Dans ce chapitre introductif, les chercheurs tendent à démontrer que la question de l’attractivité s’impose désormais dans le débat public. Pour autant, ce problème n’est pas nouveau, ses ressorts sont complexes et nécessitent une remise en cause probablement profonde des administrations et de leurs chefs de service.
Une dénonciation ancienne du « trop grand nombre de fonctionnaires »
Les rapporteurs précisent d’abord que le néologisme « bureaucratie » a été créé par l’économiste physiocrate Vincent de Gournay (1712-1758). L’objet de ce concept était déjà de dénoncer l’influence, jugée trop importante, des fonctionnaires sur la vie sociale et économique du pays. En spécifiant qu’alors, l’administration de l’État monarchique était très (très) modeste.
Ces premiers éléments rappellent à l’évidence les travaux d’Émilien Ruiz, notamment rassemblés dans son ouvrage Trop de fonctionnaires dont est tiré le graphique suivant :
Le souci de bien recruter et bien former
La sélection par concours et la création d’écoles spécialisées dès le début du XIXe siècle
La compétence et la formation des agents deviennent progressivement un critère de recrutement avec l’affermissement de l’État.
Les ministères chargés de l’Équipement et des Armées sont les premiers à développer une logique de concours, puis de formation préalable au recrutement :
L’École des ponts et chaussées est fondée en 1747 ;
L’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1803 et
L’école Navale en 1830.
La logique de sélection et de formation des agents publics compétents est ensuite graduellement adoptée dans les administrations civiles. Dès 1835, un concours est ainsi mis en place pour l’accès à la magistrature2.
Un long chemin vers la généralisation du concours
Une montée en puissance progressive du milieu du XVIIIe jusqu’à la fin de la IIIe République
Dès 1844, un rapport propose de sélectionner au mérite, par concours, examen ou diplôme les agents publics.
Cette effervescence intellectuelle et libérale permettra la création quatre ans plus tard, en 1848, de la première École nationale d’administration pour sélectionner les agents administratifs de l’État.
Toutefois, cette école survivra à peine quelques mois et il faudra attendre la Troisième République pour voir le système de concours émerger de nouveau.
Une consécration juridique à compter de la moitié du XXe siècle
Le souci de sélection et de formation se renforce sous Vichy dans une approche punitive et culpabilisante. Les fonctionnaires étant tenus pour partie responsable de la débâcle.
Le concours devient alors un fondement du recrutement des fonctionnaires3 :
L’article 27 de la « loi » du 14 septembre 1941 dispose ainsi que :
« Nul ne peut être admis à un emploi de début s’il n’a satisfait aux épreuves d’un concours ou aux examens de sortie d’une école lorsque le recrutement est assuré par cette voie. »
Pour autant, ici comme ailleurs, les « valeurs » portés par Vichy se révèlent à l’usage très peu suivi d’effets.
Le régime a besoins de bras pour réaliser ses « missions » et, pour ce faire, non seulement il recrute des agents publics, mais il le fait davantage encore que sous la IIIe République, en dehors des modes de recrutements traditionnels :
En 936, l fonction publique comptait 106 000 agents non titulaires (19,7 % de l’emploi public) ;
En 1946, ils étaient 356 000 (40 %).
Le principe de sélection par concours sera réaffirmé dans le statut de 1946 (premier statut républicain de la fonction publique), puis par le statut général de 1983. Toutefois, il ne présente pas de caractère constitutionnel4.
Un problème d’attractivité ancré dans l’histoire de la fonction publique
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des difficultés recrutements pour la quasi-totalité des ministères
De 1952 à 1964, la population française augmente de près de cinq millions et demi de personnes. Nous sommes alors en plein « baby boom ». Assez logiquement, d’importantes administrations voient leurs effectifs augmenter fortement :
Le ministère de l’Éducation nationale double ainsi ses effectifs, dans un contexte d’augmentation du nombre de jeunes suite aux naissances d’après-guerre et de l’essor d’une scolarisation de masse de ces derniers ;
Le ministère des Postes et des télécommunications recrute près de 57 000 postiers.
Cependant, le nombre total d’agents publics dans les autres ministères (Armées, Intérieur, Santé et Travaux publics notamment) connaît une croissance particulièrement faible, de l’ordre de 1 000 recrutements par an. Cette très faible croissance s’explique par les difficultés de recrutement de l’administration.
Ces difficultés de recrutements sont dues au trop faible nombre de candidats
Le nombre de candidats aux concours de la fonction publique de catégorie A (cadre) et B (cadre intermédiaire) est particulièrement bas sur la période.
Jean-Luc Bodiguel et Luc Rouban recensent ainsi :
« 162 candidats inspecteurs élèves des impôts pour 360 postes en 1960, 16 candidats inspecteurs de la Sécurité sociale pour 32 postes en 1958. »
Il en va de même pour les écoles de service public comme l’ENA (1945) et l’ENM (1958) :
« En 1964, la Magistrature était bien heureuse d’avoir deux candidats pour un poste [5 pour 1 en 1953] .(…) Situation identique à l’ENA où, entre 1957 et 1960, on ne put, au concours étudiant, pourvoir qu’à 155 postes pour 162 offerts, malgré la faiblesse du taux de sélection : 1 reçu pour 3,5 candidats. »
La situation actuelle en terme d’attractivité
Une tension généralisée dans les recrutements (secteur privé et public)
Il convient de relever tout d’abord l’augmentation du taux d’emploi et la baisse du chômage.
Huit métiers sur dix (représentant 87 % de l’emploi) sont en tension forte ou très forte selon la DARES5.
Mécaniquement, la concurrence est donc plus forte entre les entreprises, associations et administrations dans le recrutement de salariés qualifiés. Plus encore, lorsque les métiers ou compétences sont comparables
Un phénomène qui demeure toujours difficile à qualifier
Les rapporteurs soulignent ainsi qu’avant 2009, il n’existe aucune base de données fiable sur le nombre d’agents des services publics.
Par ailleurs, le sujet souffre également d’une difficulté dans le choix des indicateurs :
Les emplois vacants ?
La durée de vacance desdits emplois ?
Le nombre de candidats au concours ?
Le turn-over dans les structures ?
Enfin, les comparaisons internationales sont encore plus complexes. La Commission européenne6 éprouve également des difficultés :
« Les offices statistiques nationaux et les institutions internationales n’utilisent pas les mêmes définitions et méthodologies, ce qui entraîne des incohérences entre les pays et confirme la nécessité d’améliorer la validité et la cohérence des données dans ce domaine. »
Les écoles d’ingénieurs créées sous la monarchie (dont celles des ponts et chaussées) sont conservées, en étant intégrées au parcours des polytechniciens. ↩
Toutefois, la création d’une école, l’École nationale de la magistrature, n’est réalisée qu’en 1958. En précisant également que les magistrats financiers de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, ainsi que les magistrats administratifs ne disposent pas d’école de formation dédiées. ↩
Le premier statut de la fonction publique est créé par le régime de Vichy, toutefois, l’idée statutaire traverse toute la IIIe République. ↩
C’est le principe d’égal accès en fonction des « capacités » du citoyen qui revêt un caractère constitutionnel, conformément à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (voir notamment la décision du juge constitutionnel du 28 janvier 2011, n° 2010-94). ↩
Chaque ministère est organisé de manière hiérarchique avec :
Le cabinet du Ministre, composé d’une dizaine de collaborateurs directs, chargés de le conseiller et de préparer ses interventions, ainsi que du personnel administratif et technique (courriers, cuisine, résidence, transport…) ;
Les administrations centrales et les services à compétence nationale ;
Les services déconcentrés.
L’ancien ministère de la Marine.
Des prérogatives fixées dans le décret d’attribution du ministre
Le décret d’attribution du ministre liste l’ensemble des directions d’administrations centrales placées sous son autorité, ainsi que celles dont il dispose, mais sans autorité1.
Point important : disposer d’une administration centrale emporte également le contrôle et le pilotage des administrations déconcentrées correspondantes.
Un indicateur de l’importance du ministre
Dans le champ social, les ministres « forts » sont ainsi souvent dotés d’une autorité sur les directions :
De la sphère travail2 et de son réseau déconcentré (les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) et
Sur celles liées à la Sécurité sociale et aux solidarités3, ce qui permet d’avoir une autorité directe sur les caisses nationales de sécurité sociale et notamment : la Caisse nationale d’assurance maladie, la Caisse nationale des allocations familiales, la Caisse nationale de l’assurance vieillesse, le réseau des Urssaf.
Pour le ministre de l’Intérieur, il est important d’avoir l’autorité directe sur la Direction générale des collectivités locales, etc.
Pour les ministres de l’Économie et des Affaires étrangères, des conflits sont récurrents sur le pilotage de la politique économique internationale. À cet égard, Laurent Fabius avait, en avril 2014, pesé de tout son poids pour disposer d’une autorité sur la Direction générale du trésor4.
Qu’est-ce qu’une administration centrale ?
L’administration centrale désigne l’ensemble des services d’un ministère disposant de compétences nationales (hors gestion directe de dispositif) et directement rattachés au ministre.
Elles sont le plus souvent installées en Ile-de-France, puisqu’elles sont chargées de mettre en œuvre la politique souhaitée par le ministre.
Des missions ayant un caractère « national »
L’alinéa 3 de l’article 2 du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration dispose que :
« Sont confiées aux administrations centrales et aux services à compétence nationale les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l’exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial. »
L’alinéa 4 précise ensuite que :
« Les autres missions, notamment celles qui intéressent les relations entre l’État et les collectivités territoriales, sont confiées aux services déconcentrés. »
Cette compétence nationale et ce rattachement au ministre (ou au Premier ministre) exclut donc :
Les établissements publics, comme France travail5, dont la tutelle est exercée par une direction d’administration centrale ;
Les « agences », ce qui recouvre le plus souvent des organisations nationales indépendantes, souvent des AAI (autorités administratives indépendantes), mais également des API (autorités publiques indépendantes) ;
Les services déconcentrés, dont le ressort territorial ne couvre pas l’intégralité du territoire national.
