Étiquette : Haute fonction publique

  • Un sociologue chez les fonctionnaires

    Un sociologue chez les fonctionnaires

    Temps de lecture : 7 minutes.

    Jean-Michel Eymeri est l’auteur de nombreux ouvrages, en particulier sur la haute fonction publique et la scolarité à l’Ecole nationale d’administration (« ENA »), désormais remplacée par l’Institut national du service public (dit, « INSP »).

    Retour sur des éléments d’une conférence intitulée « Les gardiens de l’Etat. Une sociologie des énarques de ministère », tirée de l’ouvrage (pages 161-164) Science politique et interdisciplinarité sous la direction de Lucien Sfez et disponible à cet emplacement : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.80412.

    L’auteur évoque d’abord ses « trouvailles »

    La très forte hiérarchie entre le concours « externe » et les concours « interne » et le « troisième concours »

    « Lorsque l’on travaille à l’ENA, on découvre qu’il n’existe nulle part dans cette maison une liste des élèves et anciens élèves ventilée par origine de concours. Tout le monde la connaît bien sûr pour les deux promotions en cours de scolarité, mais ensuite la mémoire en est comme par hasard perdue. Du coup, il est impossible d’établir le tableau statistique si simple consistant à mettre en rapport l’origine de concours d’entrée et le corps de sortie. Il m’a fallu un mois et demi de travail d’archives et d’inavouables complicités pour constituer cette liste des 5 106 élèves sortis de l’ENA depuis 1945 répartis par origine de concours. Et c’est alors que l’on peut construire la statistique que personne ne voulait voir un enquiquineur de jeune doctorant construire : sur cinquante ans, parmi les énarques sortis à l’IGF, on ne dénombre que 8,6 % d’internes ; à la Cour des comptes 14,9 % ; dans la diplomatie 24 % ; à l’IGAS 41 % ; dans le corps des administrateurs civils 44,3 % ; parmi les conseillers de tribunaux administratifs 62 %, et ceux des Chambres régionales des comptes 79 %. C’est précisément la hiérarchie de prestige des corps et l’ordre dans lequel ils sont choisis en fonction du rang de sortie. Le constat se passe de commentaire. »

    Le système du classement de sortie de l’ENA.

    L’auteur qualifie ce classement d’ « énorme mécanique », avec dix-sept épreuves aux notes et aux coefficients différents représentant (alors) un total théoriquement atteignable de 1 000 points.

    Or, l’auteur constate en premier lieu une forte homogénéité dans les notations des épreuves écrites sur la centaine d’élèves d’une promotion. Selon lui, soixante-dix élèves se tiennent au final à un ou deux points les uns des autres ; il dénombre même une quarantaine d’ex-aequo. « Ramené à une moyenne générale sur 20 cela représente 0,02 point d’écart entre les gens, ce qui n’a proprement aucun sens. »

    Deux notes vont finalement se révéler véritablement discriminantes :

    • D’une part la note de stages, qui représente 20 % du total de points et qui est évidemment tout sauf une épreuve anonyme : « Avoir 9/10 ou 8/10 en stages représente un différentiel de 20 points au classement final c’est-à-dire seize à vingt places, ce qui est décisif. » ;
    • L’autre note où l’éventail est très ouvert, parce que les niveaux sont très disparates, est l’oral de langues vivantes, où un point sur 10 en représente 7 au classement final. L’auteur y décèle l’une des sources les plus évidentes d’inégalités en raison de l’origine sociale.

    La spécificité du corps des administrateurs civils

    Pour l’auteur, les administrateurs civils (désormais « administrateurs de l’Etat ») sont un corps en termes juridiques mais ils ne constituent pas un ensemble qui fait corps au sens sociologique :

    • Ni sentiment subjectif d’appartenance (solidarité ou « esprit de corps ») ;
    • Ni homologie des conditions matérielles d’existence ;
    • Ni représentants ou chefs de corps qui le feraient exister en le représentant ;
    • Ni action collective.

    Voilà un corps qui ne fait pas corps.

    Sur le quotidien du travail en administration centrale

    L’auteur est tout d’abord frappé par le fait que l’expertise se trouve à la base et que l’échelon de chef de bureau est bien souvent le dernier où l’on travaille encore sur le fond des dossiers. Au-dessus, du sous-directeur jusqu’au cabinet, les acteurs se situent dans le « méta », la coordination, l’animation, le commentaire, la négociation, l’arbitrage, le marketing pour vendre telle idée aux partenaires extérieurs et au ministre, etc., en un mot dans l’intermédiation généraliste.

