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  • Le temps de travail des agents publics ?

    Le temps de travail des agents publics ?

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 13)

    Temps de lecture : 6 minutes.

    Le temps de travail

    Peu d’indicateurs de qualité de l’emploi placent la fonction publique dans une situation nettement plus favorable que le secteur privé. La conciliation des temps fait partie de ces exceptions. Les fonctionnaires et agents publics déclarent une durée annuelle de travail plus faible (même si les comparaisons demeurent très difficiles). Surtout, ils sont en général plus satisfaits de l’équilibre vie privée, vie professionnelle. Cependant, au sein de cet agrégat, certaines professions publiques sont en grande tension, notamment les directeurs d’établissement scolaire, les professionnels du soin et de la sécurité.

    La durée annuelle du travail est inférieure dans la fonction publique

    La durée annuelle effective de travail des salariés à temps complet du privé est de 1698 heures, contre 1 632 heures pour les agents de la fonction publique (hors enseignants)1 :

    • 1 684 heures pour les agents de l’État ;
    • 1 599 heures pour les agents de collectivités territoriales (soit près de trois semaines travaillées d’écart) et
    • 1 622 heures pour les agents du secteur hospitalier.

    Cet écart est essentiellement lié au :

    • Nombre de jours d’arrêt maladie, en moyenne plus élevé dans la fonction publique (et tout particulièrement dans la fonction publique territoriale) ;
    • Par un nombre plus élevé de jours de congés annuels (congés payés, RTT ou CET)2 et
    • Dans une moindre mesure, par le recours plus élevé à la formation professionnelle.

    Toutefois, de 2006 à 2023, on constate une réduction progressive de cet écart de temps de travail annuel : celui-ci n’est plus que de 3,6 %, quand il était de 8 % en 2006.

    Le travail en horaires atypiques est plus répandu dans la fonction publique

    • 57 % des agents hospitaliers ont travaillé au moins une fois le samedi lors des quatre dernières semaines, contre 36 % dans le privé ;
    • 53 % des agents hospitaliers ont travaillé au moins une fois le dimanche sur la même période, contre 18 % dans le privé ;
    • 45 % des agents de l’État (enseignants compris) et une proportion similaire dans le secteur hospitalier ont subi lors des quatre dernières semaines une « contrainte horaire élevée », contre 25 % dans le privé.

    Des durées longues de travail (supérieures à 44 heures par semaine) plus répandues pour certains métiers

    Une situation relativement plus favorable pour les cadres administratifs

    • 32 % des cadres de catégorie A déclarent travailler plus de 44 heures par semaine ;
    • Un pourcentage inférieur à quasiment tous les métiers de cadres dans le privé3, où les réponses vont de 43 % dans les transports à 57 % dans le commerce.

    Des contrastes dans le monde enseignement

    Les enseignants sont dans l’ensemble moins concernés par les durées longues de travail. Mais, au sein du secteur de l’enseignement, certains corps ou métiers sont nettement plus exposés :

    • 41 % des enseignants du supérieur déclarent de telles durées de travail ;
    • 78 % pour les directeurs d’établissement. Identifiés comme l’un des trois métiers les plus exposés parmi les 225 familles professionnelles.

    Pour rappel, le temps de travail des enseignants ne se résume pas aux heures de présence devant les élèves :

    Une intensité au travail particulièrement élevée dans les métiers de la sécurité et du soin

    • 33 % des professionnels publics des métiers de la sécurité déclarent travailler sur des durées longues. Ce pourcentage est très inférieur pour les agents de sécurité privée ;
    • 71 % des médecins du secteur hospitalier déclarent travailler plus de 44 heures par semaine. Une proportion semblable à celle des médecins libéraux, mais deux fois supérieure à celle des médecins salariés du secteur privé (34 %).

    Le recours au temps partiel

    Un recours en apparence comparable au secteur privé

    La part des agents de la fonction publique travaillant à temps partiel est comparable aux salariés du privé :

    • 18 % dans le public ;
    • 17 % dans le privé.

    Ce recours est plus répandu parmi les contractuels (28 %) et dans la fonction publique territoriale (23 %)4.

    Un recours un peu plus égalitaire entre les hommes et les femmes dans la fonction publique

    Les femmes sont plus concernées par le temps partiel que les hommes dans la fonction publique, mais l’écart de recours est moindre que dans le privé :

    • 24 % des femmes et 8 % des hommes travaillent à temps partiel dans le secteur public (soit un écart de 16 points) ;
    • Contre respectivement 28 % et 7 % dans le privé (un écart de 21 points).

    Un télétravail un peu plus choisi et pour une durée hebdomadaire en moyenne plus longue que dans le privé

    Le temps partiel à 80 % concerne 36 % des femmes du secteur public, contre 21 % du privé. Inversement, 25 % des femmes à temps partiel dans le privé occupent un emploi inférieur au mi-temps, contre 12 % dans le public.

    Par ailleurs, 6 % des agents du secteur public disent « subir » leur temps partiel, contre 8 % dans le secteur privé5.

    Le recours au télétravail

    Le recours au télétravail est possible depuis 2012 dans la fonction publique. Il est néanmoins demeuré marginal jusqu’à la crise sanitaire de 2020.

    Le décret du 5 mai 2020 continuait de laisser une marge de manœuvre importante aux administrations publiques. Cependant, l’accord du 13 juillet 2021 relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique a bousculé les employeurs en imposant un « droit au télétravail », sauf à justifier d’une impossibilité pour raison de service6.

    Désormais, l’autorisation de télétravail peut être délivrée pour un recours régulier ou ponctuel. Concrètement, la quotité de travail pouvant être exercée sous forme de télétravail régulier ou ponctuel peut varier jusqu’à trois jours maximum par semaine, voire davantage dans certaines circonstances.

    À l’occasion de la crise sanitaire, le télétravail a été généralisé très rapidement dans la fonction publique. Toutefois, il demeure moins pratiqué que dans le secteur privé :

    • 19 % des agents publics pratiquaient le télétravail en 2023, contre 6 % en 2019 ;
    • 26 % des salariés de droit privé pratiquaient le télétravail en 2023, alors qu’ils étaient 9 % en 2019.

    Sur la conciliation

    Une conciliation des temps en moyenne plus favorable dans le secteur public

    Les métiers publics sont en général plus favorables s’agissant de la conciliation des temps personnels et familiaux avec le temps de travail :

    • 12 % des enseignants et 13 % des cadres de catégorie A de l’administration se déclarent en difficulté de conciliation ;
    • Ce pourcentage est de 17 % dans la population générale de salariés (et de 14 à 23 % pour les cadres privés).

    Pour ces fonctionnaires, essentiellement de catégorie A et B, et travaillant dans le secteur administratif, la conciliation constitue même « l’avantage principal » de la fonction publique.

