

              « Pour les agents civils, l’âge moyen d’entrée passe de 23 ans en 1980 à 29 ans en 2020. Cette tendance qui a vocation à se poursuivre s’explique par l’augmentation de la durée des études (qui vaut aussi pour la population générale) et les effets des « doubles carrières » privé/public, de plus en plus fréquentes. »

              Les agents de l’État sont particulièrement concernés, puisqu’il s’agit de la fonction publique structurellement la plus diplômée.

              De 1980 à 2020, l’âge moyen d’entrée dans la fonction publique passe ainsi :

              • De 26 à 31 ans pour la catégorie A,
              • De 22 à 26 ans pour la catégorie B et
              • De 23 à 27 ans pour la catégorie C.

              Des différences marquées entre fonctions publiques

              La moyenne d’âge des agents de la fonction publique d’État est de 44 ans. Ce qui correspond également à la moyenne d’âge de l’ensemble des agents des trois fonctions publiques.

              Toutefois, en analysant plus précisément chaque fonction publique, des disparités se font jour :

              • La moyenne d’âge de la fonction publique territoriale est de 46 ans, c’est la plus élevée des trois fonctions publiques ;
              • À l’inverse, la moyenne d’âge de la fonction publique hospitalière est de 42 ans. Il s’agit de la fonction publique la plus jeune.

              À titre de comparaison, la moyenne d’âge dans le secteur privé est de 41 ans. L’écart avec le secteur privé s’explique essentiellement par l’entrée plus tardive dans la fonction publique.

              La situation spécifique des seniors et les diversités de situation entre les trois fonctions publiques

              La proportion d’agents civils de plus de 50 ans est de 33 % pour l’État, contre une moyenne de 36 % pour l’ensemble des fonctions publiques. L’État se distingue donc par une fonction publique comportant relativement moins de « seniors ».

              La spécificité de l’État tient aussi à la surreprésentation de catégories A et A+ parmi les agents de plus de 60 ans. Ces derniers connaissant par ailleurs une forte dynamique démographique :

              « La situation des agents de plus de 60 ans différencie nettement la FPE du reste de la fonction publique : depuis 2010, leur part dans les effectifs est passée de 4 % à 9 % en 2021, elle devrait s’élever à l’échéance de 10 ans à 12 %, puis en 2040 à 14 %. »

              À l’inverse, le vieillissement accéléré est plus marqué pour les agents de catégorie C dans les collectivités territoriales.

              Le cas spécifique des agents administratifs de catégorie A (et A+) de l’État

              Les agents administratifs de la fonction publique représentent près de 162 000 agents :

              • 31 000 attachés d’administration de l’État ;
              • 51 000 secrétaires administratifs et
              • 80 000 adjoints administratifs.

              Ces professions, vieillissantes, sont par ailleurs très féminisées (a fortiori pour les secrétaires administratifs et adjoints). L’âge moyen des secrétaires d’administration atteint déjà 50 ans.

              Pour les attachés d’administration, le besoin de renouvellement à 10 ans serait estimé à environ 35 % des effectifs actuels, soit 11 000 agents.

              La Cour des comptes ne le relève pas, mais il convient aussi de préciser la transformation profonde à l’œuvre dans les effectifs administratifs avec :

              • Une suppression progressive des adjoints administratifs et
              • Une réduction du nombre de secrétaires administratifs.

              Cette recomposition, déjà détaillée dans une étude de la DARES de 2015, tient principalement à :

              1. La numérisation croissante de l’activité administrative ;
              2. Le besoin d’une expertise de plus en plus pointue et
              3. Une modification des modalités de fonctionnement des administrations, avec une dynamique de projet, toujours plus marquée (cas de la Direction générale des entreprises, par exemple).

              Une accélération récente du vieillissement des agents pour l’État

              Le vieillissement accéléré des agents de l’Education nationale

              Les enseignants de l’Education nationale constituent 80 % des agents de catégorie A de l’État.

