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  • Comment Devenir Conseiller de Chambre Régionale des Comptes ? (Magistrat Financier)

    Comment Devenir Conseiller de Chambre Régionale des Comptes ? (Magistrat Financier)

    Temps de lecture : 7 minutes.

    Tous concours confondus, douze magistrats des chambres régionales des comptes (CRC) ont été recrutés sur 2024.

    Les missions des magistrats de CRC sont essentiellement de quatre ordres :

    • Contrôle juridictionnel : la CRC est tenue de déférer au ministère public près de la Cour des comptes les faits susceptibles de constituer des infractions au code des juridictions financières (article L. 211-1 dudit code). Par ailleurs, les magistrats de CRC peuvent être affectés sur des fonctions juridictionnelles durant leur carrière ;
    • Contrôle des comptes et de la gestion : régularité des recettes et des dépenses, économie des moyens mis en œuvre, évaluation des résultats atteints (article L. 211-3) d’organismes particulièrement divers dépendant ou financés par des collectivités territoriales ;
    • Contrôle des actes budgétaires (article L. 211-11) et des conventions relatives à des délégations de service public (article L. 211-12) ;
    • Évaluation de politiques publiques du ressort territorial de la chambre régionale (article L. 211-15).

    Concrètement, le magistrat est en binôme avec un vérificateur (article R. 212-23)1 et est chargé de réaliser trois à quatre contrôles par an.

    Calculs personnels à partir des rapports d’activité des CRC. Les juridictions financières comptent au total 1 808 magistrats (source : Chiffres clés de la Cour des comptes)
    Calculs personnels à partir des rapports d’activité des CRC. Les juridictions financières comptent au total 1 808 magistrats (source : Chiffres clés de la Cour des comptes)

    Pour une présentation plus complète, vous pouvez consulter la plaquette de présentation du concours publié par la Cour des comptes au titre de 2024.

    Les Modes d’Accès à la Fonction de Magistrat de Chambre Régionale des Comptes

    Compte tenu du faible nombre de magistrats de chambres régionales des comptes (environ 400), les voies d’accès sont relativement étroites.

    Le concours d’accès est ainsi unique (étudiants et professionnels réunis) et se tient tous les deux ans, en alternance avec la procédure de recrutement au tour extérieur.

    Les Concours

    Deux concours permettent d’accéder à la fonction de conseiller (article L. 221-3 du code des juridictions financières) :

    1. Le concours de l’Institut national du service public (INSP, ex-École nationale d’administration) pour les élèves formulant ce choix à la fin de leur scolarité. Au titre de 2024 : deux postes ont été ainsi attribués à des élèves de l’INSP ;
    2. Le concours direct (et unique). Dix postes ouverts au titre de 2024.

    Contrairement au concours de magistrat administratif, la sélectivité est plus forte au concours unique d’accès direct qu’au concours de l’Institut national du service public2.

    Toutefois, le faible nombre d’emplois offerts à l’issue de la scolarité plaide pour le passage du concours de conseiller si le candidat souhaite exercer en juridiction financière.

    Comme pour les magistrats administratifs, une formation statutaire est prévue pour les lauréats des concours dans les douze mois suivent l’entrée en fonction (article R. 221-3 et R. 228-7). Cette formation est assurée par la Cour des comptes et peut être complétée par une formation organisée par l’INSP. Elle est généralement assurée durant le premier semestre de l’année suivant la nomination.

    Le Tour Extérieur

    Il existe également une procédure de recrutement au « tour extérieur »3.

    Ouvert aux Agents Publics Ayant Dix ans d’Expérience

    Celle-ci est fixée à l’article L. 221-4 du code des juridictions financières. Elle concerne :

    • Les agents publics des trois versants de la fonction publique appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé4 et
    • Justifiant au 31 décembre de l’année considérée d’un minimum de dix ans de services publics dans un organisme relevant du contrôle de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes.

    Le nombre de places est fixé par arrêté du président de la Cour des comptes et ne peut pas être supérieur au nombre de places offertes au concours direct (dix places pour 2023).

    L’Examen des Candidatures par une Commission de Haut Niveau

    Cette inscription est prononcée par une commission chargée d’examiner les titres des candidats et qui comprend onze membres :

    • Le premier président de la Cour des comptes, président de la commission ;
    • Le procureur général près la Cour des comptes ou son représentant ;
    • Le président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes ;
    • Trois membres désignés respectivement par :
      • Le ministre chargé des Finances ;
      • Le ministre chargé de l’Intérieur ;
      • Le ministre chargé de la Fonction publique ;
    • Le directeur de l’Institut national du service public ou son représentant ;
    • Un magistrat de la Cour des comptes désigné par le conseil supérieur de la Cour des comptes et
    • Trois magistrats de chambres régionales des comptes désignés par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

    Cet examen se fait en deux temps :

    1. Une analyse du dossier de chaque candidat, puis
    2. Une audition par la commission des candidats dont les dossiers sont jugés satisfaisants.

    L’Établissement d’une Liste d’Aptitude

    La commission établit ensuite une liste d’aptitude, par ordre de mérite.

    Il ressort de l’analyse des résultats au tour extérieur que la quasi-intégralité des candidats retenus au tour extérieur sont ou ont été vérificateurs en chambre régionale des comptes5.

    Comme pour les magistrats recrutés par la voie du concours, et dans des modalités identiques, une formation à compter de leur entrée en fonction est prévue par le code des juridictions financières (article R. 221-10).

    S’agissant des affectations géographiques, quelques CRC concentrent les recrutements :

    Calculs personnels, à partir des postes ouverts sur les trois derniers tours extérieurs.
    Calculs personnels, à partir des postes ouverts sur les trois derniers tours extérieurs.

    Le Détachement (Qui Peut Être Suivi d’une Intégration)

    L’article L. 221-10 établi la liste des corps pouvant être détachés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes :

    • Les magistrats de l’ordre judiciaire ;
    • Les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Institut national du service public ;
    • Les professeurs titulaires des universités ;
    • Les maîtres de conférences ;
    • Les fonctionnaires civils et militaires issus de corps et cadres d’emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable.

    Par ailleurs, l’alinéa 2 du même article L. 221-10 prévoit la possibilité pour certains contractuels justifiant d’une expérience professionnelle d’au moins six années d’activité « les qualifiant particulièrement » d’exercer des fonctions de magistrat des chambres régionales des comptes.

    Dans une communication de 20166, la Cour des comptes comptabilisait une centaine de personnels détachés dans des fonctions de magistrat en CRC (pour environ 350 magistrats en exercice). En majorité des administrateurs territoriaux.

    Autrement dit, près du quart des magistrats de CRC est constitué de fonctionnaires détachés7.

    Les Épreuves du Concours d’Accès au Grade de Conseiller (Concours Direct)

    Le concours direct est ouvert :

    • Aux agents publics appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé justifiant au 31 décembre de l’année du concours de sept ans de services publics effectifs, dont trois ans en catégorie A ;
    • Aux magistrats de l’ordre judiciaire ;
    • Aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Institut national du service public.

    La Composition du Jury

    Celle-ci est prévue par l’article R. 228-2 du code des juridictions financières8 et comprend dix membres :

    • La présidence du jury est assurée par le président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes assure la présidence du jury ;
    • Trois membres sont ensuite désignés par :
      • Le ministre chargé des Collectivités territoriales ;
      • Le ministre chargé du Budget ;
      • Le ministre chargé de la Fonction publique ;
    • Deux professeurs des universités (titulaires) ;
    • Un avocat général, un procureur financier ou un substitut général désigné par le procureur général près la Cour des comptes ;
    • Un président ou vice-président de chambre régionale des comptes ;
    • Deux membres du corps des magistrats de chambre régionale des comptes, proposés par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

    La diversité des professionnels représentés témoigne du haut niveau de compétences attendu.

    Les Épreuves d’Admissibilité et d’Admission

    Les épreuves du concours de conseiller de chambre régionale des comptes sont particulièrement ramassées (article R. 228-4).

    Deux épreuves d’admissibilité) :

    • L’étude d’un dossier de finances publiques (quatre heures, coefficient 2) ;
    • Une composition sur un sujet de droit constitutionnel ou administratif (quatre heures, coefficient 1).

    Une épreuve d’admission consistant en une interrogation portant sur un sujet tiré au sort se rapportant à la gestion publique locale suivie d’une conversation d’ordre général avec le jury sur des questions juridiques (trente minutes de préparation et quarante-cinq minutes d’échanges, coefficient 2)9.

    Toute note inférieure à 5 est éliminatoire (article R. 228-5). Cependant, et contrairement au concours de magistrat administratif, il n’existe aucune limite à la présentation du concours.

    Contrairement au tour extérieur, les postes ouverts sont nettement mieux répartis, y compris dans certaines régions plus attractives :

    Calculs personnels
    Calculs personnels

    Le Programme des Épreuves

    Le programme est fixé par l’arrêté du 8 mars 2018 fixant le programme des épreuves du concours organisé pour le recrutement direct de conseillers de chambre régionale des comptes. Bien que les épreuves soient peu nombreuses, le nombre de matières à maîtriser se révèle important.

    Le programme des écrits

    Le cadre général des finances publiques :

    Les prélèvements obligatoires et les autres ressources publiques :

    Déficits et dette publics :

    Les finances de l’État :

    Les finances locales :

    Les règles comptables et le contrôle des finances publiques :

    En compléments, des éléments de droit public sont également attendus.

    Ici, vous pouvez vous rapporter au programme de droit public pour le concours de magistrat administratif.

    Les sujets pouvant susciter des questions à réponses courtes ou à une discussion juridique avec le jury portent sur les sujets suivants :

    L’organisation et les compétences des collectivités territoriales :

    La politique budgétaire et financière des collectivités territoriales :

    La gestion du personnel dans les CT (statut de la FPT).

    Les services publics locaux :

    Les collectivités territoriales et les citoyens (information et communication locales, concertation et participation des citoyens).

    Le contrôle des comptes et la gestion des organismes publics locaux et de leurs satellites :

    1. Agent de catégorie A chargé de l’assister dans son contrôle.
    2. Environ 4 % de réussite au concours unique de CRC. Il s’agit de l’un des concours les plus difficiles de la République.
    3. Le recrutement au tour extérieur est un recrutement sur dossier, après audition des candidats. De solides références juridiques et un parcours professionnel de haut niveau sont évidemment requis.
    4. Sont également listés les magistrats de l’ordre judiciaire, mais ces derniers n’ont en réalité aucun intérêt à passer le concours ou le tour extérieur, puisqu’ils peuvent être détachés dans le corps.
    5. Et, dans une moindre mesure, à la Cour des comptes.
    6. « Devenir magistrat de chambre régionale des comptes », Cour des comptes, 10 octobre 2016.
    7. Inversement, une soixantaine de magistrats de CRC étaient, à la date de l’enquête, en dehors des CRC. Soit un peu moins du cinquième (dont certains à la Cour des comptes).
    8. Ici encore, la ressemblance avec le jury du concours de conseiller de juridiction administrative n’est pas fortuite. Les mêmes exigences techniques et intellectuelles sont requises.
    9. L’épreuve orale est en réalité double et se rapproche en cela de celle prévue au concours direct pour l’accès aux fonctions de conseiller de tribunal administration et cour administrative d’appel.
  • Comment devenir juge administratif ?

    Comment devenir juge administratif ?

    Temps de lecture : 6 minutes.

    101 magistrats de tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et de la Commission nationale du droit d’asile ont été recrutés sur 2024.

    Le rapport public du Conseil d’État sur l’activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2024 permet d’abord de se représenter l’activité de ces magistrats :

    • Environ 600 000 litiges enregistrés sur l’exercice 2024 (+ 8 %), dont 280 000 enregistrés par les seuls tribunaux administratifs1 ;
    • Une durée moyenne prévisionnelle de jugement de onze mois pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, cinq mois à la Commission nationale du droit d’asile (CNDA) et six mois au Conseil d’État ;
    • Près de 1 300 magistrats et plus de 2 000 agents de greffe et soutien dans les tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et de la CNDA. Environ 240 membres du Conseil d’État et 400 agents de soutien.
    • Des affaires constituées pour près de la moitié par le contentieux des étrangers, suivi du contentieux des agents publics, du logement, des aides sociales.
    Extrait du rapport annuel du Conseil d’État sur l’exercice 2024
    Extrait du rapport annuel du Conseil d’État sur l’exercice 2024

    Les modes d’accès à la fonction de magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

    Les concours

    Deux concours permettent d’accéder à la fonction de conseiller (article L. 233-2 du code de justice administrative) :

    1. Le concours de l’Institut national du service public (ex-École nationale d’administration) pour les élèves formulant ce choix à la fin de leur scolarité. Relativement minoritaire : environ 10 % des entrées dans le corps ;
    2. Par un concours direct (externe ou interne), devenu la voie normale d’accès : environ 50 % des entrées dans le corps ;
      1. Le concours externe : ouvert aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Institut national du service public (niveau licence) ;
      2. Le concours interne : pour les agents publics, civils ou militaires, ainsi que les magistrats de l’ordre judiciaire justifiants, au 31 décembre de l’année du concours, de quatre années de services publics effectifs.

    Si votre souhait est de devenir magistrat, vous n’avez pas d’intérêt à passer le concours de l’Institut national du service public (sauf à vouloir multiplier vos chances) :

    • La sélectivité est plus élevée au concours de l’Institut national du service public2 ;
    • La formation est nettement plus longue (deux ans, contre six mois pour le concours direct) et
    • La diversité des postes proposées à l’issue de la formation constitue un aléa.

    Le tour extérieur

    Il existe plusieurs procédures de recrutement au « tour extérieur »3 :

    1. Celle de l’article L. 233-3 du code de justice administrative, qui offre accès au grade de conseiller pour :
      1. Les fonctionnaires civils ou militaires justifiants d’au moins dix ans de services publics effectifs dans un corps ou un cadre d’emplois de catégorie A ;
      2. Les magistrats de l’ordre judiciaire.
    2. Celle de l’article L. 233-4 du même code, qui offre accès au grade de premier conseiller pour les cadres supérieurs des trois fonctions publiques justifiant d’au moins huit ans de services effectifs dans les corps listés4.

    Chaque année, le vice-président du Conseil d’État détermine le nombre d’emplois à pourvoir au titre du L. 233-3 et du L. 233-4 précités.

    Concrètement, l’essentiel des candidats et des nommés relève de la catégorie 1.1 : attachés d’administration (des trois versants), inspecteurs des finances publiques, etc.

    Le tour extérieur concerne environ 15 % des entrées annuelles dans le corps.

    Le détachement (qui peut être suivi d’une intégration)

    Pour les corps suivants, il est possible de solliciter un détachement en qualité de conseiller ou de premier conseiller :

    • Les fonctionnaires recrutés par la voie de l’Institut national du service public ;
    • Les professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités ;
    • Les administrateurs des assemblées parlementaires et
    • Les fonctionnaires civils ou militaires de l’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois de niveau équivalent à celui des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel5.

    S’ils satisfont aux critères des articles L. 233-3 et L. 233-4 précités, ils peuvent alors demander l’intégration dans ce corps ; aux grades de conseiller ou de premier conseiller.

    Le détachement est le mode d’accès le plus aisé pour les corps précités. La procédure formelle de sélection au tour extérieur étant nettement plus lourde et complexe.

    22 % des entrées dans le corps se font par la voie du détachement, qui est donc un instrument important de gestion.

