Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 5)
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Nouvelle analyse du rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique avec un regard centré sur les besoins en recrutements :
Au niveau global, les trois fonctions publiques confondues ;
Les différences entre les fonctions publiques ;
Les différences avec le secteur privé et les spécificités au sein de ces fonctions publiques.
La fonction publique dans l’emploi total
En 2019, un travailleur sur cinq est un agent public de l’un des trois versants de la fonction publique :
9 % travaillent pour la fonction publique d’État (professeurs, policiers, militaires, inspecteurs des finances publiques, douanes… agents administratifs) ;
7 % travaillent pour la fonction publique territoriale ;
5 % travaillent pour la fonction publique hospitalière.
Une relative concentration des emplois sur certaines familles professionnelles
La notion de familles professionnelles
La nomenclature des familles professionnelles a été créée dans les années 80 par la direction statistique du ministère du Travail en rapprochant les statistiques de l’INSEE de celles gérées par l’opérateur chargé du placement dans l’emploi (désormais France travail).
Une famille professionnelle réunit des métiers présentant des niveaux de qualification identiques et relevant de compétences professionnelles proches.
Les métiers publics et les familles professionnelles
20 familles professionnelles (sur 83) couvrent la quasi-totalité de l’emploi public (93 %), le secteur public présente donc une concentration des emplois sur certaines familles professionnelles.
Les besoins de recrutement des trois fonctions publiques : État, territoriale et hospitalière
Le déséquilibre général ne semble pas insurmontable, bien que des divergences existent entre les fonctions publiques
Les besoins de recrutements de la fonction publique prise au global ne sont pas inquiétants. Toutefois, la situation diverge entre catégorie d’employeurs :
La fonction publique d’État occupe une position relativement favorable, ses besoins de recrutements étant plus faible ;
La fonction publique hospitalière devrait être confrontée à un « déséquilibre modéré », compte tenu d’un nombre de jeunes professionnels importants en début de carrière. L’enjeu du secteur hospitalier tient à la fidélisation de son personnel ;
L’analyse par métier peut être également préoccupante
Lorsqu’on regarde les déséquilibres par famille de métiers, le constat global apparaît plus nuancé, avec de vraies spécificités selon les métiers :
« Le besoin en cadre B et A est par exemple très problématique. »
« Dans ces métiers, les effectifs de jeunes débutants devraient être insuffisants pour remplacer les nombreux postes laissés vacants par les seniors ou nouvellement créés. »
L’analyse par besoins de recrutements dans les familles de métiers n’exclut pas un recoupement par employeurs, avec de nouvelles divergences pour des qualifications pourtant similaires :
Le cas spécifique des collectivités territoriales
Une population vieillissante, confrontée à d’importants départs en retraite
Sur les besoins au titre des départs en retraite :
« Les collectivités territoriales devraient être confrontées à des départs massifs : plus d’un tiers de leurs postes seraient laissés vacants par les seniors, soit une augmentation de 6 points de pourcentage par rapport à la décennie passée (2008-2019). »
Trois familles professionnelles représentent près de la moitié de l’emploi des collectivités territoriales :
Les agents d’entretien (éboueurs, nettoyage de locaux, petit entretien, etc.) ;
Les employés administratifs de la fonction publique (officier ou officière d’état civil par exemple), et
Les professions intermédiaires administratives de la fonction publique (gestion financière et des ressources humaines par exemple).
Des besoins importants du fait de l’évolution de la société
A ces départs en retraite plus élevés que dans le privé répond des besoins également plus élevés que dans le privé :
Comme énoncé en introduction du rapport de France stratégie, différents éléments se conjuguent comme l’emploi des femmes et entraînent une augmentation des besoins sociaux auxquelles les collectivités et le secteur hospitalier devront répondre :
« Le vieillissement de la population implique des besoins de santé et de services de maintien à domicile des personnes âgées en perte d’autonomie en forte augmentation : on compte entre 275 000 et 490 000 seniors supplémentaires en situation de dépendance entre 2020 et 2030 selon les scénarios de la DREES1. »
En conséquence :
« Ce sont dans les collectivités locales que la part des besoins de recrutement devra être – en pourcentage de l’emploi 2019 – la plus importante des secteurs publics et privé. Leur dynamique passée d’emploi a été plus forte que dans les autres versants en raison notamment des transferts de compétences qui ont accompagné les lois de décentralisation. Prolongée à 2030, cette tendance aboutirait à une création d’emploi du même ordre de grandeur que dans le reste de l’économie. Si on l’ajoute aux départs très nombreux des seniors, quatre postes actuels sur dix devraient être à pourvoir d’ici 2030, contre trois sur dix en moyenne. »
Et peu de jeunes pour y répondre
La problématique essentielle des collectivités tient en effet au vivier : peu de jeunes sont intéressés et ont réalisé un cursus scolaire les destinant à rejoindre le secteur territorial.
DREES 2024, protection et besoins des populations âgées dépendantes entre 2015 et 2050. ↩
La IIIe République est née des circonstances, dans un régime où le parlementarisme dispose de l’essentiel des prérogatives, mais demeure très fragmenté pour faire face à des enjeux considérables :
Deux guerres mondiales et
La plus grande crise économique de l’histoire contemporaine.
Événements induisant, à intervalles réguliers, une forte instabilité gouvernementale.
Dans cette période particulièrement troublée, la maitrise des enjeux budgétaires présente un caractère stratégique. Pour autant, en dépit de projets de réformes administratives esquissés avant la Grande Guerre, il faut attendre 1919 pour assister à la naissance de la direction du Budget.