              Or, parmi les agents de l’Education nationale, les agents de plus de 60 ans passeraient de 6 % du total des effectifs aujourd’hui à 16 % en 2035. Soit un niveau légèrement au-dessus de leur proportion dans l’ensemble de la fonction publique d’État.

              La situation du ministère de l’Intérieur

              Le ministère de l’Intérieur emploie un peu plus de 300 000 agents, dans la très grande majorité des fonctionnaires :

              • Ils appartiennent à la fonction militaire pour 34 % (les gendarmes) et
              • À 45 % aux personnels actifs de la police.

              Autrement dit : près de 80 % de ses agents relèvent de régimes dérogatoires de date de prise de la retraite. Malgré cela, une part significative des agents du ministère de l’Intérieur se concentre autour de la cinquantaine.

              Ce vieillissement s’explique par une politique de recrutement non-linéaire :

              • Des recrutements importants de 1998 à 2003,
              • Suivis de baisses d’effectifs de 2007 à 2015,
              • Puis, d’une nouvelle reprise des recrutements.

              Un élément suscite toutefois une profonde interrogation, mais il ne fait malheureusement pas l’objet d’investigations plus approfondies de la Cour : la situation du réseau préfectoral.

              Ce vieillissement accéléré semble signaler une profonde transformation à venir du réseau :

              Les agents des ministères économiques et financiers (la DGFiP)

              En raison de l’importance de leurs effectifs et de leur réseau déconcentré, un examen des grands corps d’inspection de Bercy s’imposait pour la Cour.

              En effet :

              • La direction générale des Finances publiques (DGFIP) réunit 95 000 agents, dont 1 500 A+ et
              • La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), près de 17 000 agents.

              À elles seules, ces deux directions représentent 87 % des emplois des ministères et financiers (MEF). Elles ont déjà fait l’objet d’un traitement par la Cour récemment, s’agissant de la gestion de ses informaticiens.

              Une situation dégradée s’agissant de la DGFiP :

              51 % des agents de la DGFiP ont plus de 50 ans et leur moyenne d’âge est de 48 ans4. Plus inquiétant, : cet âge moyen continue d’augmenter au fil des ans.

              Le vieillissement est encore plus marqué pour les cadres supérieurs de la DGFiP (qui incluent les inspecteurs principaux, inspecteurs divisionnaires et administrateurs des finances publiques adjoints). 74,5 % d’entre eux ont plus de 55 ans et ils partent à la retraite, en moyenne, à 64,7 ans.

              Une situation plus nuancée s’agissant des douanes :

              La moyenne d’âge est de 46 ans et 1 mois pour les douanes. Soit un niveau légèrement supérieur à celui de l’ensemble de l’État. Toutefois, une part importante des effectifs de la DGDDI sont en catégorie active, ce qui est normalement de nature à baisser la moyenne d’âge du corps. Comme pour l’Intérieur, la situation en termes de ressources humaines est donc à surveiller.

              Une évolution problématique des politiques de recrutement des hauts fonctionnaires

              La Cour souligne les contradictions dans la gestion de l’encadrement supérieur

              Des nominations de plus en plus jeunes aux plus hautes fonctions de l’État :

              La Délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE) observe la tendance, davantage marquée, à nommer des agents toujours plus jeunes à des postes d’encadrement supérieur :

              La tranche des 41-45 ans est la génération la plus représentée parmi les nominations effectuées sur des postes de cadres dirigeants en 2023 : directeurs d’administration centrale, délégués interministériels, secrétaires généraux des ministères, préfets, ambassadeurs, recteurs.

              De même, et comme on l’a vu ici dans une autre étude de la Cour sur l’évolution des rémunérations des cadres dirigeants de Bercy : l’accélération des carrières est un point central de la réforme de l’encadrement supérieur. Cette accélération devant inciter les hauts fonctionnaires à occuper des postes d’emplois fonctionnels5.

