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  • Birnbaum – Où va l’État ?

    Birnbaum – Où va l’État ?

    Temps de lecture : 9 minutes.

    Petit ouvrage (160 pages) d’un très grand auteur1, consacré à l’examen des nouvelles interactions public-privé des plus hauts agents de l’État. Particulièrement intéressant pour sa conclusion.

    Elle interroge toutefois sur le positionnement attendu de l’État et de ses serviteurs. Est-ce que la fonction publique doit être réservée à une classe professionnelle étanche ou doit-on au contraire favoriser les échanges ? La question se pose avec plus d’acuité aujourd’hui que l’entrée dans la fonction publique est plus tardive et moins linéaire (voir l’article des Légistes sur le rapport de la Cour des comptes consacré aux jeunes et aux recrutements de l’État).

    Emmanuel Macron et la Société Civile

    L’auteur commence son ouvrage par ce qu’il qualifie de nouvelle circulation de l’élite politique : « entre public, privé et public ». Autrement qualifié de « revolving door » ou en bon français : « rétropantouflage ».

    Source : Pexels, Mvdheuvel
    Source : Pexels, Mvdheuvel

    Une « Privatisation2 » de l’Entourage du Président de la République

    À cet égard, la Composition du Cabinet d’Emmanuel Macron est symptomatique :

    À sa nomination comme chef de l’État, 19 des 45 conseillers proviennent du secteur privé. Sur les 26 conseillers issus de la fonction publique, 16 sont énarques, dont 3 diplômés d’écoles de commerce et plusieurs autres diplômés de facultés américaines.

    Un Gouvernement Comptant Très Peu d’Agents Publics

    Le premier ministre Édouard Philippe et son directeur de cabinet (Benoît Ribadeau-Dumas3) présentent les mêmes spécificités : public-privé-public.

    Bien que Bruno Le Maire n’ait jamais exercé de fonctions dans le privé, la quasi-intégralité de son cabinet est également originaire du privé, énarque ou non.

    Au total, le gouvernement d’Édouard Philippe compte « seulement » deux énarques sur vingt-neuf ministres. Les ministres sont essentiellement des professeurs, médecins, juristes ou représentants du monde associatif.

    À titre de comparaison, le gouvernement de Valls comptait seize ministres, dont :

    • Cinq énarques ;
    • Marisol Touraine, normalienne et nommée au Conseil d’État par le tour extérieur ;
    • Quatre enseignants ;
    • Deux avocats et
    • Quatre professionnels de la politique.

    Une Assemblée Nationale Profondément Renouvelée

    L’Assemblée nationale présente le même visage que l’Exécutif. Elle compte ainsi, pour la première fois de l’histoire de la Vᵉ République, une majorité de députés de la société civile.

    Source : Pexels, Matreding
    Source : Pexels, Matreding

    Pour autant, et selon l’auteur, la verticalité voulue par Macron et en partie portée par son cabinet tranche rapidement avec cette image d’ouverture.

    Le Rôle Joué par le Non-Cumul des Mandats

    À l’élection de la nouvelle Assemblée nationale en 2017, 75 % des députés sont des primo-députés. 188 n’ont jamais exercé aucun mandat local. Par ailleurs, il leur est désormais interdit de cumuler leur mandat avec un mandat local.

    En 1998 et en 2008, près de 90 % des députés de l’Assemble nationale cumulaient leur fonction de député avec un mandat local.

    Pour l’auteur, cette règle de non-cumul et la très grande jeunesse du parti présidentiel ont « contribué à briser le processus de professionnalisation du politique ».

    « On mesure ainsi l’ampleur du bouleversement qui frappe un monde parlementaire tourné davantage vers l’économie, le monde des affaires, des innovations technologiques, de l’informatique, peu socialisé à la politique, disposant d’un moindre ancrage politique local, moins inséré dans une carrière politique, ayant moins accès aux réseaux politiques nationaux, au monde des cabinets, de la haute administration, aux sommets de l’État. »

    Le Rôle Joué par les Énarques, Qualifiés par l’Auteur de « Gardiens de l’État »

    Les Énarques Constituent la Structure de Commandement de l’État et Sont Recrutés par Concours

    Pour Birnbaum, les travaux sur l’ENA se concentrent trop souvent sur la reproduction sociale, sans égard pour le caractère « méritocratique du recrutement des élèves ».

    Source : Pexels, Rdne
    Source : Pexels, Rdne

    L’auteur considère ces hauts-fonctionnaires comme les véritables « gardiens de l’État » et l’ENA comme l’école permettant la promotion et la continuité de ces valeurs4.

    Il reconnaît toutefois : « son exceptionnalisme lié à la centralisation française » et : « son statut dans l’accélération de la carrière des hauts fonctionnaires qui n’a guère d’équivalent à l’étranger. »

    Une Partie des Énarques Rejoignent le Secteur Privé

    Cependant, en dépit du recrutement « méritocratique », l’auteur conçoit la nécessité de tenir compte des nouvelles réalités. Il cite ainsi Luc Rouban :

    « On passe du cadre supérieur au service de l’État finissant chef de service au dirigeant « multicartes » passant d’un service à un cabinet puis à un établissement public pour aller en entreprise… et revenir avant de repartir pour passer sa retraite comme président d’une banque d’affaires. »

    L’Essentiel des Énarques Demeurent dans le Secteur Public

    Le phénomène de pantouflage, une fois reconnu, est cependant circonscrit :

    Les 2/3 des énarques de la cohorte de 1989-1990 demeurent au service de l’État trente ans plus tard.

    Finalement, ce phénomène concerne essentiellement les grands corps et en particulier l’Inspection générale des finances (IGF).

    Birnbaum prend ensuite appui sur une analyse sectorielle pour appuyer sa démonstration. Toutefois, celle-ci peut être critiquable au regard du quasi-monopole de la Sécurité sociale dans la couverture des risques maladies et familiaux5 :

    « À partir d’une analyse sociographique des personnes ayant occupé des fonctions administratives, entre 1981 et 1997, dans les deux secteurs de l’assurance maladie et des prestations familiales, on peut distinguer un ensemble de hauts fonctionnaires presque tous issus de l’ENA (76 %), et en particulier de la Cour des comptes, qui, entre l’administration centrale et les cabinets ministériels, ont acquis une expertise propre à ces questions, et forment une élite unifiée et sectorisée quasiment fermée aux intrus du privé. »

    La Logique de « l’État Stratège »

    Une Forte Contestation du Rôle de l’État à Travers des Politiques Récentes

    Pour l’auteur, de nombreux dispositifs juridiques modernes entraînentune forme de « banalisation » de l’État :

    • La nouvelle organisation budgétaire de l’État issue de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), construite à partir d’indicateurs de performance et d’un découpage par missions et actions ;
    • La décentralisation et l’essor d’exécutif locaux de grande dimension et doté d’une autonomie budgétaire (comme les conseils régionaux) ;
    • La logique de contractualisation (y compris, au sein même de l’État) ;
    • L’agenciarisation, souvent associée au démantèlement de l’État ;
    • La démocratie consultative et participative.

    On pourrait y ajouter l’européanisation du droit et les processus de contrôles constitutionnels. Puis, on nuancerait le tout en remarquant le poids considérable de l’État dans la vie économique, sociale, culturelle, sanitaire… de notre pays.

    Le Rôle Pourtant Majeur de l’État dans la Conduite de la Nation

    Pour l’auteur, force est de constater que les grandes réformes publiques ont toutes été initiées et menées par des hauts fonctionnaires. Que ce soit au niveau politique : avec Valéry Giscard d’Estaing, Michel Rocard et Alain Juppé ; comme au niveau intellectuel et programmatique, avec Jean Picq notamment6.

    Par ailleurs, même la régionalisation de l’action publique et la réduction du nombre de directions déconcentrées suite à la Révision générale des politiques publiques (RGPP) sous la présidence de Nicolas Sarkozy7 auront permis à l’État de concentrer sa force et de promouvoir une voix étatique locale.

    Le Danger de la Corruption

    L’Opacité Complète pour les Fonctionnaires Devenant Avocats

    Le principal danger pour l’auteur est celui de la corruption. À cet égard, il appuie son argumentation sur les travaux de Pierre France et Antoine Vauchez relatif aux fonctionnaires devenant avocats d’affaires.

    Source : Pexels, Cottonbro
    Source : Pexels, Cottonbro

    En effet, dans cette situation, deux principes contradictoires peinent à s’équilibrer :

    • Celui du respect des règles déontologiques visant à prévenir les conflits d’intérêts8 ;
    • Celui du secret professionnel applicable aux avocats… et qui empêche tout contrôle déontologique.

    Or, plusieurs très hauts fonctionnaires passés par un ou des cabinets ministériels et ayant, à cette occasion, accédé à des informations confidentielles, ont ainsi (comme avocat) rejoint le secteur privé.

    À ces hauts fonctionnaires s’ajoutent de manière plus visible encore de grands noms de la politique publique française :

    • Claude Guéant,
    • Dominique de Villepin,
    • Pascal Clément,
    • Rachida Dati,
    • Jean-François Copé,
    • Dominique Perben,
    • Claude Evin,
    • Pierre Moscovici,
    • Dominique Strauss-Kahn9

    Les Conflits d’Intérêts Avérés

    L’autre situation emblématique de cette porosité est incarnée par François Pérol, nommé à la tête du groupe BPCE après avoir facilité la création de cette nouvelle entité dans ses fonctions de secrétaire général adjoint de l’Élysée10.

    Le fait le plus grave concerne toutefois la condamnation pour corruption de Claude Guéant, avec Michel Gaudin, alors directeur général de la police national. Ce dernier avait partagé avec le ministre des enveloppes d’argent en liquide, normalement destinées à payer des frais d’enquête de police. Sans parler des enquêtes sur le financement illégal de la campagne de Sarkozy11.

    Source : Pexels, SuzyHazelwood
    Source : Pexels, SuzyHazelwood

    À ceux-ci s’ajoutent les inculpations de :

    • Bernard Squarcini, directeur du renseignement pour détournement de fonds publics et trafic d’influence ;
    • Christian Flaesch, ancien directeur de la police judiciaire de Paris ;
    • Jean Daubigny, ancien préfet de police de Paris et membre de la Cour des comptes pour fraude fiscale ou encore
    • Dominique-Claire Testart-Mallemanche, préfète, pour corruption.

    La multiplication de ces affaires induit un sentiment de corruption généralisée au sein de la classe politique et de la haute fonction publique, alimentant inévitablement une vague populiste de rejet des élites et du parlementarisme.

    Le Brouillage Public-Privé Alimente un Populisme Anti-Élites et Anti-État

    Une Critique de « l’Oligarchie »

    Pour l’auteur, si la IIIe République a connu son lot de scandales, la légitimité de l’État demeurait préservée. Cela n’est plus le cas aujourd’hui, pour partie, du fait du « grand brouillage » induit par cette interpénétration d’élites du privé et du public.

    Vient notamment en tête le « scandale des décorations » qui éclaboussa le président Jules Grévy, par le comportement de son gendre, avant de l’obliger à démissionner.
    Vient notamment en tête le « scandale des décorations » qui éclaboussa le président Jules Grévy, par le comportement de son gendre, avant de l’obliger à démissionner.

    Le populisme déployé par Mélenchon conte « l’oligarchie » et ses « pantins » est symptomatique du phénomène. Alimenté par les expériences d’Amérique latine et « des travaux pseudo-scientifiques comme ceux de Pinçon-Charlot et de Chantal Mouffe. »

    Ce mouvement, d’un genre nouveau, fondamentalement contraire à toute sociologie sérieuse, mais également aux mouvements marxistes ou socialistes, est commun aux populistes de droite comme de gauche. On semble retrouver les élucubrations d’un Gustave Le Bon ou d’un Gabriel Tarde, sur le rejet de la raison et la consécration des passions comme seules dynamiques de l’action collective ; celles de Carl Schmitt sur la théorisation de la politique comme un conflit, l’adversaire est l’ennemi.

    Deux Populismes (de Gauche et de Droite), Pour Une Même Haine

    François Ruffin reprend également ce langage parlant d’un gouvernement « passif », « veule », « lâche », « complice », « collabos »…

    In fine, c’est un appel à la haine que François Ruffin manifeste, seule émotion à même de canaliser politiquement un mouvement d’opposition à la présidence de Macron. L’auteur y retrouve les pamphlets d’extrême droite de la IIIe République, à l’exemple de ceux contre Blum.

    Paradoxalement, l’extrême droite voue une haine identique envers l’oligarchie et, de manière surprenante au regard de son histoire, appelle à de nouvelles interventions de l’État. Seule différence, sa vision du peuple restreinte à une frange ethnique jugée plus légitime. Elle aussi s’insurge contre le monde de la finance et une forme de mondialisme capitaliste contraire aux intérêts du peuple.

    « Au bout du compte, deux types de populisme s’affrontent, qui partagent parfois un même vocabulaire : le populisme de gauche s’en prend uniformément à l’oligarchie et à la caste, il fait une croix sur l’État, lui déniant toute autonomie en prenant acte d’une osmose croissante entre secteur public et secteur privé, vouée nécessairement, dans cette perspective, à la corruption. Le populisme de droite défend au contraire l’État fort qui échappe à l’oligarchie, mais c’est pour en faire l’instrument d’une mobilisation ethnique. »

    Un Populisme Injustifié Pour l’Auteur

    « Les moments Sarkozy et Macron, qui diffèrent par bien des aspects fondamentaux, font figure l’un et l’autre de tournant idéologique vers la libéralisation économique, la logique de l’entreprise, l’introduction de techniques de rationalisation, de décentralisation des décisions empruntées au secteur privé12. Il n’empêche qu’à la différence de bien des États du monde occidental, l’État n’a toujours pas renoncé, en France, à imposer sa loi ni à gouverner à distance. »

    Par ailleurs, selon l’auteur, la haute fonction publique demeure loyale et dévouée au service public.

    « L’abaissement de l’État, si d’aventure, il s’accentuait, bouleverserait de fond en comble la société française, qui ne pourrait plus compter sur lui pour défendre sa vision de la citoyenneté, sa conception de la laïcité qui limite l’empreinte du religieux dans l’espace public, en un mot : sa paix civile. »

    Pour l’auteur, il ne faudrait donc pas qu’une dénonciation abusive de l’oligarchie en vienne à détruire cet instrument aussi indissociable de notre histoire collective qu’est l’État.

    1. Pierre Birnbaum a le privilège d’avoir écrit des classiques comme l’ouvrage Les Fous de la République et d’être le biographe de Léon Blum.
    2. Au sens de remplacement d’individus issus du secteur public par des individus du secteur privé.
    3. Polytechnicien, camarade d’Édouard Philippe dans la promotion Marc-Bloch de l’Ecole nationale d’administration (ils sortirent tous les deux au Conseil d’État). Il occupera différents postes en cabinets ministériels avant de rejoindre le groupe Thales.
    4. Il me semble toutefois nécessaire de bien distinguer les finalités des corps de hauts fonctionnaires avec les éventuelles critiques sur le mode de recrutement. S’arrêter au caractère « méritocratique » est malheureusement réducteur, alors que la sélection par concours fait l’objet de beaucoup de discussions : voir l’article des Légistes sur les concours.
    5. Il existe évidemment un secteur mutualiste français, mais dont la taille n’est pas comparable avec celle offerte par la sécurité sociale. C’est également le cas, pour le moment, dans le champ de la santé. La même analyse conduite auprès d’agents de la direction générale du Trésor, de la direction du Budget, des Entreprises ou d’une direction à forte composante industrielle ne produirait évidemment pas les mêmes résultats.
    6. L’argument me semble quelque peu manquer de force. La surreprésentation d’agents publics aux plus hautes fonctions de l’État facilite nécessairement une surreprésentation de ces derniers dans l’édiction de mesure d’importance.
    7. De dix-huit directions à huit.
    8. Ce qui implique l’impossibilité de plaider contre l’État une fois inscrit au barreau pendant une période de cinq ans.
    9. Ce qui est particulièrement marquant est le peu d’expertise juridique de nombreux anciens élus. L’attrait pour l’exercice de la profession d’avocat semble reposer principalement sur le secret professionnel qu’elle permet. On notera également la surreprésentation de personnes inquiétées par la justice.
    10. M. François Pereol ne consultera même pas la Commission de déontologie.
    11. L’ouvrage a été publié avant la condamnation de l’ancien chef de l’État.
    12. Le discours est en effet particulièrement marqué par une certaine forme de fascination pour la réussite libérale anglo-saxonne chez les présidents Sarkozy et Macron. Mais, il me semble toutefois que l’épreuve du réel a fortement nuancé leurs bilans. L’un et l’autre ont été confrontés à des crises majeures et on alors choisi d’augmenter fortement les dépenses de l’État et d’assumer une augmentation inquiétante des déficits et de la dette française. En d’autres circonstances, je peine à les imaginer abandonner Lehman Brothers, comme a pu le faire le président Georges W. Bush.
  • L’Accès des Jeunes aux Emplois de l’État, Cour des comptes – 2025

    L’Accès des Jeunes aux Emplois de l’État, Cour des comptes – 2025

    Temps de lecture : 15 minutes.

    La Cour des comptes a remis un rapport en mars 2025 sur l’accès des jeunes aux emplois de l’État. Ce rapport prolonge les réflexions de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique.

    On y décèle surtout une profonde transformation de la fonction publique :

    • L’âge moyen d’entrée dans la fonction publique d’État est de plus en plus tardif : 21 ans en 1980, 25 ans en 2010 et 33 ans en 2022 ;
    • Les nouveaux entrants sont essentiellement recrutés sur des contrats de droit public (civils ou militaires, à 71,4 %), apprentis ou autres statuts (7,3 %)1. L’entrée dans la fonction publique comme fonctionnaire est désormais très minoritaire (21,3 %).

    Bref, c’est notre modèle de fonction publique qui évolue. À suivre, en résumé, les principaux constats de la Cour.

    L’Attractivité de la Fonction Publique de l’État est un Défi Majeur Insuffisamment Préparé

    L’État employeur doit affronter un triple défi : le vieillissement des agents publics, des tensions de recrutement et de fortes inégalités territoriales.

    Le Vieillissement de la Fonction Publique

    Le vieillissement accéléré de la fonction publique est notamment lié aux recrutements heurtés sur les vingt dernières années.

    À titre d’illustration, l’âge moyen dans la filière administrative des attachés d’administration, secrétaires administratifs et adjoint administratifs est de 50 ans, les effectifs étant concentrés en haut de la pyramide des âges de leurs corps respectifs. 

    L’évolution défavorable de la natalité (sur nombre de jeunes travailleurs), la baisse du chômage, l’élévation du niveau de diplôme et le relatif déclin de l’attractivité de la fonction publique par rapport aux secteurs privés imposent un double défi : celui d’attirer, puis de fidéliser.

    La fonction publique, tous versants confondus, est plus attractive que le secteur privé pour les débutants non diplômés de l’enseignement supérieur. En revanche, les écarts sont importants et croissants, en faveur du secteur privé, pour les bac+2 ou bac+3 et plus encore, pour les diplômés ayant au moins un niveau Master.

    Autrement dit, la fonction publique n’attire plus les jeunes les plus qualifiés2.

    L’Absence de Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences

    La situation dégradée des finances publiques (voir l’article des Légistes consacré à la situation des finances publiques en 2024) devrait conduire à une diminution des flux de recrutements.

    En conséquence, le besoin de cibler précisément les compétences recherchées devrait être déterminant. Mais, selon la Cour, les ministères présentent encore une gestion « au fil de l’eau », au gré des départs en retraite3.

    Seuls les métiers du numérique semblent faire l’objet d’une vraie réflexion avec, depuis 2019, un plan d’action conjoint de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) et de la direction interministérielle du numérique (DINUM).

    50 000 agents de l’État exercent un métier à composante numérique, selon l’Inspection générale des Finances. 57 % d’entre eux pour le ministère des Armées. S’agissant du personnel civil, leur moyenne d’âge est de 47 ans, soit une moyenne plus élevée que celle de l’ensemble de la fonction publique d’État (voir l’article sur les informaticiens du ministère de l’Économie et des finances). Les besoins en recrutements et la forte proportion de contractuels4 accentuent les difficultés de fidélisation.

    Des Disparités Territoriales Très Fortes

    Le concours de professeur des écoles du premier degré (maternelles et primaires) est à affectation nationale, il permet de mesurer précisément ces disparités territoriales. Le nombre de candidats pour un poste va ainsi d’un peu moins de un5 à presque sept6.

    Les concours du second degré (collèges et lycées) sont nationaux. Toutefois, le taux de migration entre académie éclaire une nouvelle fois les dynamiques territoriales.

    Ce sujet est, en général, plus prégnant pour les agents de catégorie A, soumis à une plus forte mobilité professionnelle et géographique7.

    Les inégalités territoriales constituent désormais un frein au concours. Soit par peur d’une affectation dans un endroit jugé difficile ou reculé, soit, et c’est plus nouveau… pour le lieu de formation lui-même.

    Rares sont les écoles de formation ministérielles ou interministérielles à proposer un logement8, la nécessité de trouver un logement et de déménager durant l’année de formation est ainsi considérée comme un obstacle9.