    Ce haut niveau témoigne également de l’attractivité de ce corps.

    En synthèse

    Extrait (chapitre 2) du guide pratique du site www.lesja.fr consacré au recrutement
    Extrait (chapitre 2) du guide pratique du site www.lesja.fr consacré au recrutement

    Les épreuves du concours d’accès au grade de conseiller (concours direct)

    L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État a abrogé l’article L. 233-6 consacré au « recrutement direct ».

    Pour autant, la partie règlementaire du code de justice administrative continue d’y faire référence et fixe plusieurs principes.

    Tout d’abord, deux règles importantes :

    L’impossibilité de se présenter plus de trois fois au concours (R. 233-9)6 et le caractère éliminatoire de toute note inférieure à 5 (R. 233-11)

    La composition du jury

    Celle-ci est prévue par l’article R. 233-8 du code de justice administrative :

    • Le chef de la mission permanente d’inspection des juridictions administrative (président du jury) ;
    • Un représentant du ministre de la justice ;
    • un représentant du ministre chargé de la fonction publique ;
    • Deux professeurs titulaires d’université et
    • Deux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel7.

    La diversité des professionnels représentés témoigne du haut niveau de compétences attendu.

    Les épreuves d’admissibilité et d’admission

    Les trois épreuves d’admissibilité (1° du R. 233-11 du code de justice administrative) :

    • L’étude d’un dossier de contentieux administratif (quatre heures, coefficient 3). L’épreuve la plus déterminante ;
    • Une épreuve constituée de (en général, quatre) questions portant sur des sujets juridiques ou administratifs appelant une réponse courte (une heure et demie, coefficient 1) ;
    • Une dernière épreuve (quatre heures, coefficient 1), suivant l’origine des candidats :
      • Concours externe : dissertation portant sur un sujet de droit public ;
      • Concours interne : note administrative portant sur la résolution d’un cas pratique posant des questions juridiques.

    Deux épreuves d’admission :

    • Une épreuve orale portant sur un sujet de droit public suivie d’une conversation avec le jury sur des questions juridiques (trente minutes de préparation et trente minutes d’échanges, coefficient 2) ;
    • Un entretien avec le jury portant sur le parcours et la motivation du candidat (vingt minutes, coefficient 2).

    Le programme des épreuves

    L’étude d’un dossier de contentieux, la dissertation portant sur un sujet de droit public (concours externe) et le programme de sujets de droit public tirés au sort par les candidats lors de la première épreuve d’admission portent sur les sujets suivants :

    Quelques éléments fondamentaux de droit public :

    Le droit constitutionnel :

    Le droit administratif :

    Le contentieux administratif :

    Les sujets pouvant susciter des questions à réponses courtes ou à une discussion juridique avec le jury portent sur les sujets suivants :

    La gestion des administrations :

    Quelques éléments sur les grandes politiques publiques :

    Le droit de la fiscalité :

    Enfin, des notions fondamentales de :

    • Droit civil et de procédure civile ;
    • Droit pénal et de procédure pénale.
    1. 200 000 pour le tribunal du stationnement pays, 56 500 pour la Cour nationale du droit d’asile, 31 500 pour les cours administratives d’appel et 9 500 pour le Conseil d’État.
    2. Environ 6 % au titre du concours externe pour 2023, contre 10 % pour le concours externe direct. Pour le concours interne, le constat est plus nuancé, le taux de sélectivité étant d’environ 10 % à l’INSP, contre 12 à 13 % pour le concours interne direct.
    3. Le recrutement au tour extérieur est un recrutement sur dossier, après audition des candidats. De solides références juridiques et un parcours professionnel de haut niveau sont évidemment requis.
    4. Fonctionnaires de l’INSP, fonctionnaires de catégorie A ou cadre d’emplois de même niveau et titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours d’entrée de l’INSP, magistrats de l’ordre judiciaire, professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, administrateurs territoriaux, personnels de direction des établissements de santé et autres établissements (directeur d’hôpital et directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social).
    5. En pratique, cela recouvre les corps cités à l’article L. 233-4 de la note de bas de page précédente. Le Conseil d’État est chargé d’établir la liste.
    6. On peut s’interroger sur la portée de cette disposition attachée à un article abrogé. Ici, le concours de magistrat administratif se distingue de celui de juge judiciaire où le nombre de passage n’est pas limité. Régulièrement des élèves de l’Ecole nationale de la magistrature ont ainsi passés plus de trois fois le concours avant d’être admis.
    7. Nommés par arrêté du vice-président du Conseil d’État, sur proposition du Conseil supérieur des tribunaux administratives et des cours administratives d’appel.
  • Attractivité de la fonction publique : l’émergence d’un problème public

    Attractivité de la fonction publique : l’émergence d’un problème public

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 2)

    Temps de lecture : 5 minutes.

    Deuxième volet d’une série d’articles consacrés au rapport remis par France stratégie en décembre 2024 sur l’attractivité de la fonction publique.

    Dans ce chapitre introductif, les chercheurs tendent à démontrer que la question de l’attractivité s’impose désormais dans le débat public. Pour autant, ce problème n’est pas nouveau, ses ressorts sont complexes et nécessitent une remise en cause probablement profonde des administrations et de leurs chefs de service.

    Une dénonciation ancienne du « trop grand nombre de fonctionnaires »

    Les rapporteurs précisent d’abord que le néologisme « bureaucratie » a été créé par l’économiste physiocrate Vincent de Gournay (1712-1758). L’objet de ce concept était déjà de dénoncer l’influence, jugée trop importante, des fonctionnaires sur la vie sociale et économique du pays. En spécifiant qu’alors, l’administration de l’État monarchique était très (très) modeste.

    Ces premiers éléments rappellent à l’évidence les travaux d’Émilien Ruiz, notamment rassemblés dans son ouvrage Trop de fonctionnaires dont est tiré le graphique suivant :

    Le souci de bien recruter et bien former

    La sélection par concours et la création d’écoles spécialisées dès le début du XIXe siècle

    La compétence et la formation des agents deviennent progressivement un critère de recrutement avec l’affermissement de l’État.

    Les ministères chargés de l’Équipement et des Armées sont les premiers à développer une logique de concours, puis de formation préalable au recrutement :

    • L’École des ponts et chaussées est fondée en 1747 ;
    • L’École polytechnique en 17941 ;
    • L’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1803 et
    • L’école Navale en 1830.

    La logique de sélection et de formation des agents publics compétents est ensuite graduellement adoptée dans les administrations civiles. Dès 1835, un concours est ainsi mis en place pour l’accès à la magistrature2.

    Un long chemin vers la généralisation du concours

    Une montée en puissance progressive du milieu du XVIIIe jusqu’à la fin de la IIIe République

    Dès 1844, un rapport propose de sélectionner au mérite, par concours, examen ou diplôme les agents publics.

    Cette effervescence intellectuelle et libérale permettra la création quatre ans plus tard, en 1848, de la première École nationale d’administration pour sélectionner les agents administratifs de l’État.

    Toutefois, cette école survivra à peine quelques mois et il faudra attendre la Troisième République pour voir le système de concours émerger de nouveau.

    Une consécration juridique à compter de la moitié du XXe siècle

    Le souci de sélection et de formation se renforce sous Vichy dans une approche punitive et culpabilisante. Les fonctionnaires étant tenus pour partie responsable de la débâcle.

    Le concours devient alors un fondement du recrutement des fonctionnaires3 :

    L’article 27 de la « loi » du 14 septembre 1941 dispose ainsi que :

    « Nul ne peut être admis à un emploi de début s’il n’a satisfait aux épreuves d’un concours ou aux examens de sortie d’une école lorsque le recrutement est assuré par cette voie. »

    Pour autant, ici comme ailleurs, les « valeurs » portés par Vichy se révèlent à l’usage très peu suivi d’effets.

    Le régime a besoins de bras pour réaliser ses « missions » et, pour ce faire, non seulement il recrute des agents publics, mais il le fait davantage encore que sous la IIIe République, en dehors des modes de recrutements traditionnels :

    • En 936, l fonction publique comptait 106 000 agents non titulaires (19,7 % de l’emploi public) ;
    • En 1946, ils étaient 356 000 (40 %).

    Le principe de sélection par concours sera réaffirmé dans le statut de 1946 (premier statut républicain de la fonction publique), puis par le statut général de 1983. Toutefois, il ne présente pas de caractère constitutionnel4.

    Un problème d’attractivité ancré dans l’histoire de la fonction publique

    Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des difficultés recrutements pour la quasi-totalité des ministères

    De 1952 à 1964, la population française augmente de près de cinq millions et demi de personnes. Nous sommes alors en plein « baby boom ». Assez logiquement, d’importantes administrations voient leurs effectifs augmenter fortement :

    • Le ministère de l’Éducation nationale double ainsi ses effectifs, dans un contexte d’augmentation du nombre de jeunes suite aux naissances d’après-guerre et de l’essor d’une scolarisation de masse de ces derniers ;
    • Le ministère des Postes et des télécommunications recrute près de 57 000 postiers.

    Cependant, le nombre total d’agents publics dans les autres ministères (Armées, Intérieur, Santé et Travaux publics notamment) connaît une croissance particulièrement faible, de l’ordre de 1 000 recrutements par an. Cette très faible croissance s’explique par les difficultés de recrutement de l’administration.

    Ces difficultés de recrutements sont dues au trop faible nombre de candidats

    Le nombre de candidats aux concours de la fonction publique de catégorie A (cadre) et B (cadre intermédiaire) est particulièrement bas sur la période.

    Jean-Luc Bodiguel et Luc Rouban recensent ainsi :

    « 162 candidats inspecteurs élèves des impôts pour 360 postes en 1960, 16 candidats inspecteurs de la Sécurité sociale pour 32 postes en 1958. »

    Il en va de même pour les écoles de service public comme l’ENA (1945) et l’ENM (1958) :

    « En 1964, la Magistrature était bien heureuse d’avoir deux candidats pour un poste [5 pour 1 en 1953] .(…) Situation identique à l’ENA où, entre 1957 et 1960, on ne put, au concours étudiant, pourvoir qu’à 155 postes pour 162 offerts, malgré la faiblesse du taux de sélection : 1 reçu pour 3,5 candidats. »

    La situation actuelle en terme d’attractivité

    Une tension généralisée dans les recrutements (secteur privé et public)

    Il convient de relever tout d’abord l’augmentation du taux d’emploi et la baisse du chômage.

    Huit métiers sur dix (représentant 87 % de l’emploi) sont en tension forte ou très forte selon la DARES5.

    Mécaniquement, la concurrence est donc plus forte entre les entreprises, associations et administrations dans le recrutement de salariés qualifiés. Plus encore, lorsque les métiers ou compétences sont comparables

    Un phénomène qui demeure toujours difficile à qualifier

    Les rapporteurs soulignent ainsi qu’avant 2009, il n’existe aucune base de données fiable sur le nombre d’agents des services publics.

    Par ailleurs, le sujet souffre également d’une difficulté dans le choix des indicateurs :

    • Les emplois vacants ?
    • La durée de vacance desdits emplois ?
    • Le nombre de candidats au concours ?
    • Le turn-over dans les structures ?

    Enfin, les comparaisons internationales sont encore plus complexes. La Commission européenne6 éprouve également des difficultés :

    « Les offices statistiques nationaux et les institutions internationales n’utilisent pas les mêmes définitions et méthodologies, ce qui entraîne des incohérences entre les pays et confirme la nécessité d’améliorer la validité et la cohérence des données dans ce domaine. »

    1. Les écoles d’ingénieurs créées sous la monarchie (dont celles des ponts et chaussées) sont conservées, en étant intégrées au parcours des polytechniciens.
    2. Toutefois, la création d’une école, l’École nationale de la magistrature, n’est réalisée qu’en 1958. En précisant également que les magistrats financiers de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, ainsi que les magistrats administratifs ne disposent pas d’école de formation dédiées.
    3. Le premier statut de la fonction publique est créé par le régime de Vichy, toutefois, l’idée statutaire traverse toute la IIIe République.
    4. C’est le principe d’égal accès en fonction des « capacités » du citoyen qui revêt un caractère constitutionnel, conformément à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (voir notamment la décision du juge constitutionnel du 28 janvier 2011, n° 2010-94).
    5. DARES Résultats, n° 59, novembre 2023.
    6. Commission européenne (2017), « A comparative overview of public administration characteristics and performance in EU28 ».

    Étagères de livres
  • La Direction générale des entreprises (en 5 minutes)

    La Direction générale des entreprises (en 5 minutes)

    Temps de lecture : 5 minutes.

    La Cour des comptes a publié ses observations définitives le 5 décembre 2024 consacrées à la Direction générale des entreprises.

    La direction générale des entreprises est née en 2014 de la fusion de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services. Elle constitue l’administration centrale de référence pour la conception et la mise en œuvre des politiques de soutien aux entreprises et des politiques économiques sectorielles. 

    Malgré son rôle d’impulsion fondamental dans l’accompagnement des entreprises, cette direction des ministères économiques et financiers demeure peu connue. Ces quelques éléments de synthèse permettront, je l’espère, de disposer d’une première image de son activité, de son histoire récente et des agents qui la compose.

    Une direction au service des entreprises

    Selon les termes du décret n° 2009-37 du 12 janvier 2009 modifié, elle :

    « propose, met en œuvre et évalue les actions et les mesures, notamment financières, juridiques et scientifiques, propres à créer, sur le territoire national, un environnement favorable à la création et au développement des entreprises, notamment les petites ou moyennes entreprises et les entreprises de croissance, ainsi qu’au développement de l’industrie, du tourisme, du commerce, de l’artisanat, des services aux entreprises et aux personnes, de l’économie numérique, des communications électroniques et des professions libérales. Elle propose des mesures fiscales dans ces domaines. Elle concourt à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de compétitivité, d’innovation, d’accompagnement des mutations économiques, de développement de la compétitivité internationale des entreprises et d’attractivité du territoire français. »

    Les moyens budgétaires à la disposition de la DGE

    Les dépenses de la DGE sont importantes et principalement portés par trois programmes budgétaires :

    • Le programme 134 (P134), « Développement des entreprises et régulations » ;
    • Le programme 192 (P192), « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » ;
    • Le programme 343 (P343), « Plan France Très haut débit ».

    Au titre du plan de relance, la DGE a également géré de nouveaux programmes :

    • Le programme 362 (P362), « Écologie » (en soutien aux stratégies de transformation énergétique) ;
    • Le programme 363 (P363), « Compétivité » (consacré au secteur spatial, au numérique et à la souveraineté industrielle) ;
    • Le programme 364 (P364), « Cohésion » (petites entreprises, zones rurales…).

    Ces crédits sont désormais en extinction progressive.

    Des crédits budgétaires en recul jusqu’à la pandémie de la COVID 19

    Avant la crise sanitaire, ces programmes étaient en baisse et majoritairement orientés vers le financement des écoles et aides à l’innovation (P192), qui constituait 65 à 75 % des enveloppes gérées.

    Le mouvement de concentration de ces aides à l’innovation vers la mission budgétaire d’investissements d’avenir amplifiait cette tendance baissière.

    Une rupture avec le « quoiqu’il en coûte »

    À la suite de la crise sanitaire de la COVID-19, les crédits gérés par la DGE sont multipliés par six :

    De 1,13 milliard d’euros en 2017 (dont 0,76 milliard sur le P192) à 6,66 milliards d’euros en 2023.