    Toutefois, ici encore, certains métiers publics sont très exposés aux difficultés de conciliation

    • 35 % des chefs d’établissement dans l’Education nationale déclarent des difficultés à concilier leur vie professionnelle avec leurs besoins personnels et familiaux.
    • 37 % des agents publics des métiers de la sécurité (armée, police, pompiers) sont concernés. Contre 28 % pour les agents de sécurité privée.
    • 39 % pour les infirmières et 38 % pour les médecins du secteur public, contre 19 % dans les deux cas pour leurs homologues du secteur privé.
    1. Les durées travaillées varient également selon les caractéristiques sociodémographiques. Les hommes et les agents de moins de 30 ans ont une durée de travail annuelle supérieure à celle des femmes et des autres classes d’âge. Par construction, la composition de la fonction publique présente donc un premier biais.
    2. 31,7 jours de congés en moyenne pour les agents publics contre 25,5 jours pour les salariés du privé. Cette différence tient aux choix de lisser conserver les régimes horaires hebdomadaires antérieurs aux 35 heures.
    3. Sauf agriculture.
    4. Et les deux phénomènes se conjuguent : 37 % des contractuels de la fonction publique sont à temps partiel.
    5. Cette même enquête (Emploi, 2019) révèle que 13 % des répondants du secteur public disent « choisir » leur temps partiel, contre 10 % des répondants du privé.
    6. A titre d’exemple, 4) du 1. : « Hors circonstances exceptionnelles et télétravail ponctuel, lorsque l’administration souhaite mettre fin à une autorisation de télétravail, sa décision, communiquée par écrit, doit être précédée d’un entretien et motivée au regard de l’intérêt du service. » Par ailleurs, l’administration doit respecter un délai de prévenance d’au moins deux mois (sauf période probatoire).
      Et, plus loin : « Les nécessités de service peuvent également justifier, sous réserve du respect d’un délai de prévenance, l’exigence d’un retour sur site pendant un jour de télétravail. Lorsqu’un retour sur site apparaît impératif pour plusieurs jours consécutifs, il peut être procédé à une suspension provisoire de l’autorisation de télétravail. Cette suspension doit être motivée par des nécessités de service. »
      La souplesse est donc à la main du travailleur (absence de motivation et délai raccourci), tandis que l’administration doit justifier ses décisions dans le cadre d’une procédure contradictoire et se voit imposer un délai de prévenance relativement long.
  • Être contractuel dans la fonction publique en 2025

    Être contractuel dans la fonction publique en 2025

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 10)

    Temps de lecture : 7 minutes.

    Une fonction publique duale : les fonctionnaires et les contractuels

    Le développement du nombre de contractuels a profondément changé la politique de ressources humaines et la perception des métiers du service public. Il est particulièrement critiqué par les rapporteurs qui considèrent le système actuel comme :

    « créateur d’inégalité de traitement tant en termes de rémunération et que de perspectives de carrière. »

    Par ailleurs, ce recours aux contractuels est généralisé, bien que dans des proportions variables entre les trois versants de la fonction publique.

    Les causes du développement de la contractualisation dans les trois versants de la fonction publique sont multiples

    Les réformes récentes ont toutes visé à favoriser le recrutement de contractuels. Principalement, pour deux raisons :

    • Pallier les besoins de recrutement par un nombre insuffisant de titulaires, principalement en lien avec les problèmes d’attractivité évoqués dans des précédents billets ;
    • Disposer d’agents pour des besoins temporaires ou en réponse à des besoins précis.

    Outre ces motivations concrètes, les représentations d’un recrutement par contrat sont également plus favorables :

    • Le recruteur dispose d’un panel de candidats plus importants pour faire son choix (fonctionnaires et… l’ensemble des actifs intéressés pour rejoindre son service)1, ce qui lui permet également de recruter davantage en fonction du profil des candidats ;
    • Les recrutements sont plus rapides qu’une affectation d’un agent par concours ;
    • La durée de recrutement fixée dans le contrat permet au recruteur de ne pas renouveler le contrat en cas d’insatisfaction ou pour des raisons budgétaires ;
    • Inversement, recruter un agent localement peut aussi être potentiellement plus stable que de voir le poste pourvu par un lauréat de concours venu d’une autre région.

    Point de situation dans la fonction publique d’État

    21 % des agents de l’État étaient contractuels en 2022 (24,5 % sans les militaires), et 63 % des agents des établissements publics administratifs (Agences régionales de santé, France travail).

    Plus l’employeur est autonome, plus il recourt à des non-titulaires. Les deux tiers des agents non titulaires sont affectés dans des établissements publics2, contre seulement 13 % des agents titulaires.

    Des situations très différentes selon les ministères

    • L’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur (écoles, universités…) comptent 24 % de contractuels3. Toutefois, compte tenu de la taille de ces ministères, ils concentrent près des deux tiers des 546 000 agents contractuels de l’État ;
    • Les ministères dits « régaliens » (et les établissements sous leur tutelle) présentent de plus faibles taux de recours aux contractuels : 7 % pour l’Intérieur, 11 % pour l’Économie et 15 % pour la Justice.

    Les contractuels publics sont plus précaires que dans le privé

    Le recours aux contrats à durée déterminée (CDD), plutôt qu’à durée indéterminée, est plus fréquent dans le secteur public. Il concerne 14 % des agents publics contre 8 % des salariés du secteur privé (auxquels il convient d’ajouter 3 % de salariés en intérim).

    Cette spécificité s’explique aussi par le fait que l’emploi durable est censé être occupé par un fonctionnaire.

    Le recours au CDD concerne, dans le secteur public, tout particulièrement les emplois peu qualifiés

    Le recours à des contrats courts concerne davantage les emplois peu qualifiés :

    • Pour les agents d’entretien, 21 % des travailleurs du public sont en CDD, contre 14 % des salariés du privé,
    • Pour les aides-soignants, 24 % sont en CDD dans la fonction publique, contre 13 % dans le privé ;
    • Pour les professionnels de l’action culturelle et sociale, 52 % sont en CDD dans la fonction publique et 25 % dans le privé ;
    • De même pour l’action sociale et l’orientation avec 18 % de CDD dans la fonction publique et 10 % dans le privé.

    Toutefois, et pour des raisons différentes, les métiers qualifiés (ou très qualifiés) sont également concernés :

    • 32 % des personnels d’études et de recherche sont en CDD dans le public contre 5 % dans le privé ;
    • 20 % des médecins dans la fonction publique, contre 8 % dans le secteur privé ;
    • 9 % des cadres de catégorie A, comme les attachés d’administration. Pourtant, dans le secteur privé, les cadres sont très peu employés en CDD (de l’ordre de 2 à 6 %).

    Cette logique métier se retrouve mécaniquement par des recours aux contrats très divers selon les employeurs. Le secteur hospitalier propose très majoritairement des contrats de moins d’un an, tandis que l’État comporte relativement beaucoup de CDI, ce qui suggère des besoins moins conjoncturels :

    Des contractuels plus précaires que dans le secteur privé

    Les transformations de CDD en CDI sont plus faibles que dans le privé :

    La transformation des contrats temporaires (CDD ou intérim) en CDI (ou emploi statutaire) un an plus tard est deux fois plus faible dans le public, par rapport au privé4.

     « 26 % des agents de catégorie B et 16 % des agents de catégorie C ont accédé à un emploi durable un an après, contre 34 % des employés et 49 % des techniciens administratifs du privé. »

    De manière générale :

     « Les taux de transitions de l’emploi temporaire vers l’emploi durable des familles professionnelles publiques font partie des plus faibles observés parmi l’ensemble des métiers. »

    Les contractuels ne restent pas dans la fonction publique

    Selon les rapporteurs, il existe encore une étanchéité relativement forte entre les parcours des agents contractuels et ceux des fonctionnaires.

    Pour les agents contractuels, le passage dans la fonction publique est le plus souvent perçu comme transitoire, pour accéder à un premier emploi ou dans l’attente de meilleures perspectives professionnelles.

    Ainsi, dans la fonction publique d’État, seuls 10 % des contractuels deviennent titulaires dans un ministère (ou un établissement public) et 8 % rejoignent une autre fonction publique. Les autres rejoignent le secteur privé ou sont indemnisés au titre de l’assurance chômage5.

    Les titularisations sont plus difficiles

    Pour les agents contractuels désireux de rester dans la fonction publique, la titularisation est longue : en moyenne huit ans.