              Une réforme de la haute fonction publique qui interroge sur les conditions d’emploi des hauts fonctionnaires les plus âgés :

              En retenant uniquement les 2 600 cadres dirigeants suivis par la DIESE précitée :

              • 52 % des agents ont plus de 55 ans (et 10 % plus de 65 ans) ;
              • 35 % ont entre 45 et 55 ans ;
              • 13 % ont moins de 45 ans.

              Au total, l’âge moyen de la population des cadres dirigeants en poste s’établit à 56 ans (hommes) et 54 ans (femmes), leur laissant une perspective de vie professionnelle d’au moins 12 ans.

              La réforme de la haute fonction publique a induit des transformations considérables, avec une logique « d’emploi », dans une fonction publique encore largement de « carrière » :

              • Création du corps des administrateurs de l’État et disparition des corps préfectoral, diplomatique et de l’ensemble des corps d’inspection :
                • Inspection générale des finances ;
                • Inspection générale des affaires sociales ;
                • Inspection générale de l’administration ;
                • Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche…
              • Fonctionnalisation en conséquence de ces différents métiers6, induisant une concurrence entre les hauts fonctionnaires et les contractuels.

              Ainsi, il n’y a plus de « droit au retour » du haut fonctionnaire dans son ancien corps (diplomatique, préfectoral, inspection générale…). Ce qui constitue un point d’attention pour la Cour :

              Le risque de créer une masse d’agents sans affectation, indépendamment de la gestion frictionnelle traditionnelle des nominations, est non seulement plus grand, mais aussi plus visible.

              Les propositions de la Cour pour accompagner ce vieillissement

              La retraite progressive

              La retraite progressive permet aux bénéficiaires de réduire progressivement leur activité à l’approche de la retraite sans perte substantielle de rémunération.

              Au 1ᵉʳ janvier 2024, le nombre d’agents éligibles était estimé à 124 000. Les générations de 1958 à 1963 concentrent plus de 90 % des éligibles :

              • 47 % d’entre eux relèvent du ministère de l’Éducation nationale,
              • 13 % du ministère de l’Économie et des Finances.

              Pour autant, la Cour s’interroge sur le dispositif actuel :

              • L’incitation à la prise de temps partiels supérieurs à 50 % du temps de travail semble disproportionnée et peu compatible avec les nécessités de service ;
              • Le coût de cette incitation n’est pas suffisamment évalué, notamment au regard des gains attendus ;
              • L’impact sur les plafonds d’emplois soulève également une question ;
              • Enfin, le message doit également être plus clair et transparent :

              « Certes, la décision d’accorder une préretraite progressive est à la main de l’employeur, toutefois cette mesure risque d’être considérée comme un acquis social lié à l’aménagement des conditions de travail et non comme un instrument de régulation de l’emploi, une contrepartie de l’allongement des carrières à destination des agents qui ont du mal à l’approche de la retraite à effectuer un temps plein. »

              Diversifier les emplois des administrateurs de l’État et s’interroger sur la sortie de la fonction publique

              Une première proposition consistant à développer les fonctions d’ « experts de haut niveau »

              Les emplois des administrateurs de l’État sont les suivants :

              • En début de carrière : chargés de mission auprès d’un sous-directeur ou d’un directeur, adjoint auprès d’un chef de bureau ;
              • Chef de bureau,
              • Détaché sur un emploi fonctionnel.

              Sauf à occuper un emploi fonctionnel, les perspectives de carrière sont donc réduites.

              Par conséquent, la Cour préconise d’augmenter le nombre d’ « experts de haut niveau ». Certes, ces emplois sont fonctionnels (de ce fait, contingentés), mais leur nombre est aujourd’hui très réduit : moins d’une centaine de postes pour l’ensemble de l’État. Une première piste consisterait donc à augmenter le nombre de ces emplois afin de faire fructifier l’expérience des hauts fonctionnaires sans affectation.

              On peut toutefois s’interroger sur la pertinence de cette analyse qui revient à inverser la réflexion sur les besoins d’une organisation de travail7.