Des missions portant sur la supervision générale des politiques publiques
L’article 3 du même décret dispose ainsi que :
« Les administrations centrales assurent, au niveau national, un rôle de conception, d’animation, d’appui des services déconcentrés, d’orientation, d’évaluation et de contrôle6. »
Ce recentrage sur l’animation des politiques nationales participe de la politique de déconcentration.
Ce faisant, sont ici exclues les « services à compétences nationales », chargés de la gestion d’un dispositif public (par exemple : les « Archives nationales7 »).
Un lien étroit avec le cabinet du Ministre
De tels services se trouvent en général à Paris, à l’exception de quelques-uns d’entre eux. Cet héritage est historique, il est l’expression de la centralisation du pouvoir, mais il facilite également les échanges réguliers entre le ministre et son administration.
En effet, les administrations centrales doivent mettre en œuvre les politiques du gouvernement :
D’un point de vue juridique, par la préparation des projets de loi, de décrets et arrêtés, ainsi que les différents documents d’accompagnement juridique de ces textes (instructions, circulaires, « questions réponses »…) ;
Au niveau budgétaire, en proposant un calibrage et un mode d’exécution budgétaire, puis en assurant leur exécution et leur contrôle ;
Au titre de l’animation, en s’assurant de la compréhension des dispositifs et de l’engagement des services de l’État et des partenaires pour réaliser les objectifs du gouvernement.
Les réunions de travail ont bien changé.
Un éloignement progressif des administrations centrales
Les déménagements de nombreuses administrations centrales n’ont pas entrainé de déménagements des cabinets ministériels.
Cet éloignement, conjugué à une importance croissante prise par les cabinets, a pu conduire à une certaine dilution des responsabilités. Certains conseillers s’ingérant dans le travail d’administration centrale et faisant écran entre le directeur de l’administration concernée et le ministre8.
À noter : Emmanuel Macron, nouvellement élu en 2017, a souhaité rationaliser les cabinets ministériels en limitant strictement le nombre de conseillers par ministre9. L’objectif étant d’éviter les ingérences des conseillers ministériels sur le travail administratif.
L’organisation d’une administration centrale
La distinction entre les directions « métiers » et les directions « supports »
Les directions « métiers »
Les directions « métiers », souvent plus prestigieuses et historiques, sont responsables de politiques publiques.
On y trouve par exemple, pour les plus importantes (s’agissant des administrations civiles) :
La direction générale du Trésor, chargée de concevoir et d’animer les politiques économiques et financières de la France, de gérer la dette et de représenter l’administration dans les organisations internationales ;
La direction du Budget, chargée de préparer le budget de l’État et d’en suivre son exécution ;
La direction générale des Finances publiques, en matière d’imposition et de recouvrement ;
La direction générale de l’administration et de la fonction publique, chargée de piloter la politique interministérielle et inter-fonction publique de ressources humaines ;
La direction générale des collectivités locales, chargée de rédiger la règlementation applicable aux collectivités locales (financements, droit de la fonction publique et des politiques publiques) ;
La direction générale de la sécurité intérieure, chargée de lutter contre le terrorisme et l’ingérence ;
La direction générale de l’armement, chargée de gérer les programmes d’équipement militaires, d’innovation et de défense technologique ;
La direction des affaires civiles et du Sceau, chargée de l’élaboration des règles applicables au droit civil et commercial et de la régulation des professions judiciaires et juridiques ;
La direction générale de l’énergie et du climat, pour la politique énergétique et la transition écologique ;
La direction générale des affaires politiques et de sécurité des affaires étrangères ;
La direction générale de la santé et la direction générale de l’offre de soins, pour élaborer les politiques publiques en matière de santé et l’organisation du système de santé ;
La direction de la Sécurité sociale pour piloter les missions et politiques de financement des différentes branches : vieillesse, santé, famille, autonomie, recouvrement ;
La direction générale du travail, pour organiser les rapports individuels et collectifs du travail ;
Ou encore la direction générale de l’enseignement scolaire pour la politique éducative.
Une très grande diversité de directions « métiers »
Les directions d’administration centrales « historiques sont le plus souvent organisées autour d’une thématique. Celle-ci peut être très technique ou, à l’inverse, transversale et embrasser alors un périmètre large nécessitant de nombreuses interventions interministérielles.
La direction du budget dispose évidemment d’un positionnement unique, étant en interface avec l’ensemble des directions.
Toutefois, d’autres directions sont également très « extraverties ». C’est notamment le cas de la direction de la Sécurité sociale, de la direction générale des collectivités locales ou plus encore de la direction générale de l’administration et de la fonction publique.
Des difficultés à concilier des identités parfois très marquées
Selon Jacques Chevallier :
« L’administration centrale tend à se présenter, dans le cadre de chaque ministère, sous la forme d’une mosaïque de structures diversifiées, dotées d’une grande permanence, isolées les unes des autres et disposant chacune d’une logique propre de fonctionnement et de développement : de nombreux ministères, tels que celui de l’économie et des finances, mais aussi ceux de l’agriculture ou de l’éducation nationale, ont ainsi été constitués d’un assemblage de grandes directions anciennes, prestigieuses et très autonomes10. »
Pour l’auteur, cet enracinement des administrations centrales n’est pas sans poser de difficultés, alimentant une forme de sclérose et d’incohérence.
La multiplication des structures à l’occasion d’événements, plus ou moins conjoncturels, n’étant jamais remise en cause, ce qui peut aboutir à une bureaucratie incohérente et une inflation normative.
Les « secrétariats généraux »
Les directions dites « supports » sont désormais réunies en un « secrétariat général », ministériel ou interministériel (cas des affaires sociales).
Inauguré au ministère des Affaires étrangères (1920), généralisé sous Vichy, avant de disparaître dans les années 70.
Les secrétariats généraux perdureront toutefois dans les ministères des Armées et des Affaires étrangères, pour faire de nouveau l’objet d’une généralisation en 201411.
Ces secrétariats généraux comportent en général :
Une direction des affaires financières (DAF) ;
Une direction des affaires juridiques (DAJ) ;
Une direction des ressources humaines (DRH) ;
Une direction chargée de la communication ;
Une direction chargée du pilotage des systèmes d’informations (DSI).
À noter : les directions d’animation interministérielles ne sont pas des directions « support », mais bien des directions « métiers ».
On y retrouve, par exemple, la direction générale de l’administration et de la fonction publique précitée, mais aussi la direction de l’immobilier de l’État, la direction des achats de l’État, la direction interministérielle du numérique.
Une structuration hiérarchique quasi immuable
Le décret n° 87-389 du 15 juin 1987 relatif à l’organisation des services d’administration centrale fixe les quelques dispositions applicables.
Une organisation des directions générales fixée par décret et arrêtés
Les missions de la direction générale et son organisation globale sont fixées par décret12, le plus souvent pris en Conseil d’État et en conseil des ministres.
S’agissant de l’organisation des pouvoirs publics, l’accord du Premier ministre est évidemment essentiel.
Toutefois, l’organisation en sous-direction et bureau dépend d’un arrêté, à la main complète du ministre, au titre de l’organisation de ses services13.
L’organigramme de la DGCL est bien structuré et permet d’identifier les sous-directions et bureaux. ll n’y a pas de chefs de service toutefois, mais un directeur adjoint.
Le personnel d’administration centrale
Le décret n° 2019-1594 du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l’État précise les règles applicables à la sélection, aux nominations et aux évaluations de ces agents.
Concrètement :
Le directeur général (ou délégué général) a autorité sur l’ensemble des agents de la direction (ou délégation) ;
Le chef de service a une autorité directe sur les sous-directeurs ;
Le sous-directeur a une autorité directe sur les chefs de bureau (il est parfois question de mission) ;
Les chefs de bureau (ou mission) sur leur(s) adjoint(s) et agents.
La fonction de chef de service est ancienne. Voici par exemple : M. Lesueur.Chef de service au ministère de l’Intérieur dans les années 20.
L’unité première de l’administration centrale est donc constituée du bureau (ou de la mission).
Un contingentement du nombre de cadres dirigeants longtemps prévu par la loi
Jusqu’au décret précité du 15 juin 1987, le nombre de cadres dirigeants étaient fixés dans la loi.
« Le nombre des emplois de chefs de service de chaque catégorie, savoir : directeurs généraux ou secrétaires généraux, chefs de division ou chefs de service, sous-directeurs, chefs de bureau, ne pourra être augmenté que par une loi. »
Désormais, les nominations ne sont plus encadrées par la loi, mais par le pouvoir règlementaire.
Cette perte de contrôle du Parlement a impliqué une hausse assez importante du nombre d’encadrants supérieurs. C’est le cas notamment de la Direction générale de l’économie.
Une nomination des directeurs par décret du président de la République délibéré en Conseil des ministres
Les directions d’administrations centrales sont dirigées par des directeurs nommés en conseil des ministres par le président de la République.
Cet emploi est donc particulièrement sensible politiquement et est l’un des plus élevés de l’administration15.
Cependant, étant nommés par le président de la République, les directeurs bénéficient d’une certaine stabilité de l’emploi16.
Une nomination des chefs de services et sous directeurs par arrêté ministériel
La nomination des sous-directeurs et des chefs de services est réalisée par arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre dont relève l’emploi, conformément à l’article 22 du décret n° 2019-1954 du 31 décembre 2019 précité.
La nomination est prononcée pour une durée maximale de trois an. Cette nomination peut être renouvelée, pour une durée totale d’occupation de six ans maximum (article 12 du même décret).