    À l’inverse, cela signifie également que les durées d’exercices avec un statut contractuel s’allongent, sans les garanties offertes aux fonctionnaires :

    • La progression salariale est plus incertaine pour les contractuels,
    • La protection sociale peut être plus faible,
    • La mobilité est moins facile, avec la nécessité de négocier et de signer un nouveau contrat à chaque changement de poste.

    Les grands plans de titularisation sont terminés

    Depuis 1983, quatre plans de titularisation ont été organisés. Ils ont permis à des milliers d’agents contractuels d’accéder à un statut de fonctionnaire.

    Les modalités d’intégration étaient prévues dans la loi. Il pouvait s’agir d’un concours réservé ou d’un examen professionnel, voire d’une nomination directe par l’employeur :

    • Environ 146 000 titularisations ont été permises par la loi dite « Le Pors » de 19836 ;
    • 60 000 pour le plan de 1996 issu de la loi dite « Perben7 » ;
    • 30 000 pour le plan de 2001 issu de la loi dite « Sapin8 » ;
    • Enfin, 54 000 agents pour le dernier grand plan de titularisation, prévu par la loi Sauvadet du 12 mars 20129, portant sur les exercices 2013 à 2018.

    La loi de transformation de la fonction publique de 2019 n’a pas renouvelé cette démarche. La principale finalité de cette loi étant de favoriser le recours aux contractuels et le maintien de leur statut dans la durée, notamment par l’accès plus aisé aux postes de direction de l’État.

    La contractualisation de la fonction publique fragiliserait les relations de travail

    S’agissant des rémunérations, un constat ambivalent

    Les rémunérations des contractuels sont le plus souvent inférieures aux fonctionnaires.

    Toutefois, dans certaines situations, il est plus intéressant d’être contractuel. On peut penser aux exemples récents s’agissant de l’intérim médical10, mais également de la circulaire dite « Borne » sur le recrutement d’agents contractuels dans les filières numériques11.

    Une très grande diversité de rémunérations

    Les conditions de rémunérations des agents contractuels sont très diverses entre et au sein des ministères : selon le métier, le niveau de diplôme, parfois l’expérience antérieure.

    Le salaire moyen net12 sur 2022 des fonctionnaires était de 2 598 euros, contre 2 014 euros pour les contractuels.

    Toutefois, cet écart présente des proportions diverses selon les versants de la fonction publique :

    • Les différences de rémunérations sont importantes dans la fonction publique d’État. Le salaire moyen net est de 2 955 euros pour les fonctionnaires contre 2 080 euros pour les contractuels ;
    • Les écarts sont plus faibles dans la fonction publique territoriale : 2 216 euros contre 1 923 euros.

    Ces divergences tiennent pour partie à un effet de structure : au regard des emplois occupés par les contractuels et de la moyenne d’âge des fonctionnaires en poste13.

    Il existerait ainsi un « double effet métier »14 :

    • Les métiers les moins qualifiés garantissent un certain avantage salarial aux titulaires ;
    • À l’inverse, pour les métiers les plus qualifiés, les contractuels disposent d’un avantage salarial sur les fonctionnaires.

    Des évolutions de rémunérations contrastées

    Pour la période de 2012 à 2021, le salaire moyen net des contractuels en EQTP progresse moins vite que celui des titulaires en termes réels (corrigés de l’inflation).

    Mais ici encore, les ministères présentent des trajectoires singulières :

    • Au sein de la fonction publique d’État, la dynamique globale des salaires des contractuels est très défavorable, en baisse de 5 % par rapport aux fonctionnaires.
    • Inversement, le salaire moyen des contractuels progresse fortement dans la fonction publique hospitalière.

    1. C’est cette ouverture dans le recrutement qui implique des niveaux très élevés de contractuels dans certains directions d’administration centrale comme la direction générale des entreprises ou dans une moindre mesure à la direction du budget.
    2. Essentiellement à l’Éducation nationale toutefois, ce qui brouille un peu l’analyse.
    3. Autrement dit, la proportion de contractuels dans les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur est dans la moyenne.
    4. Enquête Emploi (2017-2019).
    5. Peyrin A. I., Signoretto C. et Joubert L. (2020), L’insertion des jeunes dans la fonction publique d’État, 1991-2015, Injep, « Notes et rapports », Rapport d’étude.
    6. La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
    7. Premiers articles de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l’emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d’ordre statutaire.
    8. Premiers articles de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale
    9. Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique
    10. Le rapport de la Cour des comptes sur l’intérim médical ayant été particulièrement critique à cet égard.
    11. Les rémunérations proposées dans la grille sont supérieures à celles proposées pour les titulaires. Voir à ce propos le billet sur les inspecteurs des finances publiques et des douanes exerçant dans des fonctions numériques.
    12. Calculé en équivalent temps plein.
    13. Voir le précédent billet consacré au rapport de la Cour des comptes sur le vieillissement des agents publics.
    14. Selon le rapport de la Cour des comptes de 2020 : « Les agents contractuels dans la fonction publique 2010-2019 ».

    Deux jeunes gens dos à dos
  • La baisse du taux de sélectivité dans la fonction publique et ses effets

    La baisse du taux de sélectivité dans la fonction publique et ses effets

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 4)

    Temps de lecture : 6 minutes.

    Disclaimer : Comme France stratégie a déjà pu l’expliquer en introduction de son étude, il est difficile d’évaluer l’attractivité d’une profession ou d’un secteur. Dans le secteur public, l’attractivité repose sur des éléments divers et polymorphes, par ailleurs, l’appareil de mesure peut également faire défaut.

    La fonction publique territoriale présente une singularité supplémentaire puisque 83 % de ses recrutements concernent des agents de catégorie C. Or, ces derniers sont le plus souvent recrutés sans concours (dans 87 % des cas).

    Une baisse importante du taux de sélectivité aux concours de la fonction publique depuis 2007

    Cette baisse du taux de sélectivité tient également à une élévation du niveau de recrutements des agents publics

    France stratégie s’appuie notamment sur l’exemple de la profession enseignante, dont le niveau de recrutement, en particulier dans le premier degré, n’a cessé d’augmenter :

    « Cette élévation continue du diplôme requis pour devenir enseignant a eu pour conséquence non seulement de transformer la morphologie et la sociologie du corps enseignant, mais aussi de réduire à plusieurs reprises, et parfois du jour au lendemain, le vivier disponible, mettant « hors-jeu » – temporairement ou définitivement – l’ensemble des prétendants ne possédant pas le niveau exigé. Elle a aussi contribué à une forme de baisse d’attractivité relative, en raison de la concurrence de débouchés de carrières perçues comme plus rémunératrices ou plus valorisantes. »

    D’autres exemples concourent dans le même sens, avec une élévation plus ou moins forte du niveau de diplôme et une catégorisation en conséquence.

    On peut citer, pêle-mêle :

    • Le passage en catégorie A des infirmiers en 2009, à la suite de la réingénierie de leur formation désormais de niveau licence1 ;
    • À partir de 2010 pour les gardiens de la paix, avec un recrutement en catégorie B ;
    • Enfin, en 2022, la recatégorisation en catégorie B des auxiliaires de puériculture.

    L’attractivité de la fonction publique et le marché de l’emploi

    La fonction publique était très dépendante des conjonctures économiques jusqu’à la fin des années 2000, mais ce phénomène semble s’être estompé. La « protection de l’emploi » offerte par la fonction publique ne parait plus être un argument déterminant.

    « À la différence des phénomènes observés au cours des dernières décennies, les difficultés de recrutement s’inscrivent désormais dans le temps et paraissent depuis au moins dix ans être devenues relativement inélastiques à la conjoncture. »

    Ce constat est similaire pour la fonction publique territoriale, mais dans une proportion toutefois moindre.