    Un autre point-clé, ignoré de l’extérieur, est le petit nombre de hauts fonctionnaires en charge de secteurs économiques ou juridiques aux enjeux pourtant considérables : « Bien souvent, une sous-direction, c’est-à-dire quatre à six énarques, plus le double ou le triple de cadre A, gèrent un secteur économique entier. Par exemple, l’interface au sein de l’État de tout l’univers des assurances est assumé par une sous-direction au Trésor. Quant au secteur autoroutier, c’est un bureau à la Direction des routes à l’Équipement. »

    Le phénomène est identique aux Affaires sociales, il suffit de se munir d’un organigramme et d’identifier qui est en charge de la Caisse nationale des allocations familiales, du financement de l’autonomie des personnes âgées, de l’indemnisation des chômeurs… « C’est là un phénomène saisissant quand on devient un familier de la machine étatique. »

    On est aussi frappé par les graves carences de la mémoire administrative : « L’État, cette institution en charge de la continuité historique, a très mauvaise mémoire. Le turn over trop rapide des énarques sur les postes (trois à quatre ans en moyenne) y est pour beaucoup, à la différence des hauts fonctionnaires allemands qui restent dix à quinze ans dans le même poste. Du coup, les énarques passent leur temps à refaire des notes rédigées par leurs prédécesseurs, à réinventer des solutions homologues à des problèmes similaires voire, ce qui n’est pas rare, des solutions identiques aux mêmes problèmes : cette dialectique du même et de l’autre est particulièrement intéressante. Ce que l’on appelle la « continuité de l’État » semble ainsi résider moins qu’on l’imagine dans une mémoire conservée que dans la continuité des enjeux à traiter et dans la continuité interpersonnelle des schèmes incorporés que les hommes de l’État appliquent à ces enjeux. »

    L’auteur observe également le rôle spécifique des hauts fonctionnaires dans le travail d’administration centrale, à savoir celui de traducteur :

    « Le rôle collectif des énarques des services consiste à mettre en forme les enjeux et les solutions techniques dans des catégories suffisamment générales, simples et politiques pour être compréhensibles par le ministre et son cabinet, et au-delà les journalistes et autres faiseurs d’opinion. En sens inverse, ils traduisent en mesures et en dispositifs concrets les discours et les orientations générales du politique. Montée en généralité et simplification dans un sens, redescente en technicité et en complexité de l’autre : ceux que l’on désigne à tort d’un mot piégé, « technocrates », sont en fait des techniciens généralistes de la mise en forme et de l’ajustement. Un directeur de ministère m’a dit une fois qu’il avait une « fonction de traducteur simultané ». En fait, la formule s’applique à l’ensemble de l’encadrement énarchique des administrations centrales : leur rôle collectif est d’assurer une permanente opération de traduction, d’intermédiation symbolique et pratique, de décodage-encodage du réel à double sens. Ils font passer des objets et des enjeux d’un code à l’autre, d’un registre à un autre. Ce sont des médiateurs entre le politique et le technique, qui ne sont eux-mêmes ni techniciens ni politiciens, mais participent assez des deux sphères pour en maîtriser les logiques et en parler les langages. Ce sont des traducteurs multi-registres, des généralistes médiateurs. »

    La posture du haut fonctionnaire en administration centrale : neutralité et loyauté au service d’une nouvelle forme d’engagement ?

    L’auteur constate également une redéfinition du caractère concret de la loyauté des administrateurs envers le politique. « En résumé, du modèle classiquement weberien de la loyauté comme neutralité, on est en pratique passé à une définition de la loyauté comme devoir d’engagement. »

    Cet engagement implique que le haut-fonctionnaire ne se limite pas à proposer des solutions au cabinet du ministre, il émet des préconisations et il essaie de démontrer en quoi celles-ci permettraient de concrétiser un souhait ou une ambition gouvernementale.

    A contrario, « dans une machine bureaucratique qui fonctionne au blocage et à la non-décision, si les intéressés ne s’investissent pas dans les dossiers dont ils ont la charge au point d’en faire une affaire personnelle, les dossiers « s’encarafent » et n’aboutissent pas. »

    L’existence d’une culture de l’Etat ?