À la première nomination, une période probatoire qui ne peut excéder six mois est prévue (article 13 du même décret).
Il peut être mis fin aux missions des sous-directeurs et des chefs de services à tout moment pour nécessité de service, mais cette décision doit alors être motivée (article 16 du même décret).
Résumé des principales directions d’administration centrale et de leur rattachement ministériel17 :
Premier ministre :
Le secrétariat général du gouvernement (SGG) ;
Le secrétariat général du gouvernement (SGG) ;
Le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) ;
Le Secrétariat général des Affaires européennes (SGAE) ;
La Direction interministérielle de la transformation publique ;
Le Service d’information du Gouvernement (SIG) ;
La Direction de l’information légale et administrative (DILA) ;
Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (France stratégie).
Ministre de l’Intérieur
La direction générale de la police nationale (DGPN) ;
La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ;
La direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) ;
La direction générale des étrangers en France (DGEF) ;
La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ;
La délégation à la sécurité routière.
Ministère de l’Économie et des finances
La direction générale du Trésor (DGTrésor) ;
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ;
La direction générale de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ;
Le service à compétence nationale dénommé « Agence des participations de l’État » (APE) ;
La direction générale des entreprises (DGE) ;
Le délégué interministériel aux restructurations d’entreprises ;
Le médiateur des entreprises ;
La direction générale des Finances publiques (DGFiP) ;
La direction du budget (DB) ;
La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ;
La direction des achats de l’État (DAE) ;
Les services de contrôle budgétaire et comptable ministériel (SCBCM) ;
Les services à compétence nationale dénommés « TRACFIN », « Agence pour l’informatique financière de l’État » et « centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines » (CISIRH) ;
La direction de l’immobilier de l’État (DIE) ;
La délégation nationale à la lutte contre la fraude (DLNF) ;
L’agence française anticorruption (AFC).
ministre de la fonction publique
La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) ;
La direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).
ministre de l’Agriculture et de l’alimentation
La direction générale de l’alimentation (DGAL) ;
La direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER)
La direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) ;
La direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA).
ministre de la Culture
La direction générale des patrimoines (DGP) ;
La direction générale de la création artistique (DGCA) ;
La direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) ;
La délégation à la langue française et aux langues de France.
ministre de la Transition écologique
La Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) ;
La Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) ;
La Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) ;
La Direction générale de la prévention des risques (DGPR) ;
La Direction générale de l’aviation civile (DGAC).
ministre de l’Éducation nationale
La direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO).
ministre de l’Enseignement supérieur
La direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESUP) ;
La direction générale de la recherche et de l’innovation.
ministre de la Justice
La direction des services judiciaires ;
La direction des affaires civiles et du sceau (DACS) ;
La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) ;
La direction de l’administration pénitentiaire (DAP) ;
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ).
ministre des Solidarités et de la santé
La direction générale de la santé (DGS) ;
La direction générale de l’offre de soins (DGOS) ;
La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) ;
La direction de la Sécurité sociale (DSS) ;
La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) ;
La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.
ministre des Sports
La direction des sports ;
La délégation interministérielle aux grands événements sportifs.
ministre du Travail
La direction générale du travail (DGT) ;
La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ;
La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES).
ministre des Armées
De l’état-major des armées ;
Des organismes militaires et des services interarmées rattachés au chef d’état-major des armées ;
Des états-majors de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air ;
De la direction générale de l’armement (DGA) ;
La direction générale des relations internationales et de la stratégie ;
La direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication ;
La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ;
La délégation à l’information et à la communication de la défense ;
La direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) ;
La direction centrale du service de santé des armées ;
La direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense ;
Le contrôle général des armées.
ministre de l’Outre-mer
La direction générale des outre-mer.
ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités (si ministère autonome)
La direction générale des collectivités locales.
ministre des Affaires étrangères
La direction générale des affaires politiques et de sécurité (DGAPS) ;
La direction de l’Union européenne (DUE) ;
La direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international (DGMCEDI) ;
La direction générale de l’administration et de la modernisation (DGAM) ;
La direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire.
Le ministre chargé de l’Industrie peut par exemple avoir autorité sur la direction générale de l’Economie, et peut disposer de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle s’agissant des dispositifs de formation dans le champ de l’Industrie. ↩
Autrement dit, essentiellement : la direction générale du travail et la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle. ↩
La direction de la sécurité sociale et la direction générale de la cohésion sociale, essentiellement. ↩
Voir l’article 2 du décret d’attribution. Et pour une analyse, sur ce sujet et plus largement la politique étrangère de François Hollande, l’article de Christian Lequesne. La politique extérieure de François Hollande : entre interventionnisme libéral etnécessité européenne. 2014. hal-03460278 ↩
On peut toutefois imaginer l’importance de ces établissements publics dans la conduite des politiques ministérielles, certains d’entre eux représentant même la quasi-intégralité des crédits budgétaires d’un programme budgétaire. ↩
Ces dispositions ont donc ajouté la notion « d’appui aux services déconcentrés » qui n’existait pas dans la rédaction originelle de l’article 2 du décret n°92-604 du 1 juillet 1992 portant charte de la déconcentration. ↩
Les Archives nationales ont pour mission de « collecter, classer, inventorier, conserver, restaurer, communiquer et mettre en valeur les archives publiques ». ↩
Un premier décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels a été publié, moins de deux semaines après la victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle. L’actuel décret n° 2024-892 du 23 septembre 2024 reprend ce principe en limitant les cabinets d’un ministre à quinze membres, dix membres pour un ministre délégué et sept membres pour un secrétaire d’Etat. ↩
Jacques Chevallier, « La reconfiguration de l’administration centrale », Revue française d’administration publique 2005/4 (no116), p. 715-725. ↩
Décret n° 2014-834 du 24 juillet 2014 relatif aux secrétaires généraux des ministères ↩
Rétablies par la loi n°45-01 du 24 novembre 1945 relative aux attributions des ministres du Gouvernement provisoire de la République et à l’organisation des ministères ↩
Assez logiquement classé au premier niveau de l’arrêté du 23 novembre 2022 relatif à la répartition par niveaux des emplois relevant du décret n2022-1453 du 23 novembre 2022 relatif aux conditions de classement, d’avancement et de rémunération applicables à certains emplois supérieurs de la fonction publique de l’Etat. ↩
Jean-Denis Combrexelle a ainsi été directeur général du travail pendant treize ans de 2001 à 2014. ↩
Hors secrétariats généraux et inspections générales. Les périmètres proposés sont évidemment changeants et dépendent, comme énoncé plus haut, des décrets d’attribution des ministres. ↩
Au début de la IIIe République, comme on l’a vu avec le ministère du Travail, les services centraux des ministères étaient situés directement auprès du ministre, dans les « Palais de la République »1.
Certains demeurent encore dans cette situation :
C’est le cas pour de nombreuses administrations centrales du ministère de l’Intérieur, place Beauvau ;
C’est aussi le cas pour d’importantes directions des ministères économiques et financiers (à « Bercy ») ;
Ou pour le ministère de la Santé et des solidarités (avenue Duquesne).
Place Beauvau. Carte postale mise à disposition en ligne par la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.
Toutefois, la majorité des administrations centrales sont aujourd’hui à l’écart de leurs cabinets ministériels de tutelle et un mouvement de délocalisations a été engagé depuis le début des années 2000.
Une tendance à la délocalisation des administrations centrales
Dans une dynamique assez régulière (la plus récente étant celle de CAP 2022), des déménagements d’administrations centrales en dehors de Paris sont organisés.
Ces déménagements poursuivent trois objectifs :
Rapprocher ces grandes administrations des français,
Permettre davantage de mobilités aux agents publics en dehors de Paris,
Rationaliser les implantations immobilières (et économiser des deniers publics).
Des délocalisations qui demeurent souvent aux bordures de Paris…
Ce mouvement implique également des déménagements réguliers… en bordure de Paris2.
Les cas les plus emblématiques concernent évidemment le ministère des Armées, à Balard (Paris XV). C’est aussi le cas pour le ministère de la Justice (Paris XIX). Deux implantations situées au bord du périphérique.
De grands opérateurs comme Pôle emploi (désormais France travail) ou la Caisse nationale d’assurance maladie ont pris ce même chemin : le premier près des Lilas, la seconde, près de Montreuil. Dans les deux cas, au bord du périphérique et en conservant une adresse parisienne.
Lorsque des déménagements de directions d’administration centrale importantes sont effectués en dehors de Paris, le choix d’implantation est souvent la petite couronne francilienne.
Tel est le cas, par exemple, de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) à Montreuil ou encore de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), à Levallois-Perret.
Le cas des administrations centrales en province
Lorsque les administrations centrales sont en dehors de l’Ile-de-France, il s’agit le plus souvent de démembrements d’administration :
Le service central d’état civil du ministère des Affaires étrangères est à Nantes ;
Des services de la direction générale des Finances publiques sont à Béthune et à Lens, d’autres déménagements sont encore prévus, notamment à Lille ;
De même pour l’État-major des armées avec plusieurs lieux d’implantation en France.
La IIIe République est née des circonstances, dans un régime où le parlementarisme dispose de l’essentiel des prérogatives, mais demeure très fragmenté pour faire face à des enjeux considérables :
Deux guerres mondiales et
La plus grande crise économique de l’histoire contemporaine.
Événements induisant, à intervalles réguliers, une forte instabilité gouvernementale.
Dans cette période particulièrement troublée, la maitrise des enjeux budgétaires présente un caractère stratégique. Pour autant, en dépit de projets de réformes administratives esquissés avant la Grande Guerre, il faut attendre 1919 pour assister à la naissance de la direction du Budget.
Celle-ci est donc pleinement la « fille de la Grande Guerre » selon l’expression de Florence Descamps.