    De Nouvelles Attentes de la Part des Jeunes Générations

    Le Besoin d’Agir, le Souci de l’Environnement

    28 % des actifs de moins de 30 ans10 aspirent à agir sur la société à travers leur travail (contre 14 % pour le reste de la population). Cet intérêt pour l’engagement professionnel (qui rejoint aussi les différents constats de Philippe d’Iribarne, voir l’article consacré à son ouvrage, l’étrangeté française).

    Est particulièrement prégnant pour les agents publics, avec des dynamiques ministérielles également très fortes. Les « cultures administratives » sont, en effet, marquées. Que l’on pense au ministère de l’Intérieur, aux Armées, mais également à la Justice, aux Finances publiques, au Travail et aux Affaires sociales, aux Affaires étrangères, à l’Écologie, à la Culture et au Patrimoine…

    Or, 80 % des agents du service public11 déclarent « être confrontés régulièrement ou très fréquemment à un sentiment d’absurdité dans l’exercice de leur travail. »

    D’autre part, les jeunes de 18 à 30 ans attendent très majoritairement (à 80 %12) des engagements environnementaux et sociétaux forts de leur employeur. À cet égard, la forte concurrence du secteur associatif, voire lucratif, avec les démarches de responsabilité sociétale et environnementale prive l’État d’un avantage comparatif dont il pouvait auparavant se prévaloir.

    Le Rejet de Certaines Contraintes Associées à la Fonction Publique d’État

    Plusieurs particularités ou idées préconçues sont attachées à la fonction publique et nuisent à son attractivité :

    • L’immobilier de bureau, qui est jugé inadapté aux besoins d’espaces collaboratifs, conviviaux et connectés réclamés par les jeunes générations ;
    • Le télétravail, souhaité par les trois quarts des jeunes, mais ouverts à seulement un quart des agents de la fonction publique d’État13 ;
    • Le parcours de carrière, jugé comme linéaire au sein d’un corps de fonctionnaire et ne permettant pas des parcours diversifiés (la réalité est nettement plus complexe, l’État proposant des parcours de carrière extrêmement diversifiés…) ;
    • La mobilité géographique imposée au moment du concours : à l’école de formation, puis lors des premières affectations ;
    • L’impossibilité de négocier sa rémunération ;
    • Le rapport au management, jugé rigide et vertical dans la fonction publique. Partant, un manque d’autonomie au travail.

    L’Accès à un Emploi Public est de Plus en Plus Tardif et de Moins en Moins Linéaire

    Des Jeunes… de Moins en Moins Jeunes

    En 1980, les trois quarts des jeunes rejoignaient l’État directement après leurs études. Ce schéma est aujourd’hui dépassé.

    En 2015, seuls 10 % des jeunes dont l’État était leur premier employeur sont entrés avec le statut de fonctionnaire.

    La majorité des jeunes enchaînent des emplois atypiques (contrats à durée déterminée et emplois aidés) avant d’être recrutés dans la fonction publique, en particulier pour les concours dont le nombre de places a diminué.

    En conséquence, en 2022, l’âge moyen des nouveaux entrants dans la fonction publique d’État est de 33 ans et 3 mois (en comptant les militaires) :

    Pour rappel, l’âge moyen du premier emploi dans la population générale est de 21 ans et 9 mois.

    Des Places de Plus en Plus Rares dans la Fonction Publique d’État

    Plus largement, l’État recrute moins qu’auparavant : qu’il s’agisse de fonctionnaires14 ou de contractuels.

    La part de l’emploi public dans l’emploi total décroît depuis 2015 (d’une moyenne de 21 à 21,5 % à 19,8 % en 2022) et la part du nombre d’agents de l’État parmi l’ensemble des agents publics diminue encore davantage de 54,2 % en 1990 à 44,6 % en 2022.

    Enfin, et comme présenté en introduction, les recrutements réalisés sont désormais très différents. Sur 2022 :

    • 71,4 % des entrées sont recrutés sur des contrats de droit public (soit 176 300 entrées),
    • 21,3 % des entrées sont recrutés, quasi exclusivement par concours, en qualité de fonctionnaire (soit 52 300 entrées).

    Par ailleurs, malgré un turn-over très élevé chez les contractuels, ce qui n’est pas sans déstabiliser les services, le nombre de recrutements continue d’augmenter.

    Sur 2022, le solde des « entrées moins sorties » est de + 43 600 en faveur des contractuels et de – 15 900 pour les fonctionnaires.

    « L’examen de la composition de ces recrutements externes en 2022, comme dans la dernière décennie, permet de constater que l’accès par concours à la fonction publique de l’État n’est plus la norme privilégiée de recrutement pour y accéder et que le contrat s’impose désormais comme un modèle d’embauche, en début de carrière et parfois au-delà. »

    Des Candidats de Plus en Plus Diplômés

    76 % des agents de la fonction publique d’État détiennent un diplôme du supérieur, contre 42 % dans le secteur privé. Ce niveau de diplôme continue d’augmenter et explique pour partie ce phénomène de recrutement tardif.

    En 2022, 48 % des agents recrutés dans la fonction publique de l’État à l’issue d’un concours de catégorie C ont un diplôme de niveau au moins égal à bac+2, alors qu’il n’est exigé que le brevet des collèges.

    Ce phénomène de surqualification entraine plusieurs difficultés :

    • Une exclusion des moins diplômés, donc une moindre mixité sociale ;
    • Une inadéquation entre le niveau de diplôme et de compétences du lauréat avec les besoins du recruteur, créant une forme de frustration et de démotivation pour les agents concernés.

    Cette élévation du niveau de diplôme tient aussi à :

    • L’élévation du niveau de diplôme exigé pour concourir : par exemple, la masterisation des concours de professeur des écoles, professeur certifié, professeur de lycée professionnelle et professeur d’éducation physique ;
    • La baisse du nombre de recrutements de catégorie C : 18 400 recrutements en 2002, contre 4 700 en 2022.

    Une Absence de Stratégie de l’État Employeur

    L’Absence de Suivi et d’Influence Auprès des Contractuels et Apprentis

    En 2022, sur les 34 400 agents recrutés en externe comme fonctionnaires de l’État, 39 % étaient déjà agents de l’État : fonctionnaires (10 %) ou contractuels (29 %).

    Or, la Cour relève l’absence de stratégie de recrutement, d’influence ou de réseau à destination des anciens agents de l’État. En effet, les expériences probantes pourraient utilement servir aux missions des administrations, mais aucune information n’est conservée et a fortiori utilisée pour des recrutements futurs.

    À cet égard, les principaux recruteurs de l’État (hors Armées), à savoir les ministères de l’Éducation nationale (et Enseignement supérieur) et de l’Intérieur, ont encore une stratégie quasi exclusivement orientée sur des recrutements par concours.

    S’agissant des apprentis, la situation est encore plus paradoxale. La Cour estime le coût salarial et pédagogique (prise en charge des formations) à environ 100 millions d’euros sur l’année 2023. Si elle salue cet effort de promotion de l’apprentissage, elle s’étonne de l’absence de vision stratégique et pratique.

    « L’investissement consenti ne trouve pas de déclinaison opérationnelle et statutaire qui confère un avantage à l’apprenti pour un futur recrutement : la durée de l’apprentissage n’est pas valorisable en termes de reprise d’ancienneté ou de durée d’expérience professionnelle. De même, la dimension qualitative de suivi des apprentis (domaines métiers investis et qualifications acquises), dans la perspective de la constitution d’une gestion prévisionnelle des emplois et compétences, est quasi-inexistante, alors qu’ils constituent le vivier naturel de futures jeunes recrues formées et acculturées au monde professionnel. »

    Plus largement, la situation des contractuels et des apprentis présente trois lacunes :

    1. À l’entrée en fonction : alors que les écoles de formation de fonctionnaires proposent des formations souvent longues (de un à deux ans), aucune approche interministérielle ou ministérielle est prévue pour accueillir et harmoniser les connaissances des contractuels et des apprentis.
    2. À la sortie de l’emploi : comme énoncé plus haut, il n’y a pas de suivi de cohortes, de constitution de réseau, voire d’études ministérielles ;
    3. Au retour : le contractuel ou l’apprenti qui souhaiterait passer un concours de la fonction publique ne se voit proposer aucun dispositif spécifique. Ses évaluations, sa manière de servir et ses responsabilités passées n’ayant que peu à voir avec les épreuves des concours externes ou internes.

    Si l’on comprend aisément le constat pratique dressé par la Cour, on peut toutefois s’étonner qu’elle feigne d’ignorer l’état du droit, selon lequel le concours demeure la voie d’accès normal à la fonction publique. La difficulté tient probablement, et comme la Cour l’énonce ensuite, à cette juxtaposition de système de gestion (voir l’article dédié à la situation des contractuels dans la fonction publique).

    Des Recrutements par Concours Moins Sélectifs

    La sélectivité moyenne des concours s’est réduite de 2011 à 2022, passant de 12,4 présents pour un admis à 4,9 pour un admis.

    Cette sélectivité n’est toutefois pas homogène :

    • La sélectivité des concours de professeur des écoles, de professeur certifié et de professeur de lycée professionnel se situe de 2,4 à 3,0 présents pour un admis,
    • alors qu’elle demeure, par exemple, très élevée chez les ingénieurs d’études du ministère de l’Enseignement supérieur (19,7 présents pour un admis).

    Pour les concours de catégorie B, la sélectivité du concours de greffier du deuxième grade des services judiciaires reste basse et s’établit à 2,8 présents pour un admis, tandis que celle du concours de gardien de la paix est plus élevée (5,1) et proche de la moyenne de la fonction publique.

    Enfin, parmi les concours de catégorie C, on peut citer le concours d’adjoint administratif de l’Éducation nationale, avec une sélectivité de 12,5, ou encore celui de surveillant de l’administration pénitentiaire avec une sélectivité de 4,3.

    Une Fonction Publique à Deux Vitesses

    La Cour relève enfin les difficultés liées à ce recours aux contractuels et à ce manque d’attractivité des concours de fonctionnaires.

     « L’évolution croissante du recours aux contractuels et les politiques salariales attractives qui sont développées dans certains domaines à leur intention, suscitent dans le même temps, de la part des directeurs des ressources humaines ministériels, une interrogation sur la pérennité, si ce n’est la solidité, du modèle actuel de coexistence de deux modèles d’emplois et de carrières, au sein même des unités de travail. »

    Par ailleurs, cette coexistence complexifie la gestion administrative et humaine.

    « Les mobilités sont plus fréquentes et les rémunérations sont négociées et individualisées davantage que pour les titulaires, conduisant parfois à des surenchères que les administrations ne peuvent soutenir budgétairement. Enfin, l’accroissement constant du taux de rotation des agents constitue un facteur de fragilité pour les services de l’État. »

    Les Leviers pour Développer l’Attractivité de la Fonction Publique d’État

    La Création de Dispositifs pour Attirer de Jeunes Talents

    Des initiatives encore limitées, qui se manifestent notamment par le plan « talents du service public » lancé en 2021 par la direction générale de l’administration et de la fonction publique :

    • Les « cordées du service public », qui consistent à communiquer sur les métiers publics auprès des établissements scolaires ;
    • Les « prépas talents », intégrés aux écoles du service public et destinés à favoriser la réussite aux concours de jeunes défavorisés (près de 1 300 jeunes en 2023) ;
    • Des concours « talents » pour quelques concours de hauts fonctionnaires (administrateur de l’État, administrateur territorial, directeur d’hôpital, directeur des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, commissaire de police, directeur des services pénitentiaires)15.

    Une Meilleure Communication

    Une promotion de la « marque employeur » depuis 2023, notamment par la centralisation des offres d’emploi et de la communication de l’État recruteur sur la plateforme « Choisir le service public ».

    À cette communication interministérielle, s’ajoute une communication plus traditionnelle, mais pour autant efficace, de certains ministères comme les Armées ou l’Intérieur. Plus récemment, l’Éducation nationale a également choisi de communiquer plutôt sur ses métiers, autour du slogan : « Un professeur, ça change la vie pour toute la vie ».

    Des Efforts Salariaux à Prolonger

    La Cour reprend les constats de France stratégie sur l’affaissement salarial de la fonction publique d’État (et la fonction publique en général) par rapport aux salariés du privé. À l’exception, peut-être, des hauts fonctionnaires (voir l’article dédié à l’évolution des rémunérations des hauts fonctionnaires des ministères économiques et financiers).

    La Cour relève toutefois des efforts sectoriels, comme le Grenelle de l’éducation pour les professeurs ou à des protocoles négociés avec les syndicats comme pour le ministère de l’Intérieur.

    Enfin, il convient de relever la mise en place d’une politique salariale interministérielle sur les métiers du numérique en 2019 (circulaire dite « Borne » du 3 janvier 2024). Cependant, cette circulaire, semble-t-il peu concertée avec les administrations, donne à nouveau lieu à des difficultés de gestion, tenant en particulier aux différences de traitement qu’elle implique entre titulaires et contractuels (au profit de ces derniers).

    Un Accompagnement Social à Cibler et à Développer

    L’action sociale interministérielle représente 134 millions d’euros en 2023 et concerne 500 000 agents16.

    Les prestations individuelles (généralement sous conditions de ressources) concernent environ 215 000 agents publics (dont un quart de retraités) :

    • Chèques vacances ;
    • Aide au financement de la garde d’enfants (chèques CESU) ;
    • Aide au maintien à domicile ;
    • Aide à la première installation (aide unique et générale versée au nouveau fonctionnaire de l’État pour l’assister dans son déménagement17).

    Les prestations collectives (hors protection sociale complémentaire) concernent 134 000 agents :

    • Réservations de places en crèche ;
    • Aide au logement temporaire ;
    • Restauration collective d’administration ;
    • Accompagnement social.

    Un nouveau régime de protection sociale complémentaire est progressivement mis en place depuis le 1er janvier 2025. Adossé à des contrats collectifs négociés entre l’employeur et des mutuelles et assortis d’une prise en charge de la moitié des cotisations (contre 15 euros auparavant).

    Enfin, la politique d’accès au logement tend à prendre une place croissante dans la politique sociale de l’État, en particulier en Ile-de-France et dans certaines grandes métropoles.

    Plusieurs pistes sont envisagées :

    • Une refonte de l’indemnité de résidence18, afin de la faire davantage correspondre aux niveaux de vie des communes ;
    • L’accès au logement social ou intermédiaire19, facilité par une centralisation des demandes des agents publics sur le site www.demande-logement-social.gouv.fr ;
    • Enfin, pour certains ministères, par la mise à disposition de logements directement aux agents. C’est le cas du ministère de l’Intérieur, mais surtout des Armées avec un parc de près de 33 800 logements en 2020.
    1. La catégorie « autres statuts » compte principalement les apprentis, enseignants des établissements privés sous contrat et ouvriers d’État.
    2. Ce qui est évidemment un problème pour la fonction publique d’État, qui propose principalement des emplois de cadre.
    3. On pourrait rétorquer que la fonction publique de carrière est nécessairement généraliste, à l’inverse de la fonction publique de métiers.
    4. L’État ne dispose toujours pas d’un corps de fonctionnaire dédié au numérique avec un niveau de rémunérations attractif. En effet, le corps des ingénieurs des systèmes d’information et communication (ISIC) dispose encore d’une grille de catégorie A classique (comme les attachés d’administration ou les inspecteurs des finances publiques). Celle-ci ne permet pas de proposer des rémunérations comparables à celles offertes dans le secteur privé.
    5. Créteil, Versailles, Grenoble, Paris.
    6. Bretagne, Clermont Ferrand et Corse.
    7. Les agents de catégorie B et C sont plus souvent recrutés localement et présentent des trajectoires professionnelles, en moyenne, plus linéaires.
    8. C’est le cas par exemple de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) notamment chargé de la formation des inspecteurs du travail. C’est aussi le cas pour les écoles de formation des policiers.
    9. Voir par exemple l’enquête du ministère de la transition écologique et de la cohérension des territoires sur le concours de Technicien supérieur principal du développement durable. L’école est située à Valenciennes.
    10. Étude de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep).
    11. Collectif « Nos services publics ».
    12. Enquête OpinionWay.
    13. Un seuil légèrement supérieur au secteur privé et très supérieur aux autres versants de la fonction publique : 13 % en territoriale et 8 % en hospitalière.
    14. Le nombre de fonctionnaires recrutés par l’État est passé de 77 000 en moyenne entre 1991 et 2001 à 38 000 en moyenne entre 2017 et 2022.
    15. Alors que l’endogamie sociale est particulièrement élevée dans la fonction publique en général, on peine à comprendre ce souhait de vouloir réserver des plus hautes fonctions administratives à quelques jeunes issus de milieux plus populaires. Cela peut malheureusement s’interpréter comme un « gadget » au regard des centaines de milliers de recrutements réalisés chaque année.
    16. Soit une moyenne de 268 euros de dépenses annuelles par agent concerné.
    17. Cette aide est une contrepartie à la première affectation suite au concours. Elle permet de financer le coût du déménagement. Elle est de 1 500 euros pour les métropoles et les quartiers prioritaires de la ville ; de 700 euros dans les autres cas. Son montant demeure modeste (13 millions d’euros en 2023).
    18. Créée en 1919, il s’agit de l’une des plus anciennes primes encore en vigueur.
    19. Encouragé par l’investissement de l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) qui permet
      d’accéder à l’offre locative de CDC habitat via un espace dédié. Cette offre présente un niveau de prix légèrement inférieur au marché, de l’ordre de 10 %, pour des biens comparables.
  • St-Preux-A l’ENA, y Entrer, s’en Sortir (2013)

    St-Preux-A l’ENA, y Entrer, s’en Sortir (2013)

    Temps de lecture : 15 minutes.

    Récit d’un auteur, anonyme, ancien professeur ayant réussi le concours interne de l’ex-École nationale d’administration (ENA), désormais Institut national du supérieur public (INSP).

    L’auteur explique le déroulement de la scolarité, l’atmosphère, présente son ressenti, ainsi que quelques réflexions sur la formation. Si les constats et jugements ont désormais plus de dix ans, certains éléments demeurent et peuvent susciter l’intérêt du préparationnaire ou du curieux.

    Le but de l’école est, pour l’auteur, clairement assumé : « faire endosser le costume ».

    Vous voilà parti à droite et à gauche, parachuté dans des milieux les plus divers et en situation de stress et de commandement.

     « On ne ressort pas inchangé de deux ans d’une scolarité menée à un rythme trépidant, qui vous envoie dans les lieux les plus divers vous accoutumer aux réalités les plus opposées. »

    Le Concours de l’École Nationale d’Administration

    L’auteur commence par une petite présentation du concours.

    Le Nombre de Places

    L’auteur note que depuis les années 80, l’étiage de recrutement est à peu près stable à 80 élèves :

    • 40 externes,
    • 38 internes et
    • 8 troisième concours.

    Répartition aujourd’hui largement remise en cause par la diversification des voies d’accès à l’INSP :

    • Aux concours « classiques » : Externe, Interne, Troisième Concours ;
    • Se sont ajoutés deux nouveaux concours : Externe « Talents » et Externe « Docteurs ».

    Par ailleurs, le vivier du concours interne et les affectations étant plus larges, le nombre de places est en augmentation.

    Plus largement, sur les concours (interne, externe, troisième concours…), vous pouvez retrouver les articles suivants sur ce blog : le recrutement par concours dans la fonction publique est-il fini ?

    Les Épreuves

    Les Écrits : l’Admissibilité

    Traditionnellement, les écrits de l’ENA (puis de l’INSP) se tenaient en septembre. Ce qui impliquait concrètement le sacrifice des vacances d’estivales pour le candidat1.

    Il était attendu pour les candidats externes des dissertations, tandis que les internes devaient rédiger des notes de synthèses à partir de dossier d’une cinquantaine de pages2.

    Les matières abordées sont le droit public, l’économie, les questions européennes et les questions sociales.

    Les Oraux : l’Admission

    Les oraux de l’auteur eurent lieu, comme aujourd’hui, dans les locaux parisiens de l’institution, avenue de l’Observatoire, dans le VIe arrondissement de Paris.

    Les épreuves débutaient alors par les oraux techniques, avant de se conclure par le fameux « grand oral ». La difficulté tenant au fait que les cinq épreuves orales s’enchaînaient en une seule semaine.

    S’agissant des oraux techniques3, les candidats étaient attendus trente minutes avant l’épreuve pour se retrouver « coincé dans une salle ridicule au milieu d’appariteurs et d’auditeurs libres. » Une fois le sujet en main, le candidat disposait de dix minutes pour préparer son intervention et valoriser les mois de préparation au concours.

    La prestation durait vingt minutes, dont dix pour l’exposé du candidat. Ensuite, les questions du jury portaient d’abord sur le sujet, puis s’ouvraient à de nouveaux champs de la discipline.

    « La séance peut tourner à l’exécution publique à la première erreur. »

    L’oral de « culture générale » (ou « Grand Oral »4) est différent. D’une durée de quarante-cinq minutes, il est évidemment moins rythmé.

    L’idée est davantage de sonder la personnalité du candidat, sa motivation réelle et de débusquer les contradictions que peut soulever sa présentation. L’épreuve est redoutée par son coefficient et la faculté du jury d’utiliser tout le spectre de notation afin d’éliminer délibérément un candidat qui ne le satisfait pas.