    Pour l’auteur, il existe, malgré toutes les divergences ministérielles et les « cultures locales » (au sein même des ministères d’ailleurs), « certains ferments culturels d’une homogénéisation partielle (j’insiste sur « partielle ») de l’ensemble étatique. Il y a bien une culture de l’État avec un grand E dont les énarques de ministère, ces administrateurs de l’État, sont les porteurs privilégiés car elle épouse leur culture d’état : la culture de l’institution-État existe en eux sous la forme incorporée d’une culture professionnelle. »

  • La naissance de l’administration centrale moderne sous l’Ancien régime

    La naissance de l’administration centrale moderne sous l’Ancien régime

    Temps de lecture : 8 minutes.

    Éléments glânés à la lecture de l’ouvrage Histoire de l’administration de Yves Thomas.

    Pour retrouver l’image ci-dessus, rendez-vous sur Gallica : Le Roy dans son Conseil

    Au sommet : Les maîtres des requêtes

    L’administration va grossir par son sommet, avec l’apparition des « maîtres des requêtes ». On en compte environ quatre-vingt sous le règne de Louis XIV.

    Il s’agit de juristes chargés d’étudier les dossiers présentés au Roi et d’en faire rapport.

    Pour être maître des requêtes, il faut en principe être âgé de plus de trente ans et avoir été en fonction pendant au moins six ans dans une Cour supérieure. Le prix de la charge est évidemment très élevé, d’autant que cet office est anoblissant — toutefois, l’essentiel des maitres de requête sont déjà d’origine noble (le plus souvent d’extraction ancienne). Par ailleurs, la majorité d’entre eux sont parisiens, mais pas tous :

    M. De Lareyne. Source : bnl-bfm.limoges.fr Bibliothèque francophone multimédia de Limoges.

    Parmi ces maîtres des requêtes seront recrutés les plus hauts fonctionnaires du Royaume : les conseillers d’État (une trentaine environ), mais également les intendants de province.

    Il existe aussi des administrateurs plus spécialisés comme les intendants des Finances au Conseil royal des finances, mais leur rôle est plus circonscrit (tout en demeurant évidemment important).

    Les officiers du Royaume

    Sous l’Ancien Régime, la plupart des agents de la monarchie sont des officiers royaux. On distingue ici deux grands groupes :

    1. Les officiers de justice, qui assurent une fonction juridictionnelle, mais qui peuvent également remplir à titre accessoire des fonctions administratives ;
    2. Les officiers des finances (bientôt supplantés par les intendants des finances) qui ont la charge de la gestion des impôts directs — les impôts indirects étant perçus par une institution spécifique, la « Ferme générale ».

    L’officier est nommé par le Roi par des lettres de provision renvoyant au statut de l’office, celui-ci étant établi par la loi royale ou la coutume. Cet office donne droit à rémunération, gages et souvent privilèges (exemption fiscale).

    L’office est une charge patrimoniale, à la fois vénale et héréditaire.

    L’hérédité de l’office a été institutée sous Henri IV et est acquise par le versement d’une taxe annuelle, dénommée « Paulette » du nom du financier Paulet qui l’inventa.

    Les officiers sont censés avoir une reçu une formation juridique en faculté de droit. Ils semblent avoir en pratique et en moyenne une certaine compétence technique.

    Le problème majeur de l’officier est son indépendance du Roi, qui empêche la prise de mesure disciplinaire et implique un très faible suivi des missions par le Roi.

    Édit de 1705, portant création d’offices. Source : gallica.bnf.fr / BnF.

    L’apparition des commissaires

    Pour s’assurer du contrôle des fonctions jugées les plus importantes, la pratique du commissionnement se développe. Cette pratique, née au XIVe siècle, va bientôt concerner tous les grands postes de l’Etat : contrôleur général des finances, secrétaires d’Etat, conseillers d’Etat, premiers présidents des cours souveraines, ambassadeurs, lieutenant général de police de Paris et intendants de province.

    Le commissaire est nommé par le Roi pour une mission en principe temporaire, spécifiée dans la lettre de commission. Cette charge est toujours révocable.

    Le commissaire, qui exerce des fonctions supérieures, est le plus souvent choisi parmi les officiers royaux.