              Les autres propositions

              D’autres perspectives sont esquissées par la Cour :

              • La limitation des prolongations au-delà de la limite d’âge8 (actuellement 67 ans) ;
              • L’utilisation des ruptures conventionnelles de façon ciblée. 

              La faiblesse des propositions de la Cour tient, il me semble, aux difficultés inhérentes aux réformes récentes de la fonction publique.

              En effet, comme j’ai pu l’énoncer plus haut, la tension entre la fonction publique d’emploi et de carrière induit inévitablement un décalage :

              • La fonction publique de carrière est assise sur le recrutement par concours d’un fonctionnaire, avec l’accès à des emplois fonctionnels en dernière partie de carrière9 et
              • La fonction publique d’emploi est assise sur le principe de mise en concurrence des emplois d’encadrement supérieurs (avec les contractuels), en contrepartie d’une absence de droit à carrière10.
              1. Délibéré le 30 septembre 2024.
              2. Voir notamment l’étude de l’INSEE consacrée au Vieillissement de la population active publiée au 1er décembre 2022, dans la revue Économie et Statistique, n° 355-356.
              3. Les agents « sédentaires » sont les agents qui ne sont pas « actifs ». Les agents « actifs » sont les agents qui exercent des fonctions présentant des risques particuliers ou des fatigues exceptionnelles : infirmiers, aides-soignants, douaniers, policiers, personnels pénitentiaires, contrôleurs aériens.
              4. Pour rappel, la moyenne d’âge est de 44 ans dans la FPE.
              5. Les emplois fonctionnels correspondent aux emplois les plus élevés des trois fonctions publiques. Pour l’Etat, il s’agit des préfets, recteurs, délégués interministériels, directeurs d’administration centrale et secrétaires généraux, chefs de service et sous-directeurs.
              6. Autrement dit, l’accès à une fonction se fait après le passage devant un comité de sélection. Le haut-fonctionnaire sélectionné est alors détaché sur l’emploi. Si c’est un contractuel qui est sélectionné, il signe un contrat sur une période déterminée.
              7. En clair : la Cour préconise de créer des emplois fonctionnels, donc particulièrement rémunérés, pour occuper des hauts fonctionnaires qui, sinon, seraient sans affectation. À l’évidence, ces créations d’emplois d’experts de haut niveau devront donc restées mesurées.
              8. De très nombreux hauts-fonctionnaires sollicitent une prolongation de la limite d’âge afin de pouvoir demeurer sur leurs fonctions.
              9. En tempérant d’emblée le principe s’agissant de la France du fait d’une politique de recrutement de hauts fonctionnaires dès la sortie de l’enseignement supérieur ou peu après.
              10. En tout cas, théoriquement. Dans la fonction publique étasunienne, les agents gouvernementaux disposent tout de même d’une sécurité de l’emploi et de grilles salariales.

            6. Présentation de la direction du Budget en moins de dix minutes

              Présentation de la direction du Budget en moins de dix minutes

              Temps de lecture : 8 minutes.

              « Miroir, dis-moi qui est la plus belle » : La Cour des comptes parle de la direction du Budget.

              Lecture commentée du rapport de la Cour des comptes relatif à la préparation et au suivi du budget de l’État, ou comment : « redonner une place centrale à la maitrise de la dépense. »

              Les missions de la direction du Budget

              La Cour des comptes rappelle d’abord les principales missions de la direction du Budget :

              • Assurer la coordination interministérielle dans l’élaboration et l’exécution des projets de loi de finances (les fameux « PLF ») ;
              • Surveiller la soutenabilité de la programmation et de la gestion de chaque ministère par son réseau de CBCM et CBR1.

              La structuration de la direction du budget

              La direction du budget comptait 382 agents à fin 2021 :

              • 245 agents en administration centrale et
              • 137 agents dans son réseau de comptables et contrôleurs budgétaires.