    Le jury est composé de cinq membres à l’épreuve de culture générale, contre seulement deux pour les épreuves techniques. Par ailleurs, l’auteur note que le public est plus nombreux au « grand oral », ce qui rajoute inévitablement au stress du candidat.

    Les Trois Modules de Formation de l’École Nationale d’Administration

    Source : Pexels, Jmark
    Source : Pexels, Jmark

    Une fois à l’école, après la réception de janvier, est présenté le cycle en trois modules :

    • Le stage International qui débute en février et se termine par les premières épreuves du cycle en juillet ;
    • Le stage Territoires, qui débute en septembre avec une épreuve de classement en avril de l’année suivante ;
    • Enfin, le stage Entreprises à compter de mai, jusqu’aux épreuves d’octobre.

    Dans son ensemble, chaque module est pris en compte dans la détermination du classement final par la combinaison d’une note de stage et par des notes d’épreuves. Ces derniers vont de la note de synthèse classique à l’épreuve collective de simulation d’une négociation ou de rédaction d’un texte normatif5.

    Ce découpage en différents stages, longtemps inchangé, a fait régulièrement l’objet de critiques. En effet, 80 % des énarques rejoignaient ensuite les administrations centrales des ministères, mais ils n’y effectuaient aucun stage lors de leur formation.

    Aparté : La Nouvelle Formation à l’INSP

    La nouvelle formation à l’INSP prévoit désormais (s’agissant de la voie générale6) une durée globale de stages de onze mois, pour une formation totale de vingt-quatre mois7, avec :

    • Un stage en environnement international d’une durée de quatorze semaines ;
    • Une mission en administration centrale d’une durée de quatre semaines ;
    • Un stage en territoire (généralement une préfecture) d’une durée de dix-neuf semaines ;
    • Une mission « au contact du public » (en « guichet » d’une préfecture, d’une direction des finances publiques ou d’une caisse de Sécurité sociale) d’une durée de trois semaines ;
    • Une mission « d’ouverture en territoire », après le stage préfectoral, pour « prolonger l’expérience territoriale » au sein d’un service déconcentré de l’État ou d’une collectivité publique, d’une association ou d’une entreprise.

    Autre changement majeur, le classement de sortie ayant été supprimé, les évaluations n’ont plus d’impact sur le débouché de la formation, comme en 2013 à la publication de l’ouvrage de l’auteur.

    Une Affectation en Stage Largement à la Main de la Direction

    Avant le premier départ en stage, l’auteur dépeint une ambiance détendue et sereine, avec une certaine forme de convivialité entre les élèves.

    Toutefois, le premier tableau d’affectation des stages est : « l’une des premières vraies épreuves de l’ENA », elle entraine le stagiaire à gérer joies et déconvenues avec le même entrain et la même soumission.

    « La direction des stages est toute-puissante et conduit les affectations comme elle l’entend ; les vœux que nous avons faits ne sont qu’indicatifs. »

    L’auteur évoque ainsi des situations où les vœux présentés par les élèves sont ouvertement ignorés.

    « Assez vite, certains diront que la meilleure manière d’obtenir un stage conforme à ses vœux est encore de ne rien révéler de ceux-ci… »

    Le Stage International à la Commission Européenne

    Source : Pexels, Lil Artsy
    Source : Pexels, Lil Artsy

    Le premier stage de l’auteur est à la Commission européenne. Il y découvre une nouvelle institution, mais également une « paperasserie » abondante.

    Professionnellement, le choc culturel est total. Le jargon, la lourdeur des textes et des processus d’élaboration, le décalage entre sa perception de la réalité et la bureaucratie européenne heurtent ce professeur devenu administrateur :

     « Les journées passent devant l’écran d’ordinateur. Je fais des notes : je synthétise les textes que d’autres fonctionnaires avant moi se sont plu à délayer. Nous imprimons par ramettes entières des textes de directives, des rapports, des études. »

     « La Commission est une formidable usine à produire des textes qui ressemblent à du sirop de sucre et qui se répètent tous les uns les autres. »

    Outre cette artificialité bureaucratique, l’auteur découvre son nouveau positionnement de « haut fonctionnaire » français. Ainsi, il rencontre José Manuel Barroso8, qui l’invite à dîner la semaine suivante.

    « Je commence à réaliser ce qui m’arrive. Il y a quatre mois, je donnais des cours à des élèves de terminale, dans une ambiance assez ronronnante. (…) Maintenant, j’ai eu l’ENA : les problèmes que je découvrais en lisant Le Monde, je me mets à en parler directement avec ceux qui les traitent. »

    Enfin, Bruxelles est un lieu de travail anglophone. Mais, l’auteur y découvre un anglais particulier. Outre le jargon européen, la langue commune n’est quasiment jamais la langue maternelle de ses interlocuteurs :

    L’atmosphère est étrange avec un anglais parlé par des dizaines de nationalités. L’impression d’être en Erasmus.

    Le Profond Malaise de l’Auteur dans les Arcanes Bruxelloises

    La marche était peut-être trop haute pour cet ancien professeur.

    La passion d’agir et l’envie de servir se retrouvent empêtrés dans une complexité peu amène pour celui qui se destinait plus probablement à des fonctions d’administrateur civil ou de sous-préfet :

    « Le plus ennuyeux, c’est que Bruxelles m’aura offert, durant ce stage, un visage opposé à ce qui avait fondé ma démarche d’entrée à l’ENA. Si je suis entré dans cette école, c’est parce que je crois à l’utilité de l’action publique, parce que je crois à la possibilité de me rendre utile moi-même en aidant à conduire des actions qui soient réellement bénéfiques socialement. Le quartier européen de Bruxelles m’a présenté une image inverse. (…) Le mastodonte bruxellois est un animal monstrueux, dépourvu de raison, qui avance imperturbablement sur une route tracée d’avance. Le divorce démocratique avec les aspirations réelles des peuples est consommé depuis longtemps. N’obéissant qu’à sa propre logique bureaucratique, à son idéologie molle, consensuelle et sans attaches, souvent instrumentalisé dans le jeu peu clair d’États-nations qui n’ont jamais vraiment renoncé à une politique de puissance propre, il s’impose avec une nécessité froide. »

     « Vingt ans après la chute du Mur, la Commission a entrepris de ressusciter l’Union soviétique. »

    Une Scolarité à l’ENA Critiquée par l’Auteur pour son Conformisme

    Les journées à Strasbourg commencent par les cours de langue, suivi des cours magistraux ou grandes conférences, des travaux pratiques et des études de cas.

    Un Programme Ambitieux Mais dont la Teneur est Inégale

    La liste des thèmes abordés est des plus vastes :

    • Économie,
    • Négociation,
    • Droit constitutionnel,
    • Management,
    • Légisitique9

    Toutefois, les enseignements sont intégralement dispensés par des intervenants extérieurs. L’École nationale d’administration est une École sans enseignants10

    « Les seuls enseignants plus ou moins permanents sont les professeurs de langues : encore sont-ils payés à l’heure, et révocables du jour au lendemain. (…) La conséquence logique est que l’enseignement est très inégal, du plus technique au plus fumeux. Du conférencier qui sera trop heureux de pouvoir afficher sur son CV qu’il a donné des cours à l’ENA, au préfet en préretraite qui se fait plaisir en venant parler de lui, de l’ancien ministre dont l’École est trop heureuse de pouvoir capter quelques heures, au jeune énarque sorti il y a moins de cinq ans dans les grands corps ou à Bercy. »

     « Si bien que chaque stagiaire se présente à l’amphithéâtre avec un ordinateur et un espoir tout entier placé sur le réseau Wifi de l’école. »

    Une Absence de Réflexion dans les Enseignements Présentés

    Plus dramatique, mais probablement rencontré dans d’autres écoles du service public, l’auteur identifie une autocensure profonde de la direction de l’École dans le traitement des sujets.

    L’administration de l’ENA veille à ne présenter aucun sujet politiquement sensible ou sujet à division, donc débats, devant les stagiaires. Rien sur la crise financière, les vicissitudes de la construction européenne ou les ressorts de l’immigration.

    « Point besoin d’être pourvu d’un sens hypercritique pour prendre conscience de la vérité souterraine qui traverse cet enseignement : un énarque n’a pas à penser ; il est d’abord un gestionnaire. Les dossiers qu’il nous est demandé d’étudier, les épreuves d’entraînement, laissent ainsi une impression assez nette de formatage. Notre attention est sans cesse rappelée sur la sacro-sainte “commande”. »

    Une Critique Plus Aiguë de l’Auteur sur le Conformisme

     « L’ENA nous forme moins qu’elle ne nous formate. L’essentiel de nos connaissances, d’ailleurs, était censé être acquis avant notre entrée. Ce que l’École veut, c’est donc moins nous enrichir de nouveaux savoirs que de nous donner la conscience exacte des formes dans lesquelles tout savoir doit s’inscrire ; nous ramener au même moule de savoir-être et de savoir-faire, s’assurer de la standardisation de ce que nous produirons. Les deux ans que nous passons à faire des notes en tous genres n’ont que ce seul but : inscrire en nous, comme un fait acquis, la conscience exacte des limites à ne jamais dépasser, des solutions à ne jamais inventer. »

    L’auteur déplore le fait que l’évaluation valorise, non pas l’originalité des solutions ou la créativité des idées, mais la clarté et le caractère direct et opérationnel des solutions proposées.

    Il est attendu des candidats d’épouser strictement le point de vue du ministère qu’il représente et de négliger les éléments, éventuellement pertinents, qui contrediraient la « commande ». En conséquence, les élèves identifient des trames et des mots-clés (externalités, défaillances de marché, signal-prix, élasticité, distorsion…) à même de venir justifier n’importe quel raisonnement.

    Tout amène à un conformisme de bon aloi. Dans la promotion, chacun sent cette absence de réflexion personnelle, cette docilité dans la justification et la traduction opérationnelle :

     « Les résultats (sont) édifiants : la fidélité absolue aux instructions données aboutit à une homogénéité surprenante des copies. De façon stupéfiante, les élèves les plus différents de caractère, aux opinions politiques les plus diverses, se retrouvent à rédiger des copies qui semblent se cloner les unes les autres : mêmes plans, mêmes analyses, mêmes conclusions. »

    Le conformisme s’exprime jusque dans la tenue où, en stage, le « maitre de stage11 » est ainsi amené à se prononcer sur la « présentation » du stagiaire.

    Je suis ici partagé. Certes, la réflexion, y compris critique, et une certaine indépendance intellectuelle sont importantes pour le fonctionnaire (ce recul est d’ailleurs valorisé à l’oral de culture général précédemment évoqué). Toutefois, il ne revient pas au fonctionnaire de discuter du bien fondé de la « commande » d’un supérieur, à plus forte raison, s’il s’agit d’un élu. Ce « conformisme » est aussi la réponse au principe d’obéissance hiérarchique.

    L’article L. 121-10 du code général de la fonction publique12 est d’ailleurs suffisamment explicite en la matière :

    « L’agent public doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. »

    Une Évaluation Continue Valorisant la « Docilité » des Candidats Selon l’Auteur

     « C’est comme un jeu dont le meilleur serait celui qui respecte le mieux les règles : ce que l’École attend de nous, il faut le faire sans état d’âme. »

    L’auteur partage alors quelques bons conseils mâtinés d’ironie, notamment sur la pratique de la « lettre d’installation » adressée à la direction des études et des stages de l’ENA peu après le démarrage du stage :

    « On insistera évidemment — mais faut-il le rappeler ? — sur l’enthousiasme et l’appétit avec lesquels on s’est jeté sur ces missions, l’idée étant que le lecteur doit être convaincu que notre stage est parti sur un rythme trépidant et sera rempli de tâches plus formatrices les unes que les autres. La lettre se clôt sur de nouvelles salutations respectueuses et doit laisser un sentiment d’impatience et de réelle envie de se voir confier encore plus de travail. »

    Le Stage « Territoires » en Préfecture

     « Le stage Préfecture est un hommage d’une institution prestigieuse, mais jeune, l’ENA, à une veille dame qui représente la tradition plus que séculaire de l’administration française. »

    Source : Pexels, Stuthnagyniki
    Source : Pexels, Stuthnagyniki

    Parmi tous ces stages et évaluations, le stage « territoires » est le plus important :

    • Il s’agit d’un stage long (cinq mois « complets »13, avec en général la permanence à assurer pendant les fêtes de fin d’année) ;
    • Il s’agit du plus gros coefficient ;
    • Il s’agit du seul vrai stage « administratif » et en lien avec les futures fonctions de l’énarque14 ;
    • Enfin, et surtout, il s’agit d’un stage en contact permanent avec le préfet. Occasion unique d’apprendre pour le stagiaire et de tester les potentialités d’une potentielle future recrue pour le préfet15.

     « Des journées qui commencent à 7 heures pour finir à 22, après la traditionnelle réunion du soir entre le préfet, le secrétaire général et le directeur de cabinet. »

    Les préfets ont au moins une chose en commun : leur personnalité forte16 et leur capacité de travail immense.

    Le stage territorial est aussi connu pour proposer la plus grande diversité de sujets : le préfet devant, en permanence, passer du sujet le plus grave au plus mineur, d’une réunion ministérielle à un échange avec un élu municipal, de la délinquance à l’urbanisme.

    Le Stage en Entreprise

    Source : Pexels, Pierre Blache
    Source : Pexels, Pierre Blache

    Troisième et ultime stage, l’Entreprise, où le stagiaire est censé produire :

    « Un effort de réflexion sur la possibilité d’appliquer à l’administration publique les modes de gestion et de management observés sur les lieux de stage. »

     « La stratégie consistant à envoyer toute une promotion de l’ENA, six mois avant sa sortie, dans ces lieux où l’argent semble couler à flots échappe à beaucoup d’entre nous. »

    Pour l’auteur, le stage en entreprise constitue un vrai choc de culture, semble-t-il largement partagé par ses condisciples.

    L’enjeu est de paraître pressé, occupé et heureux. Tout est d’abord dans la communication, à destination des middle managers, du top management, du consumer

    « À l’opposé de l’administration, qui peut donner l’image de l’immobilisme ou de l’inertie, l’entreprise est comme un chien fou qui fonce sans trop savoir où il va, ne suivant que son flair, l’attirant vers les meilleures sources supposées de profit. »

    L’auteur est ainsi étonné par la valeur purement indicative des organigrammes, le degré d’initiative laissé aux salariés, la concurrence au sein même des équipes. L’entreprise paraît en tous points contraire à l’administration, que l’auteur qualifie de « jardin à la française ».

    Enfin, l’auteur retient de son stage en entreprise une certaine forme de violence et de cynisme dans les rapports interpersonnels. En témoigne les propos du manager de l’entreprise d’affectation de l’auteur :

     « Si on veut que les gens se bougent, il suffit de leur fixer des objectifs impossibles. »

    Les Dernières Épreuves et le Bilan de la Scolarité

    Source : Pexels, Runffwpu
    Source : Pexels, Runffwpu

    Une fois le stage terminé, la fatigue s’installe, d’autant que la durée complète de la formation (deux ans), souvent précédée d’une année de préparation, se révèle de plus en plus pesante.

     « Cela fait un an et demi que l’École nous promène à droite et à gauche, que nos semaines sont ponctuées de conférences de méthode et de simulations de réunions, de rencontres en tout genre et de voyages en train ; nous approchons du dixième déménagement-réenmménagement dans un nouveau lieu : nous en sommes arrivés à un point où même l’effet de surprise n’agit plus ; la lassitude est générale. »

    L’auteur en profite pour réaliser un bilan, aussi lucide que froid, sur ce que l’École appelle avec un euphémisme : « l’implication ». Autrement dit, un dévouement total, voire un « sacrifice »17.

    Chacun doit mettre en parenthèse sa vie privée et familiale, peu importe les contraintes ou les événements personnels :

     « Des camarades devenus pères en cours de scolarité me confieront l’absence complète de compréhension de l’École quant à de possibles absences autour de la date d’accouchement. En stage, poser un jour de congé est très mal vu. »

     « Les tensions nées du rythme imposé sont réelles, même si elles sont délibérément ignorées de l’École. Des camarades voient leur couple exploser. D’autres doivent gérer les perturbations que leurs absences prolongées induisent désormais chez leurs enfants. Pour ces chargés de famille, les week-ends finissent par devenir aussi épuisants que le travail de la semaine. »

    L’auteur s’interroge alors franchement sur le décalage entre les exigences de l’École et les perspectives en sortie d’école qui : « frisent parfois l’absurde ».

    La Question du Classement de Sortie et d’une Forme de Discrimination Institutionnelle à l’Égard des Internes

    Les élèves de la promotion Rousseau de plus de 33 ans représentent près de la moitié des élèves, mais moins du quart des meilleures notes. Et, le préjudice lié à l’ancienneté s’accroît : les élèves de 36 ans et plus représentent le quart de l’effectif et la moitié des notes les plus basses.

    Pour autant, pour l’auteur, la suppression du classement de sortie est « une fausse bonne idée ». Paradoxalement, le classement homogénéise la promotion et permet d’éviter les discriminations.

     « Supprimer le classement, c’est supprimer l’égalité a priori qui existe entre tous les élèves d’une promotion : chacun redevient non plus seulement un élève de l’ENA, mais d’abord un ancien de Sciences Po, un littéraire ou un juriste, un ingénieur, un ancien d’une école de commerce…18 »

    En Conclusion : Faut-il Passer le Concours de l’ENA ?

    Pour l’auteur, si on considère froidement les postes à la sortie de l’école, en général un poste d’adjoint à chef de bureau en administration centrale, la réponse est clairement : non.

     « On peut même pousser plus loin en ajoutant qu’au vu des niveaux de responsabilité ou de rémunération offerts dans beaucoup de cas, engager deux ans de sa vie dans une scolarité aussi exigeante que celle de l’ENA est presque contre-productif. »

    Toutefois, l’auteur considère une autre option, plus résignée, consistant à suivre la scolarité « en bon père de famille », sans se préoccuper du classement. Travailler ces deux années, même doucement, garantit de réelles possibilités de carrière, sans les « trajectoires de fusée d’un capitaine d’industrie ».

    Le problème est que la majorité des élèves veulent et tentent d’obtenir les meilleures places du classement.

    « Aimantés vers ce pôle d’attraction que constituent le Conseil d’État, la Cour des comptes ou l’IGF, une majorité d’élèves sont prêts à sacrifier deux ans de vie personnelle pour décrocher le Graal. À la clef, trop de désillusions. »

    Pour autant, et en dépit des déconvenues de certains élèves, l’auteur note que ces hiérarchies sont inhérentes au fonctionnement administratif selon l’auteur :

    « L’administration est une chaîne de commandement et une organisation que se pense de façon verticale, en pyramide ; l’horizontalité, le fonctionnement en réseau, lui sont contre-nature, puisqu’elles supposent une prise d’autonomie qui est contraire à son souci du contrôle et de l’égalité de traitement des administrés. »

    Compte tenu du nouveau mode d’appariement en fin de scolarité, reposant sur des entretiens avec les futurs recruteurs, il serait très utile que de nouveaux témoignages et études renouvèlent les points de vue sur cette scolarité.

    1. À compter de l’édition 2026, les épreuves devraient (enfin !) se dérouler au cours du premier semestre, pour une rentrée en formation en septembre.
    2. Pour connaître les épreuves du concours de l’INSP, vous devez vous référer à l’arrêté modifié du 21 mars 2023 fixant les modalités d’organisation, la nature, la durée, les coefficients et le programme des épreuves des concours d’entrée à l’Institut national du service public. On remarquera le caractère plus « professionnel » des épreuves avec la nécessité, pour les externes comme les internes, de rédiger des notes « opérationnelles ».
    3. Le nouveau concours interne de l’INSP ne comporte simplement plus d’épreuves académiques. Outre l’entretien de motivation (qui remplace le « grand oral »), seuls subsistent une épreuve d’anglais, qui peut-être éliminatoire et une épreuve de mise en situation collective avec un coefficient important. Cette dernière épreuve vise à identifier les compétences relationnelles des candidats et leurs capacités de coopération.
    4. Il n’existe plus d’oral de « culture générale » ou de « grand oral », mais un « entretien » destiné à apprécier les qualités et aptitudes du candidat, son savoir-être et sa motivation.
    5. La sacro-sainte légistique.
    6. La « voie générale » est la voie administrative « classique », tandis que la « voie d’orient » vise à former les futurs diplomates.
    7. Les durées de formation de 24 mois semblent désormais la norme pour les formations de cadres supérieurs : administrateur territorial, directeur d’hôpital, directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social…
    8. Alors président de la Commission européenne.
    9. La légistique est l’art du… légiste. Cet enseignement consiste, selon le Guide de légistique, a : « présenter l’ensemble des règles, principes et méthodes qui doivent être observés dans la préparation des textes normatifs : lois, ordonnances, décrets, arrêtés… »
    10. C’est le cas de l’ensemble des écoles professionnelles de la fonction publique. Ce caractère se retrouve également dans certaines professions règlementées comme pour les avocats (avec les mêmes critiques sur l’inégalité des enseignements).
    11. Le haut-fonctionnaire (diplomate ou préfet) ou chef d’entreprise qui accueille le stagiaire.
    12. Ancien article 28 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
    13. « Un ou deux jours de congés, voire pas du tout, des astreintes de weekends à répétition. (…) Nous en sortirons rincés. »
    14. Les énarques sont plus souvent affectés en administration préfectorale qu’en ambassade.
    15. Les énarques sont plutôt rares en administration territoriale, cantonnés jusqu’il y a peu aux postes de sous-préfets, directeurs de cabinet d’un préfet ou secrétaire général de préfecture et quasiment absents des postes en directions départementales ou en opérateurs.
    16. « Parce qu’ils sont soumis à une forte pression et assument de lourdes responsabilités, les préfets ont des personnalités fortes. »
    17. Est évoqué également le coût prohibitif des différents déménagements et coûts de logement au regard de la faiblesse du traitement en formation. Ce point est normalement corrigé désormais, en particulier pour les internes.
    18. L’argument est réversible au regard de la très forte endogamie des élèves issus du concours externe et quasiment tous passés par Sciences Po Paris.
  • Bacache-Beauvallet- Économie politique de l’emploi public (2006)

    Bacache-Beauvallet- Économie politique de l’emploi public (2006)

    Temps de lecture : 13 minutes.