    Outre les effets de la relance budgétaire initiée par le Gouvernement, il convient de noter également un effet de périmètre avec le transfert à la DGE des crédits du programme 193 dédiés à la recherche spatiale à compter de 2021 (en jaune dans le graphique à suivre).

    Une réorganisation profonde à compter de 2018

    En 2018 et 2019, à la prise de fonctions du nouveau directeur général et quelques mois à peine avant la crise sanitaire, la DGE et son réseau régional ont connu une restructuration en profondeur.

    Ces transformations visaient à répondre aux ambitions gouvernementales portées dans la démarche « Action publique 2022 » et aux circulaires du Premier ministre relatives à :

    • La transformation et la réorganisation des administrations centrales (5 juin 2019) et
    • L’organisation territoriale des services publics (24 juillet 2018 et 12 juin 2019).

    Elles ont conduit à diviser par près de deux le nombre d’agents dans le réseau territorial1 et à concentrer les effectifs à l’échelon central.

    Les effets de la réorganisation sur le déploiement des agents

    Les effectifs relevant de la DGE ont baissé d’un tiers de 2018 à 2023. Soit une baisse de 187 équivalents temps pleins travaillés.

    Toutefois, cette baisse n’a pas été uniforme :

    • Les effectifs en administration centrale ont augmenté de 6,1 % (+43,3 ETP),
    • Tandis que les effectifs du réseau territorial diminuaient de 40 %.

    La nouvelle composition de la DGE suite à la réforme

    Les données pour l’année 2019 détaillées par service révèlent l’ampleur de la réorganisation opérée :

    Près des deux tiers des effectifs du SISSE et du service de l’économie numérique ont été renouvelés, un tiers de ceux du service de l’industrie, du SCIDE et du secrétariat général.

    Le remplacement des fonctionnaires de catégories A et B, par des contractuels recrutés au niveau A+

    La moyenne d’âge est passée de 47,9 ans à 40,6 ans ; la part des plus de 50 ans de 52 % à 29 % et celle des contractuels de 22 % à 50 %.

    En parallèle, un repyramidage des postes a été opéré :

    • La part des agents titulaires et contractuels de catégorie A + représente désormais 38,7 % des effectifs, contre 23,5 % en 2018 ;
    • Celle des agents de catégorie A est toutefois en régression à : 49,4 %, contre 52 % en 2018.

    Les catégories A et A + regroupent ainsi 88 % des agents en 2023 contre 76 % en 2018.

    « La forte hausse du nombre d’agents A+ résulte des modalités de recrutement des agents contractuels, dont la majorité sont recrutés sous ce statut qui leur garantit l’accès à un indice majoré plus élevé, à même de rendre leur rémunération plus attractive. »

    Pour aller plus loin : Les hauts fonctionnaires des ministères économiques et financiers.

    Du point de vue structurel : une bascule des effectifs vers le soutien au numérique

    Certaines missions ont été abandonnées ou transférées :

    • L’Agence du numérique a ainsi été transférée à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT),
    • La sous-direction de l’animation territoriale, de l’Europe et de l’International a été supprimée, ces missions étant redistribuées (et le cas échéant ajustées) ou arrêtées.

    L’objectif de ces reconfigurations étant de renforcer les effectifs des services jugés prioritaires :

    • L’économie numérique, avec un quasi-doublement des ETP ;
    • L’industrie (+ 70,6 % des effectifs) et, dans une moindre mesure), le SISSE (Service de l’information stratégique et de la sécurité économique)é.

    Lorsqu’on regarde en région, les bouleversements sont majeurs :

    Des éléments qui demeurent encore à parfaire, malgré la réorganisation

    Le taux de renouvellement du personnel est élevé, à 25 %. Si, comme le souligne la Cour, cela n’est pas inhabituel pour une direction d’administration centrale, il s’agit d’une critique récurrente de la part des partenaires2.

    Par ailleurs, l’articulation avec les autres directions d’administration centrale demeure perfectible. Notamment avec :

    • La DGEFP sur les politiques de l’emploi et de la formation ;
    • La DG Trésor, pour la publication de travaux de référence en matière économique ;
    • Avec les directions métiers des ministères chargés de l’Environnement (pour les sujets liés à l’énergie, la construction…), l’Agriculture (pour le soutien aux entreprises agroalimentaires) ou encore l’Aviation civile…

    1. Étant considéré, notamment, qu’il ressort des missions des conseils régionaux d’animer les politiques économiques locales.
    2. La mobilité en administration centrale est généralement favorisée après deux ou trois ans en poste. Si bien que les turn-over sont le plus souvent élevés, ce qui contraste en effet avec les longévités rencontrées parmi les dirigeants et salariés d’opérateurs de l’Etat, d’entreprises ou d’associations partenaires, les représentants de branches professionnelles ou de fédérations…
    Vue sur la Seine
  • L’ENA, l’école qui meurt deux fois

    L’ENA, l’école qui meurt deux fois

    Temps de lecture : 7 minutes.

    Retour sur un article intitulé : « Les élèves de l’École nationale d’administration de 1848 à 1849 » des chercheurs Howard Machin et Vincent Wright (Oxford University). Lecture qui peut utilement être complétée par un autre article de Vincent Wright, également disponible sur Persée : « L’École nationale d’administration de 1849 : un échec révélateur ».

    Ces auteurs sont les spécialistes de la période. On peut également se reporter au livre de Guy Thuillier, L’ENA avant l’ENA.

     « Un des premiers actes du Gouvernement provisoire établi en février 1948 fut la fondation d’une école d’administration. »

    La création de l’École (nationale) d’administration par Hippolyte Carnot

    Cette école d’un nouveau genre1, envisagée sans succès depuis des décennies, connaîtra toutefois une histoire courte : elle est officiellement supprimée dès l’année suivante en août 1849.

    Elle reste encore aujourd’hui indissociable de la personnalité d’Hippolyte Carnot.

    Qui était Hippolyte Carnot ?

    Ancien élève de l’École polytechnique, Hippolyte Carnot entendait dupliquer le modèle de cette école aux savoirs administratifs. Ce faisant, M. Carnot poursuivait trois objectifs :

    • Un instrument de promotion sociale et de renouvèlement des élites ;
    • La mise à disposition pour le gouvernement d’une pépinière de talents disposant d’une formation de haut niveau. L’administration devant : « posséd(er) dans les rangs secondaires une pépinière de jeunes sous-officiers capables de remplacer immédiatement les supérieurs empêchés »2 ;
    • Enfin, la possibilité de mettre fin au népotisme et au favoritisme dans les recrutements.

    « La pensée qui présida à la fondation de l’École d’administration répondait au sentiment démocratique, je n’ai pas besoin de dire de quelle manière : en ouvrant aux capacités la porte des emplois publics, elle détrônait le plus absurde des privilèges, celui d’administrer par droit de naissance ou par droit de richesse… »

    La période d’études était fixée à trois ans et le nombre d’élèves à six cents (deux cents par année3). Un modèle, là encore, très proche de l’École polytechnique4.

    Il convient de souligner l’origine républicaine de cette école, alors même qu’une grande continuité a pu exister dans l’administration entre les différents régimes. S’agissant du fonctionnement comme des hommes. À cet égard, la bascule dans le Second Empire sonnera rapidement le glas de cette école.

    La deuxième République. Musée Ingres, Montauban. À consulter à cette adresse : https://histoire-image.org/etudes/figures-symboliques-iie-republique.

    Un concours pour les jeunes hommes de 18 à 22 ans

    Un processus de sélection en deux temps

    Deux catégories d’épreuves ont été mises en place pour assurer l’admissibilité, puis l’admission. Celles-ci étaient en tous points semblables aux épreuves de l’École normale supérieure :

    • Les épreuves d’admissibilité étaient purement orales et comportaient des questions de grec, de latin, d’histoire littéraire, d’arithmétique, de géométrie et d’algèbre ;
    • Les épreuves d’admissions étaient orales et écrites et comportaient des interrogations de version latine, d’histoire de France, de physique, de chimie et de sciences naturelles.

    Cette très grande diversité des épreuves et leur caractère très général contrastait avec les velléités opérationnelles du processus de sélection.

    Par ailleurs, les préparations n’étant pas proposées par les facultés, celles-ci demeuraient à la charge des candidats.

    Un premier concours organisé en 1848 et suscitant un certain enthousiasme, avant de s’essouffler dès l’année suivante

    Au premier concours, de mai à juin 1848, près de 865 candidats se présentèrent. À l’issue des épreuves : 152 candidats sur les 200 envisagés furent sélectionnés.

    Au second concours, organisé en novembre 1848 et uniquement à Paris, la chute des candidatures est drastique : 174 candidats se présentèrent aux épreuves, pour 106 places. Il s’agissait le plus souvent de ceux écartés du premier concours.

    Cette dégradation rapide de l’image de l’école tient à une multiplicité de raisons :

    • La qualité des enseignements5,
    • Les débats rapides sur l’opportunité de supprimer cet établissement,
    • L’absence de perspective professionnelle assurée (contrairement à l’École polytechnique, par exemple)
    • L’absence d’indemnités pour suivre le cursus.

    Les origines sociales des élèves : la bourgeoisie des grandes villes

    Une surreprésentation des classes urbaines

    Les individus de grandes villes sont surreprésentés :

    • 17 % des étudiants étant d’origine parisienne (alors que 2,9 % de la population habitait à Paris6) et trois candidats sur cinq avaient ou effectuaient au moment du concours leurs études à Paris ;
    • Deux sur cinq provenaient d’un chef-lieu de département.

    Ceci s’expliquait par les professions exercées par les pères :

    • Près de 30 % étaient agents publics,
    • Environ 25 % dans le commerce, l’industrie ou la banque,
    • 20 % étaient libéraux,
    • Le reste étant propriétaire, cultivateur, artisan.

    L’apparition d’une classe bourgeoise « moyenne »

    Même si quelques grandes familles sont présentes. Les auteurs soulignent toutefois l’extraction relativement faible des élèves. Beaucoup n’auraient probablement pas pu accéder à la haute fonction publique sans ce concours.

    Comme aujourd’hui, l’essentiel des candidats provient de la bourgeoisie et pour une infime minorité (moins d’un sur douze alors) de classes modestes. Cette origine relativement commune dénote fortement avec le recrutement aristocratique de l’époque s’agissant de la haute fonction publique7.

    Pour autant, et d’une manière semblable à l’École nationale d’administration de 1945, les auteurs notent une concentration particulièrement élevée d’élèves de grands lycées, le plus souvent parisiens : Henri IV, Louis-le-Grand, Charlemagne… et très souvent privés : Sainte-Barbe, Rollin et Vaugirard, notamment.

    « C’est ainsi qu’une des conséquences paradoxales de la création de l’École d’administration, si elle avait duré, autant été d’ouvrir la porte de l’administration aux enfants très doués des écoles privées, souvent issus de riches familles catholiques. »

    Quel bilan ?

    Une mort rapide

    Le destin de l’École est scellé avec l’accession à la présidence de la République de Louis-Napoléon Bonaparte.

    Alfred de Falloux remplace Hippolyte Carnot comme ministre de l’instruction publique et suspend presque immédiatement les cours, avant de faire supprimer l’École par l’Assemblée quelques mois plus tard, en août 1949.

    Du cycle initialement prévu sur trois ans, l’enseignement dura à peine cinq mois pour la première promotion et six semaines pour la seconde.

    Une majorité d’étudiants poursuivirent logiquement leurs études dans les facultés de droit8, traditionnelles voies d’accès à la fonction publique. D’autres dans des écoles d’ingénieurs (Saint-Cyr, École polytechnique, École des Mines, École centrale…).

    Certains encore choisirent une tout autre carrière (sciences, médecine, etc.) ou ne continuèrent pas leurs études.

    Des carrières difficiles pour les lauréats

    Un effet quasiment nul sur les carrières des élèves

    En l’absence de formations sérieuses et de droits d’accès spécifiques à l’administration, les élèves des deux promotions entamèrent des chemins tout à fait personnels.

    Deux cinquièmes furent nommés à des postes dans l’administration, mais la plupart dans des emplois peu importants et encore moins prometteurs. Seule une minorité devint auditeur au Conseil d’État ou attaché aux Affaires étrangères.

    Sur les 258 anciens élèves, il n’y eut ainsi que deux conseillers d’État et huit préfets, aucun auditeur de la Cour des comptes, un seul directeur général d’administration (à la direction générale des Monnaies), deux ambassadeurs, deux consuls généraux et quatre ministres plénipotentiaires.

    Vingt-cinq devinrent simples professeurs, la majorité des étudiants en droit devinrent avocats.

    Un accès aux plus hautes fonctions publiques qui demeure réservé aux grandes familles

    Ainsi, M. Senès, premier au concours de la première promotion, finit sa carrière comme agent d’assurance tandis que M. Triaire, premier de la seconde promotion, demeura toute sa vie professeur de lycée.

    En définitive, la place au concours n’était d’aucune aide : les rares élèves qui finirent hauts fonctionnaires se trouvaient pour l’essentiel entre la 90ᵉ et la 130ᵉ place… Tous étaient issus de la haute bourgeoisie ou de l’aristocratie.

    Inversement, on peut légitimement penser que l’école aurait pu, comme l’a fait l’ENA un siècle plus tard, renverser les modalités habituelles de sélection en permettant à des jeunes gens9 intelligents d’accéder aux plus hautes fonctions. Peu importe leurs origines — même si celles-ci étaient, et demeurent aujourd’hui, généralement bourgeoises.

    Une école qui ne satisfaisait finalement personne

    Une contestation tous azimuts

    La première contestation vint du monde universitaire, jusque-là seule pourvoyeuse de fonctionnaires administratifs et jalouse de ses prérogatives.

    Cette mise en place d’une première École d’administration a été également très mal vécue par le sérail administratif, attaché à ses facultés de sélection et de promotion de son personnel. Crainte aussi partagée par les « petits fonctionnaires », soucieux de pouvoir conserver des marges d’avancement en dehors de ce que certains pouvaient considérer comme un « élitisme estudiantin ».

    Enfin et surtout, les politiques y ont vu une perte de pouvoir en empêchant le « patronage » alors très répandu et permettant de se constituer une clientèle, en dépit des quelques règles minimales de compétences (notamment l’exigence d’une licence de droit).

    Le rôle ambigu des forces conservatrices et bourgeoises

    Cette école sera par ailleurs très critiquée par une partie de la moyenne et haute bourgeoisie. Un tel mode de sélection pouvant porter le germe de la sédition par la promotion de classes laborieuses jugée plus instable.

    Pour autant, force est de constater que la droite conservatrice ne portera aucunement atteinte aux autres « Grandes Écoles », toutes publiques et assises sur un concours. L’École normale supérieure, l’École des chartes, l’École des mines, l’École des ponts et chaussées et, plus encore, l’École polytechnique seront même particulièrement soutenues par les monarchistes et bonapartistes.

    Une interrogation plus profonde sur la finalité de l’enseignement

    Pour beaucoup, ce qui détonnait était surtout l’incompréhension devant la création d’une école consacrée à des matières aussi peu scientifiques.

    À cet égard, le mode de recrutement et le contenu des enseignements ensuite délivrés détonnaient avec cette prétention à l’opérationnalité. Nous ne pouvons que penser à La Princesse de Clèves et aux débats permanents sur le rôle des écoles professionnelles.