    De 2011 à 2022, le nombre de candidats présents aux concours externes de la fonction publique territoriale a baissé de 20 % et le nombre de postes offerts a quant à lui augmenté de 30 %.

    Mécaniquement, l’évolution du taux de sélectivité est en forte baisse, tous concours et fonction publique confondus

    En témoigne, cette représentation, hors enseignants, du taux de sélectivité dans la fonction publique d’État. Ce qui souligne également le caractère global du défaut d’attractivité :

    Ce manque d’attractivité concerne également la filière administrative, en très forte tension : l’exemple des attachés d’administration de l’État

    « Les taux de sélectivité des concours aux instituts régionaux d’administration (IRA), qui rassemblent 9 % seulement des candidats présents aux concours de catégorie A hors enseignement, divergent assez sensiblement de la moyenne. Les fortes fluctuations des taux de sélectivité de ces concours au cours des cinq dernières années reflètent d’importants mouvements aussi bien dans le nombre d’admis2 que dans le nombre de candidats. Depuis 2020 néanmoins, le nombre d’admis augmente sensiblement (de 402 à 485) alors que celui des candidats connaît une chute marquée (d’environ 4 600 à environ 3 500). »

    La comparaison avec le secteur privé démontre la spécificité de l’administration

    « L’enquête Besoins de main-d’œuvre (BMO) de France Travail interroge les employeurs chaque année sur les projets de recrutement et sur les difficultés de recrutement anticipées. Il est donc possible de comparer ces difficultés en distinguant le secteur privé de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. »

    Ce manque d’attractivité et les difficultés de recrutements entraînent une dégradation des conditions de travail

    La première conséquence est une forte augmentation de l’intérim

    À cet égard, la situation de la fonction publique hospitalière est particulièrement inquiétante.

    La deuxième répercussion est l’augmentation des emplois non pourvus

    « Depuis 2011, dans la FPE, le nombre de recrutements externes est inférieur au nombre de postes offerts. En 2022, ce sont 15 % des postes offerts qui n’ont pas été pourvus. »

    Les ministères les plus en difficulté sont les plus gros recruteurs :

    • Le ministère de l’Education nationale ;
    • Le ministère de l’Intérieur (9 % des recrutements de la fonction publique d’État) ;
    • Les ministères des Finances et de la Justice (8 % des recrutements chacun).

    Les emplois non pourvus dans la fonction publique d’État

    Dans son rapport global sur l’exécution budgétaire publié en 20243, la Cour des comptes mentionne ainsi que :

     « Malgré deux lois de finances initiales qui prévoyaient une progression des emplois en 2021 et 2022, ces deux derniers exercices s’étaient achevés sur des baisses d’effectifs de respectivement -3 750 ETP en 2021 et de -5 765 ETP en 2022 du fait de difficultés de recrutements. »

    La Cour signale également des difficultés de recrutement dans l’administration générale et territoriale de l’État avec des recrutements de contractuels de plus en plus importants sur des postes et missions pérennes (normalement réservés aux fonctionnaires).

    Ce point fait notamment écho à un autre rapport de la Cour des comptes sur le vieillissement de la fonction publique, dressant une image inquiétante de certaines administrations, et tout particulièrement les préfectures.

    Une attractivité également fonction des territoires :

    Les départements franciliens sont davantage en tension (et au-delà jusqu’à l’Oise, l’Eure, l’Eure et Loire et l’Orne), ainsi que la Haute-Savoie. Inversement, les départements de l’ouest et du sud de la France sont nettement plus attractifs et recrutent plus aisément.

    Les emplois non pourvus dans la fonction publique territoriale

    Dans la fonction publique territoriale, les difficultés de recrutement sont particulièrement aiguës dans les territoires ruraux et sur quelques professions.

    Dix métiers sont particulièrement en tension, dont beaucoup en contact direct avec la population :

    1. Les animateurs éducatifs dans l’accompagnement périscolaire,
    2. Les agents d’interventions techniques polyvalents en milieu rural,
    3. Les ouvriers de maintenance des bâtiments,
    4. Les animateurs enfance-jeunesse,
    5. Les agents de restauration,
    6. Les secrétaires de mairie,
    7. Les jardiniers,
    8. Les agents de services polyvalents en milieu rural,
    9. Les assistants éducatifs petite enfance,
    10. Les policiers municipaux.

    Les emplois non pourvus dans la fonction publique hospitalière

    Sur ce point, il convient de signaler le caractère international de cette pénurie. L’Union européenne est tout particulièrement concernée, mais c’est aussi le cas du Royaume-Uni ou des États-Unis.

    Enfin, l’émergence d’un nouveau phénomène : la démission

    Les recruteurs constatent davantage d’abandons suite aux concours

    Traditionnellement, le nombre de lauréats aux concours et le nombre d’agents reçus et effectivement titularisés étaient relativement similaires. Désormais, cet écart s’accentue.

    « Dans la police nationale, on constate (…) ces dernières années une augmentation du taux de déperdition après concours qui peut atteindre 15 % pour les gardiens de la paix, convoqués pour prendre leur poste près de 4 à 5 mois après leur concours »

    Pour les infirmières, la perte de futurs soignants potentiels se constate durant leur formation.

    « Les étudiants en formation d’infirmière sont trois fois plus nombreux à abandonner en première année en 2021 (10 %) qu’en 2011 (3 %)4. »

    Les départs volontaires sont également en forte croissance

    « Entre 2014 et 2021, les effectifs de fonctionnaires sortant de la fonction publique pour autre motif qu’un départ en retraite ont augmenté de 47 %. »

    Cette augmentation des départs, volontaires ou non, est pour partie due à un « effet de composition » : l’augmentation du nombre de contractuels (notamment constaté récemment dans un rapport sur la Direction générale des entreprises, par exemple), le plus souvent en contrat à durée déterminée, ce qui implique davantage de turn-over.

    Toutefois, et pour ne prendre que cet exemple, le cas des démissions de professeurs est symptomatique d’un bouleversement du rapport à l’institution :

    1. Un mouvement identique avait été réalisé en 2014 par le reclassement en catégorie A des sages femmes.
    2. 370 en 2017, 205 en 2018 et 2019, plus de 400 depuis 2020.
    3. Cour des comptes (2024), Le budget de l’État en 2023. Résultats et gestion, rapport, avril.
    4. DREES, 2023, Etudes et résultats n° 1266.

    Chaises vides dans une salle
  • L’attractivité de la fonction publique (introduction)

    L’attractivité de la fonction publique (introduction)

    Temps de lecture : 10 minutes.

    France stratégie a publié fin décembre 2024 un rapport très commenté sur la situation de la fonction publique.

    Le constat dressé est alarmant, voire décourageant. On y découvre une fonction publique en crise profonde, marquée par un déclin profond de son attractivité :

    • Les difficultés de recrutement sont majeures : 15 % des postes non pourvus en 2022 ;
    • Ces difficultés résultent d’une dévalorisation des métiers et de conditions de travail jugées dégradées ;
    • Les rémunérations et promotions se révèlent en moyenne moins intéressantes que dans le privé ;
    • Plus inquiétant : on assiste également à un recul des inscriptions dans les filières universitaires, principal vivier de la fonction publique ;
    • Enfin, toutes ces difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel entrainent une dégradation des services publics : accueil des jeunes enfants, éducation, santé, justice.

    Le rapport traite des trois fonctions publiques. Cependant, je m’attarderai principalement sur la situation de l’État.