La création de la direction du Budget en 1919 : les objectifs et la méthode
Le travail de deux hommes : Georges Clemenceau et Louis-Lucien Klotz
Comme pour le ministère du Travail, le personnage clé est une nouvelle fois le président du Conseil Clemenceau. La mise en œuvre étant réalisée sous la supervision d’un ministre des Finances particulièrement important et connaisseur : Louis-Lucien Klotz.
M. Lucien Klotz.
Celui-ci a, en effet, été :
Deux fois ministre des Finances avant la guerre,
Rapporteur général du budget auprès de la chambre des députés,
Président la commission du budget et des dommages de guerre à compter de 1915,
Enfin, ministre des Finances en septembre 1917.
Comme ministre des Finances, il est également entré dans l’histoire comme l’un des cinq signataires français du traité de Versailles, avec :
Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre ;
Stephen Pichon, ministre des Affaires étrangères ;
Un travail mené en commissions parlementaires de 1917 à 1918
La première commission parlementaire, à l’initiative de Louis-Lucien Klotz, est présidée par le sénateur Justin de Selves. Celle-ci travaille au contrôle de l’exécution budgétaire avec des experts en finances publiques comme le professeur de droit Gaston Jèze.
La seconde est présidée par Louis Courtin2 et est consacrée à la réorganisation de l’administration centrale des finances.
Ces deux commissions proposent la création d’une direction du Budget indépendante et spécialisée afin de pouvoir piloter plus efficacement3 la dépense.
Un pilotage déjà mis en œuvre au Royaume-Uni et une prise de conscience internationale de la nécessité d’un pilotage budgétaire
Le Treasury britannique dispose déjà d’une ancienneté remarquable avec une centralisation des dépenses et un fort pouvoir budgétaire.
Le système français entend donc réaliser une forme de rattrapage sur le modèle britannique.
Ce rattrapage est toutefois relatif :
L’Allemagne présente une trajectoire semblable à la France avec la création en 1919 d’un ministère des Finances centralisé, le : Reichsministerium der Finanzen ;
De même, les États-Unis créent leur Bureau of the Budget via le Budget and account Act en 1921.
De discussions relativement rapides4 aboutissant à la loi du 21 octobre 1919
Le ministre Klotz dépose donc un projet de loi avec un article portant création d’un emploi supplémentaire de directeur (d’une manière similaire, encore une fois, à la création du ministère du Travail)5, mais la commission du budget repousse quatre fois le projet. En effet, le rapporteur à la chambre des députés, Albert Grodet, plaide pour des économies budgétaires et la suppression de postes de cadres6.
L’article du projet de loi est finalement voté le 17 octobre 1919 après un amendement du député Paul Laffont. Celui-ci propose un compromis par la création de deux directions « simples » en lieu et place de directions générales :
« L’inspecteur général des finances, contrôleur des dépenses engagées au ministère des Finances, aura le grade de directeur à l’administration centrale de ce ministère. »
La loi du 21 octobre 1919 portant ouverture et annulation de crédits sur l’exercice 1919 constitue l’une des dernières lois du gouvernement d’Union nationale de Clemenceau. Elle est publiée au Journal officiel le lendemain.
Les élections législatives se tiennent moins d’un mois après la publication, le 16 novembre.
L’organisation du nouveau ministère des Finances après la loi d’octobre 1919
La publication rapide de deux décrets en novembre 1919
Dans les jours qui suivirent le vote et la publication de la loi, le Gouvernement fait paraître deux décrets matérialisant cette transformation du ministère des Finances :
Le décret du 7 novembre 1919 modifiant le décret du 1ᵉʳ décembre 1900 concernant l’organisation centrale du ministère des Finances (publié au Journal officiel du 16 novembre 1919)7 et
Le décret du 15 novembre 1919 modifiant le nombre et les attributions des bureaux de l’administration centrale du ministère (également publié au journal officiel du 16 novembre).
L’administration centrale est alors composée selon une structuration rappelant l’organisation actuelle, à l’exception des commis et expéditionnaires8 :
Commis principaux ou commis d’ordre et de comptabilité,
Expéditionnaires principaux et expéditionnaires.
À ces agents administratifs s’ajoutent quelques traducteurs, des agents d’entretien, deux douzaines d’agents de service et de sécurité et près de 260 huissiers, gardiens de bureau, concierges, ordonnances ou assimilés.
L’insertion de la direction du budget dans le ministère des Finances
Deux bureaux de la direction générale de la Comptabilité publique, déjà chargés avant 1914 d’établir le budget, sont désormais érigés en direction indépendante : soit une vingtaine d’agents.
Le nouveau directeur est Georges Denoix10. Il restera en poste jusqu’à sa mort en 1925.
Les missions de cette nouvelle direction du budget :
Les missions de la nouvelle direction sont les suivantes :
La réalisation de tous les : « travaux liés à la présentation aux Chambres du Budget de l’État » ;
« Le contrôle général de la marche des dépenses publiques de l’État »,
« L’étude de tous les projets ayant une répercussion sur les finances de l’État », notamment les rémunérations, traitements et retraites des personnels civils et militaires11 ;
Le contrôle des règles d’engagement des dépenses et de l’emploi des crédits.
Une direction du budget qui demeure encore peu outillée et qui ne dispose pas de l’autorité suffisante pour faire voter le budget
Les premières années sont difficiles pour la direction du Budget, car elle ne dispose d’aucun moyen de coercitions sur les ministères.
Ce faisant, ses missions sont encore très teintées « comptabilités publiques ».
Il faut encore attendre quelques années avant de permettre à la direction du budget de verrouiller les dépenses publiques, par la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées, dite « Marin ».
Le vote de la loi « Marin »
Le ministre des Finances Joseph Caillaux12, lui-même inspecteur général des finances, avait proposé plusieurs mesures en 1914, sans succès :
Le contrôle a priori de la direction chargée du Budget ;
Le visa sur toutes dépenses ministérielles ;
La création d’un corps de contrôleurs dédiés.
C’est finalement à Charles de Lasteyrie, nouveau ministre des Finances (1922-1924) et également inspecteur général des finances, qu’il revient de réussir cette réforme avec le rapporteur général du budget de la Chambre… Louis Marin.
M. Louis Marin.
La loi du 14 août 192213 constitue une petite révolution dont les éléments perdureront jusque dans les années 2000 :
L’article 1er crée d’abord un corps de contrôleurs placé auprès de chaque ministère ;
L’article 3 précise que la comptabilité élaborée par ces contrôleurs est transmise mensuellement au ministre de l’Économie et des finances, et une fois par an aux chambres ;
L’article 4 formalise la procédure d’avis sur tous les projets de loi, décrets, arrêtés, contrats, mesures ou décisions ayant un effet budgétaire ;
Enfin, l’article 5. L’arme juridique tant attendue par les budgétaires français d’alors : le « verrou budgétaire ». Toute dépense est soumise au visa de ces contrôleurs :
« Si les mesures proposées lui paraissent entachées d’irrégularité, le contrôleur refuse son visa. En cas de désaccord persistant, il en réfère au ministre de l’Économie et des Finances.
« Il ne peut être passé outre au refus du visa du contrôleur que sur avis conforme du ministre de l’Économie et des Finances. Les ministres et administrateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l’encontre de cette disposition. »
Pour matérialiser cette reprise en main budgétaire, le gouvernement Painlevé nomme, en 1925, un ministre exclusivement chargé des questions budgétaires : Georges Bonnet14.
Parallèlement, un nouveau directeur du Budget est nommé, Pierre Fournier (1925-1929). Il s’agit (évidemment) d’un inspecteur général des finances, mais également de l’ancien directeur adjoint de Georges Denoix. Il devient le plus jeune directeur du Budget du XXe siècle (33 ans)15.
La crise de 1929 et ses suites : la politique de déflation budgétaire
Le début des années 30 est marqué par les difficultés financières, budgétaires, politiques et institutionnelles.
Alors que la crise financière et budgétaire s’installe, la direction du budget se constitue en véritable outil de gestion et de pilotage des dépenses publiques.
La politique du « rabot » fait ainsi son apparition avec les décrets-lois de 1934, rapidement suivis des décrets-lois de 1935 – dits « Laval-Régnier ». Par ailleurs, la direction du budget accentue son contrôle en matière de gestion des personnels civils et militaires16.
Les directeurs à se suivre : Erik Haguenin, de 1932 à 1935 et Yves Bouthillier, de 1935 à 1936 incarnent cette politique de rigueur budgétaire jusqu’à l’arrivée de Léon Blum et du Front Populaire.