    1. Il s’agit de la première école dédiée à la « science administrative ».
    2. Le Conseil d’Etat devait initialement constituer cette pépinière, mais finalement sans grand succès.
    3. Avec une administration toutefois largement plus légère en effectifs qu’aujourd’hui, voir par exemple l’article sur ce blog consacré à l’administration centrale dès l’Ancien régime. Un tel périmètre recouvre donc les actuels attachés d’administration et administrateurs de l’Etat.
    4. En précisant que cette nouvelle école, s’agissant des enseignements, étaient adossée au Collège de France.
    5. Les enseignements étaient dispensés dans les locaux du Collège de France et portaient sur des sujets très divers et parfois très éloignés de la matière administrative. Les cours de minéralogie ont notamment longtemps constitué un sujet de plaisanterie. Ce qui permettait aux contempteurs de souligner l’hérésie de vouloir constituer un enseignement se prétendant scientifique et administratif sans trop d’effort.
    6. Soit une sur-représentation de près de 6 fois le poids de Paris sans la démographie française. Pour autant, ce concours n’en constitue pas moins une avancée. MM. Machin et Wright rapportent ainsi que sur les 234 auditeurs du Conseil d’Etat sous le Second Empire, 102 étaient originaires de Paris.
    7. Durant le Second Empire, un cinquième des conseillers d’Etat seront originaires de l’aristocratie et les quatre cinquième restant de la haute bourgeoisie.
    8. 113 obtinrent une licence en droit.
    9. Allusion évidemment à l’ouvrage de Mathieu Larnaudie : https://www.amazon.fr/jeunes-gens-Enqu%C3%AAte-promotion-Senghor/dp/2246815096
  • Le vieillissement de la fonction publique

    Le vieillissement de la fonction publique

    Temps de lecture : 10 minutes.

    Lecture d’un document récent1 de la Cour des comptes consacré à : L’allongement de la vie professionnelle des agents dans une fonction publique vieillissante.

    Le vieillissement des travailleurs n’est évidemment pas propre à la fonction publique2. En revanche, compte tenu de l’importance des trois fonctions publiques françaises au regard de l’ensemble des actifs, un rapport n’était pas inutile.

    Un vieillissement principalement lié aux réformes successives des retraites

    À cet égard, le graphique présenté par la Cour est éclairant :

    Cette pression du vieillissement est due à deux phénomènes conjugués :

    • Un départ en retraite plus tardif,
    • Une arrivée dans la fonction publique, également plus tardive.

    On peut également y ajouter une politique de recrutements heurtée, qui a induit notamment sous le mandat de Nicolas Sarkozy, un vieillissement de la cohorte du fait du non-remplacement de l’ensemble des fonctionnaires partant en retraite :

    Des agents qui partent en retraite de plus en plus tard

    La Cour note ainsi que les agents civils sédentaires partent en moyenne à 63 ans et 8 mois.

    Le report de l’agent de retraite à 64 ans n’aura donc qu’un effet très marginal sur la fonction publique :

    « La dernière étude communiquée par les services de l’État à la Cour évalue le « gain » de ce report (de l’âge de retraite à 64 ans) à 150 M€ pour 2024 et 2025. Pour une masse salariale estimée à 153,6 milliards d’euros sur 2024. »

    « Les différentes réformes de 2003, 2010 et 2014 ont progressivement repoussé l’âge de départ à la retraite des agents de la fonction publique. En 2006, 80 % des agents de catégorie sédentaire3 de la FPE partaient avant 61 ans, ils n’étaient plus que 10 % en 2022. Les agents de catégorie active enregistrent la même évolution : la part des fonctionnaires civils de catégorie active partant à la retraite après 55 ans est passée de 39 % en 2006 à 93 % en 2022. »

    Des jeunes de moins en moins jeunes

    L’âge moyen d’entrée dans la fonction publique d’État est en constante augmentation depuis plusieurs décennies :

    « Pour les agents civils, l’âge moyen d’entrée passe de 23 ans en 1980 à 29 ans en 2020. Cette tendance qui a vocation à se poursuivre s’explique par l’augmentation de la durée des études (qui vaut aussi pour la population générale) et les effets des « doubles carrières » privé/public, de plus en plus fréquentes. »

    Les agents de l’État sont particulièrement concernés, puisqu’il s’agit de la fonction publique structurellement la plus diplômée.

    De 1980 à 2020, l’âge moyen d’entrée dans la fonction publique passe ainsi :

    • De 26 à 31 ans pour la catégorie A,
    • De 22 à 26 ans pour la catégorie B et
    • De 23 à 27 ans pour la catégorie C.

    Des différences marquées entre fonctions publiques

    La moyenne d’âge des agents de la fonction publique d’État est de 44 ans. Ce qui correspond également à la moyenne d’âge de l’ensemble des agents des trois fonctions publiques.

    Toutefois, en analysant plus précisément chaque fonction publique, des disparités se font jour :

    • La moyenne d’âge de la fonction publique territoriale est de 46 ans, c’est la plus élevée des trois fonctions publiques ;
    • À l’inverse, la moyenne d’âge de la fonction publique hospitalière est de 42 ans. Il s’agit de la fonction publique la plus jeune.

    À titre de comparaison, la moyenne d’âge dans le secteur privé est de 41 ans. L’écart avec le secteur privé s’explique essentiellement par l’entrée plus tardive dans la fonction publique.

    La situation spécifique des seniors et les diversités de situation entre les trois fonctions publiques

    La proportion d’agents civils de plus de 50 ans est de 33 % pour l’État, contre une moyenne de 36 % pour l’ensemble des fonctions publiques. L’État se distingue donc par une fonction publique comportant relativement moins de « seniors ».

    La spécificité de l’État tient aussi à la surreprésentation de catégories A et A+ parmi les agents de plus de 60 ans. Ces derniers connaissant par ailleurs une forte dynamique démographique :

    « La situation des agents de plus de 60 ans différencie nettement la FPE du reste de la fonction publique : depuis 2010, leur part dans les effectifs est passée de 4 % à 9 % en 2021, elle devrait s’élever à l’échéance de 10 ans à 12 %, puis en 2040 à 14 %. »

    À l’inverse, le vieillissement accéléré est plus marqué pour les agents de catégorie C dans les collectivités territoriales.

    Le cas spécifique des agents administratifs de catégorie A (et A+) de l’État

    Les agents administratifs de la fonction publique représentent près de 162 000 agents :

    • 31 000 attachés d’administration de l’État ;
    • 51 000 secrétaires administratifs et
    • 80 000 adjoints administratifs.

    Ces professions, vieillissantes, sont par ailleurs très féminisées (a fortiori pour les secrétaires administratifs et adjoints). L’âge moyen des secrétaires d’administration atteint déjà 50 ans.

    Pour les attachés d’administration, le besoin de renouvellement à 10 ans serait estimé à environ 35 % des effectifs actuels, soit 11 000 agents.

    La Cour des comptes ne le relève pas, mais il convient aussi de préciser la transformation profonde à l’œuvre dans les effectifs administratifs avec :

    • Une suppression progressive des adjoints administratifs et
    • Une réduction du nombre de secrétaires administratifs.

    Cette recomposition, déjà détaillée dans une étude de la DARES de 2015, tient principalement à :

    1. La numérisation croissante de l’activité administrative ;
    2. Le besoin d’une expertise de plus en plus pointue et
    3. Une modification des modalités de fonctionnement des administrations, avec une dynamique de projet, toujours plus marquée (cas de la Direction générale des entreprises, par exemple).

    Une accélération récente du vieillissement des agents pour l’État

    Le vieillissement accéléré des agents de l’Education nationale

    Les enseignants de l’Education nationale constituent 80 % des agents de catégorie A de l’État.

    Or, parmi les agents de l’Education nationale, les agents de plus de 60 ans passeraient de 6 % du total des effectifs aujourd’hui à 16 % en 2035. Soit un niveau légèrement au-dessus de leur proportion dans l’ensemble de la fonction publique d’État.

    La situation du ministère de l’Intérieur

    Le ministère de l’Intérieur emploie un peu plus de 300 000 agents, dans la très grande majorité des fonctionnaires :

    • Ils appartiennent à la fonction militaire pour 34 % (les gendarmes) et
    • À 45 % aux personnels actifs de la police.

    Autrement dit : près de 80 % de ses agents relèvent de régimes dérogatoires de date de prise de la retraite. Malgré cela, une part significative des agents du ministère de l’Intérieur se concentre autour de la cinquantaine.

    Ce vieillissement s’explique par une politique de recrutement non-linéaire :

    • Des recrutements importants de 1998 à 2003,
    • Suivis de baisses d’effectifs de 2007 à 2015,
    • Puis, d’une nouvelle reprise des recrutements.

    Un élément suscite toutefois une profonde interrogation, mais il ne fait malheureusement pas l’objet d’investigations plus approfondies de la Cour : la situation du réseau préfectoral.

    Ce vieillissement accéléré semble signaler une profonde transformation à venir du réseau :

    Les agents des ministères économiques et financiers (la DGFiP)

    En raison de l’importance de leurs effectifs et de leur réseau déconcentré, un examen des grands corps d’inspection de Bercy s’imposait pour la Cour.

    En effet :

    • La direction générale des Finances publiques (DGFIP) réunit 95 000 agents, dont 1 500 A+ et
    • La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), près de 17 000 agents.

    À elles seules, ces deux directions représentent 87 % des emplois des ministères et financiers (MEF). Elles ont déjà fait l’objet d’un traitement par la Cour récemment, s’agissant de la gestion de ses informaticiens.

    Une situation dégradée s’agissant de la DGFiP :

    51 % des agents de la DGFiP ont plus de 50 ans et leur moyenne d’âge est de 48 ans4. Plus inquiétant, : cet âge moyen continue d’augmenter au fil des ans.

    Le vieillissement est encore plus marqué pour les cadres supérieurs de la DGFiP (qui incluent les inspecteurs principaux, inspecteurs divisionnaires et administrateurs des finances publiques adjoints). 74,5 % d’entre eux ont plus de 55 ans et ils partent à la retraite, en moyenne, à 64,7 ans.

    Une situation plus nuancée s’agissant des douanes :

    La moyenne d’âge est de 46 ans et 1 mois pour les douanes. Soit un niveau légèrement supérieur à celui de l’ensemble de l’État. Toutefois, une part importante des effectifs de la DGDDI sont en catégorie active, ce qui est normalement de nature à baisser la moyenne d’âge du corps. Comme pour l’Intérieur, la situation en termes de ressources humaines est donc à surveiller.

    Une évolution problématique des politiques de recrutement des hauts fonctionnaires

    La Cour souligne les contradictions dans la gestion de l’encadrement supérieur

    Des nominations de plus en plus jeunes aux plus hautes fonctions de l’État :

    La Délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE) observe la tendance, davantage marquée, à nommer des agents toujours plus jeunes à des postes d’encadrement supérieur :

    La tranche des 41-45 ans est la génération la plus représentée parmi les nominations effectuées sur des postes de cadres dirigeants en 2023 : directeurs d’administration centrale, délégués interministériels, secrétaires généraux des ministères, préfets, ambassadeurs, recteurs.

    De même, et comme on l’a vu ici dans une autre étude de la Cour sur l’évolution des rémunérations des cadres dirigeants de Bercy : l’accélération des carrières est un point central de la réforme de l’encadrement supérieur. Cette accélération devant inciter les hauts fonctionnaires à occuper des postes d’emplois fonctionnels5.

    Une réforme de la haute fonction publique qui interroge sur les conditions d’emploi des hauts fonctionnaires les plus âgés :

    En retenant uniquement les 2 600 cadres dirigeants suivis par la DIESE précitée :

    • 52 % des agents ont plus de 55 ans (et 10 % plus de 65 ans) ;
    • 35 % ont entre 45 et 55 ans ;
    • 13 % ont moins de 45 ans.

    Au total, l’âge moyen de la population des cadres dirigeants en poste s’établit à 56 ans (hommes) et 54 ans (femmes), leur laissant une perspective de vie professionnelle d’au moins 12 ans.

    La réforme de la haute fonction publique a induit des transformations considérables, avec une logique « d’emploi », dans une fonction publique encore largement de « carrière » :

    • Création du corps des administrateurs de l’État et disparition des corps préfectoral, diplomatique et de l’ensemble des corps d’inspection :
      • Inspection générale des finances ;
      • Inspection générale des affaires sociales ;
      • Inspection générale de l’administration ;
      • Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche…
    • Fonctionnalisation en conséquence de ces différents métiers6, induisant une concurrence entre les hauts fonctionnaires et les contractuels.

    Ainsi, il n’y a plus de « droit au retour » du haut fonctionnaire dans son ancien corps (diplomatique, préfectoral, inspection générale…). Ce qui constitue un point d’attention pour la Cour :

    Le risque de créer une masse d’agents sans affectation, indépendamment de la gestion frictionnelle traditionnelle des nominations, est non seulement plus grand, mais aussi plus visible.

    Les propositions de la Cour pour accompagner ce vieillissement

    La retraite progressive

    La retraite progressive permet aux bénéficiaires de réduire progressivement leur activité à l’approche de la retraite sans perte substantielle de rémunération.

    Au 1ᵉʳ janvier 2024, le nombre d’agents éligibles était estimé à 124 000. Les générations de 1958 à 1963 concentrent plus de 90 % des éligibles :

    • 47 % d’entre eux relèvent du ministère de l’Éducation nationale,
    • 13 % du ministère de l’Économie et des Finances.

    Pour autant, la Cour s’interroge sur le dispositif actuel :

    • L’incitation à la prise de temps partiels supérieurs à 50 % du temps de travail semble disproportionnée et peu compatible avec les nécessités de service ;
    • Le coût de cette incitation n’est pas suffisamment évalué, notamment au regard des gains attendus ;
    • L’impact sur les plafonds d’emplois soulève également une question ;
    • Enfin, le message doit également être plus clair et transparent :

    « Certes, la décision d’accorder une préretraite progressive est à la main de l’employeur, toutefois cette mesure risque d’être considérée comme un acquis social lié à l’aménagement des conditions de travail et non comme un instrument de régulation de l’emploi, une contrepartie de l’allongement des carrières à destination des agents qui ont du mal à l’approche de la retraite à effectuer un temps plein. »

    Diversifier les emplois des administrateurs de l’État et s’interroger sur la sortie de la fonction publique

    Une première proposition consistant à développer les fonctions d’ « experts de haut niveau »

    Les emplois des administrateurs de l’État sont les suivants :

    • En début de carrière : chargés de mission auprès d’un sous-directeur ou d’un directeur, adjoint auprès d’un chef de bureau ;
    • Chef de bureau,
    • Détaché sur un emploi fonctionnel.

    Sauf à occuper un emploi fonctionnel, les perspectives de carrière sont donc réduites.

    Par conséquent, la Cour préconise d’augmenter le nombre d’ « experts de haut niveau ». Certes, ces emplois sont fonctionnels (de ce fait, contingentés), mais leur nombre est aujourd’hui très réduit : moins d’une centaine de postes pour l’ensemble de l’État. Une première piste consisterait donc à augmenter le nombre de ces emplois afin de faire fructifier l’expérience des hauts fonctionnaires sans affectation.

    On peut toutefois s’interroger sur la pertinence de cette analyse qui revient à inverser la réflexion sur les besoins d’une organisation de travail7.

    Les autres propositions

    D’autres perspectives sont esquissées par la Cour :

    • La limitation des prolongations au-delà de la limite d’âge8 (actuellement 67 ans) ;
    • L’utilisation des ruptures conventionnelles de façon ciblée. 