              Celle-ci est composée quasi exclusivement de catégorie A (47 %) et A+ (43 %)2. Ce point est toutefois de plus en plus commun entre les directions d’administration centrale. Il s’explique par la technicité croissante des sujets traités.

              Particularités dans le champ administratif :

              • Un taux de féminisation bas (43,2 % pour l’administration centrale), encore davantage marqué pour les emplois de direction et d’encadrement (moins du tiers) ;
              • Comme évoqué plus haut, la quasi-parité s’agissant des catégories A entre les encadrants dits « supérieurs », ou : « A+ », et les autres catégories A, essentiellement des attachés d’administration de l’État.

              À noter :

              Sur la période récente, la direction du budget a légèrement évolué :

              • Par la création d’un secrétariat général3 et
              • Par l’ajout d’une fonction de « sous-directeur adjoint ». L’objectif étant de doter les sous-directeurs d’un adjoint afin de renforcer la fonction managériale et d’accroître les perspectives de promotion interne.

              Une chaîne hiérarchique courte et une surreprésentation de hauts fonctionnaires

              La Cour des comptes parle étrangement d’un « faible taux d’encadrement ». Ce qui semble être une erreur, ou alors le raisonnement est étrange, puisque dans les conclusions de la Cour, il est justement relevé que :

              « 1,06 agent de catégorie A est encadré par 1 agent A+ en administration centrale. »

              Une chefferie de bureau très exposée

              Concrètement, l’essentiel du travail technique est réalisé au niveau du bureau sectoriel : par le chef de bureau et ses quelques agents4.

              Le chef de bureau, comme pour les autres administrations centrales, se distingue par une expérience de plusieurs années. Autrement dit, de plusieurs cycles budgétaires. Cette expérience lui permet de disposer des réflexes à même de « sentir » les arbitrages sensibles et de prioriser les dossiers dans la conduite quotidienne du travail administratif.

              Les agents de la direction

              Commentaire :

              Malgré la parité des effectifs entre les catégories A et A+, la Cour des comptes présente des développements quasi exclusivement consacrés aux seconds. Cette appréciation partielle nuit à la compréhension globale de la direction.

              Une direction attractive, souvent considérée comme un « booster » de carrière pour les jeunes agents

              La Cour des comptes note plusieurs éléments pouvant porter atteinte à l’attractivité de la direction :

              • Des contraintes horaires et calendaires fortes ;
              • Des tâches complexes et répétitives, notamment dans l’harmonisation des tableaux budgétaires, suite aux arbitrages ;
              • Une moindre rémunération indemnitaire pour les administrateurs de l’État primo-affectés à la direction du budget : 29 400 euros de primes annuelles en 2021 contre une moyenne de 32 800 euros pour l’ensemble des administrateurs civils d’alors.

              Pour autant, en dépit des contraintes, la direction « demeure attractive » selon la Cour, car elle offre ainsi une importante visibilité aux agents. Visibilité qui permet aux agents de prétendre à des évolutions professionnelles rapides.

              Une direction particulièrement jeune

              « L’âge moyen des agents de la direction en administration centrale (39,2 ans) est inférieur de 8,5 années à celui de l’ensemble des agents d’administration centrale des ministères économiques et financiers en 2021 (47,7 ans). L’âge moyen des cadres A+ de l’administration centrale (34,0 ans) en 2022 est particulièrement jeune, de plus de dix ans inférieur à la moyenne de celui des cadres A+ des ministères économiques et financiers (44,7 ans) : 25 % des cadres A+ ont moins de 30 ans et 52 % ont moins de 35 ans, alors que 78 % des cadres A (moyenne d’âge de 44 ans) et 90 % des cadres B et C ont plus de 35 ans. »

              La Cour des comptes explique la jeunesse de cet encadrement supérieur par :

              • Les modalités de recrutement de la direction en sortie d’école (élément partagé pour partie par la direction de la Sécurité sociale, notamment) ;
              • Un moindre intérêt des agents expérimentés pour des fonctions exigeantes5 et sans responsabilités managériales importantes. Fonctions qui peuvent également présenter un caractère rébarbatif et théorique – éloigné des politiques publiques6.