    Une crise de la FP profonde et multidimensionnelle

    La crise d’attractivité traversée par la fonction publique française est multidimensionnelle et s’installe dans la durée. Elle concerne, dans des proportions variables, les trois versants de la fonction publique :

    • La fonction publique d’État ;
    • La fonction publique hospitalière ;
    • La fonction publique territoriale.

    Cette fragilisation s’observe désormais à tous les moments de la relation de travail :

    • Avant l’embauche, avec un tarissement des viviers de recrutements et un moindre intérêt des jeunes vers les métiers du service public1 ;
    • Pendant le processus de recrutement, avec des proportions de renoncements de lauréats de concours plus élevées qu’auparavant ;
    • Puis, au cours de carrière, avec une augmentation des départs volontaires, en particulier dans l’Education nationale.

    « Le phénomène est d’autant plus préoccupant que la pénurie engendre la pénurie. 

    […]

    « Une spirale négative se met en place, reliant les difficultés de recrutement, la dégradation des conditions de travail, la moindre qualité du service et le manque d’attractivité. »

    Une situation qui se dégrade

    Une crise qui concerne l’ensemble des principaux métiers proposés par l’État

    Dans la fonction publique d’État (FPE), les problèmes de recrutement affectent tout particulièrement les métiers des ministères qui recrutent le plus :

    • Ministère de l’Éducation nationale (enseignants),
    • Ministère de l’Intérieur (gardiens de la paix, gendarmes),
    • Ministère de l’Économie et des Finances (inspection des finances publiques),
    • Ministère de la Justice (surveillants pénitentiaires et, dans une moindre mesure, greffiers),
    • Ministère des Armées (militaires du rang et sous-officiers2).

    Mais, ces difficultés touchent également3 :

    • Les fonctions support,
    • L’administration générale et
    • Les métiers très qualifiés des autres ministères (notamment les spécialistes du numérique).

    « En 2022, ce sont 15 % des postes offerts aux concours de la fonction publique d’État qui n’ont pas été pourvus (contre 5 % en 2018)4. Un véritable décrochage s’observe depuis les années 2010. »

    « Les postulants deviennent insuffisamment nombreux pour couvrir les besoins et les taux de sélectivité plongent : en moyenne, douze candidats se présentaient pour un poste aux concours externes de la FPE sur la période 2000-2010, ils ne sont plus que quatre en 2022. »

    L’Education nationale est le ministère le plus exposé à la pénurie, mais les difficultés de recrutement sont généralisées

    Les concours de recrutement d’enseignants connaissent, en effet, une désaffection importante. Toutefois, la baisse du nombre de candidats se constate pour l’ensemble des recrutements.

    « Les taux de sélectivité sont en 2022 de six candidats pour un poste pour les autres concours de catégories A [hors enseignants], B et C, quand ils étaient respectivement de 22, 29 et 17 en 2000. »

    En conséquence, pour l’Éducation nationale, le nombre de postes vacants mesurés à la rentrée scolaire connaît une hausse quasi constante :

    • De 1 988 postes vacants en 2006,
    • À 4 774 en 2023.

    Le recours accru aux contractuels ne permet pas de compenser le manque de candidats aux concours.

    Une nouvelle problématique : les départs volontaires

    « On observe parallèlement une fragilisation croissante de la capacité de la fonction publique à retenir ses agents. »

    En rappelant qu’en droit de la fonction publique, la démission unilatérale n’existe pas. Le fonctionnaire étant recruté par arrêté ministériel ou interministériel, l’administration doit accepter le départ de l’agent5.

    Il s’agit donc d’un fait relativement nouveau par son ampleur et sa nature : marquant une forme de délitement du lien entre certains agents et leur administration.

    Le tarissement des voies traditionnelles de recrutement

    Le manque de candidats aux concours résulte, pour les cadres, d’un tarissement des effectifs d’étudiants dans les filières générales de l’université.

    Le nombre d’inscrits en université devrait stagner jusqu’en 2031, selon les projections du ministère de l’Enseignement supérieur6.

    À l’inverse, l’enseignement supérieur privé, moins susceptible de conduire à une carrière dans la fonction publique, continue de croître.

    Une difficulté plus grande encore pour les formations dédiées à la préparation des concours de la fonction publique

    Les étudiants se détournent en particulier des sciences de l’éducation, qui connaissent une chute marquée des inscriptions, autant en licence qu’en master :

    De 2016 à 2023, les effectifs en master des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation ont baissé de 26 %.

    Toutefois, le recul est également marqué pour les effectifs inscrits en Institut de préparation à l’administration générale (IPAG) :

    De 2008 à 2020, le nombre d’étudiants inscrits en IPAG a baissé de 35 %.

    Une jeunesse peu intéressée par l’emploi public

    En creux, ce qui apparaît à la lecture du rapport est une forme de désintérêt diffus et profond (puisque partagé) pour la sphère publique :

    « La part des sortants de formation initiale qui choisissent l’emploi public décroît, tous diplômes confondus. »

    « La « troisième explosion scolaire », traduite par la croissance des effectifs des jeunes débutants diplômés du supérieur, y compris dans les disciplines les plus pourvoyeuses d’agents publics, comme les sciences humaines et sociales, semble ainsi s’être réalisée au seul profit du secteur privé. Le nombre de débutants diplômés du supérieur a, en effet, crû de 17 % dans le secteur privé, mais chuté de 29 % dans le secteur public de 2007 à 20197. »

    Les raisons de cette désaffection

    Une dévalorisation des métiers

    La majorité des agents publics rejoignent la fonction publique pour exercer un métier précis : policier, juge, greffier, enseignant, militaire, inspecteur (des finances publiques, du travail…). Or, ces métiers sont de plus en plus dévalorisés.

    Les principaux éléments cités sont :

    • Le manque de reconnaissance, alimenté par les discours politiques et médiatiques négatifs et par les exigences des citoyens ;
    • La détérioration des conditions d’exercice ;
    • Enfin, la représentation de ces métiers comme une « vocation », avec un sous-entendu sacrificiel suscitant : « davantage de compassion que d’envie ».

    Une interrogation profonde sur le modèle d’emploi

    Par ailleurs, la concurrence à l’œuvre dans la « quête de sens » des actifs est majeure. L’État n’y occupe plus la première place8.

    Ce déclin de l’État s’inscrit dans une contestation de sa neutralité (et, peut-être plus encore, des exécutifs locaux), au profit d’organisations non gouvernementales, d’associations, voire d’entreprises à mission.

    Le rapport relève également les difficultés inhérentes au recrutement par concours, en particulier par l’incertitude tenant au lieu de première affectation.

    Dans ce cadre, le seul argument d’une garantie de l’emploi, qui plus est dans un contexte de baisse du chômage et d’une tension sur les recrutements dans le privé, ne permet pas d’attirer de jeunes actifs.

    Le développement ambivalent du recrutement contractuel

    Les contractuels bénéficient d’avantages qui semblent attrayants :

    • Des modalités d’accès simplifiées (ce point a notamment été relevé dans un rapport récent de la Cour des comptes s’agissant de la direction du budget),
    • Un recrutement local qui lève les contraintes de l’affectation géographique,
    • Des niveaux de rémunération plus élevés que les titulaires dans certains cas.

    Toutefois, la très grande majorité des jeunes entrés dans la FPE comme contractuels (CDD) n’y restent pas9. Par ailleurs, la part des titularisations tend à baisser.

    Le recours accru aux contrats peut aussi conduire à fragiliser l’attractivité du statut lui-même.

    Un double cadre de gestion s’installe durablement : celui des titulaires et celui des contractuels. Ces deux cadres évoluent en parallèle, potentiellement pourvoyeur d’inégalités, voire de rivalités.