    La faiblesse des propositions de la Cour tient, il me semble, aux difficultés inhérentes aux réformes récentes de la fonction publique.

    En effet, comme j’ai pu l’énoncer plus haut, la tension entre la fonction publique d’emploi et de carrière induit inévitablement un décalage :

    • La fonction publique de carrière est assise sur le recrutement par concours d’un fonctionnaire, avec l’accès à des emplois fonctionnels en dernière partie de carrière9 et
    • La fonction publique d’emploi est assise sur le principe de mise en concurrence des emplois d’encadrement supérieurs (avec les contractuels), en contrepartie d’une absence de droit à carrière10.
    1. Délibéré le 30 septembre 2024.
    2. Voir notamment l’étude de l’INSEE consacrée au Vieillissement de la population active publiée au 1er décembre 2022, dans la revue Économie et Statistique, n° 355-356.
    3. Les agents « sédentaires » sont les agents qui ne sont pas « actifs ». Les agents « actifs » sont les agents qui exercent des fonctions présentant des risques particuliers ou des fatigues exceptionnelles : infirmiers, aides-soignants, douaniers, policiers, personnels pénitentiaires, contrôleurs aériens.
    4. Pour rappel, la moyenne d’âge est de 44 ans dans la FPE.
    5. Les emplois fonctionnels correspondent aux emplois les plus élevés des trois fonctions publiques. Pour l’Etat, il s’agit des préfets, recteurs, délégués interministériels, directeurs d’administration centrale et secrétaires généraux, chefs de service et sous-directeurs.
    6. Autrement dit, l’accès à une fonction se fait après le passage devant un comité de sélection. Le haut-fonctionnaire sélectionné est alors détaché sur l’emploi. Si c’est un contractuel qui est sélectionné, il signe un contrat sur une période déterminée.
    7. En clair : la Cour préconise de créer des emplois fonctionnels, donc particulièrement rémunérés, pour occuper des hauts fonctionnaires qui, sinon, seraient sans affectation. À l’évidence, ces créations d’emplois d’experts de haut niveau devront donc restées mesurées.
    8. De très nombreux hauts-fonctionnaires sollicitent une prolongation de la limite d’âge afin de pouvoir demeurer sur leurs fonctions.
    9. En tempérant d’emblée le principe s’agissant de la France du fait d’une politique de recrutement de hauts fonctionnaires dès la sortie de l’enseignement supérieur ou peu après.
    10. En tout cas, théoriquement. Dans la fonction publique étasunienne, les agents gouvernementaux disposent tout de même d’une sécurité de l’emploi et de grilles salariales.

  • Présentation de la direction du Budget en moins de dix minutes

    Présentation de la direction du Budget en moins de dix minutes

    Temps de lecture : 8 minutes.

    « Miroir, dis-moi qui est la plus belle » : La Cour des comptes parle de la direction du Budget.

    Lecture commentée du rapport de la Cour des comptes relatif à la préparation et au suivi du budget de l’État, ou comment : « redonner une place centrale à la maitrise de la dépense. »

    Les missions de la direction du Budget

    La Cour des comptes rappelle d’abord les principales missions de la direction du Budget :

    • Assurer la coordination interministérielle dans l’élaboration et l’exécution des projets de loi de finances (les fameux « PLF ») ;
    • Surveiller la soutenabilité de la programmation et de la gestion de chaque ministère par son réseau de CBCM et CBR1.

    La structuration de la direction du budget

    La direction du budget comptait 382 agents à fin 2021 :

    • 245 agents en administration centrale et
    • 137 agents dans son réseau de comptables et contrôleurs budgétaires.

    Celle-ci est composée quasi exclusivement de catégorie A (47 %) et A+ (43 %)2. Ce point est toutefois de plus en plus commun entre les directions d’administration centrale. Il s’explique par la technicité croissante des sujets traités.

    Particularités dans le champ administratif :

    • Un taux de féminisation bas (43,2 % pour l’administration centrale), encore davantage marqué pour les emplois de direction et d’encadrement (moins du tiers) ;
    • Comme évoqué plus haut, la quasi-parité s’agissant des catégories A entre les encadrants dits « supérieurs », ou : « A+ », et les autres catégories A, essentiellement des attachés d’administration de l’État.

    À noter :

    Sur la période récente, la direction du budget a légèrement évolué :

    • Par la création d’un secrétariat général3 et
    • Par l’ajout d’une fonction de « sous-directeur adjoint ». L’objectif étant de doter les sous-directeurs d’un adjoint afin de renforcer la fonction managériale et d’accroître les perspectives de promotion interne.

    Une chaîne hiérarchique courte et une surreprésentation de hauts fonctionnaires

    La Cour des comptes parle étrangement d’un « faible taux d’encadrement ». Ce qui semble être une erreur, ou alors le raisonnement est étrange, puisque dans les conclusions de la Cour, il est justement relevé que :

    « 1,06 agent de catégorie A est encadré par 1 agent A+ en administration centrale. »

    Une chefferie de bureau très exposée

    Concrètement, l’essentiel du travail technique est réalisé au niveau du bureau sectoriel : par le chef de bureau et ses quelques agents4.

    Le chef de bureau, comme pour les autres administrations centrales, se distingue par une expérience de plusieurs années. Autrement dit, de plusieurs cycles budgétaires. Cette expérience lui permet de disposer des réflexes à même de « sentir » les arbitrages sensibles et de prioriser les dossiers dans la conduite quotidienne du travail administratif.

    Les agents de la direction

    Commentaire :

    Malgré la parité des effectifs entre les catégories A et A+, la Cour des comptes présente des développements quasi exclusivement consacrés aux seconds. Cette appréciation partielle nuit à la compréhension globale de la direction.

    Une direction attractive, souvent considérée comme un « booster » de carrière pour les jeunes agents

    La Cour des comptes note plusieurs éléments pouvant porter atteinte à l’attractivité de la direction :

    • Des contraintes horaires et calendaires fortes ;
    • Des tâches complexes et répétitives, notamment dans l’harmonisation des tableaux budgétaires, suite aux arbitrages ;
    • Une moindre rémunération indemnitaire pour les administrateurs de l’État primo-affectés à la direction du budget : 29 400 euros de primes annuelles en 2021 contre une moyenne de 32 800 euros pour l’ensemble des administrateurs civils d’alors.

    Pour autant, en dépit des contraintes, la direction « demeure attractive » selon la Cour, car elle offre ainsi une importante visibilité aux agents. Visibilité qui permet aux agents de prétendre à des évolutions professionnelles rapides.

    Une direction particulièrement jeune

    « L’âge moyen des agents de la direction en administration centrale (39,2 ans) est inférieur de 8,5 années à celui de l’ensemble des agents d’administration centrale des ministères économiques et financiers en 2021 (47,7 ans). L’âge moyen des cadres A+ de l’administration centrale (34,0 ans) en 2022 est particulièrement jeune, de plus de dix ans inférieur à la moyenne de celui des cadres A+ des ministères économiques et financiers (44,7 ans) : 25 % des cadres A+ ont moins de 30 ans et 52 % ont moins de 35 ans, alors que 78 % des cadres A (moyenne d’âge de 44 ans) et 90 % des cadres B et C ont plus de 35 ans. »

    La Cour des comptes explique la jeunesse de cet encadrement supérieur par :

    • Les modalités de recrutement de la direction en sortie d’école (élément partagé pour partie par la direction de la Sécurité sociale, notamment) ;
    • Un moindre intérêt des agents expérimentés pour des fonctions exigeantes5 et sans responsabilités managériales importantes. Fonctions qui peuvent également présenter un caractère rébarbatif et théorique – éloigné des politiques publiques6.

    D’où viennent les agents de la direction du budget ?

    La moitié des cadres supérieurs sont des administrateurs de l’État formés à l’Institut national du service public (ex-ENA), un cinquième est issu de Polytechnique et plus du tiers est contractuels : recrutés en sortie de grandes écoles de commerce ou de Sciences Po Paris.

    À titre marginal, la direction compte également quelques profils atypiques : fonctionnaires des assemblées, militaires, administrateurs territoriaux, commissaires.

    S’agissant des cadres A, la direction recrute auprès :

    • Des instituts régionaux d’administration (IRA) formant les attachés d’administration de l’État ;
    • Des agents confirmés d’autres directions, et notamment de la direction générale des Finances publiques ou de la direction générale du Trésor, voire d’autres ministères, enfin
    • Des contractuels, ayant le plus souvent assuré des fonctions financières dans le privé.

    Où partent-ils ?

    La Cour des comptes n’a répertorié que les mobilités des A+.

    En 2018, à l’issue de leur passage dans la direction, ils rejoignaient dans 52 % des cas un ministère, dans 20 % un établissement public et dans 12 % le secteur privé.

    Un recrutement de contractuels en concurrence avec l’INSP

    Comme énoncé plus haut, le tiers de l’encadrement supérieur de la direction du budget est d’origine contractuelle.

    À cet égard, la Cour s’interroge sur l’attractivité du concours de l’INSP pour ces profils. Ceux-ci sont souvent bien formés et peu désireux de perdre plusieurs années à préparer, puis suivre, la formation de l’INSP.

    Par ailleurs, les contractuels peuvent désormais accéder aux emplois fonctionnels des directions d’administration centrale (autrement dit, aux postes de chefs de bureaux, et par la suite de sous-directeurs).

    Un recrutement de contractuels qui soulève aussi une question vis-à-vis des catégories A

    La Cour des comptes ne le note pas, mais cette situation crée aussi des inégalités avec les agents de catégorie A qui, pour certains, sont également sortis de grandes écoles (en particulier de Science Po Paris).

    Une dizaine d’attachés principaux exercent ainsi des fonctions de chefs de bureau à la direction du budget. Leurs sujétions sont identiques à celles des administrateurs et des contractuels. Toutefois, leur carrière, dans ce corps de catégorie A, s’arrêtera là. En effet, les attachés d’administration, comme les inspecteurs des finances publiques… ne peuvent pas, statutairement, exercer des fonctions d’encadrement supérieur7.

    Un fort turnover, facteur de risques pour la gestion des compétences

    La part importante de contractuels, qui n’ont pas vocation à « faire carrière » (même s’ils le peuvent), couplé à un taux de rotation également élevé des fonctionnaires, nécessitent une incessante lutte pour conserver un niveau d’expertise approprié.

    D’autant que les missions de la direction du budget impliquent des négociations budgétaires avec les ministères et un travail de représentation dans près de 250 conseils d’administration d’opérateurs et assimilés.

    « Le taux de rotation annuel des agents de l’administration centrale de la direction est de 43 % pour les cadres A+ fin 2021, ce qui signifie que la durée d’occupation des postes n’est que légèrement supérieure à deux ans, sous-directeurs compris. Près d’un quart des effectifs est renouvelé par recrutement extérieur chaque année. Ce taux de rotation a pour effet de raccourcir le déroulement des carrières et de limiter le retour sur investissement de l’administration centrale puisqu’en moyenne, plus de 70 % des effectifs de la direction y passe moins de cinq ans. »

    Une asymétrie dans les carrières proposées à l’encadrement supérieur

    « Compte tenu de la rapidité du début de carrière, la direction peut proposer un poste de sous-directeur à des cadres A+ parfois âgés de moins de 35 ans et de retour de mobilité, ce qui peut poser difficulté pour dérouler ensuite une carrière, au même rythme, dans les autres administrations. »

    La réflexion s’arrêtera là, encore une fois, et on ne s’interrogera pas sur les perspectives d’autres corps de la direction du budget.

    Une tension liée à la formation en interne

    Le taux de rotation élevé implique également une charge de travail plus importante pour les agents en poste, pour former les nouveaux arrivants.

    Pour favoriser le développement des compétences, la direction encourage les départs en formation. Mais, l’objectif de deux jours par an n’était, à la date du rapport, atteint que par 14 % des agents.

    Une autre initiative, plus installée, consiste à développer annuellement des travaux internes prospectifs et stratégiques destinés à réfléchir sur les thématiques budgétaires des bureaux sectoriels8.

    Les agents du réseau de la direction du budget

    Les onze départements du contrôle budgétaire (DCB) comptaient en 2021 131 agents, auxquels s’ajoutent 22 contrôleurs budgétaires en région (CBR) et en outre-mer.

    Une structuration hiérarchique très différente de l’administration centrale

    Les agents du DCB et du CBR appartiennent à une structure nettement plus classique, qui se rapprocherait de l’administration déconcentrée ou d’un service à compétence nationale.

    On y trouve ainsi « seulement » 17 cadres A+, 78 catégories A, 28 catégories B et 8 agents de catégorie C.

    L’âge moyen en DCB était de 51 ans en 2021 et seuls 40 % des agents y restaient moins de cinq années, pour une ancienneté moyenne de 8 ans.

    Des postes techniques, plus comptable que budgétaire

    Au total, près de 12 500 équivalents temps pleins (ETP) travailleraient sur une fonction de gestion budgétaire et financière au sein de l’État (hors fonctions comptables).

    Dans ce cadre, les postes en DCB et CBR constituent des étapes importantes, permettant d’assumer des responsabilités financières dans les ministères ou leurs opérateurs.

    Une attractivité moindre

     « Les candidatures sont peu nombreuses et émanent essentiellement de la direction centrale et des autres DCB, attestant de la faible attractivité de ces fonctions budgétaires à l’extérieur de ce vivier. »

    Les agents ressentent des charges de travail croissantes et moins valorisées dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique9. En dépit du reclassement de l’ensemble de ces emplois en experts de haut niveau de groupe II et des revalorisations indemnitaires associées.

    Alors que la diversité des compétences est promue par la DGAFP, les agents des CBCM s’inquiètent d’être pénalisés par leur spécialisation.

    1. Ces acronymes désignent les services du contrôle budgétaire et comptable ministériel (comptables et contrôleurs des dépenses placés au sein des secrétariats généraux des ministères) et les contrôleurs budgétaires régionaux, en régions.
    2. C’est-à-dire de cadres.
    3. Le secrétariat général, créé par arrêté du 15 novembre 2022, regroupe désormais les quatre entités chargées des fonctions supports de la direction (40 agents).
    4. Etant précisé que contrairement aux administrations centrales « classiques », ces agents sont statutairement qualifiés d’ « adjoints ». Cela leur ouvre droit à des indemnités supérieures.
    5. Les contraintes horaires et calendaires mentionnées plus haut.
    6. Il faut aimer Excel, les synthèses de « Jaunes » et les boucles de courriels.
    7. Et, plus spécifiquement, occuper un poste de sous-directeur, conformément au décret n° 2012-32 du 9 janvier 2012 relatif aux emplois de chef de service et de sous-directeur des administrations de l’Etat.
    8. Une réflexion annuelle similaire existe également dans l’autre grande direction financière de l’Etat : la direction de la sécurité sociale.
    9. Une nouvelle fois, bien que les cadres supérieurs ne représentent ici « que » 20 % des effectifs, la Cour sait leur prêter une oreille attentive.
    Un cadran et un tas de pièces : la DB en dix minutes
  • La création de la direction du Budget

    La création de la direction du Budget

    Temps de lecture : 9 minutes.

    La IIIe République est née des circonstances, dans un régime où le parlementarisme dispose de l’essentiel des prérogatives, mais demeure très fragmenté pour faire face à des enjeux considérables :

    • Deux guerres mondiales et
    • La plus grande crise économique de l’histoire contemporaine.

    Événements induisant, à intervalles réguliers, une forte instabilité gouvernementale.