Mais, c’est une autre histoire…
Pour aller plus loin :
Voici trois articles de Florence Descamps dont on retrouvera ici des sources d’inspiration :
Secrétaire général des affaires étrangères et frère de l’influent Paul Cambon, alors ambassadeur de la France au Royaume-Uni. Personnages que l’on peut notamment retrouver dans l’ouvrage Les somnambules de Christopher Clark. ↩
Polytechnicien, inspecteur des finances, puis président de chambre à la Cour des comptes de 1903 à 1924. ↩
Et parfois, plus simplement, connaître la dépense publique. Le manque de suivi budgétaire fut en effet l’une des grandes difficultés comptables de la Première guerre mondiale. ↩
Les créations de postes sont aujourd’hui à la main de l’Exécutif et ne donnent plus lieu à discussion au Parlement. Il n’en était rien sous la IIIe République avec un Parlement empiétant très largement sur les prérogatives du Gouvernement s’agissant de l’organisation et de la gestion de la fonction publique. ↩
Sur les débats parlementaires et le « fonctionnariat », je ne peux que vous conseiller de suivre et lire les travaux d’Emilien Ruiz. ↩
Les dispositions du décret couvrent l’organisation de l’administration des finances, fixe les emplois, mais également les rémunérations. Un tel détail est symptomatique de la gestion parcellaire et protéiforme de l’administration sous la IIIe République. Le décret allant jusqu’à lister le nombre de sous-chef de bureau (88). ↩
Sauf à faire figurer ici les actuels secrétaires administratifs et adjoints administratifs. ↩
Le terme de « rédacteur » peut encore être utilisé dans quelques administrations centrales, mais il demeure rare. Il est désormais plus souvent question de « chargé de mission ». ↩
Il était auparavant directeur adjoint, chargé de la supervision des bureaux budgétaires. ↩
La direction du budget précède de quelques décennies la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans le pilotage de la politique salariale et, ce faisant, la politique de ressources humaines interministérielles de l’Etat – encore balbutiante. ↩
Évidemment connu comme le créateur de l’impôt sur le revenu français, mais également pour l’assassinat de Gaston Calmette, directeur du Figaro par sa femme, Henriette. ↩
Comme les très grandes lois de la IIIe République, elle est directement disponible sur Légifrance. Alléluia ! Mais pour ceux qui ne savent lire un texte de la IIIe que sur Gallica, voici le lien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64423339/f2.item↩
Appelé à se compromettre ultérieurement avec le régime de Vichy. ↩
Celui-ci deviendra par la suite sous-gouverneur (1929), puis Gouverneur de la Banque de France (1937-1940), avant de devenir président de la SNCF à compter de 1940. C’est notamment lui qui sera chargé d’évacuer les 2 500 tonnes de la Banque de France du port de Brest en 1939. Rappelons que la France n’a pas fait défaut en 1940 et qu’elle disposera de ce stock à la Libération. ↩
Comme précisé plus haut, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) n’existe pas encore… ↩
On ne conseillera jamais assez aux candidats de lire les rapports du jury, peu importe le concours visé.
Vous y découvrirez des informations précieuses, sur les attentes du jury, les profils des autres candidats, mais également des perspectives sur les métiers de débouchés des différents concours et examens, ce qui vous permet à la fois de démontrer votre curiosité et de vous projeter sur ces fonctions.
A cet égard, le rapport du comité de sélection interministériel du corps des administrateurs de l’Etat pour 2022 est riche d’enseignements.
Le tour extérieur des administrateurs de l’Etat peut-être considéré comme le véritable concours interne des agents de catégorie A souhaitant exercer des fonctions d’administrateurs de l’Etat.
Au titre de 2022, 38 places étaient à pourvoir, contre 32 places pour le concours interne de l’Institut national du service public (INSP) au titre du même exercice1.
A la différence du concours interne, il n’y a pas une multitude d’épreuves écrites et orales, et surtout, il n’est pas question de deux ans de scolarité à l’INSP, accompagné de trois stages : en affaires internationales, entreprise et préfecture (et autant de déménagements successifs).
Les candidats sont présélectionnés par leurs administrations afin de ne présenter que les agents ayant le potentiel pour exercer des fonctions supérieures et l’épreuve est axée sur un entretien avec le jury autour de la revue des réalisations professionnelles du candidat et de sa capacité à se projeter dans son univers professionnel.
Par ailleurs, la formation est allégée, réduite à six mois, afin de tenir compte de la spécificité des candidats : à savoir des fonctionnaires de catégorie A exerçant déjà des fonctions supérieures et souhaitant changer de corps afin de poursuivre leur ascension professionnelle2.
A l’inverse, et comme le rappelle le dernier rapport du jury relatif au concours interne de l’INSP, le concours interne demeure un concours de début de carrière, permettant en particulier à ceux ayant échoué quelques années plus tôt au concours externe de l’INSP de retenter leurs chances.
Les candidats et lauréats du concours interne sont en grande majorité des hommes (alors même que les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans la filière administrative) , ils sont très jeunes3, autour de la trentaine, ne sont évidemment pas sélectionnés par leur administration et doivent préparer des épreuves essentiellement théoriques.
D’abord quelques chiffres
Au titre de 2022, 297 dossiers ont été déposés pour le tour extérieur (contre 241 en 2021) pour un nombre d’emploi à pourvoir de 38. Des chiffres assez similaires au concours interne de l’INSP, avec 302 candidats présents aux épreuves écrites pour 32 places.
Le comité, d’un commun accord, a décidé de ne pas tenir compte des listes préférentielles présentées par les ministères, notamment parce que tous les ministères n’avaient pas établi de telles listes, afin de se doter d’une capacité d’appréciation la plus libre possible, en se fondant exclusivement sur les dossiers de candidature et les prestations orales des candidats.
Pour autant, il convient de préciser que si les évaluations des administrations n’ont pas été retenues par le jury, les candidats présentés sont tout de même ceux sélectionnés par ces dernières. Comme énoncé plus haut, un agent de catégorie A ne peut de sa propre volonté, parce qu’il réunit les critères d’éligibilité, solliciter un entretien devant le comité de sélection.
A l’issue de l’examen, seuls 34 candidats ont finalement été retenus – 4 emplois n’ont donc pas été pourvus. Le fait de ne pas saturer la liste des emplois disponibles témoigne, à l’évidence, de la sélectivité du jury.
Malgré un léger rebond des candidatures, une sélectivité qui demeure tendanciellement en baisse
Premier constat : un rebond des candidatures sur 2022 par rapport à 2021 :
Une sélectivité qui demeure tendanciellement en baisse :
A titre de comparaison, par rapport aux candidats présents aux épreuves d’admissibilité aux écrits, le taux de sélection du concours interne de l’INSP pour 2023 est nettement plus défavorable, à 1 pour 9,4.
Des candidats le plus souvent masculins, d’environ 43 ans, en administration centrale aux ministères de l’Intérieur ou de l’Economie et des finances
En effet, le comité de sélection rappelle la concentration des candidatures au sein de deux ministères : l’Intérieur et l’Economie et les finances (41% des candidats).
Ces candidats sont plus souvent masculins (y compris chez les admis).
L’âge moyen est de 43 ans (contre 42 ans en 2021), avec un plus bas à 36 ans et un plus haut à 51 ans. Près de la moitié des candidats ont entre 40 et 44 ans.
Les attachés demeurent le corps le plus représenté avec près de 80% des candidats et plus de 90% des admis. Parmi les admis : 70% sont attachés principaux d’administration et 20% attachés hors classe.
L’appréciation qualitative des dossiers présentés par les candidats
S’agissant des CV:
Le comité de sélection regrette des présentations médiocres et peu claires. Des éléments inutilement bavards et des présentations complexes rendant la lecture absconde.
Enfin, quelques candidats ont survalorisés des fonctions ou des engagements, ce qui est évidemment peu approprié et se révèle rapidement contreproductif à l’oral.
S’agissant des évaluations des supérieurs hiérarchiques :
Le comité rappelle l’enjeu d’une présentation claire, non ambiguë et si possible harmonisée, a minima au sein d’un même périmètre ministériel. Les candidats devant, de leur côté, être capable d’expliciter les observations.
S’agissant du relevé des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP) :
Le RAEP est considéré par le comité de sélection comme « manifestement pas bien compris et (…) très en-deçà des attentes. »
« La présentation doit donc être claire, porter sur une expérience récente, comporter une part descriptive mais dynamique et aussi critique, à la condition qu’elle soit sincère et surtout bien argumentée. Les candidats doivent faire l’effort d’une expression et d’une orthographe correctes, d’une rédaction agréable à lire et, de façon essentielle, s’attacher à capter l’intérêt du lecteur. En synthèse, la RAEP doit permettre au candidat de faire la démonstration qu’il détient une hauteur de vue, des capacités d’analyse et des aptitudes opérationnelles au niveau de ce qui peut être attendu d’un administrateur de l’Etat. »
Or, pour les membres du comité de sélection, le RAEP s’apparente trop souvent à une simple description de fiche de poste sans présentation d’une quelconque problématique ou, à l’inverse, « à une succession de prises de position tranchées et péremptoires ».
S’agissant du parcours professionnel, plusieurs critères permettent de démontrer les capacités d’adaptation des candidats selon les membres du comité, notamment :
L’existence d’une ou plusieurs mobilités entre ministères ou fonctions publiques, ou encore entre différentes structures administratives (centrale, déconcentré, opérateurs) ;
L’occupation de poste dans des domaines fonctionnels différents (juridique, RH, budget) ou de nature différente (fonctions support, mise en œuvre d’une politique publique, tutelle d’opérateur) ;
L’occupation de fonctions d’encadrement ;
Une prise de responsabilité croissante ayant permis d’atteindre : « un niveau hiérarchique suffisant et pouvant se caractériser, sans que cela ne soit une condition exclusive, par l’occupation d’un emploi fonctionnel. »
Evidémment, le comité tient également compte des spécificités propres à chaque ministère s’agissant de la nature et du niveau hiérarchique des postes ouverts aux catégories A.
S’agissant des auditions des candidats
Le comité de sélection note que la première partie de l’entretien (5 minutes), consacré au parcours du candidat, est généralement réussi tant en termes de gestion du temps que de contenu, malgré quelques exposés décousus et peu lisibles (en dépit de l’annonce du plan).
Toutefois, le constat unanime est celui d’un discours trop convenu sur le fond, uniforme et finalement assez ennuyeux.
En revanche, pour la partie relative aux questions, le comité a constaté de véritables lacunes alors même que le comité de sélection s’est, pour l’essentiel, appesanti sur le parcours du candidat : curriculum vitae, évaluations, RAEP.
Le jury est particulièrement sévère sur la capacité des candidats à formaliser un point de vue présentant de la hauteur : « Les candidats ont souvent montré une incapacité à décrire et surtout à situer leur poste ou leurs missions dans leur environnement professionnel ou dans des problématiques de politiques publiques un peu élargis. »
Le comité de sélection note ainsi son incompréhension devant la réaction des candidats à des questions relatives à leurs points forts supposés, tels que mis en avant dans leur dossier d’évaluation (lorsqu’ils en ont un).