    Le modèle de gestion de la FP

    Un instrument de promotion social pour les plus diplômés issus de milieux modestes

    La fonction publique reste un débouché privilégié pour les diplômés des catégories modestes, et plus encore pour les femmes10.

    Pour ces deux catégories, la « pénalité » pour l’accès aux postes d’encadrement est moindre dans le secteur public que dans le privé. Cette surreprésentation des enfants de catégories populaires parmi les cadres du public a eu en outre tendance à s’accentuer dans la période récente :

    Pour autant, une difficulté à promouvoir en interne les moins diplômés

    En dépit d’un recrutement socialement plus égalitaire (à niveau de diplôme égal), la fonction publique peine ensuite à promouvoir ses agents.

    La logique de catégories, contestée encore récemment par le ministre chargé de la fonction publique11, semble réduire pour partie les perspectives d’évolution professionnelle des agents les moins diplômés. Le passage d’une catégorie à l’autre suppose la réussite à des concours ou des examens professionnels, qui peuvent pénaliser les publics les moins qualifiés12.

    « Pour ceux qui commencent en bas de l’échelle, les perspectives d’évolution socioprofessionnelles se traduisant par un changement de catégorie et un accès aux échelons supérieurs de la hiérarchie sociale sont en définitive plus limitées que dans le privé. »

    Des rémunérations devenues problématiques, en particulier pour les plus diplômés

    L’évolution de la rémunération moyenne des agents publics a été inférieure à celle du privé tous les ans de 2011 à 2020 :

    En s’attachant à une cohorte de jeunes actifs, on constate des évolutions du salaire médian particulièrement différenciées, alors même que la fonction publique est structurellement plus diplômée que le secteur public :

    « De 2002 à 2019, le salaire médian des jeunes travaillant dans le secteur public a progressé en termes réels de 52 %, celui des jeunes du privé de 65 %. »

    La fonction publique maintient globalement un positionnement salarial plus favorable au fil de la carrière que le privé pour les moins diplômés.

    En revanche, pour les plus diplômés, les perspectives de progression salariale sont moindres dans la fonction publique :

    • Pour les hommes diplômés, le secteur privé propose des perspectives salariales nettement plus profitables13 ;
    • Pour les femmes, il existe un avantage salarial dans la fonction publique en début et milieu de carrière. Toutefois, cet intérêt s’estompe ensuite, en faveur du secteur privé.

    Le rapport note également que la complexité du mode de rémunération dans le secteur public participe de la baisse d’attractivité.

    Un déclin de l’autonomie et de la qualité de vie au travail

    L’un des derniers avantages comparatifs encore en faveur des agents publics concerne l’autonomie au travail. Cependant, cette spécificité tend à se réduire, notamment pour les emplois plus qualifiés et pour les enseignants, alors même que le soutien hiérarchique reste faible comparé au privé.

    Le rôle des collectifs de travail constitue également un atout du public :

    • Les salariés du public se déclarent très souvent aidés par leurs collègues (87 %), davantage que dans le privé (79 %), et ce chiffre est en augmentation de 2013 à 2019.

    C’est particulièrement vrai dans les métiers peu qualifiés (agents d’entretien, cuisiniers, jardiniers) ainsi que dans le secteur hospitalier, où les collectifs de travail jouent un rôle essentiel : 92 % des salariés s’y sentent soutenus par leurs collègues, contre 82 % de l’ensemble des salariés. Mais, ici encore, ces avantages sont susceptibles de se déliter sous l’effet de la multiplication des statuts et de l’intensification du travail.

    Enfin, le temps de travail est plus faible que dans le privé, mais en contrepartie d’un travail sur des horaires plus fréquemment atypiques (soir et weekend). Cependant, une nouvelle fois, les différences entre le secteur public et le privé semblent se réduire.

    Ce rapprochement des conditions de travail interroge. Régulièrement soulevé par la doctrine juridique, depuis l’apparition du statut jusqu’à la loi de transformation de la fonction publique, il ne cesse de soulever les débats. Ce clivage constitue d’ailleurs, pour Maya Bacache-Beauvallet, un sujet politique structurant du partage gauche-droite14.

    1. On pourrait préciser que le moindre intérêt pour le service public concerne… le service public « du secteur public ». Le rapport met ainsi en avant une forme de concurrence dans la réponse au besoin de sens des actifs avec les secteurs associatifs et entrepreneuriaux. L’Etat n’a plus (s’il l’a déjà eu) : « le monopole de l’intérêt général ».
    2. Toutefois, les métiers techniques qui mobilisent des compétences spécifiques transposables dans le civil sont particulièrement difficiles à recruter. C’est le cas des informaticiens en cybersécurité et renseignement ou des ingénieurs dans le domaine de l’armement.
    3. Voir également le rapport de la Cour des comptes (2024), Le budget de l’État en 2023. Résultats et gestion, cité par France stratégie.
    4. DGAFP (2024), Rapport annuel sur l’état de la fonction publique – édition 2024.
    5. Par ailleurs, une démission n’ouvre pas droit au chômage (en code du travail comme au code général de la fonction publique).
    6. SIES (2023), « Projection des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2022 à 2031 », Note d’information du SIES, n° 2023-04, avril (cité dans le rapport de France stratégie).
    7. Ce constat, inquiétant, fait écho au billet de Luc Rouban sur le risque de paupérisation de la fonction publique.
    8. Ce qui peut apparaître très étrange pour nombre d’agents publics, convaincus du caractère essentiel de leurs missions.
    9. Élément également constaté à la direction générale des entreprises.
    10. Ces deux caractéristiques se combinant.
    11. Mais abandonnée depuis.
    12. Il faut toutefois préciser que les métiers de cadres dans la fonction publique d’État (mais également dans les autres fonctions publiques) nécessitent des compétences juridiques. Cela peut-être moins le cas dans les services, où les compétences requises pour l’accès à des fonctions supérieures peuvent être plus larges : commerciales, comptables, managériales…
    13. Le secteur privé est moins égalitaire que la fonction publique s’agissant de l’égalité femmes-hommes.
    14. Économie politique de l’emploi public, Édition Connaissances et Savoirs, Paris, 2006, 362 p.

    Un homme de dos traverse un pont

  • Le vieillissement de la fonction publique

    Le vieillissement de la fonction publique

    Temps de lecture : 10 minutes.

    Lecture d’un document récent1 de la Cour des comptes consacré à : L’allongement de la vie professionnelle des agents dans une fonction publique vieillissante.

    Le vieillissement des travailleurs n’est évidemment pas propre à la fonction publique2. En revanche, compte tenu de l’importance des trois fonctions publiques françaises au regard de l’ensemble des actifs, un rapport n’était pas inutile.

    Un vieillissement principalement lié aux réformes successives des retraites

    À cet égard, le graphique présenté par la Cour est éclairant :

    Cette pression du vieillissement est due à deux phénomènes conjugués :

    • Un départ en retraite plus tardif,
    • Une arrivée dans la fonction publique, également plus tardive.

    On peut également y ajouter une politique de recrutements heurtée, qui a induit notamment sous le mandat de Nicolas Sarkozy, un vieillissement de la cohorte du fait du non-remplacement de l’ensemble des fonctionnaires partant en retraite :

    Des agents qui partent en retraite de plus en plus tard

    La Cour note ainsi que les agents civils sédentaires partent en moyenne à 63 ans et 8 mois.