    Le Conseil d’En-Haut

    Ce Conseil comprend les plus hauts dignitaires du régime :

    • Le chancelier, qui demeure un officier inamovible et dont l’origine de la fonction est la plus ancienne, chargé d’assurer la Justice. En cas de conflit, le Roi peut lui adjoindre un Garde des sceaux, évidemment commissionné, pour exercer les fonctions législatives ;
    • Les secrétaires d’Etat, au nombre de quatre, qui acquièrent sous Louis XIV une véritable stature de « ministre ». Initialement responsables d’affaires « départies » par division géographique : chacun étant responsables des affaires relevant de certaines provinces et pays étrangers (d’où l’expression de « département ministériel »), auxquelles se sont surajoutées ensuite une répartition par matières : affaires étrangères, Maison du Roi, Guerre et Marine. Ce double portefeuille (matériel et géographique) explique l’absence de ministre de l’Intérieur jusqu’à la Révolution ;
    • Le contrôleur général, créé en 1665 et attribué à Colbert, marque l’avènement de ce que certains ont qualifié de « monarchie administrative ».

    Pour traiter leurs dossiers, les ministres se sont adjoints peu à peu des « bureaux », dans lesquels apparait une nouvelle catégorie d’agents de l’Etat : les « commis ». Nous avons là les ancêtres directs des agents publics contemporains des administrations centrales.

    En 1775, le Contrôleur général compte plus de 150 commis dans les services ministériels. Ceux-ci sont recruté et révoqué par le ministre, ils dépendent entièrement de lui qui les rémunère comme il l’entend, au moyen d’une dotation que lui alloue le Roi.

    Ces employés sont répartis dans des bâtiments parisiens et dans une aile de Versailles.

    Peu à peu, les fonctions s’affinent et se spécialisent : est ainsi créé en 1716 le corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées chargé de la construction du grand réseau de routes royales. Ces derniers sont recrutés à partir de 1747 par l’Ecole des Ponts et Chaussées, sur concours, puis commissionnés par le Roi.

    Cette école servira de prototypes aux corps d’ingénieurs suivants et constitue certainement l’élément le plus novateur dans la création d’une fonction publique professionnelle sous l’Ancien Régime.

    Les intendants des province

    La fonction d’intendant nait plus tardivement, au XVIe siècle. Il s’agit alors d’envoyer en « tournées » dans les provinces les maitres des requêtes afin de surveiller les autorités locales et en particulier les officiers.

    Leur installation défintive dans les provinces est réalisée par Louis XIV. La Bretagne est la dernière pourvue, en 1689.

    Censé impulser une forme de centralisation, leur action demeure toutefois un exercice enraciné dans les territoires. Certains intendants restent par exemple en fonction vingt ou trente ans dans leur province, avec l’obtention dans certains cas d’une transmission au fils par lettre de survivance royale.

    A la fin de l’Ancien régime, on compte environ trente-trois intendances, aux frontières très irrégulières. Ces derniers peuvent par ailleurs disposer de subdélégués, appelés à devenir les futurs sous-préfets du régime républicain.

    Peu à peu, les intendants gagnent en prérogative suivant le principe selon lequel il a seul compétence pour mettre en œuvre les nouvelles politiques royales en matière de travaux publics, d’urbanisme ou encore d’assistance qualifiées d’ « extraordinaires ».

    M. De Meilhan, intendant du Hainault. Source : gallica.bnf.fr / BnF.

    En 1641, un édit établit une distinction fondamentale entre le contentieux des affaires privées et celui des affaires publiques, interdisant au Parlement de Paris de prendre connaissance de toutes affaires : « qui peut concerner l’Etat, administration et gouvernement d’icelui que nous réservons à notre personne seule. »

    L’intendant se voit ainsi dévolu des fonctions juridictionnelles en matière administrative, l’appel étant porté devant le Conseil du Roi.

    Peu à peu, les officiers locaux perdent également des prérogatives historiques. En 1683, Louis XIV impose un système de tutelle financière des intendants sur les décisions prises par les villes. En 1704, les magistratures urbaines perdent leur caractère héréditaire.

    Seuls la Bretagne et le Languedoc demeurent administrativement autonomes, avec notamment le privilège de lever l’impôt provincial.