Celle-ci est donc pleinement la « fille de la Grande Guerre » selon l’expression de Florence Descamps.
La création de la direction du Budget en 1919 : les objectifs et la méthode
Le travail de deux hommes : Georges Clemenceau et Louis-Lucien Klotz
Comme pour le ministère du Travail, le personnage clé est une nouvelle fois le président du Conseil Clemenceau. La mise en œuvre étant réalisée sous la supervision d’un ministre des Finances particulièrement important et connaisseur : Louis-Lucien Klotz.
M. Lucien Klotz.
Celui-ci a, en effet, été :
Deux fois ministre des Finances avant la guerre,
Rapporteur général du budget auprès de la chambre des députés,
Président la commission du budget et des dommages de guerre à compter de 1915,
Enfin, ministre des Finances en septembre 1917.
Comme ministre des Finances, il est également entré dans l’histoire comme l’un des cinq signataires français du traité de Versailles, avec :
Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre ;
Stephen Pichon, ministre des Affaires étrangères ;
Un travail mené en commissions parlementaires de 1917 à 1918
La première commission parlementaire, à l’initiative de Louis-Lucien Klotz, est présidée par le sénateur Justin de Selves. Celle-ci travaille au contrôle de l’exécution budgétaire avec des experts en finances publiques comme le professeur de droit Gaston Jèze.
La seconde est présidée par Louis Courtin2 et est consacrée à la réorganisation de l’administration centrale des finances.
Ces deux commissions proposent la création d’une direction du Budget indépendante et spécialisée afin de pouvoir piloter plus efficacement3 la dépense.
Un pilotage déjà mis en œuvre au Royaume-Uni et une prise de conscience internationale de la nécessité d’un pilotage budgétaire
Le Treasury britannique dispose déjà d’une ancienneté remarquable avec une centralisation des dépenses et un fort pouvoir budgétaire.
Le système français entend donc réaliser une forme de rattrapage sur le modèle britannique.
Ce rattrapage est toutefois relatif :
L’Allemagne présente une trajectoire semblable à la France avec la création en 1919 d’un ministère des Finances centralisé, le : Reichsministerium der Finanzen ;
De même, les États-Unis créent leur Bureau of the Budget via le Budget and account Act en 1921.
De discussions relativement rapides4 aboutissant à la loi du 21 octobre 1919
Le ministre Klotz dépose donc un projet de loi avec un article portant création d’un emploi supplémentaire de directeur (d’une manière similaire, encore une fois, à la création du ministère du Travail)5, mais la commission du budget repousse quatre fois le projet. En effet, le rapporteur à la chambre des députés, Albert Grodet, plaide pour des économies budgétaires et la suppression de postes de cadres6.
L’article du projet de loi est finalement voté le 17 octobre 1919 après un amendement du député Paul Laffont. Celui-ci propose un compromis par la création de deux directions « simples » en lieu et place de directions générales :
« L’inspecteur général des finances, contrôleur des dépenses engagées au ministère des Finances, aura le grade de directeur à l’administration centrale de ce ministère. »
La loi du 21 octobre 1919 portant ouverture et annulation de crédits sur l’exercice 1919 constitue l’une des dernières lois du gouvernement d’Union nationale de Clemenceau. Elle est publiée au Journal officiel le lendemain.
Les élections législatives se tiennent moins d’un mois après la publication, le 16 novembre.
L’organisation du nouveau ministère des Finances après la loi d’octobre 1919
La publication rapide de deux décrets en novembre 1919
Dans les jours qui suivirent le vote et la publication de la loi, le Gouvernement fait paraître deux décrets matérialisant cette transformation du ministère des Finances :
Le décret du 7 novembre 1919 modifiant le décret du 1ᵉʳ décembre 1900 concernant l’organisation centrale du ministère des Finances (publié au Journal officiel du 16 novembre 1919)7 et
Le décret du 15 novembre 1919 modifiant le nombre et les attributions des bureaux de l’administration centrale du ministère (également publié au journal officiel du 16 novembre).
L’administration centrale est alors composée selon une structuration rappelant l’organisation actuelle, à l’exception des commis et expéditionnaires8 :
Commis principaux ou commis d’ordre et de comptabilité,
Expéditionnaires principaux et expéditionnaires.
À ces agents administratifs s’ajoutent quelques traducteurs, des agents d’entretien, deux douzaines d’agents de service et de sécurité et près de 260 huissiers, gardiens de bureau, concierges, ordonnances ou assimilés.
L’insertion de la direction du budget dans le ministère des Finances
Deux bureaux de la direction générale de la Comptabilité publique, déjà chargés avant 1914 d’établir le budget, sont désormais érigés en direction indépendante : soit une vingtaine d’agents.
Le nouveau directeur est Georges Denoix10. Il restera en poste jusqu’à sa mort en 1925.
Les missions de cette nouvelle direction du budget :
Les missions de la nouvelle direction sont les suivantes :
La réalisation de tous les : « travaux liés à la présentation aux Chambres du Budget de l’État » ;
« Le contrôle général de la marche des dépenses publiques de l’État »,
« L’étude de tous les projets ayant une répercussion sur les finances de l’État », notamment les rémunérations, traitements et retraites des personnels civils et militaires11 ;
Le contrôle des règles d’engagement des dépenses et de l’emploi des crédits.