    L’ouvrage de Maya Bacache-Beauvallet, publication de sa thèse soutenue en 2002, est particulièrement riche en références théoriques et permet de dégager de grandes réponses à de grandes questions évoquées ci-après : la dette publique (son origine et sa gestion), la mesure de l’efficacité de l’action publique, enfin la nature de l’emploi public (ses spécificités).

    Une Crise de la Sphère Publique Inséparable de la Crise Budgétaire

    Source : Pexels, Pixabay
    Source : Pexels, Pixabay

    Pour l’auteure, la crise de légitimité de la fonction publique s’explique pour partie par l’apparition d’un déficit budgétaire important et continu à compter de 1980. Cette crise financière concerne l’État, et par contagion, la sphère sociale qui n’est normalement pas constituée pour générer des dettes1.

    À cette crise budgétaire, s’ajoute une crise juridique, plus abondamment décrite par la littérature juridique, économique ou politiste2 :

    • Une crise de légitimité : par la multiplication des affaires judiciaires à l’égard d’élus nationaux ou locaux et d’un rapprochement progressif entre les droits publics et privés3,
    • Une crise d’efficacité : en termes d’égalité devant le service public, d’égalité des chances…

    Cette crise invite à la réflexion sur :

    • Le périmètre de l’action publique : le versant libéral proposant de réguler des secteurs privatisés quand un versant interventionniste pose une supériorité de l’État dans la production directe de services ;
    • Le mode d’organisation de l’État : un versant de la réflexion, inspiré par une (supposée) plus grande efficience du secteur privé, pose un rapprochement du statut du fonctionnaire du contrat de droit privé. Un versant opposé, incarné notamment par l’auteure, préconise au contraire le modèle de carrière pour les agents publics.

    L’Absence de Consensus Économique sur les Effets des Déficits Budgétaires

    L’auteure pointe les apories du débat économique :

    • Les théoriciens néo-keynésiens mettent en évidence un effet récessif des politiques de contraction budgétaire ;
    • La théorie néoclassique affirme la neutralité des déficits budgétaires sur la croissance.

    Par ailleurs, à rebours des théories néo-keynésiennes, certains exemples d’ajustements budgétaires récents ont été expansionnistes. Ce qui ne s’explique par aucune des deux grandes théories économiques4.

    La Psychologie des Acteurs a un Impact sur la Croissance Économique

    Pour l’auteure, si les mécanismes mathématiques ne trouvent pas à s’appliquer, c’est que les mécanismes psychologiques (et spécifiquement les anticipations des acteurs) expliqueraient une part des divergences de comportement entre les pays.

    « Il semblerait donc qu’on puisse faire des ajustements budgétaires sans coût en termes de croissance, mais ceci a certaines conditions portant sur l’importance et les modalités de l’ajustement. »

    Comment Diminuer la Dette d’un Pays ?

    L’auteure identifie5 plusieurs marqueurs d’une politique efficace de désendettement :

    • Un gouvernement fort : les gouvernements majoritaires sont plus efficaces que les coalitions ;
    • Le choix d’une diminution des dépenses : les ajustements sont plus efficaces lorsqu’ils portent sur les dépenses plutôt que sur les recettes.

    « Un gouvernement qui accepte de réduire ces dépenses envoie le signal qu’il est prêt à réduire les dépenses et les impôts futurs et renverse ainsi les anticipations. »

    Les Théories Expliquant l’Augmentation du Déficit Budgétaire

    Les économistes expliquent les dérapages budgétaires de plusieurs manières.

    Source : Pexels, Jeswin
    Source : Pexels, Jeswin

    La Théorie du « Tax and Spend »

    Thèse incarnée par Reagan : si on réduit les impôts, on prive le Congrès de la possibilité de voter de futures dépenses. Autrement dit, l’augmentation du déficit permet de freiner les dépenses. 

    Les travaux économiques6 tendent à démontrer que cette théorie n’a pas induit de baisses des dépenses publiques, mais accroît plutôt le déficit budgétaire.

    La Théorie du Déficit

    Variante de la théorie du tax and speed. Le principe est ici qu’un déficit, une dette, permet de lier le gouvernement successif.

    « Un des résultats étonnant est que les gouvernements de droite ont tendance à augmenter le déficit pour empêcher les gouvernements de gauche de dépenser7. »

    La Théorie du « Public Choice »

    Théorie de Buchanan et de Wagner, selon laquelle le déficit permet d’obtenir le soutien de l’électorat en augmentant les dépenses et en baissant les prélèvements obligatoires (impôts et contributions sociales).

    « Les hommes politiques qui proposent une hausse des dépenses sont réélus alors que ceux qui proposent une baisse des dépenses ou une hausse des impôts sont battus aux élections. Les contraintes institutionnelles ont changé : la fin du système de l’étalon-or, l’affaiblissement de la morale victorienne, l’influence keynésienne, le délitement des règles et des liens intergénérationnels ont rendu moins coûteux politiquement le recours aux déficits. »

    Cette théorie n’explique néanmoins que partiellement la réalité, puisque des pays ont mené des ajustements budgétaires réussis.

    La Théorie de la Redistribution Intergénérationnelle

    Théorie proche de celle du public choice, selon laquelle une génération bénéficie de dépenses publiques payées par la génération suivante (égoïsme générationnel).

    Pour l’auteure, cette théorie ne rend pas compte de la diversité des situations.

    Les Problèmes de Gouvernance

    Une gouvernance instable et en minorité a tendance à accroître l’endettement, notamment dans les cas suivants :

    • Mandats courts et alternances politiques fréquentes8 ;
    • Conflits entre partis politiques et au sein des coalitions gouvernementales9 ;
    • Un nombre de partis au gouvernement particulièrement élevé10.

    La Théorie de la Guerre d’Usure

    La théorie de la guerre d’usure11 dispose que chaque acteur (la théorie parle de « joueurs ») comprend la nécessité d’une réforme et de juguler la dette, mais que ces acteurs marchandent pour reporter le poids de l’ajustement budgétaire sur une autre catégorie.

    « Les groupes se livrent alors une guerre d’usure pour déterminer la part de chacun dans le règlement du déficit budgétaire, guerre d’usure qui se traduit par un retard dans la réalisation de l’ajustement. »

    Caractéristiques des joueurs :

    ⁃ Pour le maintien ou l’augmentation des dépenses publiques : les agents publics12, la population profitant des transferts (et notamment les retraités) ;

    ⁃ Pour la baisse des dépenses publiques : les employeurs, les professions libérales, les associations patronales.

    À l’évidence, ce mécanisme, s’il est purement rationnel au titre de chaque acteur, aboutit à une gestion collective totalement irrationnelle du problème. Tout retard dans la gestion du déficit et de la dette aggravant la situation, donc la difficulté à trouver un accord.

    Cette théorie permet aussi de déterminer une priorité : diminuer les dépenses.

    « La croissance de la charge de la dette est dissymétrique selon que l’on considère un ajustement par les dépenses ou un ajustement par les recettes. En effet, le coût de l’ajustement par les dépenses augmente moins vite que le coût de l’ajustement par les recettes13. »

    En précisant que ces données sont bornées : le niveau d’imposition maximal est fini, de même pour le niveau minimal de dépenses publiques14.

    Comment Évaluer la Performance du Service Public ?

    Source : Pexels, Pixabay
    Source : Pexels, Pixabay

    L’auteure s’engage ensuite dans une réflexion stimulante sur la performance dans le service public.

    Elle souligne le fait que nous nous retrouvons face à une aporie. Les politiques publiques sont complexes et portent en elles une multiplicité d’objectifs :

    Quel peut être l’objectif pour la Justice, par exemple ? Le temps pour juger une affaire ? Le nombre de recours ? La légalité de la décision (taux de réformation) ? Le coût complet ? L’égal accès ?…

    Puis, à la difficulté de construire un objectif s’ajoute celui de construire un indicateur…

    Compte tenu de la pluralité de finalités, deux possibilités s’offrent à l’analyste :

    • La multiplication des indicateurs, afin de couvrir de manière exhaustive une activité donnée. Mais, à l’évidence, cette multiplicité d’indicateurs empêche toute opérationnalité ;
    • La création d’un indicateur unique, synthétique, pondérant un ensemble d’indicateurs. Construction aussi sensible que complexe.

    Par ailleurs, tous les indicateurs peuvent contenir des effets pervers et des externalités négatives. Cette gestion par indicateur impliquant une logique de croissance, qui n’est pas nécessairement compatible avec les objectifs de politique publique.

    « Parfois, il peut être plus important de limiter les effets non désirables que d’augmenter la production de biens désirables. »

    L’auteure cite le cas d’un programme de 1988 dans le district de Columbia visant à diminuer les délais de jugement… ce qui a entraîné une augmentation du recours au juge.

    « Les biens publics sont souvent de nature symbolique et se prêtent difficilement à la construction d’indicateurs précis de performance. »

    Comment Payer les Fonctionnaires ?

    L’auteure relève d’abord que la structure de rémunérations des fonctionnaires est généralement rigide et que si la part de primes est élevée, elle est en définitive peu corrélée aux résultats.

    Une Rémunération des Agents Publics Supposée Inefficace

    La théorie économique postule une inefficience du mode de rémunérations des agents publics :

    • Dans le secteur privé, les salariés sont intéressés aux bénéfices et peuvent facilement être licenciés ;
    • Dans le secteur public, les salaires sont fixes, ce qui serait doublement désincitatif : parce qu’il n’incite pas à l’effort (le hasard moral) et puisqu’il fait fuir les plus productifs15 (sélection adverse).

    Pour Maya Bacache-Beauvallet, ces arguments sont réversibles :

    • La rémunération des fonctionnaires est spécifique, car leur fonction l’est. Il n’exerce pas une activité économique ;
    • Les fonctionnaires recherchent l’exercice de fonctions particulières (policier, juge, professeur), plutôt qu’une rémunération plus attractive16 ;
    • Les fonctionnaires dépendent, par nature, de très gros employeurs. Par nature, leur mode de rémunération est en moyenne plus rigide qu’un salarié du secteur privé (plus souvent employé dans une petite ou moyenne entreprise) ;
    • Enfin, le secteur public privilégie la qualité sur le coût.

    Les Spécificités du Travail Public

    « Trois arguments, explique la faiblesse de l’usage des primes pour certains services : la coproduction, l’incomplétude des contrats et l’aversion à l’inégalité »

    En développant les trois éléments :

    • La coproduction implique que dans beaucoup de situations le fonctionnaire agit avec l’usager (élève, citoyen…). Proposer la totalité du bénéfice à l’agent est ici inefficient ;
    • Le contrat incomplet encourage l’agent à améliorer l’indicateur de performance et non le véritable objectif (écart entre la portée de l’indicateur et la portée beaucoup plus grande des objectifs poursuivis)17 ;
    • Enfin, l’arbitrage entre efficacité et égalité détermine in fine le montant optimal des primes.

    Le Consommateur et l’Usager

    Pour l’auteure, la relation marchande serait plus simple : une prestation. Tandis que la relation d’interaction, plus courante dans le secteur public, implique un accompagnement, donc un forfait.

    « Notre principale hypothèse est de concevoir le consommateur du service public, non comme un simple client, mais comme un “usager” du service public au sens où il est à la fois le citoyen, demandant le bien et le coproducteur du bien. Nous définissons l’usager comme un des producteurs du service public. »

    Le cas topique est celui des professeurs, construire un indicateur de résultats serait en même temps :

    • Trop volatile pour constituer un système de mesure pertinent et
    • Comporterait un effet pervers en incitant le fonctionnaire à servir les usagers les plus utiles, productifs, au regard de son indicateur18.

    « Une réforme des rémunérations des fonctionnaires ne passe donc pas nécessairement par l’introduction de primes variables avec la performance. »

    On peut alors objecter que le secteur privé comporte de telles interactions complexes19, tandis que le secteur public comporte, inversement, de nombreuses prestations simples :

    • En administration centrale, dans la production du droit ;
    • Dans les services de gestion et les services supports, etc.

    Enfin, il y a aussi il me semble un biais psychologique à prendre en compte : les agents publics veulent voir leur travail récompensé par une évaluation de leur performance20.

    Des Propositions Cohérentes avec les Métiers Publics

    Compte tenu de ces distinctions, l’auteure élabore une série de trois préconisations :

    1. Faire participer les usagers plus étroitement à la mesure des résultats des services publics ;
    2. Construire des indicateurs de performance plus proches des vrais objectifs de politique publique, par exemple, en permettant aux usagers d’évaluer non pas tant le résultat que l’effort du fonctionnaire ;
    3. Enfin, par la construction d’un mode de rémunération valorisant en même temps l’efficacité et l’égalité de traitement entre les usagers.

    Comment Sélectionner les Fonctionnaires ?

    L’Importance du Salaire

    Plusieurs études convergent sur une relation entre le salaire et le nombre de candidats, donc la sélectivité.

    Ainsi, une baisse relative de la rémunération des agents publics entraînerait une baisse du nombre de candidats21.

    D’ailleurs, le niveau de rémunération dans le secteur public serait, à tâche comparable, plus élevé que dans le secteur privé22. Ce différentiel serait toutefois en diminution depuis 1970.

    Source : Pexels, Pixabay
    Source : Pexels, Pixabay

    La Gauche Embauche Plus et Paie Moins, la Droite Embauche Moins et Paie Plus

    Il existe une corrélation significative entre les gouvernements de gauche et le taux de croissance de l’emploi public.

    Cependant, les gouvernements de droite se distinguent également par une corrélation, s’agissant cette fois de la croissance du salaire moyen dans les administrations publiques.

    « Par conséquent, on observe que, dans 17 pays de l’OCDE de 1970 à 2001, l’emploi augmente plus vite sous les gouvernements de gauche, ce qui était attendu, mais aussi que le salaire moyen des fonctionnaires augmente plus vite sous les gouvernements de droite. Ce fait entre en contradiction avec la vision d’un monde politique linéaire allant de la gauche vers la droite et représentant les agents des plus pauvres aux plus riches. »

    Autre statistique étonnante, il y a autant de grèves de fonctionnaires, que les gouvernements soient de gauche ou de droite.

    La Politique de Gestion des Fonctionnaires est Structurante et Constitue un Point de Clivage Gauche-Droite

    Pour schématiser :

    • La droite défend un État restreint, mais plus efficace (productif), avec des fonctionnaires mieux payés ;
    • La gauche propose un État interventionniste, avec des fonctionnaires plus nombreux, mais moins bien payés.

    On sait par ailleurs que la fonction publique a pu être, par le passé, traditionnellement acquise au vote de gauche23 ; ce constat est toutefois nettement plus nuancé aujourd’hui.

    Par ailleurs, l’auteure note également une forte polarisation en la matière. Le centre est relativement indifférent aux grands débats, tandis que les extrêmes du champ politique peuvent s’allier (objectivement) contre le modèle de fonction publique, conçue comme une représentation de la classe moyenne24.

    La Préférence de l’Auteure pour les Qualifications, plutôt que pour l’Emploi

    « La rémunération des fonctionnaires détermine la qualité des fonctionnaires recrutés. Les salaires des juges n’ont pas d’incidence sur la durée moyenne des processus. En revanche, ils déterminent la qualité des juristes qui se présentent aux carrières de juges25. »

    Autrement dit, et comme l’énonce Mme Bacache-Beauvallet :

    « L’état ne peut pas vouloir embaucher les plus qualifiés et fixer à cette fin un salaire bas. »

    Ce faisant, l’auteure évacue le sujet du nombre d’agents publics.

    En Conclusion

    L’auteure aboutit à trois propositions normatives :

    1. Mettre en place des procédures de coopération avec les fonctionnaires et ne pas alimenter une guerre d’usure ;
    2. Maintenir des primes de productivité faibles ;
    3. En revanche, sélectionner les plus productifs et pour ce faire augmenter le niveau des salaires, quitte à réduire le nombre de fonctionnaires.

    « On ne devrait pas chercher à payer les fonctionnaires suivant leur productivité, mais suivant un salaire essentiellement fixe. On ne devrait pas recruter plus d’agents publics, mais au contraire réduire le nombre de fonctionnaires afin de pouvoir mieux les payer, et ainsi sélectionner les agents les plus productifs. Si la réforme de l’État réside bien dans la gestion de sa main-d’œuvre et non pas dans la délimitation de ses frontières d’intervention, elle devrait d’abord concerner la sélection des fonctionnaires et non seulement leur mode d’incitation. »

    1. La théorie de l’amortisseur social implique un retour à l’équilibre une fois la crise passée.
    2. On pense, à l’évidence, au livre de Pierre Rosanvallon, La crise de l’État providence.
    3. Un rapprochement juridique, par les sources constitutionnelles et européennes ; un rapprochement aussi par les modalités d’action : le droit des affaires public, le recours aux délégations de service public au secteur privé, le développement du contractualisme dans la fonction publique… et inversement, le développement des entreprises à missions et le foisonnement associatif dans le secteur privé. Enfin, un rapprochement dans le pilotage et le contrôle : le développement du reporting, de la recherche de performance.
    4. L’auteure cite trois exemples : le Danemark sur la période 1983 à 1986, l’Irlande de 1986 à 1989 et la Suède à compter de 1995.
    5. En s’appuyant notamment sur l’étude d’Alesina et Perotti de 1995.
    6. Gramlich, 1989.
    7. C’est notamment le cas pour les dépenses de sécurité. Les dépenses sociales sont aussi très sensibles à cette théorie. Une nouvelle dépense empiète mécaniquement les marges de manœuvre du gouvernement suivant.
    8. Alesina et Perotti, 1995.
    9. Roubini et Sachs, 1989 ; Alesina et Perotti, 1995.
    10. Jonoppulos et Perotti, 1999
    11. Notamment formulée par Alesina et Drazen, 1991.
    12. Les agents publics, au sein de l’OCDE, se distinguent des salariés du secteur privé par plusieurs caractéristiques :
      – Ils sont en moyenne plus qualifiés ;
      – Ils sont plus souvent cadres ;
      – Ils sont nettement plus syndiqués et cette syndicalisation ne tient pas à un effet de composition. C’est même l’inverse : sur proportion de femmes, minorités et cadres, traditionnellement moins syndiqués.
    13. Des dépenses trop élevées et trop dynamiques sont, à l’évidence, beaucoup plus difficiles à juguler qu’une base fiscale trop faible.
    14. La structure de recettes (prélèvements obligatoires) et de dépenses du pays est donc à prendre en compte.
    15. La théorie économique pose le comportement rationnel des acteurs. Économiquement, il n’est pas rationnel de vouloir devenir policier ou magistrat quand on peut être mieux payé comme avocat ou directeur des affaires juridiques ; pas plus qu’il n’est rationnel de vouloir devenir professeur de mathématiques quand on peut être ingénieur dans une grande entreprise.
    16. Cet attrait du métier est en effet très prégnant dans la fonction publique française, comme l’a notamment révélé le rapport de France stratégie sur l’attractivité dans la fonction publique de décembre 2024.
    17. Un professeur ou un policier, avec une politique de rendements, peut être amené à sélectionner les actions faciles pour améliorer son indicateur plutôt qu’à défendre une vision universelle de sa mission.
    18. La réflexion peut être poursuivie pour les enquêteurs de police ou les magistrats : comment valoriser les affaires les plus difficiles, dont le temps d’instruction est plus long ?
    19. La formation professionnelle, le coaching et toute démarche d’accompagnement : un avocat, un médecin, un bon commercial… À cet égard, l’ensemble de ces prestations forfaitaires sont hautement concurrentielles et assises sur une évaluation continue, par les pairs et par les usagers.
    20. Évaluation de la performance qui peut être également collective : https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/05/24/remuneration-au-merite-des-fonctionnaires-le-cercle-de-reflexion-le-sens-du-service-public-propose-d-instituer-un-interessement-fonde-sur-des-objectifs-collectifs_6235203_1698637.html#:~:text=48%2520%2525%2520des%2520agents%2520se%2520disent,contre%252016%2520%2525%2520le%2520m%C3%A9rite%2520individuel.
    21. Keueger (1988) à propos des employés fédéraux étasuniens. Il convient toutefois de souligner la spécificité du modèle américain, par rapport aux modèles européens.
    22. En particulier pour les femmes et les moins diplômés. Constat que l’on peut toujours retrouver dans la fonction publique contemporaine : https://www.leslegistes.fr/les-salaires-dans-la-fonction-publique-en-2025/. Ces éléments sont cependant critiqués : 1° les métiers ne seraient pas pleinement comparables, 2° il n’y aurait pas de prise en compte suffisante des diplômes, 3° la dispersion des revenus étant plus faible, les comparaisons sont faussées, 4° enfin, les salariés du public travaillent, par nature, pour des grandes organisations.
    23. Rouban (1999) : le vote régulier à gauche obtient 66% dans la FP et 46% dans le privé.
    24. Autrement dit, le fonctionnaire est une représentation du bourgeois intellectuel. Un dominant pour les plus bas niveaux de revenus et de qualification, qui ont de plus en plus tendance à voter pour des partis populistes de droite. Un dominé, mais une entrave, pour les hauts niveaux de revenus et de qualifications.
    25. Buscaglia et Dakolias (1999).
  • Les cabinets ministériels

    Les cabinets ministériels

    Temps de lecture : 9 minutes.