              D’où viennent les agents de la direction du budget ?

              La moitié des cadres supérieurs sont des administrateurs de l’État formés à l’Institut national du service public (ex-ENA), un cinquième est issu de Polytechnique et plus du tiers est contractuels : recrutés en sortie de grandes écoles de commerce ou de Sciences Po Paris.

              À titre marginal, la direction compte également quelques profils atypiques : fonctionnaires des assemblées, militaires, administrateurs territoriaux, commissaires.

              S’agissant des cadres A, la direction recrute auprès :

              • Des instituts régionaux d’administration (IRA) formant les attachés d’administration de l’État ;
              • Des agents confirmés d’autres directions, et notamment de la direction générale des Finances publiques ou de la direction générale du Trésor, voire d’autres ministères, enfin
              • Des contractuels, ayant le plus souvent assuré des fonctions financières dans le privé.

              Où partent-ils ?

              La Cour des comptes n’a répertorié que les mobilités des A+.

              En 2018, à l’issue de leur passage dans la direction, ils rejoignaient dans 52 % des cas un ministère, dans 20 % un établissement public et dans 12 % le secteur privé.

              Un recrutement de contractuels en concurrence avec l’INSP

              Comme énoncé plus haut, le tiers de l’encadrement supérieur de la direction du budget est d’origine contractuelle.

              À cet égard, la Cour s’interroge sur l’attractivité du concours de l’INSP pour ces profils. Ceux-ci sont souvent bien formés et peu désireux de perdre plusieurs années à préparer, puis suivre, la formation de l’INSP.

              Par ailleurs, les contractuels peuvent désormais accéder aux emplois fonctionnels des directions d’administration centrale (autrement dit, aux postes de chefs de bureaux, et par la suite de sous-directeurs).

              Un recrutement de contractuels qui soulève aussi une question vis-à-vis des catégories A

              La Cour des comptes ne le note pas, mais cette situation crée aussi des inégalités avec les agents de catégorie A qui, pour certains, sont également sortis de grandes écoles (en particulier de Science Po Paris).

              Une dizaine d’attachés principaux exercent ainsi des fonctions de chefs de bureau à la direction du budget. Leurs sujétions sont identiques à celles des administrateurs et des contractuels. Toutefois, leur carrière, dans ce corps de catégorie A, s’arrêtera là. En effet, les attachés d’administration, comme les inspecteurs des finances publiques… ne peuvent pas, statutairement, exercer des fonctions d’encadrement supérieur7.

              Un fort turnover, facteur de risques pour la gestion des compétences

              La part importante de contractuels, qui n’ont pas vocation à « faire carrière » (même s’ils le peuvent), couplé à un taux de rotation également élevé des fonctionnaires, nécessitent une incessante lutte pour conserver un niveau d’expertise approprié.

              D’autant que les missions de la direction du budget impliquent des négociations budgétaires avec les ministères et un travail de représentation dans près de 250 conseils d’administration d’opérateurs et assimilés.

              « Le taux de rotation annuel des agents de l’administration centrale de la direction est de 43 % pour les cadres A+ fin 2021, ce qui signifie que la durée d’occupation des postes n’est que légèrement supérieure à deux ans, sous-directeurs compris. Près d’un quart des effectifs est renouvelé par recrutement extérieur chaque année. Ce taux de rotation a pour effet de raccourcir le déroulement des carrières et de limiter le retour sur investissement de l’administration centrale puisqu’en moyenne, plus de 70 % des effectifs de la direction y passe moins de cinq ans. »

              Une asymétrie dans les carrières proposées à l’encadrement supérieur

              « Compte tenu de la rapidité du début de carrière, la direction peut proposer un poste de sous-directeur à des cadres A+ parfois âgés de moins de 35 ans et de retour de mobilité, ce qui peut poser difficulté pour dérouler ensuite une carrière, au même rythme, dans les autres administrations. »

              La réflexion s’arrêtera là, encore une fois, et on ne s’interrogera pas sur les perspectives d’autres corps de la direction du budget.