Une direction du budget qui demeure encore peu outillée et qui ne dispose pas de l’autorité suffisante pour faire voter le budget
Les premières années sont difficiles pour la direction du Budget, car elle ne dispose d’aucun moyen de coercitions sur les ministères.
Ce faisant, ses missions sont encore très teintées « comptabilités publiques ».
Il faut encore attendre quelques années avant de permettre à la direction du budget de verrouiller les dépenses publiques, par la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées, dite « Marin ».
Le vote de la loi « Marin »
Le ministre des Finances Joseph Caillaux12, lui-même inspecteur général des finances, avait proposé plusieurs mesures en 1914, sans succès :
Le contrôle a priori de la direction chargée du Budget ;
Le visa sur toutes dépenses ministérielles ;
La création d’un corps de contrôleurs dédiés.
C’est finalement à Charles de Lasteyrie, nouveau ministre des Finances (1922-1924) et également inspecteur général des finances, qu’il revient de réussir cette réforme avec le rapporteur général du budget de la Chambre… Louis Marin.
M. Louis Marin.
La loi du 14 août 192213 constitue une petite révolution dont les éléments perdureront jusque dans les années 2000 :
L’article 1er crée d’abord un corps de contrôleurs placé auprès de chaque ministère ;
L’article 3 précise que la comptabilité élaborée par ces contrôleurs est transmise mensuellement au ministre de l’Économie et des finances, et une fois par an aux chambres ;
L’article 4 formalise la procédure d’avis sur tous les projets de loi, décrets, arrêtés, contrats, mesures ou décisions ayant un effet budgétaire ;
Enfin, l’article 5. L’arme juridique tant attendue par les budgétaires français d’alors : le « verrou budgétaire ». Toute dépense est soumise au visa de ces contrôleurs :
« Si les mesures proposées lui paraissent entachées d’irrégularité, le contrôleur refuse son visa. En cas de désaccord persistant, il en réfère au ministre de l’Économie et des Finances.
« Il ne peut être passé outre au refus du visa du contrôleur que sur avis conforme du ministre de l’Économie et des Finances. Les ministres et administrateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l’encontre de cette disposition. »
Pour matérialiser cette reprise en main budgétaire, le gouvernement Painlevé nomme, en 1925, un ministre exclusivement chargé des questions budgétaires : Georges Bonnet14.
Parallèlement, un nouveau directeur du Budget est nommé, Pierre Fournier (1925-1929). Il s’agit (évidemment) d’un inspecteur général des finances, mais également de l’ancien directeur adjoint de Georges Denoix. Il devient le plus jeune directeur du Budget du XXe siècle (33 ans)15.
La crise de 1929 et ses suites : la politique de déflation budgétaire
Le début des années 30 est marqué par les difficultés financières, budgétaires, politiques et institutionnelles.
Alors que la crise financière et budgétaire s’installe, la direction du budget se constitue en véritable outil de gestion et de pilotage des dépenses publiques.
La politique du « rabot » fait ainsi son apparition avec les décrets-lois de 1934, rapidement suivis des décrets-lois de 1935 – dits « Laval-Régnier ». Par ailleurs, la direction du budget accentue son contrôle en matière de gestion des personnels civils et militaires16.
Les directeurs à se suivre : Erik Haguenin, de 1932 à 1935 et Yves Bouthillier, de 1935 à 1936 incarnent cette politique de rigueur budgétaire jusqu’à l’arrivée de Léon Blum et du Front Populaire.
Mais, c’est une autre histoire…
Pour aller plus loin :
Voici trois articles de Florence Descamps dont on retrouvera ici des sources d’inspiration :
Secrétaire général des affaires étrangères et frère de l’influent Paul Cambon, alors ambassadeur de la France au Royaume-Uni. Personnages que l’on peut notamment retrouver dans l’ouvrage Les somnambules de Christopher Clark. ↩
Polytechnicien, inspecteur des finances, puis président de chambre à la Cour des comptes de 1903 à 1924. ↩
Et parfois, plus simplement, connaître la dépense publique. Le manque de suivi budgétaire fut en effet l’une des grandes difficultés comptables de la Première guerre mondiale. ↩
Les créations de postes sont aujourd’hui à la main de l’Exécutif et ne donnent plus lieu à discussion au Parlement. Il n’en était rien sous la IIIe République avec un Parlement empiétant très largement sur les prérogatives du Gouvernement s’agissant de l’organisation et de la gestion de la fonction publique. ↩
Sur les débats parlementaires et le « fonctionnariat », je ne peux que vous conseiller de suivre et lire les travaux d’Emilien Ruiz. ↩
Les dispositions du décret couvrent l’organisation de l’administration des finances, fixe les emplois, mais également les rémunérations. Un tel détail est symptomatique de la gestion parcellaire et protéiforme de l’administration sous la IIIe République. Le décret allant jusqu’à lister le nombre de sous-chef de bureau (88). ↩
Sauf à faire figurer ici les actuels secrétaires administratifs et adjoints administratifs. ↩
Le terme de « rédacteur » peut encore être utilisé dans quelques administrations centrales, mais il demeure rare. Il est désormais plus souvent question de « chargé de mission ». ↩
Il était auparavant directeur adjoint, chargé de la supervision des bureaux budgétaires. ↩
La direction du budget précède de quelques décennies la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans le pilotage de la politique salariale et, ce faisant, la politique de ressources humaines interministérielles de l’Etat – encore balbutiante. ↩
Évidemment connu comme le créateur de l’impôt sur le revenu français, mais également pour l’assassinat de Gaston Calmette, directeur du Figaro par sa femme, Henriette. ↩
Comme les très grandes lois de la IIIe République, elle est directement disponible sur Légifrance. Alléluia ! Mais pour ceux qui ne savent lire un texte de la IIIe que sur Gallica, voici le lien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64423339/f2.item↩
Appelé à se compromettre ultérieurement avec le régime de Vichy. ↩
Celui-ci deviendra par la suite sous-gouverneur (1929), puis Gouverneur de la Banque de France (1937-1940), avant de devenir président de la SNCF à compter de 1940. C’est notamment lui qui sera chargé d’évacuer les 2 500 tonnes de la Banque de France du port de Brest en 1939. Rappelons que la France n’a pas fait défaut en 1940 et qu’elle disposera de ce stock à la Libération. ↩
Comme précisé plus haut, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) n’existe pas encore… ↩
La France occupe une situation singulière et fait l’objet d’une procédure de déficit excessif par la Commission européenne
S’agissant de la dette publique, et selon les données d’Eurostat, la France présente en 2023 un ratio d’endettement plus élevé de 22 points de PIB que la moyenne de la zone euro. Ce différentiel est encore plus élevé avec l’Allemagne : l’écart étant de 47 points de PIB.