    Pour des analyses socio-politiques, voir notamment le n° 168 de la Revue française d’administration publique.

    Pour les chiffres, consultez le Jaune budgétaire dédié aux cabinets ministériels.

    L’Importance du Moment de Nomination

    Louis Marin, ministre des pensions
    Louis Marin, ministre des pensions

    Christian Vigouroux1, distingue deux types de cabinets ministériels :

    • Le « cabinet neuf » ;
    • Le « cabinet de remplacement ».

    Le « cabinet neuf » est constitué au moment de la formation du gouvernement, au début du quinquennat présidentiel ou d’une période de cohabitation.

    Ce cabinet est fort et est constitué le plus souvent de personnes d’expérience. Il s’agit à l’évidence d’un cabinet prisé, les places étant particulièrement convoitées2.

    Le « cabinet de remplacement », plus fréquent, est celui constitué au fil de l’eau, suite aux départs et remplacements. On pourrait aussi y intégrer les nouveaux gouvernements en cours de quinquennat, dont la force transformatrice est le plus souvent émoussée.

    Les Fonctions Exercées au Sein d’un Cabinet Ministériel

    Le Directeur de Cabinet

    Cheneaux de Leyritz, directeur de cabinet
    Cheneaux de Leyritz, directeur de cabinet

    La première décision d’un ministre est de choisir son directeur de cabinet et à la moindre ambiguïté, celui-ci est congédié.

    Symboliquement, son bureau jouxte celui du ministre avec qui il doit travailler en harmonie.

    Le directeur de cabinet est, en effet, l’interlocuteur principal du ministre. La distance entre lui et son ministre doit être la plus faible possible.

    Les Missions d’un Directeur de Cabinet

    Le directeur de cabinet du ministre est le personnage clé du cabinet, il assume des fonctions particulièrement importantes :

    • Management du cabinet : il recrute, congédie et anime l’équipe de conseillers ;
    • Conseil auprès du ministre : il fait remonter les dossiers sensibles, anticipe les risques, s’assure de l’exécution des décisions et conseil le ministre sur les aspects techniques et politiques des affaires présentées ;
    • Représentation du ministre et suivi des arbitrages : il représente régulièrement le ministre auprès de l’administration, s’assure de l’exécution des décisions, arbitre, négocie avec les autres ministères, s’entretient avec les représentants d’intérêts…

    Le directeur de cabinet est le chef d’orchestre du travail administratif ministériel. À cet égard, pour l’administration, il est souvent plus important que le ministre.

    Le Choix du Directeur de Cabinet

    Le nouveau ministre peut être confronté à trois situations :

    • Il s’agit d’un ministre faible et il ne dispose pas du choix du directeur de cabinet ou tarde à le choisir, la décision revient alors au Premier ministre, voire au président de la République. C’est évidemment la pire des situations3 ;
    • Il s’agit d’un ministre avec une capacité de choix, mais peu d’entregent administratif. La pratique consiste alors à solliciter des noms, auprès des directeurs d’administration centrale sous son autorité, de personnalités du secteur ou auprès de personnes politiques expérimentées4.
    • Il s’agit d’un ministre fort et expérimenté, auquel cas, il sait avant même d’être nommé qui sera son directeur de cabinet, et l’intéressé aussi.

    Contrairement aux représentations de la fonction de ministre par le grand public, il est très facile de se retrouver spectateur de son propre mandat.

    Le ministre qui ne choisit pas, ou qui choisit mal son directeur de cabinet peut être dépassé par le rythme des visites ministérielles, la nécessité d’être présent aux réunions gouvernementales, au Conseil des ministres et au Parlement.

    Un bon ministre doit savoir identifier rapidement la personnalité qui lui conviendra pour porter sa vision et influer concrètement sur le quotidien des administrations et des opérateurs relevant de ses attributions5.

    Le Profil du Directeur de Cabinet

    Le directeur de cabinet est presque toujours un fonctionnaire, qui plus est expérimenté6. Prendre un directeur de cabinet extérieur à l’administration constitue, en effet, un risque7, qui plus est dans les très gros ministères comme ceux de l’Intérieur ou de l’Économie et des finances.

    Une nomination extérieure à l’administration peut aussi être vue comme une forme de défiance, voire de défi. Je n’ose imaginer la difficulté que constituerait, pour le membre d’un comité de direction d’une grande entreprise (et recruté comme tel), l’exercice d’une fonction de directeur de cabinet du ministère de la Justice ou de l’Éducation nationale.

    La pratique consiste plutôt à repérer un haut fonctionnaire influent et qui, par son parcours8, a exercé des fonctions importantes au sein du ministère considéré.

    Cette influence et ce parcours sont censés offrir au ministre un réseau et une connaissance des personnes à même de faire avancer ses dossiers :

    • Au ministère de l’Intérieur, il s’agira plutôt d’un préfet ;
    • Au ministère Économique et financier, un inspecteur général des finances ou un ancien chef de service ou directeur d’administration centrale ;
    • Au ministère du Travail, un inspecteur général des affaires sociales ;
    • Aux Affaires étrangères, un ambassadeur ;
    • Au ministère des Armées, un militaire.

    L’Adjoint au Directeur de Cabinet

    Il n’existe pas ici de fonction type d’adjoint au directeur de cabinet. Le plus souvent, il s’agit d’une forme de nomination honorifique, tout en permettant au directeur de cabinet de disposer d’un relais managérial et stratégique au besoin.

    Bref, cette fonction dépend des personnes et des moments, elle n’en est pas moins quasi systématique.

    Le Chef de Cabinet

    Le chef de cabinet est le « chef de la maison ministérielle », il conduit l’emploi du temps du ministre jusque dans les détails les plus intimes. Il organise, anime et accompagne le ministre à chacun de ses déplacements9

    La fonction est opérationnelle et logistique, le chef de cabinet :

    • Anime l’équipe de chauffeurs, l’équipe de sécurité, les cuisiniers, les intendants ;
    • Organise les déplacements : temps de trajet, événements, acteurs à rencontrer et la coordination des discours ;
    • Encadre toute la logistique du ministre, y compris des temps privés.

    Compte tenu de cette proximité avec le ministre, la discrétion et le dévouement sont évidemment essentiels. À la différence du directeur de cabinet, le chef de cabinet n’intervient pas dans les décisions politiques. Par ailleurs, lorsqu’il est fonctionnaire, il s’agit plus souvent d’un attaché d’administration de l’État10.

    Le Conseiller Spécial

    Certains ministres apprécient la présence d’un conseiller spécial. Celui-ci est un proche du ministre auprès de qui il peut échanger de manière plus libre.

    Cette fonction permet aussi au ministre de disposer d’un relais loyal et fiable au sein de son cabinet, il renforce d’autant son emprise politique et sa maitrise des dossiers.

    Les Autres Membres du Cabinet

    Il existe, outre le directeur de cabinet et le chef de cabinet, des fonctions inévitables :

    • Un conseiller budgétaire11,
    • Un conseiller en communication,
    • Un conseiller parlementaire et un conseiller politique (parfois la même personne).

    Ces fonctions ne sont pas propres aux ministres. Elles se retrouvent dans tous les exécutifs publics d’importance (collectivités locales ou établissements publics) et dans les grandes entreprises : le conseiller parlementaire et politique étant un conseiller en relations publiques.

    Les conseillers restants doivent donc coordonner l’activité ministérielle, par grandes thématiques.

    Par exemple, au ministère chargé de la Fonction publique, compte tenu d’un portefeuille le plus souvent élargi à la modernisation de l’action publique, il n’existe souvent qu’un seul conseiller dédié à la fonction publique.

    Le Nombre de Membres des Cabinets Ministériels

    Depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, un mouvement assumé de limitation du nombre de membres des cabinets ministériels a été initié12.

    L’objectif étant de recentrer les cabinets ministériels dans l’orientation politique en laissant aux administrations le soin de l’exécution technique.

    La tendance à la limitation des cabinets ministériels a abouti à la création de cabinets au niveau des directions d’administration centrale et à la création d’instances nouvelles13 ou de secrétariat d’État. Paradoxalement, la diminution du nombre de conseillers, peut donc être aussi un facteur de complexification.

    Il n’en reste pas moins un nombre relativement élevé de collaborateurs gouvernementaux. Au titre de 2024 :

    • près de 500 membres de cabinet et
    • 2 200 personnels supports.
    Jaune budgétaire 2025
    Jaune budgétaire 2025

    La spécificité de Matignon et des Services du Président de la République

    Les Services du Premier Ministre

    Matignon est un monde en soi où il existe des « pôles » :

    • Éducation nationale et Enseignement supérieur ;
    • Justice ;
    • Intérieur ;
    • Social ;
    • Économique ;
    • Comptes publics ;
    • Diplomatique ;
    • Culture ;
    • Outre-mer ;
    • Environnement, Énergie, Transport, Logement ;
    • Agriculture…

    Concrètement, le cabinet du Premier ministre s’appuie sur une double machinerie :

    • Le Secrétariat général du gouvernement (SGG), véritable direction juridique centralisée du gouvernement, dédié au suivi technique des arbitrages gouvernementaux et
    • Les conseillers politiques des différents pôles précités : chaque chef de pôle étant accompagné de deux à cinq conseillers et éventuellement d’un chargé de mission.

    Au total, le SGG compte environ une centaine d’agents dont une trentaine de chargés de mission chargés du suivi des différentes politiques ministérielles14 ; tandis que le Premier ministre dispose de cinquante à soixante conseillers ou chefs de pôle.

    Compte tenu de la taille des effectifs, les liens qu’entretiennent le Premier ministre et le directeur de cabinet avec les conseillers sont nécessairement plus lâches.

    Léon Blum, l’inventeur du SGG
    Léon Blum, l’inventeur du SGG

    Les Services du Président de la République

    Outre l’État-major particulier du Président de la République, le chef de l’État peut s’appuyer sur des conseillers, également organisés en pôles.

    On y trouve, un pôle :

    • Régalien ;
    • Diplomatique ;
    • Social ;
    • Économique ;
    • Écologique, agriculture, énergie, transport, logement.

    À la différence du Premier ministre, certains pôles sont particulièrement fournis. Il en est ainsi pour le pôle diplomatique, et de manière transversale, pour la communication.

    À titre exceptionnel dans l’histoire de la Ve République, des conseillers communs ont même existé en 2017 entre MM. Edouard Philippe et Emmanuel Macron. Cette pratique n’a pas été renouvelée.

    La Diversité des Cabinets Ministériels

    Comme énoncé plus haut, l’État comporte des pôles avec des spécificités très marquées, dans le langage, les habitudes de travail, les lieux.

    Les « sociaux » se distinguent nettement des « militaires », qui se distinguent des « comptes », qui se distinguent des « diplo ».

    Le Cabinet Briand, en 1921
    Le Cabinet Briand, en 1921

    Ce faisant, certains cabinets présentent une ouverture au secteur privé spécifique. En premier lieu, le ministre chargé des petites et moyennes entreprises (lorsqu’il existe) et plus généralement le ministère du Travail.

    À l’inverse, certains cabinets sont les chasses gardées de personnels étatiques, et parfois de corps spécifiques. Il en est ainsi des Armées, de l’Intérieur, de l’Economie, du Budget et dans une moindre mesure de l’Environnement15.

    Au global, près de la moitié des collaborateurs sont sur contrat, le plus souvent issus du secteur privé.

    Jaune budgétaire 2025
    Jaune budgétaire 2025

    Il existe également des différences dans l’âge de recrutement, outre le fait que le directeur de cabinet est le confirmé, les conseillers ministériels sont en général jeunes, voire très jeunes16.

    Par ailleurs, certains emplois ont un recrutement à la mesure de leur spécificité :

    • Le chef de cabinet est souvent jeune et dispose, de préférence, d’une expérience politique17 ;
    • Le conseiller parlementaire se recrute en majorité parmi les collaborateurs parlementaires ;
    • Enfin, le conseiller en communication, qui est plus souvent une femme, provient fréquemment du monde entrepreneurial et plus précisément de l’univers du conseil. 

    Bonus : la Classification de Guy Carcassonne

    Dans un article de la revue Pouvoirs, Guy Carcassonne esquisse une typologie des cabinets et membres de cabinets :

    • « Les copains » : Ce qui se rapproche des conseillers spéciaux évoqués plus haut, entendu comme des proches du ministre. Carcassonne évoque ici un « avatar du scootisme » ;
    • « Les enfants » : Des conseillers techniques, très jeunes, en présence d’un ministre et d’un directeur de cabinet plus expérimenté. « Lorsqu’elle est réussie, cette combinaison donne d’excellents résultats. »
    • « Les valets » : Les recrutements sont réalisés par le directeur de cabinet seul, le ministre ne souhaitant pas s’investir dans la conduite du cabinet. Disposant de peu d’autonomie, ces conseillers exécutent. Si dans certains ministères très politiques ce mode de fonctionnement peut présenter quelques avantages, il est le plus souvent très dommageable.
    • « Les lieutenants » : Le ministre prend une part active au choix des conseillers, laissant au directeur de cabinet l’animation quotidienne. Le ministre délégue une part de ses prérogatives aux conseillers et se rend accessible à leurs suggestions. À l’évidence, il s’agit du modèle idéal selon Carcassonne.
    1. Ancien président de section au Conseil d’État, directeur de cabinet de plusieurs ministres : Enseignement supérieur, Justice, Intérieur, Emploi et Solidarité.
    2. En supposant toutefois une compatibilité des idées politiques entre le ministre et les éventuels membres de cabinet.
    3. Le directeur de cabinet dispose alors d’une légitimité lui octroyant une forme d’autonomie avec le ministre et de relais lui permettant de faire prévaloir son orientation auprès du Premier ministre ou du Chef de l’État.
    4. Un ministre d’un parti politique peut ainsi solliciter son ainé ayant occupé il y a peu la fonction.
    5. Sur les attributions des ministres, vous pouvez vous référer à cet article relatif aux directions d’administration centrale.
    6. C’est même, très souvent, le professionnel le plus expérimenté du cabinet.
    7. Risque qui semble par ailleurs plutôt inutile. Le travail administratif est, somme toute, très différent du travail d’un manager du secteur privé.
    8. Voire son corps d’appartenance (conseiller d’État, Inspecteur général, ambassadeur, magistrat…).
    9. Le directeur de cabinet demeurant à Paris, sauf pour les déplacements les plus importants.
    10. Le directeur de cabinet, hormis les cas où il est issu du secteur privé, est systématiquement un haut fonctionnaire. Les conseillers ministériels sont aussi majoritairement des hauts fonctionnaires, des collaborateurs d’élus ou des salariés du secteur privé.
    11. Il peut y avoir des cabinets sans conseiller budgétaire, mais on frise alors l’amateurisme.
    12. Conformément au décret 2024-23 du 17 janvier 2024, un ministre de plein exercice peut disposer de quinze membres de cabinet et un ministre délégué auprès du Premier ministre de onze membres.
    13. Par exemple, la création de hauts commissaires, dont la réapparition est également une des singularités de ces dernières années.
    14. Ces politiques ministérielles rejoignent les pôles précités, mais pas entièrement. Le SGG comporte moins de thématiques que le cabinet politique. La pratique est qu’un chargé de mission, de catégorie A+, est accompagné par un chargé de mission adjoint, généralement un attaché principal d’administration de l’État.
    15. Logement, Énergie, Transport.
    16. Notamment pour les conseillers budgétaires, souvent issus de la direction du Budget, avec une expérience d’un ou deux postes de chef de bureau.
    17. Auprès d’un député ou d’un exécutif local notamment.
  • Le Modèle de Carrière et la Séparation du Grade et de l’Emploi

    Le Modèle de Carrière et la Séparation du Grade et de l’Emploi

    Temps de lecture : 9 minutes.

    Comme on a déjà pu le voir dans ce précédent article consacré au concours, la France incarne (ou a incarné) le modèle de fonction publique de carrière. À l’inverse, plusieurs pays sont identifiés comme des fonctions publiques de métier : l’Italie, les Pays-Bas, les États-Unis.

    Ce système de carrière se présente généralement par la conjugaison de plusieurs spécificités :

    • Un accès par concours, et non par recrutement direct1 et
    • L’intégration dans un corps (ou plus généralement un cadre hiérarchisé) lui donnant accès à des emplois et où le fonctionnaire a vocation à passer toute sa vie professionnelle en franchissant divers grades. Autrement dit : « la distinction du grade et de l’emploi. »

    La Distinction du Grade et de l’Emploi

    Un Principe Ancien, Né sous la Restauration

    Cette distinction est née en France par la célèbre loi du 19 mai 1834 sur l’état des officiers2 qui dispose en son article premier3 que :

    « Le grade est conféré par le Roi, il constitue l’état de l’officier ».

    Un officier !
    Un officier !

    Son exposé des motifs est également célèbre et synthétise le système de carrière :

    « Elle est fondée sur ces principes : que le grade constitue l’état de l’officier ; qu’il ne peut lui être arbitrairement enlevé, mais qu’il faut distinguer le grade de l’emploi ; qu’au Roi appartient le droit de donner l’emploi ou de l’ôter ; que, sans cela, la discipline et la subordination seraient détruites ; mais, si l’emploi et tous les avantages qu’il procure avaient pu être arbitrairement enlevés, on conçoit que le grade laissé à l’officier n’eut été qu’un vain titre ; en conséquence, des garanties sont données pour prévenir tout retrait arbitraire de l’emploi, et ces garanties sont d’autant plus grandes, que la position dans laquelle l’officier privé d’emploi se trouve placé se rapproche plus de la privation complète du grade. »

    Un Principe À la Fois Souple et Sécurisant

    La séparation du grade et de l’emploi implique, très concrètement, deux choses :

    • Une protection pour le fonctionnaire (ou militaire) : la suppression de l’emploi n’emporte pas la suppression du traitement, du grade ou du droit à avancement4 ;
    • Un instrument de gestion pour l’administration, qui est « maîtresse de l’emploi »5 : elle peut nommer, muter, affecter ou supprimer un emploi dès lors que l’intérêt du service le justifie.

    Juridiquement, dans la fonction publique, seul compte : « l’intérêt du service ». Aucun frein, contractuel ou collectif6, ne s’impose à l’administration et aux chefs de service pour organiser le service7.

    Ce mécanisme rend également possible une valorisation des emplois, puisque l’administrateur peut tout à fait définir des conditions spécifiques pour accéder à tel ou tel emploi.

    Dans les Faits : Une Gestion Peu Orientée Vers l’Emploi

    Une Pratique Parfois Rigide et Peu Orientée vers l’Emploi

    En dépit de la souplesse offerte par le statut de la fonction publique et le principe de distinction du grade et de l’emploi, la pratique est parfois jugée rigide et « égalitariste », au détriment des emplois :

    • Une notation administrative sans beaucoup d’effet sur l’évolution professionnelle ou les rémunérations ;
    • Des concours centrés sur la sélection des candidats sur des compétences générales, sans logique de postes à pourvoir8 ;
    • Une rémunération trop indexée sur le grade et l’échelon, au détriment des fonctions exercées9 ;
    • Des mutations souvent guidées par l’ancienneté ou le grade, plus que par les compétences ou les besoins du service. La situation des enseignants est évidemment symptomatique, mais elle n’est pas unique10.

    Les Aménagements Progressifs du Système de Carrière

    Une Construction Doctrinaire au Fil de Rapports Consacrés à la Fonction Publique

    Source : Pexels Lum3n
    Source : Pexels Lum3n

    Plusieurs rapports consacrés à notre système de fonction publique ont esquissé des propositions d’évolution vers une logique de métiers :

    Le livre blanc sur l’avenir de la fonction publique du 17 avril 2008, dit rapport Silicani, qui formule quarante propositions, dont :

    • la professionnalisation du recours aux contractuels,
    • la facilitation des transitions professionnelles entre secteurs privés et publics,
    • la reconnaissance d’accords collectifs,
    • l’identification des métiers et la prévision de leur évolution qualitative et quantitative,
    • l’identification des viviers de recrutement,
    • la modernisation de l’organisation générale des recrutements,
    • la professionnalisation des modes de recrutement par concours externes,
    • la création d’un véritable marché de l’emploi public,
    • l’affectation de chaque agent dans le cadre d’une convention établie entre lui et son employeur,
    • la transformation de l’évaluation en un élément central d’évolution de la carrière,
    • le renforcement de la sélectivité des promotions de grade,
    • la distinction dans les rémunérations entre une composante liée au grade et une autre liée à l’emploi,
    • la personnalisation de la rémunération fonctionnelle en tenant compte de la difficulté du poste et des résultats de l’agent,
    • le développement des formations, notamment aux moments clés de la carrière.