Plus encore, le comité de sélection note que : « beaucoup de candidats ont semblé « désemparés » devant des questions portant pourtant sur leur dossier, le choix de postes, le parcours, la mobilité géographique et l’éventuelle prise ou non prise de risque dans leurs sélections de fonctions. »
Enfin, s’agissant de l’échange élargi avec le comité de sélection, les membres dudit comité notent : « un véritable échec. » Ce qui interroge sur les préparations disponibles pour les candidats et sur la capacité de ces derniers à dégager du temps et de l’espace critique pour s’assurer de leur capacité à engager une discussion de haut niveau.
« Le socle minimum de culture administrative, juridique, économique et politique normalement détenu par un administrateur de l’Etat souffre d’une insuffisante préparation de la part des candidats. »
« Pour le comité, ce qui est en cause, c’est l’impréparation, le manque de réflexion et de curiosité mais aussi des imprécisions voire des lacunes importantes sur des connaissances minimales empêchant de bien articuler sa pensée, y compris sur les grands sujets d’actualité du moment, pourtant très largement analysés dans les médias. »
Pour le comité de sélection, il est essentiel que les candidats se renseignent également sur le profil des membres du comité, sur leurs centres d’intérêt naturels ou leurs spécialités.
En bonus, la liste des thématiques pouvant être abordées lors du comité de sélection au tour extérieur des administrateurs de l’Etat :
Je ne peux que vous inciter à reproduire cette liste de questions et à l’adapter au concours ou à l’examen visé. Répondez à chacune d’entre elles, étoffer la liste et vous serez probablement davantage préparé que 90% des candidats, y compris en catégorie A.
Culture administrative :
Qu’est-ce que la souveraineté nationale et comment s’exerce-t-elle ?
Quelles sont les missions du Conseil Constitutionnel ?
Qu’est-ce que le bloc de constitutionnalité ? A quoi sert-il ?
Quelles différences entre un décret en conseil d’Etat et un décret en conseil des ministres ?
Qui exerce le pouvoir réglementaire ?
Qu’est-ce que l’article 49-3 de la Constitution ?
Qu’est-ce que la hiérarchie des normes ?
Quelles sont les missions régaliennes de l’Etat ?
Comment sont organisées les juridictions en France ? Deux ordres sont-ils utiles ?
Qu’est-ce que le Conseil d’Etat ? La Cour de cassation ?
Connaissez-vous des juridictions spécialisées et dans quels domaines ?
Quelles sont les juridictions compétentes en droit du travail ?
Quelles sont les juridictions financières en France ?
Connaissez-vous des juridictions qui emploient des juges non professionnels ? Des citoyens ?
Faut-il juger les ministres ? Qui les juge ? Existe-t-il des procédures en cours ?
Quelles sont les juridictions compétentes en matière pénale ? A quoi sert la cour d’assises ?
Quel est le rôle du parquet ? Parquet siège quelles différences ?
Fallait-il créer un parquet financier ?
Qui juge les terroristes ? Quelle est l’utilité d’un parquet antiterroriste ?
Quelle est la différence entre éthique et déontologie ? Qu’est-ce que la déontologie ? Quelles instances interviennent dans ce domaine ?
Qu’est-ce que l’article 40 du Code de procédure pénale ?
Qu’est-ce qu’une autorité administrative indépendante ? Pouvez-vous en citer ? Leur utilité ?
Les grands principes du droit des collectivités locales ?
L’organisation des collectivités territoriales de l’Île-de-France est-elle efficace ?
Quel est le cadre juridique encadrant les compétences des collectivités locales ?
Les régions ont-elles une clause de compétence générale ?
Quel transfert de compétence est demandé par les régions ?
Fallait-il départementaliser Mayotte ?
La France a-t-elle vraiment sa place outre-mer ? Que lui apporte cette présence ?
Qu’est-ce que la diagonale du vide ?
Quelles sont les conditions de la réussite de la dématérialisation des procédures ?
Qu’est-ce que la fracture numérique ?
Faut-il garder deux forces de sécurité en France, police et gendarmerie ?
Le lien armée Nation ?
Compte tenu de l’actualité géopolitique, pensez-vous qu’il fallait supprimer le service militaire ?
Faut-il continuer à dialoguer avec la Russie ?
Votre avis sur la conception française de la laïcité ? Avez-vous des exemples de politiques françaises de discrimination positive ? Votre avis ?
La politique française de lutte contre le séparatisme est-elle efficace ?
Quelles sont les mesures prises dans l’éducation pour lutter contre la radicalisation ?
Faut-il accueillir les mineurs de retour des zones de terrorisme en Syrie ?
Quels ont été les derniers éléments de modernisation de la formation professionnelle en France ?
A quoi sert la formation continue ?
Qu’est-ce qu’un dialogue social réussi ?
La réquisition est-elle la marque de l’échec du dialogue social ? Quels sont les fondements juridiques de la réquisition ?
Le droit à la paresse
Faut-il supprimer les droits de succession ?
Le prix unique du livre
La loi Toubon : un combat vain ?
Questions économiques, budgétaires et financières :
Quels sont les grands principes qui régissent la commande publique ?
Quels sont les grands principes budgétaires ?
Qu’est-ce qu’une loi financière ? Quelle différence avec la loi ordinaire ?
Quelle différence entre une loi de financement de la sécurité sociale et une loi de finances ?
Quel est le 1er poste de la dépense publique en France ?
Quels sont les principales dépenses du budget de l’Etat ?
Pourquoi faut-il maitriser la dépense publique ?
Le montant de la dette française est-il un problème ?
Quel est le montant de l’excédent budgétaire français ? (question-piège !)
Quelles sont les principales mesures du projet de loi de finances 2023 ?
Quelles sont les principales mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2023 ?
Quel sont les atouts de l’économie française ?
Quels sont les maux de l’économie française ?
Comment est gérée l’assurance chômage ?
La fermeture de Fessenheim était-elle opportune ?
Question sur l’Europe :
Pouvez-vous citer quelques institutions de l’Union européenne et leurs missions ?
Quelle différence y a-t-il entre le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne et le Conseil de l’Europe ?
Qu’est-ce que l’espace Schengen ?
Tous les Etats membres de l’UE participent-ils à la zone euro ? Lesquels n’y participent pas ?
Quels sont les principaux actes juridiques contraignants de l’Union européenne ?
Dans quelle mesure le droit de l’Union européenne s’applique-t-il en France ?
Quelles sont les principales caractéristiques du budget de l’Union européenne ?
Faut-il retirer l’anglais de la liste des langues de travail de l’UE ?
L’usage de la langue française dans l’administration française et dans les relations avec l’Union européenne ?
Faut-il réformer le marché européen de l’électricité ?
Questions sur la Fonction publique :
Le statut général de la Fonction publique : sa première qualité et son plus grand défaut ?
La loi de transformation de la Fonction Publique du 6 août 2019 ? Quels en sont les 5 axes ou les grands principes ?
Est-ce que l’ouverture facilitée au recrutement des agents contractuels pour les emplois de direction est de nature à diminuer l’attractivité du corps des administrateurs de l’Etat ?
Quels sont les freins au recrutement des agents contractuels pour les emplois de direction ?
Le statut de fonctionnaire a-t-il encore du sens pour les missions non régaliennes et pourquoi ?
le statut est-il un élément d’attraction ou un frein au recrutement ?
Comment rendre plus attractive la fonction publique ?
Fallait-il supprimer l’ENA ?
Le temps réel de travail des hauts fonctionnaires français est-il un signe d’efficacité ?
La transformation de certains corps du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pourrait-il avoir des conséquences pour la diplomatie française ?
Dans quelle mesure la crise sanitaire récente a-t-elle été une opportunité de modernisation de la fonction publique française ?
Quelles sont les instances représentatives des personnels dans la fonction publique ?
Qu’est-ce que le devoir de réserve du fonctionnaire ? L’obligation de discrétion ? Le secret professionnel ?
Quel est le rôle actuel des CAP ? Est-ce que les compétences revues des CAP seront de nature à diminuer le rôle des organisations syndicales et d’avoir une incidence sur le taux de participation des élections de décembre ?
Est-ce que le syndicalisme a du sens pour l’encadrement supérieur ?
Existe-t-il un dispositif alternatif pour prendre en compte les aspirations de l’encadrement supérieur en dehors du champ syndical ?
Télétravail et encadrement ?
Un plan égalité a-t-il été mis en place dans votre structure/établissement ?
Comment revaloriser le métier d’enseignant ?
Quels sont les enjeux de la revalorisation des salaires des enseignants ?
Les concours sont-ils toujours la meilleure façon de recruter des enseignants ? A l’image des autres pays européens, faut-il supprimer le statut des enseignants pour créer une profession réglementée ?
Qu’est-ce que Parcoursup ?
Questions diverses :
Comment réagir face à un chef harceleur ?
Comment définir un mauvais chef ? Comment travailler avec lui ?
Qu’est-ce qui vous fait rire ?
Le dernier livre que vous avez lu ? Le dernier film vu ?
Arrêté du 4 août 2022 fixant le nombre de places offertes en 2022 aux concours d’entrée à l’Institut national du service public. ↩
Outre l’aspect professionnel, on peut aussi imaginer que les quarantenaires présentent une structure familiale différente rendant peu opérationnel le concours interne proposé par l’INSP. ↩
Le dernier âge moyen communiqué pour les admis au concours interne de l’Ecole nationale d’administration date de 2020, il était de 32 ans. Malheureusement, à ma connaissance, l’INSP ne communique plus sur cette statistique. ↩
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt un rapport du Sénat relatif à la mission « Transformation et fonction publique »1 du projet de loi de finances pour 2024.
Une augmentation inquiétante du ratio d’emplois non pourvus
Le rapport sénatorial cite en premier lieu une note de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) datée de mai 2023.