Par rapport à des pays similaires, la France présente une dette publique légèrement supérieure à celle de l’Espagne (+2,9 points de PIB), mais l’Italie demeure à un niveau encore très supérieur à la France et à l’ensemble de l’Union européenne avec un ratio d’endettement de 137 points de PIB.
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
L’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte figurent parmi les pays concernées par une procédure pour déficit excessif, comme la France.
La trajectoire de déficit de la France analysée par la Cour
Selon la nouvelle trajectoire du programme de stabilité 2024-2027, le déficit public serait réduit de 1 point en 2025, passant de 5,1 à 4,1 points de PIB1.
Il serait ensuite ramené à 3,6 points de PIB en 2026 puis repasserait très légèrement sous le seuil des 3 % pour s’établir à 2,9 points de PIB en 2027. Il serait ainsi supérieur de 0,7 point en 2024 au niveau prévu dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 et excèderait de 0,2 point la cible de cette loi de programme en 2027.
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
Une trajectoire maintenue malgré une décélération de la croissance
Cette trajectoire de déficit modifie, par ailleurs, la répartition prévisionnelle de celui-ci entre ses composantes conjoncturelle et structurelle, amenant de fait à moins compter sur la croissance économique et à programmer un effort structurel plus important que celui prévu en loi de programmation des finances publiques.
La trajectoire du programme de stabilité repose en effet sur des hypothèses de croissance révisées à la baisse en 2024 (de 1,4 % à 1,0 %) et en 2025 (de 1,7 % à 1,4 %), les prévisions pour 2026 et 2027 demeurant identiques à celles de la loi de programmation des finances publiques (respectivement 1,7 % et 1,8 %).
La réduction du déficit structurel est plus marquée (2,3 points contre 1,4 point dans la loi de programmation des finances publiques sur la période 2024-2027) et repose sur des efforts très importants de maîtrise durable de la dépense mais également de hausse pérenne des prélèvements obligatoires.
Une trajectoire particulièrement peu volontariste selon la Cour
La comparaison des programmes de finances publiques des quatre principales économies de la zone euro montre que la trajectoire prévue par la France est peu ambitieuse. Sur la période 2024-2027, celle-ci affiche systématiquement l’objectif de déficit public le plus élevé et reste le seul pays à ne pas viser un déficit inférieur ou égal au seuil de 3 % en 2026.
A titre de comparaison, la Cour cite l’exemple de l’Italie qui, malgré un déficit public de 7,2 % de PIB en 2023, prévoit de le ramener à 4,3 % en 2024 et d’atteindre la cible des 3% en 2026.
La Cour note ainsi que, contrairement à ses partenaires, la France ne parvient pas, au cours de la période de programmation, à réduire significativement son niveau de dette par rapport au point haut atteint en 2020.
En 2025, selon les programmes de stabilité, la dette publique française excèderait ainsi de 15,2 points de PIB son niveau d’avant-crise, contre +3,7 points en Allemagne, +5,9 points en Espagne et +4,7 points en Italie.
La dette publique italienne demeurerait toutefois la plus élevée, à proximité de 140 % de PIB (en légère progression depuis 2024).
Extraits du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
Des hypothèses économiques très optimistes selon la Cour
La Cour considère que les hypothèses macroéconomiques du Gouvernement, même abaissées, demeurent trop optimistes, s’agissant de la croissance potentielle comme de la croissance effective.
Le Gouvernement présente ainsi un objectif de retour au plein emploi à l’horizon 2027 sous l’effet favorable des « réformes structurelles sur le marché du travail ». L’impact de la réforme des retraites est ainsi estimé à +200 000 emplois occupés et l’impact de la réforme de la contracyclicité de l’assurance-chômage à +100 000 à 150 000 emplois à moyen terme.
Le programme de stabilité fait également l’hypothèse que les réformes récentes2 permettront d’atteindre le plein-emploi, sans en évaluer véritablement les impacts.
Ce retour au plein emploi projeté par le Gouvernement se traduirait par une baisse du taux chômage jusqu’à son niveau le plus bas depuis plus de 40 ans, alors que la Banque de France, dans ses dernières prévisions, anticipe au contraire une remontée du taux de chômage à 7,8 % fin 2024 et un maintien à ce niveau en 2025.