    Dans cette période particulièrement troublée, la maitrise des enjeux budgétaires présente un caractère stratégique. Pour autant, en dépit de projets de réformes administratives esquissés avant la Grande Guerre, il faut attendre 1919 pour assister à la naissance de la direction du Budget.

    Celle-ci est donc pleinement la « fille de la Grande Guerre » selon l’expression de Florence Descamps.

    La création de la direction du Budget en 1919 : les objectifs et la méthode

    Le travail de deux hommes : Georges Clemenceau et Louis-Lucien Klotz

    Comme pour le ministère du Travail, le personnage clé est une nouvelle fois le président du Conseil Clemenceau. La mise en œuvre étant réalisée sous la supervision d’un ministre des Finances particulièrement important et connaisseur : Louis-Lucien Klotz.

    M. Lucien Klotz.

    Celui-ci a, en effet, été :

    • Deux fois ministre des Finances avant la guerre,
    • Rapporteur général du budget auprès de la chambre des députés,
    • Président la commission du budget et des dommages de guerre à compter de 1915,
    • Enfin, ministre des Finances en septembre 1917.

    Comme ministre des Finances, il est également entré dans l’histoire comme l’un des cinq signataires français du traité de Versailles, avec :

    • Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre ;
    • Stephen Pichon, ministre des Affaires étrangères ;
    • André Tardieu, ministre des Régions libérées et
    • Jules Cambon, ambassadeur de France1.

    Un travail mené en commissions parlementaires de 1917 à 1918

    La première commission parlementaire, à l’initiative de Louis-Lucien Klotz, est présidée par le sénateur Justin de Selves. Celle-ci travaille au contrôle de l’exécution budgétaire avec des experts en finances publiques comme le professeur de droit Gaston Jèze.

    La seconde est présidée par Louis Courtin2 et est consacrée à la réorganisation de l’administration centrale des finances. 

    Ces deux commissions proposent la création d’une direction du Budget indépendante et spécialisée afin de pouvoir piloter plus efficacement3 la dépense.

    Un pilotage déjà mis en œuvre au Royaume-Uni et une prise de conscience internationale de la nécessité d’un pilotage budgétaire

    Le Treasury britannique dispose déjà d’une ancienneté remarquable avec une centralisation des dépenses et un fort pouvoir budgétaire.

    Le système français entend donc réaliser une forme de rattrapage sur le modèle britannique.

    Ce rattrapage est toutefois relatif :

    • L’Allemagne présente une trajectoire semblable à la France avec la création en 1919 d’un ministère des Finances centralisé, le : Reichsministerium der Finanzen ;
    • De même, les États-Unis créent leur Bureau of the Budget via le Budget and account Act en 1921.

    De discussions relativement rapides4 aboutissant à la loi du 21 octobre 1919

    Le ministre Klotz dépose donc un projet de loi avec un article portant création d’un emploi supplémentaire de directeur (d’une manière similaire, encore une fois, à la création du ministère du Travail)5, mais la commission du budget repousse quatre fois le projet. En effet, le rapporteur à la chambre des députés, Albert Grodet, plaide pour des économies budgétaires et la suppression de postes de cadres6

    L’article du projet de loi est finalement voté le 17 octobre 1919 après un amendement du député Paul Laffont. Celui-ci propose un compromis par la création de deux directions « simples » en lieu et place de directions générales :

    « L’inspecteur général des finances, contrôleur des dépenses engagées au ministère des Finances, aura le grade de directeur à l’administration centrale de ce ministère. »

    La loi du 21 octobre 1919 portant ouverture et annulation de crédits sur l’exercice 1919 constitue l’une des dernières lois du gouvernement d’Union nationale de Clemenceau. Elle est publiée au Journal officiel le lendemain.

    Les élections législatives se tiennent moins d’un mois après la publication, le 16 novembre.

    L’organisation du nouveau ministère des Finances après la loi d’octobre 1919

    La publication rapide de deux décrets en novembre 1919

    Dans les jours qui suivirent le vote et la publication de la loi, le Gouvernement fait paraître deux décrets matérialisant cette transformation du ministère des Finances :

    • Le décret du 7 novembre 1919 modifiant le décret du 1ᵉʳ décembre 1900 concernant l’organisation centrale du ministère des Finances (publié au Journal officiel du 16 novembre 1919)7 et
    • Le décret du 15 novembre 1919 modifiant le nombre et les attributions des bureaux de l’administration centrale du ministère (également publié au journal officiel du 16 novembre).

    L’administration centrale est alors composée selon une structuration rappelant l’organisation actuelle, à l’exception des commis et expéditionnaires8 :

    • Directeurs,
    • Chefs de service,
    • Sous-directeurs,
    • Chefs de bureau,
    • Adjoint aux chefs de bureau,
    • Rédacteurs principaux9,
    • Rédacteurs ordinaires,
    • Commis principaux ou commis d’ordre et de comptabilité,
    • Expéditionnaires principaux et expéditionnaires.

    À ces agents administratifs s’ajoutent quelques traducteurs, des agents d’entretien, deux douzaines d’agents de service et de sécurité et près de 260 huissiers, gardiens de bureau, concierges, ordonnances ou assimilés.

    L’insertion de la direction du budget dans le ministère des Finances

    La création de la direction du Budget est réalisée à moyens constants, comme pour le ministère du Travail en 1907.

    Deux bureaux de la direction générale de la Comptabilité publique, déjà chargés avant 1914 d’établir le budget, sont désormais érigés en direction indépendante : soit une vingtaine d’agents.

    Le nouveau directeur est Georges Denoix10. Il restera en poste jusqu’à sa mort en 1925.

    Les missions de cette nouvelle direction du budget :

    Les missions de la nouvelle direction sont les suivantes : 

    1. La réalisation de tous les : « travaux liés à la présentation aux Chambres du Budget de l’État » ;
    2. « Le contrôle général de la marche des dépenses publiques de l’État »,
    3. « L’étude de tous les projets ayant une répercussion sur les finances de l’État », notamment les rémunérations, traitements et retraites des personnels civils et militaires11 ;
    4. Le contrôle des règles d’engagement des dépenses et de l’emploi des crédits.

    Une direction du budget qui demeure encore peu outillée et qui ne dispose pas de l’autorité suffisante pour faire voter le budget

    Les premières années sont difficiles pour la direction du Budget, car elle ne dispose d’aucun moyen de coercitions sur les ministères.

    Ce faisant, ses missions sont encore très teintées « comptabilités publiques ».

    Il faut encore attendre quelques années avant de permettre à la direction du budget de verrouiller les dépenses publiques, par la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées, dite « Marin ».

    Le vote de la loi « Marin »

    Le ministre des Finances Joseph Caillaux12, lui-même inspecteur général des finances, avait proposé plusieurs mesures en 1914, sans succès :

    • Le contrôle a priori de la direction chargée du Budget ;
    • Le visa sur toutes dépenses ministérielles ;
    • La création d’un corps de contrôleurs dédiés.

    C’est finalement à Charles de Lasteyrie, nouveau ministre des Finances (1922-1924) et également inspecteur général des finances, qu’il revient de réussir cette réforme avec le rapporteur général du budget de la Chambre… Louis Marin.

    M. Louis Marin.

    La loi du 14 août 192213 constitue une petite révolution dont les éléments perdureront jusque dans les années 2000 :

    • L’article 1er crée d’abord un corps de contrôleurs placé auprès de chaque ministère ;
    • L’article 3 précise que la comptabilité élaborée par ces contrôleurs est transmise mensuellement au ministre de l’Économie et des finances, et une fois par an aux chambres ;
    • L’article 4 formalise la procédure d’avis sur tous les projets de loi, décrets, arrêtés, contrats, mesures ou décisions ayant un effet budgétaire ;
    • Enfin, l’article 5. L’arme juridique tant attendue par les budgétaires français d’alors : le « verrou budgétaire ». Toute dépense est soumise au visa de ces contrôleurs :

    « Si les mesures proposées lui paraissent entachées d’irrégularité, le contrôleur refuse son visa. En cas de désaccord persistant, il en réfère au ministre de l’Économie et des Finances.

    « Il ne peut être passé outre au refus du visa du contrôleur que sur avis conforme du ministre de l’Économie et des Finances. Les ministres et administrateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l’encontre de cette disposition. »

    Pour matérialiser cette reprise en main budgétaire, le gouvernement Painlevé nomme, en 1925, un ministre exclusivement chargé des questions budgétaires : Georges Bonnet14.

    Parallèlement, un nouveau directeur du Budget est nommé, Pierre Fournier (1925-1929). Il s’agit (évidemment) d’un inspecteur général des finances, mais également de l’ancien directeur adjoint de Georges Denoix. Il devient le plus jeune directeur du Budget du XXe siècle (33 ans)15.

    La crise de 1929 et ses suites : la politique de déflation budgétaire

    Le début des années 30 est marqué par les difficultés financières, budgétaires, politiques et institutionnelles.

    Alors que la crise financière et budgétaire s’installe, la direction du budget se constitue en véritable outil de gestion et de pilotage des dépenses publiques.

    La politique du « rabot » fait ainsi son apparition avec les décrets-lois de 1934, rapidement suivis des décrets-lois de 1935 – dits « Laval-Régnier ». Par ailleurs, la direction du budget accentue son contrôle en matière de gestion des personnels civils et militaires16.

    Les directeurs à se suivre : Erik Haguenin, de 1932 à 1935 et Yves Bouthillier, de 1935 à 1936 incarnent cette politique de rigueur budgétaire jusqu’à l’arrivée de Léon Blum et du Front Populaire. 

    Mais, c’est une autre histoire…

    Pour aller plus loin :

    Voici trois articles de Florence Descamps dont on retrouvera ici des sources d’inspiration :

    1. Secrétaire général des affaires étrangères et frère de l’influent Paul Cambon, alors ambassadeur de la France au Royaume-Uni. Personnages que l’on peut notamment retrouver dans l’ouvrage Les somnambules de Christopher Clark.
    2. Polytechnicien, inspecteur des finances, puis président de chambre à la Cour des comptes de 1903 à 1924.
    3. Et parfois, plus simplement, connaître la dépense publique. Le manque de suivi budgétaire fut en effet l’une des grandes difficultés comptables de la Première guerre mondiale.
    4. Au regard des standards de la IIIe République.
    5. Les créations de postes sont aujourd’hui à la main de l’Exécutif et ne donnent plus lieu à discussion au Parlement. Il n’en était rien sous la IIIe République avec un Parlement empiétant très largement sur les prérogatives du Gouvernement s’agissant de l’organisation et de la gestion de la fonction publique.
    6. Sur les débats parlementaires et le « fonctionnariat », je ne peux que vous conseiller de suivre et lire les travaux d’Emilien Ruiz.
    7. Les dispositions du décret couvrent l’organisation de l’administration des finances, fixe les emplois, mais également les rémunérations. Un tel détail est symptomatique de la gestion parcellaire et protéiforme de l’administration sous la IIIe République. Le décret allant jusqu’à lister le nombre de sous-chef de bureau (88).
    8. Sauf à faire figurer ici les actuels secrétaires administratifs et adjoints administratifs.
    9. Le terme de « rédacteur » peut encore être utilisé dans quelques administrations centrales, mais il demeure rare. Il est désormais plus souvent question de « chargé de mission ».
    10. Il était auparavant directeur adjoint, chargé de la supervision des bureaux budgétaires.
    11. La direction du budget précède de quelques décennies la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans le pilotage de la politique salariale et, ce faisant, la politique de ressources humaines interministérielles de l’Etat – encore balbutiante.
    12. Évidemment connu comme le créateur de l’impôt sur le revenu français, mais également pour l’assassinat de Gaston Calmette, directeur du Figaro par sa femme, Henriette.
    13. Comme les très grandes lois de la IIIe République, elle est directement disponible sur Légifrance. Alléluia ! Mais pour ceux qui ne savent lire un texte de la IIIe que sur Gallica, voici le lien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64423339/f2.item
    14. Appelé à se compromettre ultérieurement avec le régime de Vichy.
    15. Celui-ci deviendra par la suite sous-gouverneur (1929), puis Gouverneur de la Banque de France (1937-1940), avant de devenir président de la SNCF à compter de 1940. C’est notamment lui qui sera chargé d’évacuer les 2 500 tonnes de la Banque de France du port de Brest en 1939. Rappelons que la France n’a pas fait défaut en 1940 et qu’elle disposera de ce stock à la Libération.
    16. Comme précisé plus haut, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) n’existe pas encore…
  • Promotion « haut-fonctionnaire » : les attentes du jury

    Promotion « haut-fonctionnaire » : les attentes du jury

    Temps de lecture : 8 minutes.

    On ne conseillera jamais assez aux candidats de lire les rapports du jury, peu importe le concours visé.

    Vous y découvrirez des informations précieuses, sur les attentes du jury, les profils des autres candidats, mais également des perspectives sur les métiers de débouchés des différents concours et examens, ce qui vous permet à la fois de démontrer votre curiosité et de vous projeter sur ces fonctions.

    A cet égard, le rapport du comité de sélection interministériel du corps des administrateurs de l’Etat pour 2022 est riche d’enseignements.

    Le document est disponible ici : Rapport du comité de sélection pour la procédure dite du tour extérieur des administrateurs civils au titre de 2022 (fonction-publique.gouv.fr)

    Le tour extérieur des administrateurs de l’Etat

    Le tour extérieur des administrateurs de l’Etat peut-être considéré comme le véritable concours interne des agents de catégorie A souhaitant exercer des fonctions d’administrateurs de l’Etat.

    Au titre de 2022, 38 places étaient à pourvoir, contre 32 places pour le concours interne de l’Institut national du service public (INSP) au titre du même exercice1.

    A la différence du concours interne, il n’y a pas une multitude d’épreuves écrites et orales, et surtout, il n’est pas question de deux ans de scolarité à l’INSP, accompagné de trois stages : en affaires internationales, entreprise et préfecture (et autant de déménagements successifs).

    Les candidats sont présélectionnés par leurs administrations afin de ne présenter que les agents ayant le potentiel pour exercer des fonctions supérieures et l’épreuve est axée sur un entretien avec le jury autour de la revue des réalisations professionnelles du candidat et de sa capacité à se projeter dans son univers professionnel.

    Par ailleurs, la formation est allégée, réduite à six mois, afin de tenir compte de la spécificité des candidats : à savoir des fonctionnaires de catégorie A exerçant déjà des fonctions supérieures et souhaitant changer de corps afin de poursuivre leur ascension professionnelle2.

    A l’inverse, et comme le rappelle le dernier rapport du jury relatif au concours interne de l’INSP, le concours interne demeure un concours de début de carrière, permettant en particulier à ceux ayant échoué quelques années plus tôt au concours externe de l’INSP de retenter leurs chances.

    Les candidats et lauréats du concours interne sont en grande majorité des hommes (alors même que les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans la filière administrative) , ils sont très jeunes3, autour de la trentaine, ne sont évidemment pas sélectionnés par leur administration et doivent préparer des épreuves essentiellement théoriques.

    D’abord quelques chiffres

    Au titre de 2022, 297 dossiers ont été déposés pour le tour extérieur (contre 241 en 2021) pour un nombre d’emploi à pourvoir de 38. Des chiffres assez similaires au concours interne de l’INSP, avec 302 candidats présents aux épreuves écrites pour 32 places.