              Une tension liée à la formation en interne

              Le taux de rotation élevé implique également une charge de travail plus importante pour les agents en poste, pour former les nouveaux arrivants.

              Pour favoriser le développement des compétences, la direction encourage les départs en formation. Mais, l’objectif de deux jours par an n’était, à la date du rapport, atteint que par 14 % des agents.

              Une autre initiative, plus installée, consiste à développer annuellement des travaux internes prospectifs et stratégiques destinés à réfléchir sur les thématiques budgétaires des bureaux sectoriels8.

              Les agents du réseau de la direction du budget

              Les onze départements du contrôle budgétaire (DCB) comptaient en 2021 131 agents, auxquels s’ajoutent 22 contrôleurs budgétaires en région (CBR) et en outre-mer.

              Une structuration hiérarchique très différente de l’administration centrale

              Les agents du DCB et du CBR appartiennent à une structure nettement plus classique, qui se rapprocherait de l’administration déconcentrée ou d’un service à compétence nationale.

              On y trouve ainsi « seulement » 17 cadres A+, 78 catégories A, 28 catégories B et 8 agents de catégorie C.

              L’âge moyen en DCB était de 51 ans en 2021 et seuls 40 % des agents y restaient moins de cinq années, pour une ancienneté moyenne de 8 ans.

              Des postes techniques, plus comptable que budgétaire

              Au total, près de 12 500 équivalents temps pleins (ETP) travailleraient sur une fonction de gestion budgétaire et financière au sein de l’État (hors fonctions comptables).

              Dans ce cadre, les postes en DCB et CBR constituent des étapes importantes, permettant d’assumer des responsabilités financières dans les ministères ou leurs opérateurs.

              Une attractivité moindre

               « Les candidatures sont peu nombreuses et émanent essentiellement de la direction centrale et des autres DCB, attestant de la faible attractivité de ces fonctions budgétaires à l’extérieur de ce vivier. »

              Les agents ressentent des charges de travail croissantes et moins valorisées dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique9. En dépit du reclassement de l’ensemble de ces emplois en experts de haut niveau de groupe II et des revalorisations indemnitaires associées.

              Alors que la diversité des compétences est promue par la DGAFP, les agents des CBCM s’inquiètent d’être pénalisés par leur spécialisation.

              1. Ces acronymes désignent les services du contrôle budgétaire et comptable ministériel (comptables et contrôleurs des dépenses placés au sein des secrétariats généraux des ministères) et les contrôleurs budgétaires régionaux, en régions.
              2. C’est-à-dire de cadres.
              3. Le secrétariat général, créé par arrêté du 15 novembre 2022, regroupe désormais les quatre entités chargées des fonctions supports de la direction (40 agents).
              4. Etant précisé que contrairement aux administrations centrales « classiques », ces agents sont statutairement qualifiés d’ « adjoints ». Cela leur ouvre droit à des indemnités supérieures.
              5. Les contraintes horaires et calendaires mentionnées plus haut.
              6. Il faut aimer Excel, les synthèses de « Jaunes » et les boucles de courriels.
              7. Et, plus spécifiquement, occuper un poste de sous-directeur, conformément au décret n° 2012-32 du 9 janvier 2012 relatif aux emplois de chef de service et de sous-directeur des administrations de l’Etat.
              8. Une réflexion annuelle similaire existe également dans l’autre grande direction financière de l’Etat : la direction de la sécurité sociale.
              9. Une nouvelle fois, bien que les cadres supérieurs ne représentent ici « que » 20 % des effectifs, la Cour sait leur prêter une oreille attentive.
              Un cadran et un tas de pièces : la DB en dix minutes