La Cour note par ailleurs que les tensions sur le marché du travail rencontrées au 1er trimestre 20233 avec un taux de chômage à 7,1 % suggère l’hypothèse que la France ait approché son niveau structurel et que la poursuite de sa diminution supposerait des gains du système de formation et d’accompagnement des demandeurs d’emploi nettement supérieurs aux réformes passées.
Par ailleurs, la France est confrontée à une forte chute de sa productivité, dont les raisons sont probablement multifactorielles, mais qui impliquent de sérieux doutes sur les estimations de croissance potentielle à 1,35 % présentée par le gouvernement. Un horizon de 1 % par an parait pour la Cour plus réaliste.
La Cour note à cet égard, s’agissant de la croissance effective, une hypothèse de croissance pour 2025 du programme de stabilité (revue à la baisse à 1,4 %) qui se situe dans la fourchette haute des prévisions disponibles (1,3 % pour le Consensus forecasts et pour la Commission européenne, 1,2 % pour l’OCDE, 1,4 % pour le FMI).
Quant à la croissance moyenne de 1,75 % sur la période 2026-2027, celle-ci excède très largement celle du Consensus forecasts (1,3 %), de la Commission européenne (0,5 %) et du FMI (1,5 %).
Ce rythme élevé de progression de l’activité résulterait en particulier, selon le programme de stabilité présenté par le Gouvernement, de la conjonction de deux hypothèses particulièrement optimistes :
Un retour du taux d’épargne des ménages à proximité de son niveau d’avant-crise que les enquêtes de conjoncture actuelles ne permettent pas d’anticiper ; et
Une hausse du pouvoir d’achat liée à un retour – hypothétique – au plein emploi et à une dynamique des salaires portée par des gains de productivité d’une ampleur inédite depuis la crise sanitaire.
Enfin, il doit être relevé que ni le programme de stabilité, ni la loi de programmation des finances publiques n’explicitent l’impact macroéconomique des mesures d’ajustement structurel prévues tant en économies de dépenses qu’en hausses d’impôts, alors que celles-ci, de par leur ampleur, auront nécessairement un effet dépressif sur l’activité économique qu’il convient d’estimer et de prendre en compte4.
L’avis de la Cour sur le fond des mesures proposées dans le pacte de stabilité
La trajectoire du programme de stabilité pour 2025-2027 repose sur une augmentation du taux de prélèvements obligatoires de 43,6 points en 2024 à 43,9 points en 2025 puis 44,1 points en 2026 et 2027.
Autrement dit, des hausses d’impots.
Ces hausses d’impôts sont fixées à hauteur de 15 milliards d’euros en 2025 (0,5 point de PIB) et à 6,2 milliards d’euros en 2026 (0,2 point de PIB), soit 21,2 milliards à l’horizon 2026.
L’extinction du bouclier tarifaire y contribuera à hauteur de 4 milliards d’euros en 2025, mais le reste des mesures envisagées, de l’ordre de 17 milliards d’euros, n’est pas précisé, alors même que certaines baisses pérennes d’impôt avaient été annoncées, comme la poursuite de la baisse graduelle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au rythme de 1 milliard d’euros par an ou des mesures en faveur de classes moyennes pour 2 milliards d’euros.
Le programme de stabilité prévoit une croissance de la dépense publique en valeur5 de 1,8 % en 2025, 2,6 % en 2026 et 2,1 % en 2027. Le coût des mesures exceptionnelles adoptées en réponse aux crises successives (sanitaire, énergétique) se replierait de 12 milliards d’euros en 2024 à 3 milliards d’euros en 2025 et se stabiliserait à ce niveau en 2026 et 2027, ce montant correspondant à la chronique prévue des dépenses de relance.
Parallèlement, la charge de la dette augmenterait régulièrement sur la période, préemptant une part croissante de la dépense publique, de l’ordre de 8 milliards d’euros en 2025 et 2026 et de 12 milliards d’euros en 2027 pour atteindre 83 milliards d’euros à cet horizon, soit un niveau comparable à celui prévu dans la loi de programmation des finances publiques alors même que le niveau de dette publique serait supérieur de 80 milliards d’euros. Cela s’explique par des hypothèses de taux revues à la baisse par rapport à la loi de programmation des finances publiques (3,2 % contre 3,5 % dans la loi de programmation pour les taux longs en 2024, du fait de l’accalmie récente, mais avec une remontée à un niveau supérieur à l’hypothèse de ladite loi en toute fin de période – 3,6 % contre 3,5 % dans la loi de programmation).
Hors dépenses exceptionnelles et hors charge d’intérêts, la dépense devrait donc progresser en moyenne de 1,9 % en valeur et 0,2 % en volume par an entre 2025 et 2027.
Or, la Cour des comptes notes qu’une telle maîtrise de la dépense « impliquerait un effort d’économie sans précédent », correspondant à des économies de l’ordre de 50 milliards d’euros en 2027 par rapport à la trajectoire de dépenses des exercices précédents.
Toutefois, la Cour émet des toutes sur la sincérité de cette programmation :
La moitié de l’effort serait effectué en toute dernière année (en 2027) et
Le gouvernement ne documente pas cet effort, pourtant inédit sur la période récente. Seuls sont précisés les impacts budgétaires de la réforme des retraites et de la réforme de l’assurance-chômage, avec respectivement 3,5 milliards d’euros d’économies pour l’une (nettes des mesures d’accompagnement et dispositifs dérogatoires) et 4,2 milliards d’euros pour l’autre, soit un total de 7,7 milliards d’euros pour 2027.