    Le comité, d’un commun accord, a décidé de ne pas tenir compte des listes préférentielles présentées par les ministères, notamment parce que tous les ministères n’avaient pas établi de telles listes, afin de se doter d’une capacité d’appréciation la plus libre possible, en se fondant exclusivement sur les dossiers de candidature et les prestations orales des candidats.

    Pour autant, il convient de préciser que si les évaluations des administrations n’ont pas été retenues par le jury, les candidats présentés sont tout de même ceux sélectionnés par ces dernières. Comme énoncé plus haut, un agent de catégorie A ne peut de sa propre volonté, parce qu’il réunit les critères d’éligibilité, solliciter un entretien devant le comité de sélection.

    A l’issue de l’examen, seuls 34 candidats ont finalement été retenus – 4 emplois n’ont donc pas été pourvus. Le fait de ne pas saturer la liste des emplois disponibles témoigne, à l’évidence, de la sélectivité du jury.

    Malgré un léger rebond des candidatures, une sélectivité qui demeure tendanciellement en baisse

    Premier constat : un rebond des candidatures sur 2022 par rapport à 2021 :

    Une sélectivité qui demeure tendanciellement en baisse :

    A titre de comparaison, par rapport aux candidats présents aux épreuves d’admissibilité aux écrits, le taux de sélection du concours interne de l’INSP pour 2023 est nettement plus défavorable, à 1 pour 9,4.

    Des candidats le plus souvent masculins, d’environ 43 ans, en administration centrale aux ministères de l’Intérieur ou de l’Economie et des finances

    En effet, le comité de sélection rappelle la concentration des candidatures au sein de deux ministères : l’Intérieur et l’Economie et les finances (41% des candidats).

    Ces candidats sont plus souvent masculins (y compris chez les admis).

    L’âge moyen est de 43 ans (contre 42 ans en 2021), avec un plus bas à 36 ans et un plus haut à 51 ans. Près de la moitié des candidats ont entre 40 et 44 ans.

    Les attachés demeurent le corps le plus représenté avec près de 80% des candidats et plus de 90% des admis. Parmi les admis : 70% sont attachés principaux d’administration et 20% attachés hors classe.

    L’appréciation qualitative des dossiers présentés par les candidats

    S’agissant des CV:

    Le comité de sélection regrette des présentations médiocres et peu claires. Des éléments inutilement bavards et des présentations complexes rendant la lecture absconde.

    Enfin, quelques candidats ont survalorisés des fonctions ou des engagements, ce qui est évidemment peu approprié et se révèle rapidement contreproductif à l’oral.

    S’agissant des évaluations des supérieurs hiérarchiques :

    Le comité rappelle l’enjeu d’une présentation claire, non ambiguë et si possible harmonisée, a minima au sein d’un même périmètre ministériel. Les candidats devant, de leur côté, être capable d’expliciter les observations.

    S’agissant du relevé des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP) :

    Le RAEP est considéré par le comité de sélection comme « manifestement pas bien compris et (…) très en-deçà des attentes. »

    « La présentation doit donc être claire, porter sur une expérience récente, comporter une part descriptive mais dynamique et aussi critique, à la condition qu’elle soit sincère et surtout bien argumentée. Les candidats doivent faire l’effort d’une expression et d’une orthographe correctes, d’une rédaction agréable à lire et, de façon essentielle, s’attacher à capter l’intérêt du lecteur. En synthèse, la RAEP doit permettre au candidat de faire la démonstration qu’il détient une hauteur de vue, des capacités d’analyse et des aptitudes opérationnelles au niveau de ce qui peut être attendu d’un administrateur de l’Etat. »

    Or, pour les membres du comité de sélection, le RAEP s’apparente trop souvent à une simple description de fiche de poste sans présentation d’une quelconque problématique ou, à l’inverse, « à une succession de prises de position tranchées et péremptoires ».

    S’agissant du parcours professionnel, plusieurs critères permettent de démontrer les capacités d’adaptation des candidats selon les membres du comité, notamment :

    • L’existence d’une ou plusieurs mobilités entre ministères ou fonctions publiques, ou encore entre différentes structures administratives (centrale, déconcentré, opérateurs) ;
    • L’occupation de poste dans des domaines fonctionnels différents (juridique, RH, budget) ou de nature différente (fonctions support, mise en œuvre d’une politique publique, tutelle d’opérateur) ;
    • L’occupation de fonctions d’encadrement ;
    • Une prise de responsabilité croissante ayant permis d’atteindre : « un niveau hiérarchique suffisant et pouvant se caractériser, sans que cela ne soit une condition exclusive, par l’occupation d’un emploi fonctionnel. »

    Evidémment, le comité tient également compte des spécificités propres à chaque ministère s’agissant de la nature et du niveau hiérarchique des postes ouverts aux catégories A.

    S’agissant des auditions des candidats

    Le comité de sélection note que la première partie de l’entretien (5 minutes), consacré au parcours du candidat, est généralement réussi tant en termes de gestion du temps que de contenu, malgré quelques exposés décousus et peu lisibles (en dépit de l’annonce du plan).

    Toutefois, le constat unanime est celui d’un discours trop convenu sur le fond, uniforme et finalement assez ennuyeux.

    En revanche, pour la partie relative aux questions, le comité a constaté de véritables lacunes alors même que le comité de sélection s’est, pour l’essentiel, appesanti sur le parcours du candidat : curriculum vitae, évaluations, RAEP.

    Le jury est particulièrement sévère sur la capacité des candidats à formaliser un point de vue présentant de la hauteur : « Les candidats ont souvent montré une incapacité à décrire et surtout à situer leur poste ou leurs missions dans leur environnement professionnel ou dans des problématiques de politiques publiques un peu élargis. »

    Le comité de sélection note ainsi son incompréhension devant la réaction des candidats à des questions relatives à leurs points forts supposés, tels que mis en avant dans leur dossier d’évaluation (lorsqu’ils en ont un).

    Plus encore, le comité de sélection note que : « beaucoup de candidats ont semblé « désemparés » devant des questions portant pourtant sur leur dossier, le choix de postes, le parcours, la mobilité géographique et l’éventuelle prise ou non prise de risque dans leurs sélections de fonctions. »

    Enfin, s’agissant de l’échange élargi avec le comité de sélection, les membres dudit comité notent : « un véritable échec. » Ce qui interroge sur les préparations disponibles pour les candidats et sur la capacité de ces derniers à dégager du temps et de l’espace critique pour s’assurer de leur capacité à engager une discussion de haut niveau.

     « Le socle minimum de culture administrative, juridique, économique et politique normalement détenu par un administrateur de l’Etat souffre d’une insuffisante préparation de la part des candidats. »

    « Pour le comité, ce qui est en cause, c’est l’impréparation, le manque de réflexion et de curiosité mais aussi des imprécisions voire des lacunes importantes sur des connaissances minimales empêchant de bien articuler sa pensée, y compris sur les grands sujets d’actualité du moment, pourtant très largement analysés dans les médias. »

    Pour le comité de sélection, il est essentiel que les candidats se renseignent également sur le profil des membres du comité, sur leurs centres d’intérêt naturels ou leurs spécialités. 

    En bonus, la liste des thématiques pouvant être abordées lors du comité de sélection au tour extérieur des administrateurs de l’Etat :

    Je ne peux que vous inciter à reproduire cette liste de questions et à l’adapter au concours ou à l’examen visé. Répondez à chacune d’entre elles, étoffer la liste et vous serez probablement davantage préparé que 90% des candidats, y compris en catégorie A.

    Culture administrative :

    Qu’est-ce que la souveraineté nationale et comment s’exerce-t-elle ?

    Quelles sont les missions du Conseil Constitutionnel ?

    Qu’est-ce que le bloc de constitutionnalité ? A quoi sert-il ?

    Quelles différences entre un décret en conseil d’Etat et un décret en conseil des ministres ?

    Qui exerce le pouvoir réglementaire ?

    Qu’est-ce que l’article 49-3 de la Constitution ?

    Qu’est-ce que la hiérarchie des normes ?

    Quelles sont les missions régaliennes de l’Etat ?

    Comment sont organisées les juridictions en France ? Deux ordres sont-ils utiles ?

    Qu’est-ce que le Conseil d’Etat ? La Cour de cassation ?

    Connaissez-vous des juridictions spécialisées et dans quels domaines ?

    Quelles sont les juridictions compétentes en droit du travail ?

    Quelles sont les juridictions financières en France ?

    Connaissez-vous des juridictions qui emploient des juges non professionnels ? Des citoyens ?

    Faut-il juger les ministres ? Qui les juge ? Existe-t-il des procédures en cours ?

    Quelles sont les juridictions compétentes en matière pénale ? A quoi sert la cour d’assises ?

    Quel est le rôle du parquet ? Parquet siège quelles différences ?

    Fallait-il créer un parquet financier ?

    Qui juge les terroristes ? Quelle est l’utilité d’un parquet antiterroriste ?

    Quelle est la différence entre éthique et déontologie ? Qu’est-ce que la déontologie ? Quelles instances interviennent dans ce domaine ?

    Qu’est-ce que l’article 40 du Code de procédure pénale ?

    Qu’est-ce qu’une autorité administrative indépendante ? Pouvez-vous en citer ? Leur utilité ?

    Les grands principes du droit des collectivités locales ?

    L’organisation des collectivités territoriales de l’Île-de-France est-elle efficace ?

    Quel est le cadre juridique encadrant les compétences des collectivités locales ?

    Les régions ont-elles une clause de compétence générale ?

    Quel transfert de compétence est demandé par les régions ?

    Fallait-il départementaliser Mayotte ?

    La France a-t-elle vraiment sa place outre-mer ? Que lui apporte cette présence ?

    Qu’est-ce que la diagonale du vide ?

    Quelles sont les conditions de la réussite de la dématérialisation des procédures ?

    Qu’est-ce que la fracture numérique ?

    Faut-il garder deux forces de sécurité en France, police et gendarmerie ?

    Le lien armée Nation ?

    Compte tenu de l’actualité géopolitique, pensez-vous qu’il fallait supprimer le service militaire ?

    Faut-il continuer à dialoguer avec la Russie ?

    Votre avis sur la conception française de la laïcité ? Avez-vous des exemples de politiques françaises de discrimination positive ? Votre avis ?

    La politique française de lutte contre le séparatisme est-elle efficace ?

    Quelles sont les mesures prises dans l’éducation pour lutter contre la radicalisation ?

    Faut-il accueillir les mineurs de retour des zones de terrorisme en Syrie ?

    Quels ont été les derniers éléments de modernisation de la formation professionnelle en France ?

    A quoi sert la formation continue ?

    Qu’est-ce qu’un dialogue social réussi ?

    La réquisition est-elle la marque de l’échec du dialogue social ? Quels sont les fondements juridiques de la réquisition ?

    Le droit à la paresse

    Faut-il supprimer les droits de succession ?

    Le prix unique du livre

    La loi Toubon : un combat vain ?

    Questions économiques, budgétaires et financières :

    Quels sont les grands principes qui régissent la commande publique ?

    Quels sont les grands principes budgétaires ?

    Qu’est-ce qu’une loi financière ? Quelle différence avec la loi ordinaire ?

    Quelle différence entre une loi de financement de la sécurité sociale et une loi de finances ?

    Quel est le 1er poste de la dépense publique en France ?

    Quels sont les principales dépenses du budget de l’Etat ?

    Pourquoi faut-il maitriser la dépense publique ?

    Le montant de la dette française est-il un problème ?

    Quel est le montant de l’excédent budgétaire français ? (question-piège !)

    Quelles sont les principales mesures du projet de loi de finances 2023 ?

    Quelles sont les principales mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2023 ?

    Quel sont les atouts de l’économie française ?

    Quels sont les maux de l’économie française ?

    Comment est gérée l’assurance chômage ?

    La fermeture de Fessenheim était-elle opportune ?

    Question sur l’Europe :

    Pouvez-vous citer quelques institutions de l’Union européenne et leurs missions ?

    Quelle différence y a-t-il entre le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne et le Conseil de l’Europe ?

    Qu’est-ce que l’espace Schengen ?

    Tous les Etats membres de l’UE participent-ils à la zone euro ? Lesquels n’y participent pas ?

    Quels sont les principaux actes juridiques contraignants de l’Union européenne ?

    Dans quelle mesure le droit de l’Union européenne s’applique-t-il en France ?

    Quelles sont les principales caractéristiques du budget de l’Union européenne ?

    Faut-il retirer l’anglais de la liste des langues de travail de l’UE ?

    L’usage de la langue française dans l’administration française et dans les relations avec l’Union européenne ?

    Faut-il réformer le marché européen de l’électricité ?

    Questions sur la Fonction publique :

    Le statut général de la Fonction publique : sa première qualité et son plus grand défaut ?

    La loi de transformation de la Fonction Publique du 6 août 2019 ? Quels en sont les 5 axes ou les grands principes ?

    Est-ce que l’ouverture facilitée au recrutement des agents contractuels pour les emplois de direction est de nature à diminuer l’attractivité du corps des administrateurs de l’Etat ?

    Quels sont les freins au recrutement des agents contractuels pour les emplois de direction ?

    Le statut de fonctionnaire a-t-il encore du sens pour les missions non régaliennes et pourquoi ?

    le statut est-il un élément d’attraction ou un frein au recrutement ?

    Comment rendre plus attractive la fonction publique ?

    Fallait-il supprimer l’ENA ?

    Le temps réel de travail des hauts fonctionnaires français est-il un signe d’efficacité ?

    La transformation de certains corps du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pourrait-il avoir des conséquences pour la diplomatie française ?

    Dans quelle mesure la crise sanitaire récente a-t-elle été une opportunité de modernisation de la fonction publique française ?

    Quelles sont les instances représentatives des personnels dans la fonction publique ?

    Qu’est-ce que le devoir de réserve du fonctionnaire ? L’obligation de discrétion ? Le secret professionnel ?

    Quel est le rôle actuel des CAP ? Est-ce que les compétences revues des CAP seront de nature à diminuer le rôle des organisations syndicales et d’avoir une incidence sur le taux de participation des élections de décembre ?

    Est-ce que le syndicalisme a du sens pour l’encadrement supérieur ?

    Existe-t-il un dispositif alternatif pour prendre en compte les aspirations de l’encadrement supérieur en dehors du champ syndical ?

    Télétravail et encadrement ?

    Un plan égalité a-t-il été mis en place dans votre structure/établissement ?

    Comment revaloriser le métier d’enseignant ?

    Quels sont les enjeux de la revalorisation des salaires des enseignants ?

    Les concours sont-ils toujours la meilleure façon de recruter des enseignants ? A l’image des autres pays européens, faut-il supprimer le statut des enseignants pour créer une profession réglementée ?

    Qu’est-ce que Parcoursup ?

    Questions diverses :

    Comment réagir face à un chef harceleur ?

    Comment définir un mauvais chef ? Comment travailler avec lui ?

    Qu’est-ce qui vous fait rire ?

    Le dernier livre que vous avez lu ? Le dernier film vu ?

    1. Arrêté du 4 août 2022 fixant le nombre de places offertes en 2022 aux concours d’entrée à l’Institut national du service public.
    2. Outre l’aspect professionnel, on peut aussi imaginer que les quarantenaires présentent une structure familiale différente rendant peu opérationnel le concours interne proposé par l’INSP.
    3. Le dernier âge moyen communiqué pour les admis au concours interne de l’Ecole nationale d’administration date de 2020, il était de 32 ans. Malheureusement, à ma connaissance, l’INSP ne communique plus sur cette statistique.
  • La fonction publique est-elle encore attractive ?