Celle-ci relevait qu’en 2021, comme en 2019 et en 2020, environ 8 % des postes de fonctionnaires de l’État n’avaient pas été pourvus : sur les 39 900 postes ouverts aux recrutements externes (concours et contractuels), seuls 36 700 agents avaient été recrutés.
Si on s’intéresse aux emplois non pourvus à la suite d’un concours externe, le ratio augmente encore fortement, à près de 15%2. Ce qui peut expliquer, par ailleurs, la hausse du recours aux contractuels dans les différentes fonctions publiques.
A titre de comparaison, et selon la DARES, au deuxième trimestre 2024, le taux d’emplois vacants s’élève à 2,8% dans les entreprises du secteur privé (hors agriculture, intérim, particuliers employeurs et activités extraterritoriales).
Ce ratio global recouvre évidemment une diversité de situations avec des métiers plus ou moins tendus. On peut toutefois relever que la quasi-intégralité (99%) des employeurs de la fonction publique hospitalière font état de difficultés de recrutements3.
Or l’attractivité d’un secteur est essentiel, pour a minima disposer du personnel en nombre suffisant pour exercer les missions confiées (le point de vue « quantitatif »), mais également pour disposer d’un personnel qualifié et ayant les compétences adaptées au besoin du recruteur (le point de vue « qualitatif »).
Une problématique commune à plusieurs pays
La moyenne d’âge dans les pays développés augmente progressivement, accentuant à la fois le vieillissement de la population et les besoins associés, notamment en termes de santé. Mécaniquement, les agents publics eux-mêmes vieillissent, d’autant que les fonctions publiques sont en moyenne plus âgées que le secteur privé.
Parallèlement, si la part de jeunes intégrant la fonction publique demeure stable sur la période 1991-2015, entre 9 et 11%. Il convient de noter en termes relatifs une dégradation de l’attractivité de la fonction publique, évaluée en termes de rapports entre le nombre de candidats et de postes à pourvoir.
Une problématique commune à toutes les fonctions publiques
Concernant la fonction publique de l’État, la sélectivité aux concours externes a varié du simple au triple depuis le milieu des années 1980, mais elle baisse tendanciellement depuis la fin des années 2000. La sélectivité des recrutements externes est ainsi passée de 17 candidats pour 1 admis en 1997 pour s’établir en 2020 à 5,8 candidats pour 1 admis.
Rapport annuel sur la fonction publique de 2022, « Les recrutements externes dans la fonction publique de l’Etat en 2020 »
« La baisse tendancielle de la sélectivité n’est pas imputable à l’évolution du volume des recrutements mais est bien plus liée à une fuite des candidats : le nombre d’inscrits et de présents aux concours externes diminue depuis le milieu des années 1990, alors même que le vivier de jeunes diplômés, potentiels candidats, a crû presque continûment. Ainsi, à comportement inchangé des jeunes diplômés, la sélectivité des concours de catégorie A et B, hors enseignants, aurait dû croître. »
Concernant la fonction publique hospitalière, les emplois les plus qualifiés et dans certains secteurs sont particulièrement en tension : 25% des postes de pédiatre et 46% des postes de radiologue sont vacants.
Concernant la fonction publique territoriale, 39% des recruteurs faisaient état de difficultés pour recruter en 2021. En particulier dans des métiers comme la police municipale, la petite enfance et le périscolaire, la propreté et l’administratif. La concurrence avec le secteur privé, notamment s’agissant des rémunérations est régulièrement soulevée4.
Par ailleurs, les recrutements en milieu rural surajoute une difficulté rendant les recrutements particulièrement difficiles.
Enfin, et de manière transversale, la filière du numérique représente également un sujet de difficulté pour les employeurs. Le secteur privé étant réputé répondre davantage aux attentes des candidats tant en terme de rémunérations, malgré les vélléités de l’Etat notamment5, de parcours de carrière, que de « culture managériale » selon un rapport de l’OCDE citée par la sénatrice6.
Une contagion jusque dans la haute fonction publique
La baisse de l’attractivité ne semble pas épargner la haute fonction publique, même si les grandes tendances cachent encore des situations contrastées selon les écoles et les types de concours.
Le rapport Thiriez7 relevait ainsi en 2020 que « tous concours confondus (École nationale d’administration, École nationale de la magistrature, Institut national des études territoriales, École des hautes études en santé publique), le nombre de candidats a baissé d’un millier entre 2010 et 2018 pour s’établir à 5 900, alors même que le nombre de postes offerts augmentait de 50 % ».
Il faut cependant nuancer l’analyse : à l’Institut national du service public (INSP), qui a succédé à l’École nationale d’administration (ÉNA), le nombre total d’inscrits et le taux de sélectivité se sont globalement maintenus sur cette période, et ont même légèrement augmenté depuis 2018, principalement sous l’effet de la multiplication des voies d’accès (création des concours externes « Docteurs » et « Talents »).
L’ENM, l’INET et l’EHESP sont donc, plus spécialement, confrontés à de plus grandes difficultés de recrutements.
Une attractivité de la fonction publique qui semble corrélée à la situation du marché du travail
Cette faiblesse de l’attractivité de la fonction publique semble par ailleurs s’accentuer en période de faible chômage, avec une concurrence accrue entre employeurs.
L’enquête « Besoins en main-d’œuvre » réalisée par Pôle Emploi en 2023 souligne ainsi que 61 % des recrutements sont jugés « difficiles », contre 57,9 % en 2022. De même, les études de la DARES sur les métiers en tension témoignent de la grande diffusion des difficultés de recrutements dans les différentes filières, en particulier dans les métiers qualifiés.
Les atouts des métiers de la fonction publique et les difficultés à surmonter
L’auteure du rapport tente ensuite de rappeler les atouts des métiers de la fonction publique.
Le principal atout : les « valeurs du service public »
Il est d’abord rappelé que la principale raison de l’engagement dans la fonction publique tient aux missions et aux valeurs, qui se distinguent le plus souvent du secteur privé notamment lucratif. L’intérêt pour le service public est mis en avant par trois candidats à la fonction publique sur quatre, et chez neuf candidats sur dix c’est le métier qui est la principale source de motivation selon le Rapport de restitution des travaux de la conférence sur les perspectives salariales de la fonction de mars 20228.
Pour autant, la fonction publique ne dispose pas d’un monopole sur l’intérêt général. De nombreuses associations, ONG, voire entreprises à mission peuvent également remplir cette quête de sens.
Première difficulté : une gestion jugée trop rigide et hiérarchique
A l’inverse, l’« emploi à vie » n’est plus un élément fort d’attractivité. La sénatrice cite ainsi une enquête réalisée par la CFDT : « seuls 29 % des jeunes ayant répondu, exerçant dans les trois versants de la fonction publique, se disent prêts à y passer toute leur carrière. »
A titre personnel, il me semble également qu’il existe désormais unhiatus entre la rigidité statutaire (corps ou cadres d’emploi, catégories hiérarchiques relativement étanches, recrutement sur concours et affectation nationale pour les métiers de la fonction publique d’Etat) et les velléités de mobilité et d’ouverture des agents.
Le rapport relève aussi une gestion souvent jugée lourde et très hiérarchique.
Le recrutement par concours est aussi en lui-même particulièrement long et coûteux et parfois en décalage avec les besoins immédiats des recruteurs et les viviers de candidats9.
La Cour des comptes relevait ainsi dans un rapport consacré au recrutement des compétences numériques au sein des ministères économiques et financiers10, que le faible intérêt pour les postes offerts était : « accentué par le délai de recrutement dans l’administration comparé à celui des entreprises : 14 mois minimum pour les titulaires et 11 mois pour les contractuels. Ces délais ne sont pas adaptés à un marché en tension. Ils laissent peu de chance face à la concurrence du secteur privé qui peut recruter les jeunes 15 jours après leur diplôme. »
Deuxième difficulté : les rémunérations, jugées trop basses
Les faibles rémunérations sont régulièrement évoquées, dans la population générale, mais également par les fonctionnaires eux-mêmes, en particulier dans la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale.
En valeur absolue, les rémunérations étaient en 2020 légèrement supérieures dans le secteur privé (2 518 euros) par rapport au secteur public (2 378 euros), mais avec d’importantes disparités :
Si le salaire de la fonction publique d’Etat est relativement élevé, à 2 639 euros, cela tient à un effet de composition, du fait de l’importance des catégories A (cadres), dont les enseignants ;
À l’inverse, la fonction publique territoriale, par un effet de composition inverse, présente un salaire net mensuel moyen plus bas : à 2 019 euros ;
Enfin, la fonction publique hospitalière présente un niveau médian, à 2 464 euros, mais avec là-encore, d’importantes disparités (notamment entre les personnels médicaux et les fonctionnaires11).
Surtout, la dynamique des salaires est radicalement différente entre les secteurs public et privé.
Selon l’INSEE 12, entre 2009 et 2020, le salaire des employés du secteur privé a augmenté de 7,8 %, soit une hausse de 0,7 % par an. Cette évolution est largement supérieure à celle constatée dans la fonction publique, où le salaire a augmenté de 1 % seulement sur la période, soit + 0,1 % par an.
Concernant certains métiers, les évolutions sont encore plus éloquentes.
Ainsi, le salaire d’entrée des enseignants en collège et lycée titulaires du CAPES, hors primes, était équivalent à 2,17 fois le SMIC en 1980, contre seulement 1,14 fois actuellement 13.
La « smicardisation » de la fonction publique est également en marche : près d’un agent public sur cinq est aujourd’hui rémunéré autour du SMIC.
Dans un contexte de hausse de l’inflation et de renchérissement du logement, cette situation devient problématique pour de nombreux agents publics, notamment dans les zones urbaines les plus denses, comme en Île-de-France et dans les grandes métropoles régionales.