Par ailleurs, même en tenant intégralement compte de ce qui constituerait un « coup de frein sur plusieurs années sans équivalent récent » de la dépense publique, la Cour des comptes relève que celle-ci continuerait de croître, en valeur comme en volume.
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
Une trajectoire par ailleurs très incertaine au regard de la multiplication des besoins de financement auquel est confronté l’Etat
La Cour relève l’addition récente de lois de programmation sectorielles6, qui devrait couvrir jusqu’au tiers des dépenses de l’Etat à horizon 2027 et contribue à rigidifier la dépense.
De surcroît, la montée en puissance du financement de la transition écologique n’est pas suffisamment pris en compte et entretient une sous-estimation « systématique » selon la Cour de l’évolution de la dépense publique.
Chaque année, les prévisions pluriannuelles sont en effet actualisées à l’occasion du rapport économique social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances, permettant de constater l’écart des trajectoires envisagées en loi de programmation (courbes orange) avec la réalité des dépenses constatées (courbe noire) :
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
En synthèse, la Cour identifie « trois fragilités majeures » :
Des hypothèses de croissance très optimistes à moyen terme, particulièrement sur les deux dernières années ;
Une inflexion de la dépense publique hors mesures exceptionnelles et hors charge de la dette qui représenterait à l’horizon 2027 un effort sans précédent d’économies de l’ordre de 50 milliards d’euros par an, et
Des hausses de prélèvements obligatoires de plus de 20 milliards d’euros sur la période 2025-2027, d’une ampleur également inédite depuis une dizaine d’années.
« Plus encore qu’au moment de l’adoption de la loi de programmation des finances publiques et de la loi de finances initiale pour 2024, les marges de sécurité apparaissent inexistantes et la moindre mauvaise surprise conjoncturelle ou réalisation budgétaire et fiscale en deçà des objectifs se traduira par l’échec à ramener le déficit sous les 3 % et par une augmentation continue du ratio d’endettement au cours de la période.»
Nous vous présumer au 23 septembre 2024 qu’il n’en sera rien. ↩
L’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active, la constitution du réseau « France Travail », le service public de la petite enfance et la réforme des lycées professionnels. ↩
Une tension sur la quasi-intégralité des métiers, en particulier qualifiés, entraînant une pénurie de personnels particulièrement grave et inattendue, désormais en voie de résorption, sans être pour autant effacée. ↩
Sans trop m’avancer, il me semble compliqué d’anticipé cet effet récessif, mais, en effet, une projection aurait été utile. Au-delà de cette construction technique, il semble compliqué d’anticiper des mécanismes macro-économiques portant des corrections importantes sans une présentation des ajustements par le Gouvernement. ↩
L’évolution en valeur est l’évolution non corrigée de l’inflation prévisionnelle. L’évolution en volume est l’évolution corrigée. ↩
Intérieur, armées, recherche, justice, énergie et climat. ↩
Petite lecture du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, à travers le : « Chapitre II : dès règles à clarifier et à stabiliser. »
Un billet assez technique, mais qui permet de brosser à grands traits les principaux financements de la sécurité sociale, leur diversité, les évolutions à l’œuvre et les questions pourtant fondamentales que ces techniques de financement impliquent vis-à-vis des prestations servies.
La sécurité sociale est historiquement financée par des cotisations
À leur création, en 1945, les régimes de sécurité sociale, organisés par statut professionnel ou par profession, versaient, aux actifs, aux anciens actifs retraités ou invalides et à leurs ayants droit, des prestations en contrepartie de cotisations prélevées sur les revenus du travail.
L’histoire de la sécurité sociale est en effet indissociable de l’histoire du droit du travail, donc des cotisations versées par les employeurs et les salariés.
Toutefois, cinq évolutions majeures ont bouleversé cette architecture financière
Ces cinq évolutions majeures sont intervenues au cours du temps, mais se sont accélérées depuis le début des années 2000 :
Une partie des prestations (remboursements de frais de santé et prestations familiales en premier lieu) a été généralisée à l’ensemble de la population, acquérant ainsi un caractère universel sans lien avec l’activité professionnelle et ses revenus ;
Des droits de retraite, dits non contributifs, ont été accordés sans la contrepartie de cotisations ;
L’impôt, sous des formes diverses (contribution sociale généralisée – CSG, autres impôts et taxes affectés), a pris une place croissante dans les recettes de la sécurité sociale afin d’alléger le coût du travail peu qualifié, d’améliorer la compétitivité des entreprises et de donner du pouvoir d’achat à certains salariés ;
De nombreux régimes spéciaux ont été absorbés par le régime général des salariés (se faisant, le régime général s’est aussi considérablement complexifié) ;
Les missions de la sécurité sociale ont été étendues au risque de dépendance.
Pour la Cour des comptes, ces transformations de grande ampleur se sont accompagnées d’une complexification et d’une instabilité croissantes des circuits de financement. Les comptes de la sécurité sociale (567 milliards d’euros de charges nettes en 2021, soit 24,6% du produit intérieur brut français) ont perdu, de ce fait, en clarté et en cohérence (I).
En conséquence, la Cour appelle à une prise en compte plus affirmée des notions de contributivité, d’assurance et d’universalité permettrait d’améliorer la lisibilité et le
pilotage financier de la sécurité sociale (II).