    Le report de l’agent de retraite à 64 ans n’aura donc qu’un effet très marginal sur la fonction publique :

    « La dernière étude communiquée par les services de l’État à la Cour évalue le « gain » de ce report (de l’âge de retraite à 64 ans) à 150 M€ pour 2024 et 2025. Pour une masse salariale estimée à 153,6 milliards d’euros sur 2024. »

    « Les différentes réformes de 2003, 2010 et 2014 ont progressivement repoussé l’âge de départ à la retraite des agents de la fonction publique. En 2006, 80 % des agents de catégorie sédentaire3 de la FPE partaient avant 61 ans, ils n’étaient plus que 10 % en 2022. Les agents de catégorie active enregistrent la même évolution : la part des fonctionnaires civils de catégorie active partant à la retraite après 55 ans est passée de 39 % en 2006 à 93 % en 2022. »

    Des jeunes de moins en moins jeunes

    L’âge moyen d’entrée dans la fonction publique d’État est en constante augmentation depuis plusieurs décennies :

    « Pour les agents civils, l’âge moyen d’entrée passe de 23 ans en 1980 à 29 ans en 2020. Cette tendance qui a vocation à se poursuivre s’explique par l’augmentation de la durée des études (qui vaut aussi pour la population générale) et les effets des « doubles carrières » privé/public, de plus en plus fréquentes. »

    Les agents de l’État sont particulièrement concernés, puisqu’il s’agit de la fonction publique structurellement la plus diplômée.

    De 1980 à 2020, l’âge moyen d’entrée dans la fonction publique passe ainsi :

    • De 26 à 31 ans pour la catégorie A,
    • De 22 à 26 ans pour la catégorie B et
    • De 23 à 27 ans pour la catégorie C.

    Des différences marquées entre fonctions publiques

    La moyenne d’âge des agents de la fonction publique d’État est de 44 ans. Ce qui correspond également à la moyenne d’âge de l’ensemble des agents des trois fonctions publiques.

    Toutefois, en analysant plus précisément chaque fonction publique, des disparités se font jour :

    • La moyenne d’âge de la fonction publique territoriale est de 46 ans, c’est la plus élevée des trois fonctions publiques ;
    • À l’inverse, la moyenne d’âge de la fonction publique hospitalière est de 42 ans. Il s’agit de la fonction publique la plus jeune.

    À titre de comparaison, la moyenne d’âge dans le secteur privé est de 41 ans. L’écart avec le secteur privé s’explique essentiellement par l’entrée plus tardive dans la fonction publique.

    La situation spécifique des seniors et les diversités de situation entre les trois fonctions publiques

    La proportion d’agents civils de plus de 50 ans est de 33 % pour l’État, contre une moyenne de 36 % pour l’ensemble des fonctions publiques. L’État se distingue donc par une fonction publique comportant relativement moins de « seniors ».

    La spécificité de l’État tient aussi à la surreprésentation de catégories A et A+ parmi les agents de plus de 60 ans. Ces derniers connaissant par ailleurs une forte dynamique démographique :

    « La situation des agents de plus de 60 ans différencie nettement la FPE du reste de la fonction publique : depuis 2010, leur part dans les effectifs est passée de 4 % à 9 % en 2021, elle devrait s’élever à l’échéance de 10 ans à 12 %, puis en 2040 à 14 %. »

    À l’inverse, le vieillissement accéléré est plus marqué pour les agents de catégorie C dans les collectivités territoriales.

    Le cas spécifique des agents administratifs de catégorie A (et A+) de l’État

    Les agents administratifs de la fonction publique représentent près de 162 000 agents :

    • 31 000 attachés d’administration de l’État ;
    • 51 000 secrétaires administratifs et
    • 80 000 adjoints administratifs.

    Ces professions, vieillissantes, sont par ailleurs très féminisées (a fortiori pour les secrétaires administratifs et adjoints). L’âge moyen des secrétaires d’administration atteint déjà 50 ans.

    Pour les attachés d’administration, le besoin de renouvellement à 10 ans serait estimé à environ 35 % des effectifs actuels, soit 11 000 agents.

    La Cour des comptes ne le relève pas, mais il convient aussi de préciser la transformation profonde à l’œuvre dans les effectifs administratifs avec :

    • Une suppression progressive des adjoints administratifs et
    • Une réduction du nombre de secrétaires administratifs.

    Cette recomposition, déjà détaillée dans une étude de la DARES de 2015, tient principalement à :

    1. La numérisation croissante de l’activité administrative ;
    2. Le besoin d’une expertise de plus en plus pointue et
    3. Une modification des modalités de fonctionnement des administrations, avec une dynamique de projet, toujours plus marquée (cas de la Direction générale des entreprises, par exemple).

    Une accélération récente du vieillissement des agents pour l’État

    Le vieillissement accéléré des agents de l’Education nationale

    Les enseignants de l’Education nationale constituent 80 % des agents de catégorie A de l’État.

    Or, parmi les agents de l’Education nationale, les agents de plus de 60 ans passeraient de 6 % du total des effectifs aujourd’hui à 16 % en 2035. Soit un niveau légèrement au-dessus de leur proportion dans l’ensemble de la fonction publique d’État.

    La situation du ministère de l’Intérieur

    Le ministère de l’Intérieur emploie un peu plus de 300 000 agents, dans la très grande majorité des fonctionnaires :

    • Ils appartiennent à la fonction militaire pour 34 % (les gendarmes) et
    • À 45 % aux personnels actifs de la police.

    Autrement dit : près de 80 % de ses agents relèvent de régimes dérogatoires de date de prise de la retraite. Malgré cela, une part significative des agents du ministère de l’Intérieur se concentre autour de la cinquantaine.

    Ce vieillissement s’explique par une politique de recrutement non-linéaire :

    • Des recrutements importants de 1998 à 2003,
    • Suivis de baisses d’effectifs de 2007 à 2015,
    • Puis, d’une nouvelle reprise des recrutements.

    Un élément suscite toutefois une profonde interrogation, mais il ne fait malheureusement pas l’objet d’investigations plus approfondies de la Cour : la situation du réseau préfectoral.

    Ce vieillissement accéléré semble signaler une profonde transformation à venir du réseau :

    Les agents des ministères économiques et financiers (la DGFiP)

    En raison de l’importance de leurs effectifs et de leur réseau déconcentré, un examen des grands corps d’inspection de Bercy s’imposait pour la Cour.

    En effet :

    • La direction générale des Finances publiques (DGFIP) réunit 95 000 agents, dont 1 500 A+ et
    • La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), près de 17 000 agents.

    À elles seules, ces deux directions représentent 87 % des emplois des ministères et financiers (MEF). Elles ont déjà fait l’objet d’un traitement par la Cour récemment, s’agissant de la gestion de ses informaticiens.

    Une situation dégradée s’agissant de la DGFiP :

    51 % des agents de la DGFiP ont plus de 50 ans et leur moyenne d’âge est de 48 ans4. Plus inquiétant, : cet âge moyen continue d’augmenter au fil des ans.

    Le vieillissement est encore plus marqué pour les cadres supérieurs de la DGFiP (qui incluent les inspecteurs principaux, inspecteurs divisionnaires et administrateurs des finances publiques adjoints). 74,5 % d’entre eux ont plus de 55 ans et ils partent à la retraite, en moyenne, à 64,7 ans.

    Une situation plus nuancée s’agissant des douanes :

    La moyenne d’âge est de 46 ans et 1 mois pour les douanes. Soit un niveau légèrement supérieur à celui de l’ensemble de l’État. Toutefois, une part importante des effectifs de la DGDDI sont en catégorie active, ce qui est normalement de nature à baisser la moyenne d’âge du corps. Comme pour l’Intérieur, la situation en termes de ressources humaines est donc à surveiller.