    Le rapport au premier Ministre sur la fonction publique du 4 novembre 2013, dit rapport Pêcheur, qui propose :

    • le développement des démarches de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences,
    • la création de « statuts d’emplois communs » aux trois fonctions publiques et aux militaires,
    • la relance des fusions de corps et la création de nouveaux « cadres professionnels interministériels »,
    • la création de lignes directrices de gestion et le développement des affectations sur profils,
    • la caractérisation des corps ou cadre d’emploi par le « niveau de fonctions » et non par le seul niveau de diplôme,
    • le développement des échelons fonctionnels au sein des corps (accès à des fonctions élevées),
    • ainsi que des mesures concrètes comme :
      • la création d’une bourse commune de l’emploi public
      • l’obligation de déclarer et de publier les postes vacants
      • la construction d’un répertoire commun des emplois.

    Le rapport de restitution des travaux de la conférence sur les perspectives salariales dans la fonction publique du 14 mars 2022, dit rapport Peny, Simonpoli, qui réaffirme l’intérêt de la distinction du grade et de l’emploi et du système de grille de rémunération, mais propose en contrepartie :

    • une plus grande prise en compte du niveau de qualification réel et du niveau de responsabilité ;
    • une meilleure valorisation des compétences et des parcours des agents, notamment par la création d’accélérateur de carrière ;
    • la création de filières, qui pourraient être communes à plusieurs versants de la fonction publique ;
    • la reconnaissance d’une performance collective.

    Ces idées ont désormais germées et ont profondément changé le système de gestion des agents publics.

    Un Renforcement de la Logique de Métiers

    Depuis plusieurs années, une logique de suppression et mutualisation de corps est à l’œuvre afin d’identifier les synergies et de valoriser l’aspect « métier »11.

    Le nombre de corps de fonctionnaires relevant de l’État est passé de 700 en 2005 à un objectif de 270 en 2023.

    Force est de constater que de nombreux corps avaient perdu le lien avec leur savoir-faire et leur justification initiale. Le corps est devenu un instrument de gestion et un sujet d’identification collectif, sans réflexion sur le métier lui-même.

    Fusionner des corps, c’est donc aussi se séparer de certains symboles12, afin de « réactiver la dimension professionnelle de la carrière »13, tout en permettant davantage de fluidité et une plus grande richesse de carrière.

    Une Plus Grande Interministérialisation

    Cette fusion de corps va de pair avec une plus grande interministérialisation, que l’on peut notamment constater dans la forte augmentation des recrutements d’attachés d’administration de l’État. Elle s’est aussi incarnée récemment par la suppression de corps très symboliques : celui des préfets, des diplomates et des inspecteurs généraux (des finances, de l’administration, des affaires sociales…).

    Un préfet !
    Un préfet !

    Elle facilite les mobilités entre les agents publics14, et ce faisant, décloisonne ces anciens corps en permettant de recruter en fonction de critères plus professionnels et pour des durées plus courtes.

    L’étape suivante, notamment proposée dans les rapports Silicani ou Peny serait de substituer ces 270 corps par quelques filières : sécurité, administration générale…

    Cette filiérisation et ce découpage par métier existe déjà par ailleurs :

    Une structuration des emplois, parallèle à celle des corps de fonctionnaires, a déjà été mis en œuvre : il s’agit du répertoire des métiers de la fonction publique ;

    Le site de publication des offres d’emploi des trois versants de la fonction publique (État, collectivités territoriales et hospitalières), choisirleservicepublic.gouv.fr, est déjà assis sur ces 29 filières et près d’un millier de métiers.

    Le Renforcement de la Contractualisation

    La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique (dite loi « TFP ») a largement libéré l’usage du contrat :

    • Par l’ouverture des emplois de direction des trois versants de la fonction publique aux contractuels15 ;
    • Par la création de contrats de projet, permettant d’embaucher des agents pour réussir des projets ou des opérations identifiées16 ;
    • Par la possibilité pour l’intégralité des établissements publics de l’État de recruter des contractuels (contre quelques-uns limitativement énumérés auparavant) ;
    • Par la possibilité pour les administrations de l’État de recruter des contractuels sur la majorité des emplois permanents17 ;
    • Par une extension des possibilités de portabilité du contrat à durée indéterminée de l’agent public aux trois versants de la fonction publique18.

    Désormais, comme aux débuts de France télécom ou de La Poste, les fonctionnaires cohabitent quotidiennement dans les administrations avec les contractuels19.

    Cette contractualisation s’exerce également dans la gestion collective, à travers les lignes directrices de gestion ministérielle (introduite par la loi « TFP » de 2019), mais également les accords interministériels en matière de condition de travail20 et de protection sociale des agents publics21.

    Ce mouvement semble inéluctable et très probablement salutaire. Comme le souligne MArcel Pochard, ancien directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) :

    « Il est paradoxal de prétendre faire de la gestion personnalisée, sans l’outil qu’est le contrat. »

    1. Même si des exceptions existent, comme les nominations (très encadrées) au « tour extérieur », ou les pratiques de détachement pour les fonctionnaires, leur permettant des mobilités entre corps.
    2. La loi du 19 mai 1834 sur l’état des officiers est consultable ici : https://books.google.fr/books?id=0dk1AQAAIAAJ&dq=loi%201834%20officiers&pg=PA105#v=onepage&q=loi%201834%20officiers&f=false
    3. Quand l’article trois énonce ensuite les différentes positions de l’officier : activité, disponibilité, puis « non-activité » aux articles quatre et suivants.
    4. Le fonctionnaire ne peut être révoqué par une sanction disciplinaire (article L. 533-1 du code général de la fonction publique – il s’agit d’une sanction du troisième groupe) ou par une loi de dégagement des cadres, dont les dernières intervenues sont liées à la Seconde Guerre mondiale.
    5. Expression de Marcel Pochard, « L’emploi dans la gestion des ressources humaines de la fonction publique », Revue française d’administration publique 2009/4 (n° 132), p. 689-700.
      DOI 10.3917/rfap.132.0689
    6. Les organisations syndicales n’ont pas, juridiquement, à se prononcer sur l’organisation du service.
    7. Les différentes réformes territoriales de l’État auraient été difficilement possibles au même coût dans un système contractuel. Cette façon de gérer les effectifs, même si elle est commode pour l’employeur, peut toutefois poser des difficultés dans un contexte où les agents manifestent davantage d’attentes. Une plus grande personnalisation dans la gestion des agents est probablement nécessaire.
    8. Ce qui est le principe du système de carrière, où la polyvalence prime ; mais qui dans un univers de plus en plus technique et complexe peut induire un manque de profondeur sur certaines fonctions.
    9. Ce que l’Indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), au côté du Complément indemnitaire annuel (CIA) tentent de corriger. Mais le régime d’IFSE n’est pas applicable partout, comme on l’a vu récemment dans un rapport consacré à la DGCCRF.
    10. Voir également l’article issu du rapport de la Cour des comptes sur les corps techniques des ministères économiques et financiers.
    11. Sur le modèle des « cadres d’emplois » des collectivités territoriales.
    12. La suppression des corps de hauts fonctionnaires est topique.
    13. Gilles Jeannot, « De la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) aux cadres statutaires : la progressive émergence de la notion de « métier » dans la fonction publique d’Etat en France », Revue française d’administration publique 2005/4 (no116), p. 595-608. DOI 10.3917/rfap.116.0595
    14. Désormais, l’administrateur de l’État peut ainsi, passer d’une fonction de préfet à diplomate, avant de devenir inspecteur général.
    15. Près de 3 000 emplois de direction sont concernés. Ces emplois sont listés au décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019 pour la fonction publique d’État.
    16. Sans beaucoup de succès selon la Cour des comptes. Le dispositif est encadré par le décret n° 2020-172 du 27 février 2020 relatif au contrat de projet dans la fonction publique.
    17. Le (feu) article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État prévoyait deux dérogations au recrutement de fonctionnaires : « 1° Lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes » et « 2° pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l’État à l’étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins du services le justifient. » La loi de transformation de la fonction publique élargi les cas prévus aux 2° en citant d’emblée « lorsque la nature des fonctions ou les besoins de services le justifient » et en disposant ensuite une liste indicative : « des compétences techniques spécialisées ou nouvelles », « lorsque l’autorité de recrutement n’est pas en mesure de pourvoir l’emploi par un fonctionnaire présentant l’expertise ou l’expérience professionnelle adaptée », enfin « 3° Lorsque l’emploi ne nécessite pas une formation statutaire donnant lieu à titularisation dans un corps de fonctionnaires ».
    18. Auparavant, cette portabilités n’était possible qu’au sein d’un des trois versants. En précisant toutefois que cette portabilité n’est pas un droit, mais une possibilité pour l’employeur. Il n’y a pas de « droit au CDI ». Et cette portabilité n’entraîne pas davantage la conservation des stipulations contractuelles.
    19. À l’exception de quelques secteurs préservés, notamment dans les métiers de la sécurité.
    20. Accord relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique du 13 juillet 2021.
    21. Avec en premier lieu l’accord interministériel relatif à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique de l’État du 26 janvier 2022.
  • Le Recrutement par Concours dans la Fonction Publique est-il Fini ?

    Le Recrutement par Concours dans la Fonction Publique est-il Fini ?

    Temps de lecture : 9 minutes.

    La Cour des comptes a publié début juin 2025 un rapport sur l’attractivité de la fonction publique d’État auprès des jeunes.

    On y apprend notamment que sur les 250 000 recrutements réalisés en 2022, seuls 20 % concernaient des fonctionnaires, sélectionnés par concours.

    Le Recrutement par Concours est Indissociable de la Fonction Publique de Carrière

    La France est, malgré le développement important du contractualisme, régulièrement citée comme le système de carrière par excellence.

    Les Caractéristiques du Système de Carrière

    Le système de carrière se définit comme :

    • Un recrutement par concours (article L. 320-1 du Code général de la fonction publique)1 ;
    • L’intégration dans un corps ;
    • La réalisation de toute sa carrière dans ce corps par le passage d’échelons et de grades.

    Les avantages :

    • Sélection initiale des meilleurs candidats ;
    • Profil généraliste ;
    • Évolution différenciée en fonction de la manière de servir ;
    • Facilité de gestion et relations hiérarchiques aisées ;
    • Esprit de corps, sentiment d’appartenance… permettant de développer la cohésion, l’expérience collective et une forme de détachement technique du pouvoir politique.

    Les Caractéristiques du Système d’Emploi

    Le système de l’emploi se définit comme le recrutement d’un agent en vue d’occuper un poste déterminé.

    La notion de vocation, ou d’attachement à un principe supérieur et collectif, n’est pas formalisée2.

    Les avantages ;

    • Plus grande fluidité et mobilité, y compris dans les allers-retours privés publics ;
    • Plus grande ouverture, le recrutement direct évite les phénomènes de « caste », le corporatisme précité ;
    • Plus grande spécialisation des agents.

    Ce système est explicitement privilégié depuis plusieurs années, y compris en France. Comme le révèle la Cour des comptes dans ses observations de juin 2025 :

    Plus de 70 % des recrutements dans la fonction publique sont désormais réalisés par la voie contractuelle.

    Toutefois, le recrutement sur un emploi engendre aussi des difficultés :

    • Ce système est généralement plus coûteux, en rémunérations comme en coûts de gestion ;
    • Il accentue le phénomène d’hyperspécialisation des administrations et une forme de « silotage » au sein et entre les ministères ;
    • Il implique une augmentation du turn-over, une fragilisation des compétences et du rôle de l’administration face au pouvoir politique.

    L’Histoire du Recrutement par Concours « à la Française »

    Le concours n’est pas une création révolutionnaire, il peinera d’ailleurs à s’imposer au cours du XIXe siècle3.

    Il s’agit d’un principe plus ancien qui est souvent associé à des écoles spécialisées et symbolise l’essor de la centralisation monarchique de la fin du XVIIIe siècle :

    • En 1747, est ainsi créé l’École des Ponts et Chaussées ;
    • En 1749, l’École du Génie de Mézières4 ;
    • en 1751, l’École royale militaire de Paris ;
    • En 1765, l’École des ingénieur-constructeurs des ingénieur-constructeurs des vaisseaux royaux5 ;
    • En 1783, l’École des mines.

    Ces recrutements dans des écoles d’ingénieurs visent à sélectionner des profils de compétences techniques spécifiques indispensables à l’administration moderne.

    Ils préfigurent l’abolition des privilèges (vénalité et hérédité des offices publics) portés par les révolutionnaires de 1789, dans une monarchie qui peine à trouver son équilibre entre les officiers héréditaires et les agents commissionnés, à la main du Roi.

    Le Second Empire poursuivra cette utilisation du concours, notamment dans les écoles techniques précitées.

    Mais, c’est véritablement par l’affermissement de la IIIe République que se généralise le recrutement par concours :

    • Chaque administration édicte ses règles d’accès par décret ;
    • Le Parlement fixe par la loi le nombre d’emplois d’encadrement.

    Les Spécificités du Recrutement par Concours

    Les Différences entre le Recrutement par Concours et par Examen

    L’examen professionnel est réservé aux agents publics et vise à vérifier une aptitude, permettant l’accès à une fonction supérieure.

    Le concours permet d’accéder à un corps ou un cadre d’emploi (fonction publique territoriale).

    Le nombre de postes ouverts est limité dans un concours, il ne l’est pas dans un examen.

    Un Recrutement par un Jury

    Le recrutement par concours présente pour première singularité d’être effectué par des non-professionnels, autrement dit des fonctionnaires en poste, futurs collègues ou supérieurs de l’agent.

    Tandis que dans les fonctions publiques d’emploi, le recrutement est plus souvent réalisé par des agents des ressources humaines6.

    Ce jury présente d’autres singularités :

    • Il est indépendant du recruteur (ministère ou autorité interministérielle7), auprès de qui il ne reçoit aucune instruction ;
      • En conséquence, le recrutement ne se fait pas sur des emplois déterminés, mais au regard des compétences pour exercer les fonctions dévolues au corps ou cadre d’emploi ;
      • Par ailleurs, le jury est libre de ne pas pourvoir l’intégralité des postes ouverts par l’administration s’il juge que les candidats ne répondent pas aux critères ;
    • Il est collégial : les décisions sont prises collectivement, sans hiérarchie entre les membres8 ;
    • Il est souverain, la décision du jury ne peut pas, en principe, être contestée devant le juge par le candidat évincé, comme par l’administration9. Toutefois, le jury n’est pas omnipotent :
      • Ainsi, il ne peut pas s’écarter des règles applicables au concours ;
      • Par ailleurs, il doit toujours être impartial, y compris en apparence10.

    Le président du jury est garant de l’impartialité et du respect de la procédure de recrutement.

    Un Recrutement Normé

    L’opération de concours est normée, avec le plus souvent des épreuves d’admissibilités, écrites ; puis des épreuves d’admissions, orales, dont le programme est fixé par arrêté.

    Toutefois, pour certains concours, des épreuves de présélection peuvent être organisées. À l’inverse, d’autres concours achèvent la sélection par des épreuves sportives et psychologiques.

    Cette procédure est aussi manifeste dans le calendrier du concours, ce qui implique une certaine forme de rigidité, souvent relevée par les employeurs.

    Pour disposer d’informations sur le calendrier, le programme, les épreuves… consulter le site : https://www.fonction-publique.gouv.fr/devenir-agent-public/calendrier-general-concours

    Ce processus normatif, à étapes, associé au recrutement par un jury indépendant, permettent, en théorie, de prévenir l’arbitraire et le favoritisme.

    Les Différents Types de Concours

    Il existe plusieurs types de concours, selon les caractéristiques du candidat et les modalités de sélection :

    Les concours sur épreuves :

    • Le concours externe : ouvert aux titulaires de diplômes11, sans condition d’expérience professionnelle (article L. 325-2 du code général de la fonction publique). Il s’agit de la principale source de recrutements ;
    • Le concours interne : réservé aux agents publics (fonctionnaires ou contractuels, militaires, magistrats) ayant une certaine ancienneté (article L. 325-3 du code général de la fonction publique) ;
    • Le troisième concours : inventé en 1983 par le gouvernement socialiste afin d’ouvrir la fonction publique à des profils plus variés, et formalisé dans sa version actuelle en 1990 : pour les salariés du privé, responsables d’une association et élus d’une collectivité territoriale (article L. 325-7 du code général de la fonction publique) ;
    • Le concours unique, généralement utilisé pour les « petits » corps comme les conseillers de chambre régionale des comptes ou les administrateurs des assemblées, il est ouvert aux étudiants et aux agents en poste indifféremment ;
    • Le concours « talents », expérimentation initiée par l’ordonnance du 3 mars 2021 et réservé à quelques écoles de hauts fonctionnaires12. Le principe consiste à réserver une proportion de places (de 10 à 15 %) aux boursiers de l’enseignement supérieur et demandeurs d’emplois devenus élèves des « Prépas Talents » et des classes préparatoires intégrées.

    Le concours sur titres13 : en fonction des titres et diplômes du candidat, avec généralement une ou deux épreuves de sélection (2 de l’article L. 325-9 du code général de la fonction publique).

    Par ailleurs, ces concours peuvent être organisés (article L. 325-23 du code général de la fonction publique) :

    • Au niveau national, pour une affectation nationale ;
    • Au niveau national, pour une affection dans une ou plusieurs circonscriptions administratives déterminées (« concours national à affectation locale ») ;
    • Au niveau local (déconcentré).

    Le Principe de l’Égal Accès à la Fonction Publique

    Le principe d’égal accès à la fonction publique est un principe général du droit depuis la décision du Conseil d’État Barel de 1954.

    Depuis, les garanties et les principes de lutte contre les discriminations se sont multipliés, en particulier sur le fondement de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen :

     « Tous les Citoyens étant égaux (aux) yeux (de la loi) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

    Le recrutement par contrat comme par concours se doit de respecter les principes d’égalité et de non-discrimination, son corollaire.

    Les Critiques Formulées à l’Encontre du Recrutement par Concours

    Un Système de Sélection Insuffisamment Professionnel et Trop Théorique

    La principale critique est le caractère trop théorique du recrutement par concours et le biais d’une sélection essentiellement construite sur des épreuves écrites.

    En conséquence, les individus recrutés sont le plus souvent généralistes et doivent ensuite être formés pour intégrer la fonction publique.

    Un Système Lourd et Coûteux

    L’organisation des concours est particulièrement coûteuse pour les finances publiques, d’autant que de nombreux inscrits ne se présentent pas aux épreuves écrites (en moyenne un sur deux).

    Un Système Très (Trop ?) Sélectif

    Le système de recrutement par concours, en particulier dans l’accès à des corps d’encadrement supérieur, est ouvert très tôt, mais est très sélectif.

    Ce qui induit une forme d’homogénéité dans les profils recrutés et des profondes désillusions pour les candidats évincés.

    Comme l’énonce la fameuse formule :

     « En France, on peut rater sa vie à 25 ans. »

    Inversement, le concours peut aussi être jugé trop sélectif pour certaines professions, voire franchement inadaptés face à des compétences rares où le secteur public est placé en concurrence directe avec des employeurs privés (cas de la fonction publique territoriale et des professions du numérique).

    Une Forme de Cloisonnement et de Rigidité Induit par la Logique de Corps

    Le concours peut alimenter une forme de « monde clos », caractérisé par une sorte d’inertie et de lenteur. Les ascensions professionnelles sont régulières, mais rarement rapides.

    Ce système va aussi de pair avec une très forte hiérarchie, les différences entre les agents tenant essentiellement à leur positionnement hiérarchique — non à leur expertise.

    En conséquence, l’agent souhaitant progresser professionnellement devra passer des concours, plutôt que d’exceller au travail.

    Un Système qui Demeure Pertinent Pour de Nombreuses Fonctions

    Malgré toutes ces critiques, il me semble toutefois que dans certains cas, les avantages surpassent les inconvénients.

    En particulier lorsque nous devons recruter du personnel qualifié et de le fidéliser. La logique de corps peut compenser une certaine faiblesse des rémunérations et des perspectives offertes. Le sentiment collectif peut compenser une carrière moins ascendante (pour des cadres) que dans le secteur privé.