    A la veille de la Révolution, la monarchie a finalement jeté les bases de l’administration moderne :

    • Une structure ministérielle,
    • Une bureaucratie professionnelle et hiérarchisée,
    • Un traitement juridique ad hoc des contentieux administratifs (le dualisme juridictionnel),
    • Mais aussi selon l’auteur, Yves Thomas, une : « attitude de distance hautaine à l’égard des administrés. »

    Un mouvement de recul est toutefois à l’œuvre à la fin de l’Ancien Régime, marqué par une volonté de renouer avec les Etats provinciaux autonomes, en opposition à l’absolutisme centralisateur monarchique. Sont ainsi évoqués en 1788 la constitution d’assemblées municipales, de district et provinciales, afin de renouer avec une forme de décentralisation du pouvoir. Il est évidemment trop tard.

    La Révolution

    L’abolition des privilèges dans la nuit du 4 août condamne la structure administrative monarchique.

    Les offices sont supprimés et leurs titulaires indemnisés (en assignats…), le Conseil du Roi est remplacé par le Conseil d’Etat, la Chancellerie devient le ministère de la Justice, les secrétariats d’Etat voient leurs portefeuilles préservés et sont requalifiés en ministres des affaires étrangères, de la guerre et de la marine.

    Seul le Contrôleur général est véritablement démantelé, symbolisant le « despotisme ministériel » d’un système monarchique défaillant. Une partie de ses attributions est confiée à un ministère des Contributions publiques, tandis que ses compétences de police sont rapprochées de celles dévolues à la Maison du Roi pour former le nouveau ministère de l’Intérieur. Enfin, est créé un service administratif, la Trésorerie nationale, chargée de procéder au paiement des dépenses de l’Etat.

    Par ailleurs, les administrations centrales et les corps techniques demeurent.

    Le nouveau régime souffre toutefois d’un déséquilibre : l’Assemblée ayant un pouvoir législatif sans borne, elle prive l’Exécutif de toute capacité d’instruction générale, bornant les ministres à la prise de décisions individuelles. Bientôt, par la création de comités, l’Assemblée elle-même interviendra dans le fonctionnement quotidien des ministères jusqu’à régenter directement l’administration à compter de 1792, et plus encore en 1793 avec le Comité de Salut public dirigé par Robespierre.

    Comité central du salut public. Source : gallica.bnf.fr / BnF.

    Du point de vue local, dès 1789 sont instituées les communes (loi d’organisation municipale du 14 décembre 1789), qui regroupent 44 000 collectivités, avec l’imposition d’un modèle unique d’organisation. A ces communes se superposent des départements, créés par la loi du 22 décembre 1789.

    Ces derniers, au nom du principe d’unité nationale, ne sont pas des collectivités territoriales autonomes dotées de la personnalité morale, mais de simples circonscriptions administratives avec une fonction purement exécutives. Le découpage est effectué en tenant compte des provinces, les plus grandes étant divisées en plusieurs département (la Bretagne en cinq, par exemple), tandis que certains départements correspondent à une province, comme la Dordogne. En revanche, toute référence au passé est exclu dans la dénomination des départements qui emprunte exclusivement à la géographie.

    Les trois niveaux d’administration : département, district et commune sont liés entre eux par une tutelle hiérarchique, qui se révèle rapidement assez formelle et peu opérationnelle.

    Enfin, le nouveau régime républicain innove également dans sa sémantique. En 1790, apparait ainsi le terme « fonctionnaire » comme désignant l’agent de l’Etat détenteur d’une portion de la puissance. A celui-ci s’adjoint un « employé », simple exécutant, surtout présent en administration centrale et successeur direct des « commis ».

    Toutefois, la différence fondamentale tient au statut de l’« employé ». Celui-ci dispose en effet, de par la loi, d’un système de rémunération et d’un régime de retraite tenant à matérialiser le lien entre l’Etat et ses agents. L’employé est transformé en véritable « agent public » dans son acception moderne, il n’appartient plus au ministre, mais à l’Etat.

    Pour autant, l’essentiel des commis de l’Ancien Régime vont rester en place, à l’exception des nobles exerçant les fonctions dirigeantes. Le nombre d’agents publics se stabilise bientôt autour de six cents.

  • Où vont les nouveaux hauts fonctionnaires ?

    Où vont les nouveaux hauts fonctionnaires ?

    Temps de lecture : 1 minute.