    Une évolution problématique des politiques de recrutement des hauts fonctionnaires

    La Cour souligne les contradictions dans la gestion de l’encadrement supérieur

    Des nominations de plus en plus jeunes aux plus hautes fonctions de l’État :

    La Délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE) observe la tendance, davantage marquée, à nommer des agents toujours plus jeunes à des postes d’encadrement supérieur :

    La tranche des 41-45 ans est la génération la plus représentée parmi les nominations effectuées sur des postes de cadres dirigeants en 2023 : directeurs d’administration centrale, délégués interministériels, secrétaires généraux des ministères, préfets, ambassadeurs, recteurs.

    De même, et comme on l’a vu ici dans une autre étude de la Cour sur l’évolution des rémunérations des cadres dirigeants de Bercy : l’accélération des carrières est un point central de la réforme de l’encadrement supérieur. Cette accélération devant inciter les hauts fonctionnaires à occuper des postes d’emplois fonctionnels5.

    Une réforme de la haute fonction publique qui interroge sur les conditions d’emploi des hauts fonctionnaires les plus âgés :

    En retenant uniquement les 2 600 cadres dirigeants suivis par la DIESE précitée :

    • 52 % des agents ont plus de 55 ans (et 10 % plus de 65 ans) ;
    • 35 % ont entre 45 et 55 ans ;
    • 13 % ont moins de 45 ans.

    Au total, l’âge moyen de la population des cadres dirigeants en poste s’établit à 56 ans (hommes) et 54 ans (femmes), leur laissant une perspective de vie professionnelle d’au moins 12 ans.

    La réforme de la haute fonction publique a induit des transformations considérables, avec une logique « d’emploi », dans une fonction publique encore largement de « carrière » :

    • Création du corps des administrateurs de l’État et disparition des corps préfectoral, diplomatique et de l’ensemble des corps d’inspection :
      • Inspection générale des finances ;
      • Inspection générale des affaires sociales ;
      • Inspection générale de l’administration ;
      • Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche…
    • Fonctionnalisation en conséquence de ces différents métiers6, induisant une concurrence entre les hauts fonctionnaires et les contractuels.

    Ainsi, il n’y a plus de « droit au retour » du haut fonctionnaire dans son ancien corps (diplomatique, préfectoral, inspection générale…). Ce qui constitue un point d’attention pour la Cour :

    Le risque de créer une masse d’agents sans affectation, indépendamment de la gestion frictionnelle traditionnelle des nominations, est non seulement plus grand, mais aussi plus visible.

    Les propositions de la Cour pour accompagner ce vieillissement

    La retraite progressive

    La retraite progressive permet aux bénéficiaires de réduire progressivement leur activité à l’approche de la retraite sans perte substantielle de rémunération.

    Au 1ᵉʳ janvier 2024, le nombre d’agents éligibles était estimé à 124 000. Les générations de 1958 à 1963 concentrent plus de 90 % des éligibles :

    • 47 % d’entre eux relèvent du ministère de l’Éducation nationale,
    • 13 % du ministère de l’Économie et des Finances.

    Pour autant, la Cour s’interroge sur le dispositif actuel :

    • L’incitation à la prise de temps partiels supérieurs à 50 % du temps de travail semble disproportionnée et peu compatible avec les nécessités de service ;
    • Le coût de cette incitation n’est pas suffisamment évalué, notamment au regard des gains attendus ;
    • L’impact sur les plafonds d’emplois soulève également une question ;
    • Enfin, le message doit également être plus clair et transparent :

    « Certes, la décision d’accorder une préretraite progressive est à la main de l’employeur, toutefois cette mesure risque d’être considérée comme un acquis social lié à l’aménagement des conditions de travail et non comme un instrument de régulation de l’emploi, une contrepartie de l’allongement des carrières à destination des agents qui ont du mal à l’approche de la retraite à effectuer un temps plein. »

    Diversifier les emplois des administrateurs de l’État et s’interroger sur la sortie de la fonction publique

    Une première proposition consistant à développer les fonctions d’ « experts de haut niveau »

    Les emplois des administrateurs de l’État sont les suivants :

    • En début de carrière : chargés de mission auprès d’un sous-directeur ou d’un directeur, adjoint auprès d’un chef de bureau ;
    • Chef de bureau,
    • Détaché sur un emploi fonctionnel.

    Sauf à occuper un emploi fonctionnel, les perspectives de carrière sont donc réduites.

    Par conséquent, la Cour préconise d’augmenter le nombre d’ « experts de haut niveau ». Certes, ces emplois sont fonctionnels (de ce fait, contingentés), mais leur nombre est aujourd’hui très réduit : moins d’une centaine de postes pour l’ensemble de l’État. Une première piste consisterait donc à augmenter le nombre de ces emplois afin de faire fructifier l’expérience des hauts fonctionnaires sans affectation.

    On peut toutefois s’interroger sur la pertinence de cette analyse qui revient à inverser la réflexion sur les besoins d’une organisation de travail7.

    Les autres propositions

    D’autres perspectives sont esquissées par la Cour :

    • La limitation des prolongations au-delà de la limite d’âge8 (actuellement 67 ans) ;
    • L’utilisation des ruptures conventionnelles de façon ciblée. 

    La faiblesse des propositions de la Cour tient, il me semble, aux difficultés inhérentes aux réformes récentes de la fonction publique.

    En effet, comme j’ai pu l’énoncer plus haut, la tension entre la fonction publique d’emploi et de carrière induit inévitablement un décalage :

    • La fonction publique de carrière est assise sur le recrutement par concours d’un fonctionnaire, avec l’accès à des emplois fonctionnels en dernière partie de carrière9 et
    • La fonction publique d’emploi est assise sur le principe de mise en concurrence des emplois d’encadrement supérieurs (avec les contractuels), en contrepartie d’une absence de droit à carrière10.
    1. Délibéré le 30 septembre 2024.
    2. Voir notamment l’étude de l’INSEE consacrée au Vieillissement de la population active publiée au 1er décembre 2022, dans la revue Économie et Statistique, n° 355-356.
    3. Les agents « sédentaires » sont les agents qui ne sont pas « actifs ». Les agents « actifs » sont les agents qui exercent des fonctions présentant des risques particuliers ou des fatigues exceptionnelles : infirmiers, aides-soignants, douaniers, policiers, personnels pénitentiaires, contrôleurs aériens.
    4. Pour rappel, la moyenne d’âge est de 44 ans dans la FPE.
    5. Les emplois fonctionnels correspondent aux emplois les plus élevés des trois fonctions publiques. Pour l’Etat, il s’agit des préfets, recteurs, délégués interministériels, directeurs d’administration centrale et secrétaires généraux, chefs de service et sous-directeurs.
    6. Autrement dit, l’accès à une fonction se fait après le passage devant un comité de sélection. Le haut-fonctionnaire sélectionné est alors détaché sur l’emploi. Si c’est un contractuel qui est sélectionné, il signe un contrat sur une période déterminée.
    7. En clair : la Cour préconise de créer des emplois fonctionnels, donc particulièrement rémunérés, pour occuper des hauts fonctionnaires qui, sinon, seraient sans affectation. À l’évidence, ces créations d’emplois d’experts de haut niveau devront donc restées mesurées.
    8. De très nombreux hauts-fonctionnaires sollicitent une prolongation de la limite d’âge afin de pouvoir demeurer sur leurs fonctions.
    9. En tempérant d’emblée le principe s’agissant de la France du fait d’une politique de recrutement de hauts fonctionnaires dès la sortie de l’enseignement supérieur ou peu après.
    10. En tout cas, théoriquement. Dans la fonction publique étasunienne, les agents gouvernementaux disposent tout de même d’une sécurité de l’emploi et de grilles salariales.