S’agissant de la perte de cohérence de l’architecture financière (I) :
En résumé, la Cour note les éléments suivants :
Une chute de la part des cotisations (266,1 Md€ en 2021) dans les recettes (produits nets) des régimes de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) : de 90% des produits à la fin 1980 à 50% en 2021 ;
En contrepartie d’une augmentation forte des impôts (207,6 Md€ en 2021) avec en premier lieu la CSG (19,7% des recettes en 2021), la TVA (8,2%) et d’autres impôts et taxes affectées (10,3%) ;
Enfin, il convient aussi d’intégrer la contribution d’équilibre de l’État au régime des pensions des fonctionnaires (contribution au titre du Compte d’affectation spéciale pour les Pensions), assimilée1 à des cotisations employeur (7,8 %).
Cette volonté de réduire la part des cotisations vise à répondre à trois enjeux des pouvoirs publics :
Alléger le coût du travail faiblement qualifié, pour favoriser l’emploi ;
Améliorer la compétitivité des entreprises ;
Augmenter le salaire net des actifs pour améliorer le pouvoir d’achat.
Des taux réduits de cotisations s’appliquent jusqu’à 2,5 Smic pour les cotisations maladie et jusqu’à 3,5 Smic pour les cotisations famille (celles-ci étant exclusivement patronales).
À ces allègements généraux, estimés par le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de juillet 2022 à 55 Md€ en 2021 pour les régimes de base de sécurité sociale, s’ajoutent des allègements ciblés de cotisations en faveur de certains publics (apprentis, jeunes en difficulté d’insertion…), territoires (outre-mer, zones franches urbaines et de
revitalisation territoriale, Corse) ou secteurs d’activité (aides à domicile), pour 6,6 Md€ en 2021 au titre de ces mêmes régimes (hors mesures d’urgence liées à la crise sanitaire).
Les allègements représentent au total de l’ordre de 20 % de l’assiette des cotisations.
Lorsque l’on analyse la situation de nos voisins, on ne peut que constater la singularité française qui opère une forme de changement de paradigmes en rejoignant les pays du sud de l’Europe (Italie, Espagne, Portugal et Grèce) dans un mix de financement à moitié contributif et à moitié fiscal2.
Au bout du chemin se trouve les modèles britannique, irlandais et nordiques avec une part contributive proche de 38% des recettes :
Extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, Chapitre II.
Toutefois, le modèle de financement au sein des branches est également très hétérogène, avec un caractère contributif encore très marqué pour l’AT-MP et dans une moindre mesure pour la branche famille et, à l’inverse, une branche maladie et (de manière archétypale pour ce dernier exemple) une branche autonomie essentiellement financées par transferts.
Extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, Chapitre II.
Concernant la branche maladie (77,3 Md€ de cotisations en 2021)
La création de la couverture maladie universelle de base (CMU-B) en 1999, puis celle de la protection universelle maladie (Puma) en 2016 ont conduit à l’universalisation de la prise en charge des frais de santé, à des niveaux identiques pour tous les régimes, à quelques exceptions près (une dizaine de régimes professionnels, dont les principaux, les mines et la SNCF, devraient fermer). En conséquence, seules les prestations en espèces (indemnités journalières maladie et maternité, pensions d’invalidité), qui se sont élevées à 21,7 Md€ en 2021, conservent un caractère contributif.
La persistance d’un financement par cotisations allant au-delà de la contrepartie de ces prestations peut être considérée comme une incohérence. Sauf à considérer que la branche concourt à la santé des actifs, auquel cas, la part de financements peut sembler proportionnée.
Concernant la branche famille
La Cour relève un poids des cotisations très élevé (qui tient probablement à l’héritage des « sur-salaires » versés aux travailleurs avec enfants préalablement à 1945), alors que les prestations versées sont quasi-exclusivement non-contributives (à l’exception de la PreParE3.
Pour la branche vieillesse
A rebours des cas précédents, les prestations sont ici essentiellement contributives. Toutefois, la part des cotisations apparaît au contraire relativement faible (54,8 % en 2021) pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (et 64,9 % pour le régime général).
Ce faible volume de cotisation traduit notamment la compensation de la réduction générale de cotisations par l’affectation d’impôts et de taxes (8,4 % des recettes) et certaines particularités du financement de cette branche comme la contribution de l’État employeur au régime de retraite des fonctionnaires (16 %), les subventions d’équilibre de l’État aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF, de la RATP, des mines et des marins (2,9 %) et les transferts reçus de la branche famille et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) en vue du financement de droits et de prestations de retraite à caractère non contributif (11,1 %).
Extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, Chapitre II.
En particulier, les droits familiaux de retraite ont deux financeurs :
Les régimes de retraites financent les majorations de durées d’assurance pour enfant ;
Tandis que l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et les majorations de pensions pour trois enfants sont financées par la branche famille (sauf exceptions).
Cette diversité de situations affaiblit la justification d’un financement d’une partie des majorations par la branche famille, majorations ayant un caractère universel.
Par ailleurs, l’ensemble des financements que la branche famille prend en charge au titre des droits non contributifs de retraite représente désormais près d’un cinquième de ses dépenses. Ces financements sont par ailleurs significativement supérieurs aux prestations financées et contribuent donc à réduire le déficit de la branche du fait des populations concernées (les générations parties à la retraite ont moins contribué à l’AVPF que les générations actuelles).
Par ailleurs la composition des transferts de l’Etat aux branches est également complexe et mouvante, avec pas moins de 40 impôts et taxes recensées dans la LFSS pour 2022.