    Un arrêté a été publié récemment portant publication de la répartition des postes des élèves de l’Institut national du service public (INSP) par administration : Arrêté du 13 avril 2024 portant répartition des emplois offerts aux élèves de l’Institut national du service public achevant leur scolarité en octobre 2024 – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

    Outre les quelques postes en juridictions, on note l’évidente prépondérance des ministères économiques et financiers, mais également (et plus généralement) la forte concentration des recrutements.

    En effet, trois ministères portent plus de la moitié des affectations :

    Emplois offerts aux élèves de l’Institut national du service public achevant leur scolarité en octobre 2024 POSTES PART (%)
    Magistrats 12 12%
    Conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel 8 8%
    Conseillers de chambres régionales des comptes 4 4%
    Administrateurs de l’Etat 83 85%
    Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique 28 29%
    Ministère de l’intérieur et des outre-mer 11 11%
    Ministère du travail, de la santé et des solidarités  15 15%
    Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse,
    Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
    3 3%
    Ministère de la culture  2 2%
    Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire  2 2%
    Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires  5 5%
    Ministère des armées  5 5%
    Ministère de la justice  4 4%
    Ministère de l’Europe et des affaires étrangères  6 6%
    Ministère de la transformation et de la fonction publiques 1 1%
    Caisse des dépôts et consignations 1 1%
    Administrateurs de la Ville de Paris 3 3%
    TOTAL 98 100%
  • Quelles évolutions des rémunérations pour la haute fonction publique ?

    Quelles évolutions des rémunérations pour la haute fonction publique ?

    Temps de lecture : 2 minutes.

    Avec la lecture des observations définitives (délibérées le 2 octobre 2023) de la Cour des comptes sur la réforme de l’encadrement supérieur de l’Etat dans les ministères économiques et financiers (autrement dit, « Bercy ») : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/67857.

    Le périmètre : les ministères économiques et financiers (MEF) emploient plus d’un tiers des administrateurs de l’Etat (soit 1 866) et sont concernés par l’extinction d’importants corps de fonctionnaires qui leur sont rattachés.

    Le nouveau corps des administrateurs de l’Etat doit réunir environ 5 500 fonctionnaires en « un corps unique, attractif et véritablement interministériel. »

    Auparavant, seize différents corps de hauts fonctionnaires cohabitaient dans lesdites ministères, quatorze d’entre eux permettent à ceux qui le souhaitent de se maintenir, tandis que deux corps sont simplement supprimés et les agents reclassés dans le nouveau corps.

    Parmi ces corps et pour les MEF, on retrouve les administrateurs des finances publiques (651), de l’inspection générale des finances (184) et du contrôle général économique et financier (87).

    Par ailleurs, le chantier de l’encadrement supérieur technique reste ouvert : les administrateurs (675) et inspecteurs généraux (112) de l’Insee, les ingénieurs des mines (929) et les corps de direction de la DGDDI et de la DGCCRF ne sont pas concernés par la réforme. La Cour ne donne pas les effectifs des deux derniers corps.

    La nouvelle grille indiciaire du corps des AE est fondée sur une attractivité continue, avec un réhaussement moyen de 4,7% de la rémunération brute mensuelle au moment du reclassement des cadres supérieurs du MEF et des perspectives de carrière globalement améliorées.

    Le nombre d’échelons est multiplié, tandis que leur durée est réduite, avec pour effet de réduire légèrement les progressions de rémunérations en milieu de carrière afin de favoriser l’occupation d’un emploi fonctionnel supérieur, permettant d’accélérer le gain d’échelon.

    Comme on peut le constater dans le graphique ci-après de la Cour de comptes, on peut difficilement faire mieux en termes d’attractivité :

    Nouvelle grille indiciaire des administrateurs de l’Etat
    Nouvelle grille indiciaire des administrateurs de l’Etat

    Toutefois, le niveau indemnitaire continuera de jouer un rôle essentiel dans l’attractivité du MINEFI avec un équilibre subtil entre la convergence interministérielle et la valorisation des postes d’encadrement jugés stratégiques.

    A titre de comparaison et pour mémoire, voici les rémunérations moyennes (plus basses et plus hautes) proposées par les ministères avant la création du corps des administrateurs de l’Etat :

    Le mieux pour commencer semble donc être l’Intérieur. Pour terminer votre carrière, choisissez les solidarités…
    Le mieux pour commencer semble donc être l’Intérieur. Pour terminer votre carrière, choisissez les solidarités…

    La Cour évalue le coût, pour les seuls MEF et en septembre 2023, à 4,6 M€.