    Par ailleurs, plusieurs critiques énoncées ci-dessus peuvent être renversées par :

    • Les épreuves de sélection peuvent être plus techniques et moins généralistes — y compris par une logique de filière, déjà à l’œuvre dans des corps très techniques et qualifiés comme les magistrats administratifs ou les magistrats financiers ;
    • Une ouverture importante à d’autres corps et talents du privé est possible :
      • Par la pratique du détachement (pour citer ce même exemple, un quart des agents exerçant des fonctions de magistrats financiers sont détachés et issus d’autres corps ou cadres d’emploi) ;
      • Par une mobilité obligatoire (également prévu dans certains corps, comme les magistrats administratifs) ;
    • Enfin, une meilleure attention pour les agents en postes, dans une logique de viviers. Chemin déjà initié par la réforme des grands corps, mais qui pourrait être prolongé plus radicalement en conditionnant l’accès aux corps supérieurs par la justification d’une expérience professionnelle minimale en qualité de cadre.
    1. À l’exception des agents de catégorie C, où une exception générale est prévue au 3 de l’article L. 326-1 du code général de la fonction publique.
    2. Même si les intéressés peuvent, à titre personnel, éprouver des convictions et un attachement très fort envers leur employeur.
    3. Voir l’exemple emblématique de la première École nationale d’administration de 1848.
    4. Qui fusionnera en 1807 avec l’École d’artillerie de Châlons-sur-Marne pour devenir une école d’application de l’École polytechnique dans l’artillerie et le génie.
    5. Officiellement créée en 1741, elle sera fermée en 1758 avant d’être réouverte en 1765. L’École perdure depuis.
    6. Comme pour les administrateurs de l’État et les attachés d’administration de l’État.
    7. Sinon le président du jury, qui en cas de débats peut être amené à trancher.
    8. Toutefois, il convient de relever le développement du contentieux en la matière. À titre d’exemple, le jury doit désormais justifier, notamment par des grilles d’évaluation, la décision prise.
    9. Le juge administratif opère un contrôle relativement sévère du manque de respect de l’impartialité CE Section 18 juillet 2008, Madame B., Req. N° 291957.
    10. À compter d’un niveau Bac +2 pour les concours de catégories A (niveau licence pour l’INSP), d’un niveau Bac pour les concours de catégories B et du CAP, BEP ou brevet des collèges pour les concours de catégories C. Il existe toutefois deux grandes exceptions à la condition de diplôme : la première pour les parents d’au moins trois enfants et la seconde pour les sportifs de haut niveau.
    11. L’Institut national du service public, l’Institut national des études territoriales, l’École des hautes études en santé publique, l’École nationale supérieure de police et l’École nationale d’administration pénitentiaire.
    12. Qui se distingue du « concours sur épreuves ».
  • Comment Devenir Conseiller de Chambre Régionale des Comptes ? (Magistrat Financier)

    Comment Devenir Conseiller de Chambre Régionale des Comptes ? (Magistrat Financier)

    Temps de lecture : 7 minutes.

    Tous concours confondus, douze magistrats des chambres régionales des comptes (CRC) ont été recrutés sur 2024.

    Les missions des magistrats de CRC sont essentiellement de quatre ordres :

    • Contrôle juridictionnel : la CRC est tenue de déférer au ministère public près de la Cour des comptes les faits susceptibles de constituer des infractions au code des juridictions financières (article L. 211-1 dudit code). Par ailleurs, les magistrats de CRC peuvent être affectés sur des fonctions juridictionnelles durant leur carrière ;
    • Contrôle des comptes et de la gestion : régularité des recettes et des dépenses, économie des moyens mis en œuvre, évaluation des résultats atteints (article L. 211-3) d’organismes particulièrement divers dépendant ou financés par des collectivités territoriales ;
    • Contrôle des actes budgétaires (article L. 211-11) et des conventions relatives à des délégations de service public (article L. 211-12) ;
    • Évaluation de politiques publiques du ressort territorial de la chambre régionale (article L. 211-15).

    Concrètement, le magistrat est en binôme avec un vérificateur (article R. 212-23)1 et est chargé de réaliser trois à quatre contrôles par an.

    Calculs personnels à partir des rapports d’activité des CRC. Les juridictions financières comptent au total 1 808 magistrats (source : Chiffres clés de la Cour des comptes)
    Calculs personnels à partir des rapports d’activité des CRC. Les juridictions financières comptent au total 1 808 magistrats (source : Chiffres clés de la Cour des comptes)

    Pour une présentation plus complète, vous pouvez consulter la plaquette de présentation du concours publié par la Cour des comptes au titre de 2024.

    Les Modes d’Accès à la Fonction de Magistrat de Chambre Régionale des Comptes

    Compte tenu du faible nombre de magistrats de chambres régionales des comptes (environ 400), les voies d’accès sont relativement étroites.

    Le concours d’accès est ainsi unique (étudiants et professionnels réunis) et se tient tous les deux ans, en alternance avec la procédure de recrutement au tour extérieur.

    Les Concours

    Deux concours permettent d’accéder à la fonction de conseiller (article L. 221-3 du code des juridictions financières) :

    1. Le concours de l’Institut national du service public (INSP, ex-École nationale d’administration) pour les élèves formulant ce choix à la fin de leur scolarité. Au titre de 2024 : deux postes ont été ainsi attribués à des élèves de l’INSP ;
    2. Le concours direct (et unique). Dix postes ouverts au titre de 2024.

    Contrairement au concours de magistrat administratif, la sélectivité est plus forte au concours unique d’accès direct qu’au concours de l’Institut national du service public2.

    Toutefois, le faible nombre d’emplois offerts à l’issue de la scolarité plaide pour le passage du concours de conseiller si le candidat souhaite exercer en juridiction financière.

    Comme pour les magistrats administratifs, une formation statutaire est prévue pour les lauréats des concours dans les douze mois suivent l’entrée en fonction (article R. 221-3 et R. 228-7). Cette formation est assurée par la Cour des comptes et peut être complétée par une formation organisée par l’INSP. Elle est généralement assurée durant le premier semestre de l’année suivant la nomination.

    Le Tour Extérieur

    Il existe également une procédure de recrutement au « tour extérieur »3.

    Ouvert aux Agents Publics Ayant Dix ans d’Expérience

    Celle-ci est fixée à l’article L. 221-4 du code des juridictions financières. Elle concerne :

    • Les agents publics des trois versants de la fonction publique appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé4 et
    • Justifiant au 31 décembre de l’année considérée d’un minimum de dix ans de services publics dans un organisme relevant du contrôle de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes.

    Le nombre de places est fixé par arrêté du président de la Cour des comptes et ne peut pas être supérieur au nombre de places offertes au concours direct (dix places pour 2023).

    L’Examen des Candidatures par une Commission de Haut Niveau

    Cette inscription est prononcée par une commission chargée d’examiner les titres des candidats et qui comprend onze membres :

    • Le premier président de la Cour des comptes, président de la commission ;
    • Le procureur général près la Cour des comptes ou son représentant ;
    • Le président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes ;
    • Trois membres désignés respectivement par :
      • Le ministre chargé des Finances ;
      • Le ministre chargé de l’Intérieur ;
      • Le ministre chargé de la Fonction publique ;
    • Le directeur de l’Institut national du service public ou son représentant ;
    • Un magistrat de la Cour des comptes désigné par le conseil supérieur de la Cour des comptes et
    • Trois magistrats de chambres régionales des comptes désignés par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

    Cet examen se fait en deux temps :

    1. Une analyse du dossier de chaque candidat, puis
    2. Une audition par la commission des candidats dont les dossiers sont jugés satisfaisants.

    L’Établissement d’une Liste d’Aptitude

    La commission établit ensuite une liste d’aptitude, par ordre de mérite.

    Il ressort de l’analyse des résultats au tour extérieur que la quasi-intégralité des candidats retenus au tour extérieur sont ou ont été vérificateurs en chambre régionale des comptes5.

    Comme pour les magistrats recrutés par la voie du concours, et dans des modalités identiques, une formation à compter de leur entrée en fonction est prévue par le code des juridictions financières (article R. 221-10).

    S’agissant des affectations géographiques, quelques CRC concentrent les recrutements :

    Calculs personnels, à partir des postes ouverts sur les trois derniers tours extérieurs.
    Calculs personnels, à partir des postes ouverts sur les trois derniers tours extérieurs.

    Le Détachement (Qui Peut Être Suivi d’une Intégration)

    L’article L. 221-10 établi la liste des corps pouvant être détachés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes :

    • Les magistrats de l’ordre judiciaire ;
    • Les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’Institut national du service public ;
    • Les professeurs titulaires des universités ;
    • Les maîtres de conférences ;
    • Les fonctionnaires civils et militaires issus de corps et cadres d’emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable.

    Par ailleurs, l’alinéa 2 du même article L. 221-10 prévoit la possibilité pour certains contractuels justifiant d’une expérience professionnelle d’au moins six années d’activité « les qualifiant particulièrement » d’exercer des fonctions de magistrat des chambres régionales des comptes.

    Dans une communication de 20166, la Cour des comptes comptabilisait une centaine de personnels détachés dans des fonctions de magistrat en CRC (pour environ 350 magistrats en exercice). En majorité des administrateurs territoriaux.

    Autrement dit, près du quart des magistrats de CRC est constitué de fonctionnaires détachés7.

    Les Épreuves du Concours d’Accès au Grade de Conseiller (Concours Direct)

    Le concours direct est ouvert :

    • Aux agents publics appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé justifiant au 31 décembre de l’année du concours de sept ans de services publics effectifs, dont trois ans en catégorie A ;
    • Aux magistrats de l’ordre judiciaire ;
    • Aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Institut national du service public.

    La Composition du Jury

    Celle-ci est prévue par l’article R. 228-2 du code des juridictions financières8 et comprend dix membres :

    • La présidence du jury est assurée par le président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes assure la présidence du jury ;
    • Trois membres sont ensuite désignés par :
      • Le ministre chargé des Collectivités territoriales ;
      • Le ministre chargé du Budget ;
      • Le ministre chargé de la Fonction publique ;
    • Deux professeurs des universités (titulaires) ;
    • Un avocat général, un procureur financier ou un substitut général désigné par le procureur général près la Cour des comptes ;
    • Un président ou vice-président de chambre régionale des comptes ;
    • Deux membres du corps des magistrats de chambre régionale des comptes, proposés par le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes.

    La diversité des professionnels représentés témoigne du haut niveau de compétences attendu.

    Les Épreuves d’Admissibilité et d’Admission

    Les épreuves du concours de conseiller de chambre régionale des comptes sont particulièrement ramassées (article R. 228-4).

    Deux épreuves d’admissibilité) :

    • L’étude d’un dossier de finances publiques (quatre heures, coefficient 2) ;
    • Une composition sur un sujet de droit constitutionnel ou administratif (quatre heures, coefficient 1).

    Une épreuve d’admission consistant en une interrogation portant sur un sujet tiré au sort se rapportant à la gestion publique locale suivie d’une conversation d’ordre général avec le jury sur des questions juridiques (trente minutes de préparation et quarante-cinq minutes d’échanges, coefficient 2)9.

    Toute note inférieure à 5 est éliminatoire (article R. 228-5). Cependant, et contrairement au concours de magistrat administratif, il n’existe aucune limite à la présentation du concours.

    Contrairement au tour extérieur, les postes ouverts sont nettement mieux répartis, y compris dans certaines régions plus attractives :

    Calculs personnels
    Calculs personnels

    Le Programme des Épreuves

    Le programme est fixé par l’arrêté du 8 mars 2018 fixant le programme des épreuves du concours organisé pour le recrutement direct de conseillers de chambre régionale des comptes. Bien que les épreuves soient peu nombreuses, le nombre de matières à maîtriser se révèle important.

    Le programme des écrits

    Le cadre général des finances publiques :

    Les prélèvements obligatoires et les autres ressources publiques :

    Déficits et dette publics :

    Les finances de l’État :

    Les finances locales :

    Les règles comptables et le contrôle des finances publiques :

    En compléments, des éléments de droit public sont également attendus.

    Ici, vous pouvez vous rapporter au programme de droit public pour le concours de magistrat administratif.

    Les sujets pouvant susciter des questions à réponses courtes ou à une discussion juridique avec le jury portent sur les sujets suivants :

    L’organisation et les compétences des collectivités territoriales :

    La politique budgétaire et financière des collectivités territoriales :

    La gestion du personnel dans les CT (statut de la FPT).

    Les services publics locaux :

    Les collectivités territoriales et les citoyens (information et communication locales, concertation et participation des citoyens).

    Le contrôle des comptes et la gestion des organismes publics locaux et de leurs satellites :

    1. Agent de catégorie A chargé de l’assister dans son contrôle.
    2. Environ 4 % de réussite au concours unique de CRC. Il s’agit de l’un des concours les plus difficiles de la République.
    3. Le recrutement au tour extérieur est un recrutement sur dossier, après audition des candidats. De solides références juridiques et un parcours professionnel de haut niveau sont évidemment requis.
    4. Sont également listés les magistrats de l’ordre judiciaire, mais ces derniers n’ont en réalité aucun intérêt à passer le concours ou le tour extérieur, puisqu’ils peuvent être détachés dans le corps.
    5. Et, dans une moindre mesure, à la Cour des comptes.
    6. « Devenir magistrat de chambre régionale des comptes », Cour des comptes, 10 octobre 2016.
    7. Inversement, une soixantaine de magistrats de CRC étaient, à la date de l’enquête, en dehors des CRC. Soit un peu moins du cinquième (dont certains à la Cour des comptes).
    8. Ici encore, la ressemblance avec le jury du concours de conseiller de juridiction administrative n’est pas fortuite. Les mêmes exigences techniques et intellectuelles sont requises.
    9. L’épreuve orale est en réalité double et se rapproche en cela de celle prévue au concours direct pour l’accès aux fonctions de conseiller de tribunal administration et cour administrative d’appel.
  • La DGCCRF : Bilan, Enjeux et Perspectives pour Préparer le Concours

    La DGCCRF : Bilan, Enjeux et Perspectives pour Préparer le Concours

    Examen du rapport de la Cour des comptes d’avril 2025 consacré à la DGCCRF

    Temps de lecture : 13 minutes.

    Introduction

    La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a été créée en 1985.

    Administration du ministère de l’économie et des finances, son rôle principal consiste à maintenir « l’ordre public économique » et à assurer en particulier la protection du consommateur.

    L’analyse de la Cour s’inscrit dans un contexte de transformation numérique, de pression budgétaire et de nouveaux défis liés aux pratiques commerciales en ligne, à la mondialisation des échanges et à la transition écologique.

    Cet article propose une synthèse des éléments essentiels de ce rapport, en examinant tout particulièrement l’évolution des missions de la DGCCRF, les pouvoirs de contrôle des agents et le risque d’une « administration à deux vitesses » largement développé par la Cour.

    À l’issue de cette lecture, vous pourrez comprendre les grands enjeux de la DGCCRF et entrevoir un peu de la réalité du quotidien des agents de contrôle.

    Les Missions de la DGCCRF

    Les Missions Historiques de la DGCCRF sont Stables

    La DGCCRF a depuis 1985 trois grandes missions :

    • La concurrence et la lutte contre les pratiques restrictives de concurrence ;
    • L’information des consommateurs et la protection de leurs intérêts économiques ;
    • La sincérité et la loyauté des transactions commerciales, la qualité et la sécurité des produits et services offerts sur le marché, la certification de ces produits et services, les appellations d’origine, les fraudes et falsifications.

    En 2009, une nouvelle mission est assigné : le contrôle de métrologie légale1, en lien avec la direction générale de l’économie2.

    Un Champ de Compétences en Constante Transformation et Particulièrement Étendu

    En droit de la consommation ou droit commercial, les rapporteurs de la Cour des comptes ont comptabilisé, sur la période 2020-2023, une cinquantaine de nouveaux textes par an.

    L’instauration de dispositifs d’aides publiques aux consommateurs faisant l’objet de « fraudes massives » comme Ma Prime Renov’ ou le 100 % santé3.

    En juin 2024, la DGCCRF est ainsi habilitée par 76 groupes de textes législatifs et codes différents. Autrement dit, la compétence de la DGCCRF en droit français est quasiment universelle dans le champ économique4.

    Une Transformation des Pratiques de Consommation

    La consommation des ménages représente la moitié du produit intérieur brut (PIB) français.

    Si la part de cette consommation est stable dans le temps, sa composition évolue fortement :

    • Développement du numérique, avec de nouveaux acteurs (influenceurs, comparateurs en ligne, drop shiping) et de nouvelles pratiques (« faux avis ») ;
    • Demande de transparence accrue du consommateur sur les produits, leur comparabilité ;
    • Transition écologique et environnementale et multiplication des allégations de la part des producteurs ;
    • Consommation accrue de services5.

    Les Pouvoirs de Contrôle et de Sanction de la DGCCRF sont Très Étendus et se sont Renforcés depuis 2012

    Le Programme National d’Enquêtes (PNE)

    Le programme national d’enquêtes vise à garantir un niveau d’activité sur des thèmes prioritaires pour le gouvernement.

    Il est établi annuellement. Ce qui suppose une communication importante à l’attention des inspecteurs et des contrôleurs afin de garantir son application.

    La Différence entre les Contrôles et les Enquêtes

    Contrairement à ce que son intitulé pourrait laisser entendre, il porte essentiellement sur des « contrôles », entendu comme la vérification d’une pratique professionnelle pour s’assurer de sa régularité.

    « L’enquête » désigne « la recherche méthodique, l’analyse, le recoupement des éléments de preuves susceptibles de qualifier matériellement une fraude. »

    Des Pouvoirs de Contrôle Importants

    Les inspecteurs de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (CCRF) peuvent notamment :

    • Accéder aux locaux utilisés par les professionnels afin d’y recueillir des documents et des renseignements, et d’y effectuer des constatations ;
    • Se faire communiquer tout document (contrats, factures) utile à leurs missions ;
    • Prendre un échantillon ou prélever un produit aux fins d’analyse pour démontrer le manquement ou l’infraction ;
    • Consigner provisoirement des marchandises pour empêcher leur commercialisation, dans l’attente de résultats de contrôles ;
    • Saisir des marchandises non conformes ;
    • Utiliser une identité d’emprunt pour pouvoir vérifier la conformité des procédures de vente sur internet ;
    • Différer la révélation de leur qualité d’enquêteur de la CCRF et commencer leurs investigations incognito ;
    • Se faire accompagner lors de leurs contrôles par une personne qualifiée dans un domaine utile au contrôle.

    La Déjudiciarisation des Sanctions de la DGCCRF : l’Essor des Amendes Administratives

    Depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », la DGCCRF est dotée d’importantes prérogatives auparavant dévolues au juge.

    L’éventail de sanctions est désormais particulièrement étendu et permet à l’agent de proportionner sa sanction aux manquements constatés :

    • Les suites pédagogiques, en cas de manquement ou infraction de faible gravité (avertissement) ;
    • Les suites correctives, pour obtenir du professionnel une mise en conformité rapide :
      • Amendes (de faibles montants),
      • Injonctions,
      • Rappels de produits (avec obligation pour l’entreprise d’informer les consommateurs),
      • Publication aux frais de l’entreprise d’une décision de sanction.
    • Les sanctions, en cas de comportement grave du professionnel :
      • Mise en demeure (l’entreprise doit se mettre en conformité dans un délai donné) ;
      • Amendes administratives (avec des montants parfois très élevés, notamment en cas de pratiques anticoncurrentielles) ;
      • Retrait ou suspension de produits ;
      • Fermeture temporaire ou définitive de l’établissement.

    Par ailleurs, la DGCCRF dispose aussi d’un pouvoir de transaction qui lui permet de négocier directement avec l’entreprise.

    Une Direction d’Administration Centrale en Interaction avec la Quasi-Totalité des Ministères

    La DGCCRF est une direction spécialisée et pour autant riche de partenariats nombreux6.

    La direction de la consommation et de la concurrence a, en effet, des relations étroites avec plusieurs ministères :

    • L’environnement : direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et direction générale de la prévention des risques (DGPR) ;
    • L’alimentation et l’agriculture : direction générale de l’alimentation (DGAL) ;
    • L’économie et les finances : direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), Tracfin ;
    • L’intérieur : direction générale de la police nationale (DGPN) ;
    • Les affaires sociales (travail et santé) : la direction générale du travail (DGT) et la direction générale de la santé (DGS).

    Outre ce riche écosystème, la DGCCRF travail également avec :

    • Des autorités administratives indépendantes comme :
      • L’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ;
      • L’autorité de la concurrence (ADLC) ;
      • L’autorité nationale des jeux (ANJ) ;
      • L’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ;
      • La commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil)
    • Des établissements publics chargés d’une mission de régulation sectorielle :
      • L’agence nationale des fréquences (ANFR) ;
      • L’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ;
      • L’institut national des appellations d’origine (INAO) ;
      • D’autres organismes comme le centre européen des consommateurs (CEC).

    Le Risque d’une Administration à Deux Vitesses

     « En matière de protection du consommateur, l’action de la DGCCRF oscille entre deux extrêmes : d’un côté, elle doit lutter contre une fraude organisée de plus en plus massive et sophistiquée, de l’autre, elle doit maintenir, par ses contrôles standards, une vigilance sur l’ensemble des opérateurs économiques. »

    Le Service National des Enquêtes (SNE)

    Le service national des enquêtes (SNE) a été créé en 2009. Il s’agit d’un service à compétence nationale, rattaché directement à la DGCCRF.

    Composé de 85 agents répartis sur huit sites7, le service vise la réalisation d’enquêtes portant sur des sujets nouveaux8 ou nécessitant une mobilisation rapide et spécifique.

    Le SNE n’est pas véritablement concerné par le PNE précédemment évoqué afin de disposer d’une réactivité lui permettant de réagir aux signalements ou saisines des services judiciaires pour la réalisation d’enquêtes pénales.