Les propositions de la Cour (II)
La Cour énumère plusieurs propositions afin d’améliorer la lisibilité et le pilotage des comptes sociaux :
Réexaminer les affectations d’impôts à la sécurité sociale en fonction de leurs finalités : la Cour cible en particulier des taxes à faible rendement (taxe sur les véhicules de société, prélèvement sur les jeux et paris en ligne, etc.4), la contribution sociale de solidarité des sociétés, mais également la taxe sur les salaires qui est marquée par l’instabilité de sa répartition entre branches ;
Rationaliser les transferts internes à la sécurité sociale :
en prévoyant notamment la création de sections comptables distinctes s’agissant du financement des droits et prestations à caractère non contributif de retraite, avec une section dédiée aux contributions ayant une contrepartie contributives et une section dédiée aux recettes fiscales actuellement affectées au Fonds de solidarité vieillesse au titre du minimum vieillesse et à la branche famille pour l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), des périodes assimilées et de majorations de pensions pour trois enfants et plus. En dépenses, elle accueillerait les prestations non contributives du minimum vieillesse et l’estimation du coût actuel des droits non contributifs qu’elle prendrait en charge au titre de l’année écoulée.
Extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, Chapitre II.
La Cour préconise également le regroupement au sein d’une même branche du financement des indemnités maternité et paternité, aujourd’hui assuré par les branches maladie et famille5.La Cour propose que la branche famille soit désignée au motif que les indemnités journalières maternité et paternité ont une destination familiale et que, n’ayant pas vocation à être régulées, elles ne sont pas comprises dans l’Ondam, contrairement aux indemnités maladie et AT-MP. Une autre option serait de faire supporter leur financement entièrement par la branche maladie, les CPAM assurant leur liquidation et leur paiement, ce qui conduirait à mettre fin au transfert de la branche famille à la branche maladie au titre du congé paternité6.
Accorder les financements des branches au degré d’universalisation de leurs prestations :
A cet égard et pour la Cour, la priorité doit être donnée à la refonte des financements de la branche famille puisque les cotisations sociales patronales y prennent une place prépondérante alors que les avantages retirées par les entreprises et leurs salariés sont faibles. En effet, l’essentiel des prestations services par les CAF sont universelles (comme pour les allocations familiales) ou, inversement, à destination des publics les plus précaires (par exemple, l’allocation de rentrée scolaire). Si les cotisations patronales étaient ramenées à hauteur des dépenses destinées à aider les familles à concilier vie personnelle et vie professionnelle (dépenses au titre de l’accueil individuel et collectif du jeune enfant), la branche famille connaîtrait une baisse importante de ses recettes.
Pour leur part, les cotisations qui cesseraient d’être affectées à la branche famille pourraient être réattribuées soit à la branche vieillesse, en renforçant ainsi la part des cotisations dans son financement, aujourd’hui faible (voir supra), soit au financement des prestations en espèces de la branche maladie (indemnités journalières maladie et pensions d’invalidité). Le financement de ces dernières prestations est aujourd’hui assuré de manière indistincte par des cotisations patronales, de la CSG et d’autres impôts, alors qu’il s’agit de prestations à caractère contributif dont les dépenses appellent un effort accru de régulation.
Redéfinir les conditions du pilotage financier des branches selon la nature de leurs prestations :
La Cour préconise de regrouper au sein d’une même branche les prestations en espèces versées par l’assurance maladie au titre des risques maladie et AT-MP (assurance accidents du travail et maladies professionnelles), du fait du besoin de pilotage de la dépense et de la forte similarité dans certains secteurs d’activité entre les deux arrêts de travail. Ici encore, la Cour préconise l’existence de deux sections comptables.
Différencier les règles d’affectation des recettes et d’équilibre financier selon la nature des branches de prestations : pour les branches contributives (retraites) ou à vocation assurantielle (prestations en espèces), un strict équilibre des soldes se justifie par l’objectif d’équité intergénérationnelle entre les bénéficiaires, avec un horizon temporel de moyen terme. En conséquence, ces branches seraient étanches, aussi bien dans les recettes que dans les dépenses. Pour les branches à caractère universel (maladie, famille, autonomie), les objectifs de dépenses par branche adoptés par le Parlement dans les lois de financement auraient vocation à être assortis, comme c’est déjà le cas pour la part de ces dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), de mécanismes destinés à en renforcer le suivi infra-annuel afin d’en garantir le respect. Par ailleurs, la Cour préconise également de verser les recettes fiscales à l’ACOSS, charge à l’agence de verser ensuite ces ressources proportionnellement aux soldes à financer des objectifs de dépenses fixés aux branches universelles pour l’année à venir et les trois années suivantes.
Extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, Chapitre II.
Non sans quelques contestations juridiques, statistiques, budgétaires et économiques. ↩︎
Cela n’est pas sans incidence sur les prestations suivies, le système assurantiel est généralement plus généreux que le système public d’assistance. ↩︎
Et encore, celle-ci est versée de manière forfaitaire. ↩︎
La Cour cite par exemple une redevance sur les licences UMTS (Universal Mobile Télécommunications System), autrement dit la téléphonie mobile, dont le rendement n’est que de 13 M€. ↩︎
En précisant que la loi de financement de la sécurité sociale a réalisé depuis un transfert de charges de près de 2 milliards d’euros de la branche maladie vers la branche famille afin de prendre en charge une partie des indemnités journalières pour congé maternité versée par la branche maladie. ↩︎
La spécificité tient tout de même au fait que le congé de maternité n’a pas qu’une destination familiale, il vise également à prévenir les complications post-accouchements pour les mères. ↩︎
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