    La fonction publique est-elle encore attractive ?

    Temps de lecture : 10 minutes.

    J’ai lu avec beaucoup d’intérêt un rapport du Sénat relatif à la mission « Transformation et fonction publique »1 du projet de loi de finances pour 2024.

    Vous pouvez le retrouver ci-après : Avis n°1778 – Tome IX – 16e législature – Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)

    Une augmentation inquiétante du ratio d’emplois non pourvus

    Le rapport sénatorial cite en premier lieu une note de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) datée de mai 2023.

    Celle-ci relevait qu’en 2021, comme en 2019 et en 2020, environ 8 % des postes de fonctionnaires de l’État n’avaient pas été pourvus : sur les 39 900 postes ouverts aux recrutements externes (concours et contractuels), seuls 36 700 agents avaient été recrutés.

    Si on s’intéresse aux emplois non pourvus à la suite d’un concours externe, le ratio augmente encore fortement, à près de 15%2. Ce qui peut expliquer, par ailleurs, la hausse du recours aux contractuels dans les différentes fonctions publiques.

    A titre de comparaison, et selon la DARES, au deuxième trimestre 2024, le taux d’emplois vacants s’élève à 2,8% dans les entreprises du secteur privé (hors agriculture, intérim, particuliers employeurs et activités extraterritoriales).

    Ce ratio global recouvre évidemment une diversité de situations avec des métiers plus ou moins tendus. On peut toutefois relever que la quasi-intégralité (99%) des employeurs de la fonction publique hospitalière font état de difficultés de recrutements3.

    Or l’attractivité d’un secteur est essentiel, pour a minima disposer du personnel en nombre suffisant pour exercer les missions confiées (le point de vue « quantitatif »), mais également pour disposer d’un personnel qualifié et ayant les compétences adaptées au besoin du recruteur (le point de vue « qualitatif »).

    Une problématique commune à plusieurs pays

    La moyenne d’âge dans les pays développés augmente progressivement, accentuant à la fois le vieillissement de la population et les besoins associés, notamment en termes de santé. Mécaniquement, les agents publics eux-mêmes vieillissent, d’autant que les fonctions publiques sont en moyenne plus âgées que le secteur privé.

    Parallèlement, si la part de jeunes intégrant la fonction publique demeure stable sur la période 1991-2015, entre 9 et 11%. Il convient de noter en termes relatifs une dégradation de l’attractivité de la fonction publique, évaluée en termes de rapports entre le nombre de candidats et de postes à pourvoir.

    Une problématique commune à toutes les fonctions publiques

    Concernant la fonction publique de l’État, la sélectivité aux concours externes a varié du simple au triple depuis le milieu des années 1980, mais elle baisse tendanciellement depuis la fin des années 2000. La sélectivité des recrutements externes est ainsi passée de 17 candidats pour 1 admis en 1997 pour s’établir en 2020 à 5,8 candidats pour 1 admis.

    Rapport annuel sur la fonction publique de 2022, « Les recrutements externes dans la fonction publique de l’Etat en 2020 »

    « La baisse tendancielle de la sélectivité n’est pas imputable à l’évolution du volume des recrutements mais est bien plus liée à une fuite des candidats : le nombre d’inscrits et de présents aux concours externes diminue depuis le milieu des années 1990, alors même que le vivier de jeunes diplômés, potentiels candidats, a crû presque continûment. Ainsi, à comportement inchangé des jeunes diplômés, la sélectivité des concours de catégorie A et B, hors enseignants, aurait dû croître. »

    Concernant la fonction publique hospitalière, les emplois les plus qualifiés et dans certains secteurs sont particulièrement en tension : 25% des postes de pédiatre et 46% des postes de radiologue sont vacants. 

    Concernant la fonction publique territoriale, 39% des recruteurs faisaient état de difficultés pour recruter en 2021. En particulier dans des métiers comme la police municipale, la petite enfance et le périscolaire, la propreté et l’administratif. La concurrence avec le secteur privé, notamment s’agissant des rémunérations est régulièrement soulevée4.

    Par ailleurs, les recrutements en milieu rural surajoute une difficulté rendant les recrutements particulièrement difficiles.

    Enfin, et de manière transversale, la filière du numérique représente également un sujet de difficulté pour les employeurs. Le secteur privé étant réputé répondre davantage aux attentes des candidats tant en terme de rémunérations, malgré les vélléités de l’Etat notamment5, de parcours de carrière, que de « culture managériale » selon un rapport de l’OCDE citée par la sénatrice6.

    Une contagion jusque dans la haute fonction publique

    La baisse de l’attractivité ne semble pas épargner la haute fonction publique, même si les grandes tendances cachent encore des situations contrastées selon les écoles et les types de concours.

    Le rapport Thiriez7 relevait ainsi en 2020 que « tous concours confondus (École nationale d’administration, École nationale de la magistrature, Institut national des études territoriales, École des hautes études en santé publique), le nombre de candidats a baissé d’un millier entre 2010 et 2018 pour s’établir à 5 900, alors même que le nombre de postes offerts augmentait de 50 % ».

    Il faut cependant nuancer l’analyse : à l’Institut national du service public (INSP), qui a succédé à l’École nationale d’administration (ÉNA), le nombre total d’inscrits et le taux de sélectivité se sont globalement maintenus sur cette période, et ont même légèrement augmenté depuis 2018, principalement sous l’effet de la multiplication des voies d’accès (création des concours externes « Docteurs » et « Talents »).

    L’ENM, l’INET et l’EHESP sont donc, plus spécialement, confrontés à de plus grandes difficultés de recrutements.

    Une attractivité de la fonction publique qui semble corrélée à la situation du marché du travail

    Cette faiblesse de l’attractivité de la fonction publique semble par ailleurs s’accentuer en période de faible chômage, avec une concurrence accrue entre employeurs.

    L’enquête « Besoins en main-d’œuvre » réalisée par Pôle Emploi en 2023 souligne ainsi que 61 % des recrutements sont jugés « difficiles », contre 57,9 % en 2022. De même, les études de la DARES sur les métiers en tension témoignent de la grande diffusion des difficultés de recrutements dans les différentes filières, en particulier dans les métiers qualifiés.

    Les atouts des métiers de la fonction publique et les difficultés à surmonter

    L’auteure du rapport tente ensuite de rappeler les atouts des métiers de la fonction publique.

    Le principal atout : les « valeurs du service public »

    Il est d’abord rappelé que la principale raison de l’engagement dans la fonction publique tient aux missions et aux valeurs, qui se distinguent le plus souvent du secteur privé notamment lucratif. L’intérêt pour le service public est mis en avant par trois candidats à la fonction publique sur quatre, et chez neuf candidats sur dix c’est le métier qui est la principale source de motivation selon le Rapport de restitution des travaux de la conférence sur les perspectives salariales de la fonction de mars 20228.

    Pour autant, la fonction publique ne dispose pas d’un monopole sur l’intérêt général. De nombreuses associations, ONG, voire entreprises à mission peuvent également remplir cette quête de sens.

    Première difficulté : une gestion jugée trop rigide et hiérarchique

    A l’inverse, l’« emploi à vie » n’est plus un élément fort d’attractivité. La sénatrice cite ainsi une enquête réalisée par la CFDT : « seuls 29 % des jeunes ayant répondu, exerçant dans les trois versants de la fonction publique, se disent prêts à y passer toute leur carrière. »

    A titre personnel, il me semble également qu’il existe désormais unhiatus entre la rigidité statutaire (corps ou cadres d’emploi, catégories hiérarchiques relativement étanches, recrutement sur concours et affectation nationale pour les métiers de la fonction publique d’Etat) et les velléités de mobilité et d’ouverture des agents.

    Le rapport relève aussi une gestion souvent jugée lourde et très hiérarchique.

    Le recrutement par concours est aussi en lui-même particulièrement long et coûteux et parfois en décalage avec les besoins immédiats des recruteurs et les viviers de candidats9.

    La Cour des comptes relevait ainsi dans un rapport consacré au recrutement des compétences numériques au sein des ministères économiques et financiers10, que le faible intérêt pour les postes offerts était : « accentué par le délai de recrutement dans l’administration comparé à celui des entreprises : 14 mois minimum pour les titulaires et 11 mois pour les contractuels. Ces délais ne sont pas adaptés à un marché en tension. Ils laissent peu de chance face à la concurrence du secteur privé qui peut recruter les jeunes 15 jours après leur diplôme. »

    Deuxième difficulté : les rémunérations, jugées trop basses

    Les faibles rémunérations sont régulièrement évoquées, dans la population générale, mais également par les fonctionnaires eux-mêmes, en particulier dans la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale.

    En valeur absolue, les rémunérations étaient en 2020 légèrement supérieures dans le secteur privé (2 518 euros) par rapport au secteur public (2 378 euros), mais avec d’importantes disparités :

    • Si le salaire de la fonction publique d’Etat est relativement élevé, à 2 639 euros, cela tient à un effet de composition, du fait de l’importance des catégories A (cadres), dont les enseignants ;
    • À l’inverse, la fonction publique territoriale, par un effet de composition inverse, présente un salaire net mensuel moyen plus bas : à 2 019 euros ;
    • Enfin, la fonction publique hospitalière présente un niveau médian, à 2 464 euros, mais avec là-encore, d’importantes disparités (notamment entre les personnels médicaux et les fonctionnaires11).

    Surtout, la dynamique des salaires est radicalement différente entre les secteurs public et privé.

    Selon l’INSEE 12, entre 2009 et 2020, le salaire des employés du secteur privé a augmenté de 7,8 %, soit une hausse de 0,7 % par an. Cette évolution est largement supérieure à celle constatée dans la fonction publique, où le salaire a augmenté de 1 % seulement sur la période, soit + 0,1 % par an.

    Concernant certains métiers, les évolutions sont encore plus éloquentes.

    Ainsi, le salaire d’entrée des enseignants en collège et lycée titulaires du CAPES, hors primes, était équivalent à 2,17 fois le SMIC en 1980, contre seulement 1,14 fois actuellement 13.

    La « smicardisation » de la fonction publique est également en marche : près d’un agent public sur cinq est aujourd’hui rémunéré autour du SMIC.

    Dans un contexte de hausse de l’inflation et de renchérissement du logement, cette situation devient problématique pour de nombreux agents publics, notamment dans les zones urbaines les plus denses, comme en Île-de-France et dans les grandes métropoles régionales.

    Le gel ou la sous-revalorisation du point d’indice a ainsi impliqué des efforts sur les rémunérations des agents publics essentiellement concentrés sur des mesures conjoncturelles, ciblées et dispersées (notamment à destination des hauts-fonctionnaires, mais également des agents de la santé14 ou de la police nationale), nuisant à la cohérence globale et, peut-être, aux besoins du service public.

    Données de l’INSEE, présentées dans le rapport sénatorial.

    La rapporteure souligne également la grande complexité de la rémunération des agents publics, qui est jugée « illisible » pour les observateurs extérieurs.

    Des conditions de travail considérées par les agents comme « en dégradation »

    Quatre agents publics sur dix déclarent effectuer une quantité de travail excessive et 55 % des agents de l’État continuent de penser à leur travail même quand ils n’y sont pas (soit 19 points de plus que pour les salariés du privé)15.

    Dans la fonction publique territoriale, plus des deux-tiers des agents exerçant des missions de catégorie C sont par ailleurs fortement exposés aux risques professionnels, et notamment à des relations difficiles avec les usagers, à des risques physiques et psycho-sociaux, à des horaires atypiques, ainsi qu’à une mobilisation fréquente dans le cadre d’astreintes16.

    Les recommandations de la sénatrice

    La sénatrice énonce plusieurs propositions, mais le contexte des finances publiques interroge sur les facultés à la main du gouvernement pour y répondre.

    La sénatrice propose en premier lieu de rendre les rémunérations plus attractives avec :

    • Une nouvelle augmentation du point d’indice ;
    • Une réforme des modalités de calcul de l’indemnité de résidence afin d’en faire un véritable levier d’attractivité 17.

    Mais il s’agit également de promouvoir des initiatives managériales accordant une plus grande flexibilité dans l’organisation du travail afin d’améliorer les conditions de travail comme le droit à la déconnexion (en particulier pour les fonctionnaires d’Etat) et le développement du télétravail.

    La sénatrice propose aussi de poursuivre le développement de la marque employeur récemment créée, pour mieux faire connaître les métiers de la fonction publique et mettre en œuvre des campagnes de communication ciblées sur les métiers en tension, auprès des jeunes, comme des travailleurs âgés.

    Enfin, la sénatrice propose de rendre les processus de recrutement plus efficaces :

    • En publiant des offres d’emploi plus pédagogiques et notamment plus précises s’agissant de la rémunération offerte ;
    • En adaptant le format de certains concours, notamment pour les apprentis ;
    • en améliorant la coordination entre les acteurs au niveau local pour proposer de véritables parcours de carrière au sein des différentes collectivités publiques.
    1. Le programme 148 en nomenclature LOLF (loi organique relative aux lois de finances), géré par le ministère chargé de la fonction publique.
    2. Pour la source, voir l’article publié sur le site vie-publique.fr sur les difficultés de recrutement par concours.
    3. Article précité publié sur le site vie-publique.fr.
    4. Une autre difficulté est celle du recrutement par concours, en particulier dans des métiers en tension où cette étape se révèle parfois incongrue lorsque la condition de diplôme est par ailleurs déterminante pour exercer la profession. C’est notamment le cas des éducatrices de jeunes enfants et auxiliaires de puériculture pour les crèches municipales.
    5. Confer la circulaire n° 6434-SG du 3 janvier 2024 relative à la politique salariale interministérielle des métier de la filière numérique signée par la Première ministre.
    6. OCDE, « Renforcer l’attractivité de la fonction publique en France. Vers une approche territoriale », 2023.
    7. Pour consulter ce rapport, suivre ce lien.
    8. Autrement connu comme le rapport Peny, Simonpoli. Disponible en suivant ce lien.
    9. Le procédé de recrutement par concours vise à évaluer l’« aptitude » générale du candidat à exercer les fonctions prévues dans son corps ou son cadre d’emploi, pas à mesurer les compétences en vue d’un emploi spécifique.
    10. Cour des comptes, « Disposer des personnels qualifiés pour réussir la transformation numérique : l’exemple des ministères économiques et financiers », Rapport public annuel de 2020. Pour consulter ce rapport, voici le lien.
    11. Les personnels médicaux avaient ainsi un salaire net moyen de 5 870 euros en 2020, contre 2 319 euros pour les fonctionnaires selon une étude de l’INSEE.
    12. Insee, « Chiffres-clés : L’essentiel sur… les salaires », 12 juin 2023. Et voici le lien.
    13. Lucas Chancel, La chute du salaire des enseignants (1980-2022) », document de travail, avril 2023.
    14. Au titre du « Ségur de la santé » à destination du personnel hospitalier, mais aussi des EHPAD et établissements médico-sociaux.
    15. Rapport précité de mars 2022 sur les perspectives salariales de la fonction publique de MM. Peny et Simonpoli.
    16. Rapport sur l’attractivité de la fonction publique territoriale, par Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Corinne Desforges, inspectrice générale de l’administration, et Mathilde Icard, présidente de l’association des DRH des grandes collectivités, janvier 2022.
    17. Le rapport pointe ainsi montant brut moyen versé par mois de seulement 46 euros pour les agents publics d’Ile-de-France, ce qui ne compense évidemment pas le surcoût lié notamment au logement.