    La Cellule de Renseignement Anti-Fraude Économique (Crafe)

    Créée en 2021 et composée de treize enquêteurs9, Crafe apporte un soutien opérationnel aux enquêteurs pour détecter des fraudes plus complexes.

    L’activité de la cellule connait une croissance rapide, de 32 dossiers traités en 2021 à 272 en 2023 et 121 pour le seul premier trimestre 2024.

    La Crafe échange des informations opérationnelles et des signalements avec les services de renseignement, afin de traiter la fraude sous tous ses aspects (fiscal, social, douanier…). La Crafe est désormais le point de contact officiel de la DGCCRF avec Tracfin et les services qu’enquêtes de la police et de la gendarmerie nationales.

    Des Réseaux d’Experts, en Complément de l’Organisation Pyramidale de la DGCCRF

    La DGCCRF compte également 22 réseaux de contrôles et 340 référents techniques régionaux (RTR).

    Ceux-ci couvrent des domaines thématiques :

    • Banque et assurance ;
    • Compléments alimentaires ;
    • Jouets ;
    • Logement et immobilier ;
    • Produits chimiques et biocides, etc.

    Une Organisation Régionalisée : les Pôles C des DREETS

    Au niveau régional, les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) disposent chacune d’un « Pôle C » dédié aux services de la DGCCRF.

    Si les services du Pôle C au sein de la DREETS peuvent assurer quelques missions opérationnelles (notamment en matière concurrentielle), leur rôle principal est celui d’interface entre les services départementaux et la DGCCRF :

    • Soutien, par le conseil et l’organisation de formations ;
    • Pilotage, par la répartition des contrôles et l’élaboration de plans régionaux déclinant le PNE ;
    • Animation, par l’affectation de moyens, budgétaires et humains, mais sans lien hiérarchique avec les directions départementales.

    L’effectif total des Pôles C des DREETS s’élève à 424,7 ETP en 2024, en baisse de 15 % sur la période 2017-2024. 

    Le Niveau Départemental : Cœur du Contrôle de la DGCCRF

    Les services CCRF sont placés directement sous l’autorité du préfet depuis 201010 et la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE).

    Toutefois, pour la Cour des comptes, cette réforme est peu adaptée aux missions de la DGCCRF :

     « En plaçant les services départementaux de la DGCCRF sous l’autorité unique du préfet chargé d’en assurer la coordination, elle a contribué à les enserrer dans une organisation et un périmètre d’intervention qui correspond de moins en moins à la réalité de leurs missions. En effet, l’activité de la DGCCRF est moins orientée par les limites administratives entre départements que par les zones de chalandises et les bassins d’activité, dont les limites coïncident rarement, a fortiori avec le développement du commerce en ligne. »

    De fait, la synergie est donc plutôt assurée par les comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf), que par les préfets.

    Une Activité en Recul et de Plus en Plus Orientée vers la Protection des Consommateurs

    La répartition des activités de contrôle et d’enquête évolue de plus en plus en faveur de la protection des consommateurs.

    Le nombre de visites a baissé de 40 % de 2017 à 2023, pour une pluralité de raisons11.

    En conséquence, l’activité se concentre de plus en plus dans les départements les plus dotés :

    En 2023, une vingtaine de départements représentent la moitié des visites.

    Une Gestion des Ressources Humaines Jugée Corporatiste et Rigide

    Le budget de la DGCCRF est essentiellement consacré aux dépenses de personnel. Celles-ci sont en hausse, malgré la baisse des effectifs, du fait des revalorisations du point d’indice et de diverses mesures indemnitaires12.

    Par ailleurs, les effectifs CCRF sont essentiellement des catégories A, en raison de la volonté de positionner le corps sur des missions d’inspection et d’expertise13 :

    Une Répartition Territoriale Inégale qui Interroge sur la Capacité à Maintenir un Niveau Minimal d’Expertise et de Contrôle dans Certains Départements

    Si les effectifs sont encore en majorité dans les services déconcentrés (1 500 ETP), on constate un recentrage des missions, via notamment le SNE évoqué plus haut (84 ETP), mais également le service Réponse Conso (41 ETP).

    Par ailleurs, les effectifs en DDI ont évolué de manière très différenciée depuis 2017 :

    • Une baisse de près de 35 % des effectifs pour les départements les moins peuplés (qui comptent à peine quelques agents),
    • Une augmentation des effectifs de 4 % en Ile-de-France.

     « Ces évolutions traduisent une priorisation, dans un contexte global de réduction des effectifs, sur les départements les plus peuplés et dans lesquels le tissu économique est plus dense, ce qui n’est pas en soi contestable. Elles n’en posent pas moins deux questions qui touchent à l’efficacité de l’action de la DGCCRF sur l’ensemble du territoire et à l’égalité de traitement entre citoyens. »

    Une Logique de Corps Parfois en Décalage Avec les Besoins

    Au 31 décembre 2022, les corps CCRF comptaient 2 658 agents, dont 92 % occupaient des fonctions au sein de la DGCCRF. S’y ajoutent une cinquantaine d’emplois fonctionnels : directeurs départementaux ou directeurs adjoints.

    Le corps sait fidéliser ses agents : seuls 5 % des membres du corps sont positionnés à l’extérieur de la DGCCRF et des emplois de direction correspondants.

    Cette forte cohérence entre une administration et les corps qui exercent ses missions traduit toutefois une absence de réflexion sur la réalité des tâches confiées aux agents, qui toutes ne nécessitent pas un même niveau de compétence. Sur les 72 métiers du référentiel des métiers et des compétences, seuls 13 relèvent de la famille professionnelle CCRF.

    Une Forme de Surqualification des Agents CCRF au Regard des Missions de Contrôles Réalisées

    75 % des membres du corps sont de catégorie A et 9 % exercent des fonctions d’encadrement, sans missions d’enquêtes. 14 % des membres du corps sont de catégorie B.

    Cependant, pour les enquêteurs, la démarcation entre les missions des inspecteurs (catégorie A) et les contrôleurs (catégorie B) n’est pas évidente. Les uns et les autres se voyant confier indistinctement les tâches de contrôle, comme les enquêtes complexes.

    Pour la Cour, un repyramidage et une ouverture à des corps interministériels et administratifs s’imposent, afin de décharger les agents de certaines tâches annexes :

    Le pilotage par les indicateurs et la volonté politique d’illustrer la présence de la DGCCRF par le nombre de contrôles réalisés et d’infractions constatées ont conduit à faire réaliser des missions de contrôle, à la valeur ajoutée limitée, indifféremment par des inspecteurs et des contrôleurs, dans des proportions qui peuvent paraître excessives pour les agents de catégorie A.

    Il convient de s’interroger sur l’efficience de ces pratiques qui mobilisent un personnel surqualifié, ce qui se traduit autant par un coût élevé au regard de l’utilité que par une démotivation des agents concernés.

    Des Processus de Mobilités Mettant Peu en Valeur les Compétences et l’Expertise

    Le processus de mobilité interne (de 150 à 200 mutations par an) répond principalement aux aspirations de mobilité géographique des agents.

    Il existe deux procédures de mobilité au sein de la DGCCRF :

    • Le « tableau de mutation »14 qui est établi sans spécification relative aux besoins de compétences ou de spécialisation, à partir de critères légaux (rapprochement de conjoint, handicap, etc.) et d’une pondération en fonction de l’ancienneté et du lieu d’affectation. Les postes non pourvus dans le cadre de cette procédure étant attribués aux lauréats du concours.
    • Les « postes à profil », essentiellement pour l’administration centrale et le SNE.

    Le système du « tableau de mutation » apparaît très rigide (une seule campagne annuelle, donc un poste peut être vide onze mois) et en décalage avec le besoin d’expertise désormais requis par les services, selon la Cour.

    Un Régime Indemnitaire Qualifié par la Cour de « Rigide et Obsolète »

    Le régime indemnitaire des agents de la CCRF, dans sa configuration actuelle, a été mis en place en 2003.

    Il est constitué de :

    • L’indemnité d’administration et de technicité (IAT) ou de l’indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS),
    • La prime de rendement (PR) et
    • L’allocation complémentaire de fonction (ACF).

    Le barème de chaque prime est strictement parallèle à la grille indiciaire, avec un niveau de prime pour chaque échelon. Seule l’ACF peut varier en fonction de la résidence administrative.

    Un barème spécifique, reposant sur les mêmes principes, est institué pour les encadrants.

    Ce régime indemnitaire repose donc intégralement sur le grade et l’ancienneté des agents, sans aucune part variable, même pour la prime de rendement. À l’image de la DGFIP et de la DGDDI, la DGCCRF a jusqu’à présent fait le choix – soutenue par les organisations syndicales – de ne pas mettre en place le RIFSEEP15.

    La Cour est particulièrement sévère sur ce régime indemnitaire, qui lui semble préjudiciable aux missions de la DGCCRF :

    « Compte tenu des difficultés à maintenir un niveau d’expertise technique suffisant à l’échelle de chaque DDI, l’effectivité de l’action de la DGCCRF sur le terrain repose de plus en plus sur la capacité de certains agents à exercer leurs fonctions sur un territoire plus vaste (mutualisations interdépartementales), à s’investir dans l’animation d’un réseau ou à développer une expertise technique qui fasse référence à l’échelle régionale. Il y a donc un paradoxe à maintenir une architecture administrative dont l’efficacité repose de plus en plus, et de manière systémique, sur la capacité de certains agents à dépasser le cadre d’action habituel alors que le régime indemnitaire repose intégralement sur l’ancienneté. »

    1. Ensemble des exigences et procédures de contrôle imposées par l’État pour garantir la fiabilité de certains instruments de mesure : balances, pompes à essence, taximètres, thermomètres, compteurs d’eau, de gaz, de fioul…
    2. Inversement, en 2022, la police en charge de la sécurité sanitaire des aliments est désormais sous le pilotage unique du ministère de l’agriculture. Une soixantaine d’ETP ont rejoint le ministère de l’agriculture. L’ensemble constitue un corps d’inspection d’environ 150 ETP.
    3. D’autres dispositifs comme le Compte personnel de formation (CPF) ont également pu nécessiter l’attention de la DGCCRF. Toutefois, en matière de formation professionnelle, le ministère du travail et de l’emploi dispose de son propre corps d’inspection.
    4. En revanche, la DGCCRF n’est pas compétente s’agissant de litiges d’ordre contractuel, lié à l’inexécution ou la mauvaise exécution (alléguée) du contrat. Seul le juge judiciaire est le juge du contrat. Il en est de même en matière de pratique commerciale (jugée) déloyale. La partie s’estimant lésée devant s’adresser au juge judiciaire.
    5. Tendance qui s’inscrit dans une dynamique plus large : les dépenses de santé, communication, loisirs et culture sont en très forte hausse sur les trente dernières années. Inversement : la part de dépenses consacrée aux biens (notamment les vêtements) et à l’alimentation est en baisse.
    6. Pour coordonner ses actions, la DGCCRF a ainsi formalisé 18 protocoles, principalement bilatéraux.
    7. Lille, Strasbourg, Montpellier, Lyon, Bordeaux, Rennes, Morlaix.
    8. Le SNE dispose notamment d’une expertise sur les sujets numériques, comme les crypto-actifs. Une cellule de recherche et développement en matière numérique a même été constituée en 2018 pour promouvoir l’utilisation de méthodes et outils innovants : vérification automatique des avis publiés sur internet, recherche et collecte de preuves numériques…
    9. Objectif de seize enquêteurs pour fin 2024.
    10. Au sein des directions interministérielles chargées de la protection des populations.
    11. Baisse des effectifs (- 4 % sur la période), postes de contrôle vacants, volonté de privilégier les enquêtes (plus longues) aux contrôles, transfert en 2023 du contrôle de la sécurité sanitaire des aliments, management inégal et un temps important consacré à la formation du fait de l’instabilité légale et règlementaire.
    12. Dont une harmonisation des régimes indemnitaires des agents CCRF en 2022, pour 3,1 millions d’euros.
    13. Un mouvement similaire a été pris par l’inspection du travail, avec la mise en extinction du corps de contrôleur du travail de catégorie B. Plus largement, on constate une augmentation de du nombre d’agents de catégorie A dans la fonction publique d’État.
    14. Le fonctionnement des mutations est quasiment identique pour la DGDDI et la DGFiP.
    15. Créé en 2014, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) s’inscrit dans le cadre d’une démarche de simplification du paysage indemnitaire. Il comprend une prime annuelle, en fonction des résultats de l’agent (le Complément indemnitaire annuel) et un Indice en fonction des sujétions et de l’expertise (l’IFSE) : qui évolue selon les responsabilités de l’agent, sa manière de servir, etc. C’est le régime indemnitaire des attachés d’administration de l’État et des administrateurs de l’État.
  • Comment devenir juge administratif ?

    Comment devenir juge administratif ?

    Temps de lecture : 6 minutes.

    101 magistrats de tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et de la Commission nationale du droit d’asile ont été recrutés sur 2024.

    Le rapport public du Conseil d’État sur l’activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2024 permet d’abord de se représenter l’activité de ces magistrats :

    • Environ 600 000 litiges enregistrés sur l’exercice 2024 (+ 8 %), dont 280 000 enregistrés par les seuls tribunaux administratifs1 ;
    • Une durée moyenne prévisionnelle de jugement de onze mois pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, cinq mois à la Commission nationale du droit d’asile (CNDA) et six mois au Conseil d’État ;
    • Près de 1 300 magistrats et plus de 2 000 agents de greffe et soutien dans les tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et de la CNDA. Environ 240 membres du Conseil d’État et 400 agents de soutien.
    • Des affaires constituées pour près de la moitié par le contentieux des étrangers, suivi du contentieux des agents publics, du logement, des aides sociales.
    Extrait du rapport annuel du Conseil d’État sur l’exercice 2024
    Extrait du rapport annuel du Conseil d’État sur l’exercice 2024

    Les modes d’accès à la fonction de magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

    Les concours

    Deux concours permettent d’accéder à la fonction de conseiller (article L. 233-2 du code de justice administrative) :

    1. Le concours de l’Institut national du service public (ex-École nationale d’administration) pour les élèves formulant ce choix à la fin de leur scolarité. Relativement minoritaire : environ 10 % des entrées dans le corps ;
    2. Par un concours direct (externe ou interne), devenu la voie normale d’accès : environ 50 % des entrées dans le corps ;
      1. Le concours externe : ouvert aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Institut national du service public (niveau licence) ;
      2. Le concours interne : pour les agents publics, civils ou militaires, ainsi que les magistrats de l’ordre judiciaire justifiants, au 31 décembre de l’année du concours, de quatre années de services publics effectifs.

    Si votre souhait est de devenir magistrat, vous n’avez pas d’intérêt à passer le concours de l’Institut national du service public (sauf à vouloir multiplier vos chances) :

    • La sélectivité est plus élevée au concours de l’Institut national du service public2 ;
    • La formation est nettement plus longue (deux ans, contre six mois pour le concours direct) et
    • La diversité des postes proposées à l’issue de la formation constitue un aléa.

    Le tour extérieur

    Il existe plusieurs procédures de recrutement au « tour extérieur »3 :

    1. Celle de l’article L. 233-3 du code de justice administrative, qui offre accès au grade de conseiller pour :
      1. Les fonctionnaires civils ou militaires justifiants d’au moins dix ans de services publics effectifs dans un corps ou un cadre d’emplois de catégorie A ;
      2. Les magistrats de l’ordre judiciaire.
    2. Celle de l’article L. 233-4 du même code, qui offre accès au grade de premier conseiller pour les cadres supérieurs des trois fonctions publiques justifiant d’au moins huit ans de services effectifs dans les corps listés4.

    Chaque année, le vice-président du Conseil d’État détermine le nombre d’emplois à pourvoir au titre du L. 233-3 et du L. 233-4 précités.

    Concrètement, l’essentiel des candidats et des nommés relève de la catégorie 1.1 : attachés d’administration (des trois versants), inspecteurs des finances publiques, etc.

    Le tour extérieur concerne environ 15 % des entrées annuelles dans le corps.

    Le détachement (qui peut être suivi d’une intégration)

    Pour les corps suivants, il est possible de solliciter un détachement en qualité de conseiller ou de premier conseiller :

    • Les fonctionnaires recrutés par la voie de l’Institut national du service public ;
    • Les professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités ;
    • Les administrateurs des assemblées parlementaires et
    • Les fonctionnaires civils ou militaires de l’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois de niveau équivalent à celui des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel5.

    S’ils satisfont aux critères des articles L. 233-3 et L. 233-4 précités, ils peuvent alors demander l’intégration dans ce corps ; aux grades de conseiller ou de premier conseiller.

    Le détachement est le mode d’accès le plus aisé pour les corps précités. La procédure formelle de sélection au tour extérieur étant nettement plus lourde et complexe.

    22 % des entrées dans le corps se font par la voie du détachement, qui est donc un instrument important de gestion.

    Ce haut niveau témoigne également de l’attractivité de ce corps.

    En synthèse

    Extrait (chapitre 2) du guide pratique du site www.lesja.fr consacré au recrutement
    Extrait (chapitre 2) du guide pratique du site www.lesja.fr consacré au recrutement

    Les épreuves du concours d’accès au grade de conseiller (concours direct)

    L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État a abrogé l’article L. 233-6 consacré au « recrutement direct ».

    Pour autant, la partie règlementaire du code de justice administrative continue d’y faire référence et fixe plusieurs principes.

    Tout d’abord, deux règles importantes :

    L’impossibilité de se présenter plus de trois fois au concours (R. 233-9)6 et le caractère éliminatoire de toute note inférieure à 5 (R. 233-11)

    La composition du jury

    Celle-ci est prévue par l’article R. 233-8 du code de justice administrative :

    • Le chef de la mission permanente d’inspection des juridictions administrative (président du jury) ;
    • Un représentant du ministre de la justice ;
    • un représentant du ministre chargé de la fonction publique ;
    • Deux professeurs titulaires d’université et
    • Deux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel7.

    La diversité des professionnels représentés témoigne du haut niveau de compétences attendu.

    Les épreuves d’admissibilité et d’admission

    Les trois épreuves d’admissibilité (1° du R. 233-11 du code de justice administrative) :

    • L’étude d’un dossier de contentieux administratif (quatre heures, coefficient 3). L’épreuve la plus déterminante ;
    • Une épreuve constituée de (en général, quatre) questions portant sur des sujets juridiques ou administratifs appelant une réponse courte (une heure et demie, coefficient 1) ;
    • Une dernière épreuve (quatre heures, coefficient 1), suivant l’origine des candidats :
      • Concours externe : dissertation portant sur un sujet de droit public ;
      • Concours interne : note administrative portant sur la résolution d’un cas pratique posant des questions juridiques.

    Deux épreuves d’admission :

    • Une épreuve orale portant sur un sujet de droit public suivie d’une conversation avec le jury sur des questions juridiques (trente minutes de préparation et trente minutes d’échanges, coefficient 2) ;
    • Un entretien avec le jury portant sur le parcours et la motivation du candidat (vingt minutes, coefficient 2).

    Le programme des épreuves

    L’étude d’un dossier de contentieux, la dissertation portant sur un sujet de droit public (concours externe) et le programme de sujets de droit public tirés au sort par les candidats lors de la première épreuve d’admission portent sur les sujets suivants :

    Quelques éléments fondamentaux de droit public :

    Le droit constitutionnel :

    Le droit administratif :

    Le contentieux administratif :

    Les sujets pouvant susciter des questions à réponses courtes ou à une discussion juridique avec le jury portent sur les sujets suivants :

    La gestion des administrations :

    Quelques éléments sur les grandes politiques publiques :

    Le droit de la fiscalité :

    Enfin, des notions fondamentales de :

    • Droit civil et de procédure civile ;
    • Droit pénal et de procédure pénale.
    1. 200 000 pour le tribunal du stationnement pays, 56 500 pour la Cour nationale du droit d’asile, 31 500 pour les cours administratives d’appel et 9 500 pour le Conseil d’État.
    2. Environ 6 % au titre du concours externe pour 2023, contre 10 % pour le concours externe direct. Pour le concours interne, le constat est plus nuancé, le taux de sélectivité étant d’environ 10 % à l’INSP, contre 12 à 13 % pour le concours interne direct.
    3. Le recrutement au tour extérieur est un recrutement sur dossier, après audition des candidats. De solides références juridiques et un parcours professionnel de haut niveau sont évidemment requis.
    4. Fonctionnaires de l’INSP, fonctionnaires de catégorie A ou cadre d’emplois de même niveau et titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours d’entrée de l’INSP, magistrats de l’ordre judiciaire, professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, administrateurs territoriaux, personnels de direction des établissements de santé et autres établissements (directeur d’hôpital et directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social).
    5. En pratique, cela recouvre les corps cités à l’article L. 233-4 de la note de bas de page précédente. Le Conseil d’État est chargé d’établir la liste.
    6. On peut s’interroger sur la portée de cette disposition attachée à un article abrogé. Ici, le concours de magistrat administratif se distingue de celui de juge judiciaire où le nombre de passage n’est pas limité. Régulièrement des élèves de l’Ecole nationale de la magistrature ont ainsi passés plus de trois fois le concours avant d’être admis.
    7. Nommés par arrêté du vice-président du Conseil d’État, sur proposition du Conseil supérieur des tribunaux administratives et des cours administratives d’appel.