Le gel ou la sous-revalorisation du point d’indice a ainsi impliqué des efforts sur les rémunérations des agents publics essentiellement concentrés sur des mesures conjoncturelles, ciblées et dispersées (notamment à destination des hauts-fonctionnaires, mais également des agents de la santé14 ou de la police nationale), nuisant à la cohérence globale et, peut-être, aux besoins du service public.
Données de l’INSEE, présentées dans le rapport sénatorial.
La rapporteure souligne également la grande complexité de la rémunération des agents publics, qui est jugée « illisible » pour les observateurs extérieurs.
Des conditions de travail considérées par les agents comme « en dégradation »
Quatre agents publics sur dix déclarent effectuer une quantité de travail excessive et 55 % des agents de l’État continuent de penser à leur travail même quand ils n’y sont pas (soit 19 points de plus que pour les salariés du privé)15.
Dans la fonction publique territoriale, plus des deux-tiers des agents exerçant des missions de catégorie C sont par ailleurs fortement exposés aux risques professionnels, et notamment à des relations difficiles avec les usagers, à des risques physiques et psycho-sociaux, à des horaires atypiques, ainsi qu’à une mobilisation fréquente dans le cadre d’astreintes16.
Les recommandations de la sénatrice
La sénatrice énonce plusieurs propositions, mais le contexte des finances publiques interroge sur les facultés à la main du gouvernement pour y répondre.
La sénatrice propose en premier lieu de rendre les rémunérations plus attractives avec :
Une nouvelle augmentation du point d’indice ;
Une réforme des modalités de calcul de l’indemnité de résidence afin d’en faire un véritable levier d’attractivité 17.
Mais il s’agit également de promouvoir des initiatives managériales accordant une plus grande flexibilité dans l’organisation du travail afin d’améliorer les conditions de travail comme le droit à la déconnexion (en particulier pour les fonctionnaires d’Etat) et le développement du télétravail.
La sénatrice propose aussi de poursuivre le développement de la marque employeur récemment créée, pour mieux faire connaître les métiers de la fonction publique et mettre en œuvre des campagnes de communication ciblées sur les métiers en tension, auprès des jeunes, comme des travailleurs âgés.
Enfin, la sénatrice propose de rendre les processus de recrutement plus efficaces :
En publiant des offres d’emploi plus pédagogiques et notamment plus précises s’agissant de la rémunération offerte ;
En adaptant le format de certains concours, notamment pour les apprentis ;
en améliorant la coordination entre les acteurs au niveau local pour proposer de véritables parcours de carrière au sein des différentes collectivités publiques.
Le programme 148 en nomenclature LOLF (loi organique relative aux lois de finances), géré par le ministère chargé de la fonction publique. ↩
Article précité publié sur le site vie-publique.fr. ↩
Une autre difficulté est celle du recrutement par concours, en particulier dans des métiers en tension où cette étape se révèle parfois incongrue lorsque la condition de diplôme est par ailleurs déterminante pour exercer la profession. C’est notamment le cas des éducatrices de jeunes enfants et auxiliaires de puériculture pour les crèches municipales. ↩
Confer la circulaire n° 6434-SG du 3 janvier 2024 relative à la politique salariale interministérielle des métier de la filière numérique signée par la Première ministre. ↩
OCDE, « Renforcer l’attractivité de la fonction publique en France. Vers une approche territoriale », 2023. ↩
Autrement connu comme le rapport Peny, Simonpoli. Disponible en suivant ce lien. ↩
Le procédé de recrutement par concours vise à évaluer l’« aptitude » générale du candidat à exercer les fonctions prévues dans son corps ou son cadre d’emploi, pas à mesurer les compétences en vue d’un emploi spécifique. ↩
Cour des comptes, « Disposer des personnels qualifiés pour réussir la transformation numérique : l’exemple des ministères économiques et financiers », Rapport public annuel de 2020. Pour consulter ce rapport, voici le lien. ↩
Les personnels médicaux avaient ainsi un salaire net moyen de 5 870 euros en 2020, contre 2 319 euros pour les fonctionnaires selon une étude de l’INSEE. ↩
Insee, « Chiffres-clés : L’essentiel sur… les salaires », 12 juin 2023. Et voici le lien. ↩
Lucas Chancel, La chute du salaire des enseignants (1980-2022) », document de travail, avril 2023. ↩
Au titre du « Ségur de la santé » à destination du personnel hospitalier, mais aussi des EHPAD et établissements médico-sociaux. ↩
Rapport précité de mars 2022 sur les perspectives salariales de la fonction publique de MM. Peny et Simonpoli. ↩
Rapport sur l’attractivité de la fonction publique territoriale, par Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Corinne Desforges, inspectrice générale de l’administration, et Mathilde Icard, présidente de l’association des DRH des grandes collectivités, janvier 2022. ↩
Le rapport pointe ainsi montant brut moyen versé par mois de seulement 46 euros pour les agents publics d’Ile-de-France, ce qui ne compense évidemment pas le surcoût lié notamment au logement. ↩
La France occupe une situation singulière et fait l’objet d’une procédure de déficit excessif par la Commission européenne
S’agissant de la dette publique, et selon les données d’Eurostat, la France présente en 2023 un ratio d’endettement plus élevé de 22 points de PIB que la moyenne de la zone euro. Ce différentiel est encore plus élevé avec l’Allemagne : l’écart étant de 47 points de PIB.
Par rapport à des pays similaires, la France présente une dette publique légèrement supérieure à celle de l’Espagne (+2,9 points de PIB), mais l’Italie demeure à un niveau encore très supérieur à la France et à l’ensemble de l’Union européenne avec un ratio d’endettement de 137 points de PIB.
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
L’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte figurent parmi les pays concernées par une procédure pour déficit excessif, comme la France.
La trajectoire de déficit de la France analysée par la Cour
Selon la nouvelle trajectoire du programme de stabilité 2024-2027, le déficit public serait réduit de 1 point en 2025, passant de 5,1 à 4,1 points de PIB1.
Il serait ensuite ramené à 3,6 points de PIB en 2026 puis repasserait très légèrement sous le seuil des 3 % pour s’établir à 2,9 points de PIB en 2027. Il serait ainsi supérieur de 0,7 point en 2024 au niveau prévu dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 et excèderait de 0,2 point la cible de cette loi de programme en 2027.
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
Une trajectoire maintenue malgré une décélération de la croissance
Cette trajectoire de déficit modifie, par ailleurs, la répartition prévisionnelle de celui-ci entre ses composantes conjoncturelle et structurelle, amenant de fait à moins compter sur la croissance économique et à programmer un effort structurel plus important que celui prévu en loi de programmation des finances publiques.
La trajectoire du programme de stabilité repose en effet sur des hypothèses de croissance révisées à la baisse en 2024 (de 1,4 % à 1,0 %) et en 2025 (de 1,7 % à 1,4 %), les prévisions pour 2026 et 2027 demeurant identiques à celles de la loi de programmation des finances publiques (respectivement 1,7 % et 1,8 %).
La réduction du déficit structurel est plus marquée (2,3 points contre 1,4 point dans la loi de programmation des finances publiques sur la période 2024-2027) et repose sur des efforts très importants de maîtrise durable de la dépense mais également de hausse pérenne des prélèvements obligatoires.
Une trajectoire particulièrement peu volontariste selon la Cour
La comparaison des programmes de finances publiques des quatre principales économies de la zone euro montre que la trajectoire prévue par la France est peu ambitieuse. Sur la période 2024-2027, celle-ci affiche systématiquement l’objectif de déficit public le plus élevé et reste le seul pays à ne pas viser un déficit inférieur ou égal au seuil de 3 % en 2026.
A titre de comparaison, la Cour cite l’exemple de l’Italie qui, malgré un déficit public de 7,2 % de PIB en 2023, prévoit de le ramener à 4,3 % en 2024 et d’atteindre la cible des 3% en 2026.
La Cour note ainsi que, contrairement à ses partenaires, la France ne parvient pas, au cours de la période de programmation, à réduire significativement son niveau de dette par rapport au point haut atteint en 2020.
En 2025, selon les programmes de stabilité, la dette publique française excèderait ainsi de 15,2 points de PIB son niveau d’avant-crise, contre +3,7 points en Allemagne, +5,9 points en Espagne et +4,7 points en Italie.
La dette publique italienne demeurerait toutefois la plus élevée, à proximité de 140 % de PIB (en légère progression depuis 2024).
Extraits du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
Des hypothèses économiques très optimistes selon la Cour
La Cour considère que les hypothèses macroéconomiques du Gouvernement, même abaissées, demeurent trop optimistes, s’agissant de la croissance potentielle comme de la croissance effective.
Le Gouvernement présente ainsi un objectif de retour au plein emploi à l’horizon 2027 sous l’effet favorable des « réformes structurelles sur le marché du travail ». L’impact de la réforme des retraites est ainsi estimé à +200 000 emplois occupés et l’impact de la réforme de la contracyclicité de l’assurance-chômage à +100 000 à 150 000 emplois à moyen terme.
Le programme de stabilité fait également l’hypothèse que les réformes récentes2 permettront d’atteindre le plein-emploi, sans en évaluer véritablement les impacts.
Ce retour au plein emploi projeté par le Gouvernement se traduirait par une baisse du taux chômage jusqu’à son niveau le plus bas depuis plus de 40 ans, alors que la Banque de France, dans ses dernières prévisions, anticipe au contraire une remontée du taux de chômage à 7,8 % fin 2024 et un maintien à ce niveau en 2025.
La Cour note par ailleurs que les tensions sur le marché du travail rencontrées au 1er trimestre 20233 avec un taux de chômage à 7,1 % suggère l’hypothèse que la France ait approché son niveau structurel et que la poursuite de sa diminution supposerait des gains du système de formation et d’accompagnement des demandeurs d’emploi nettement supérieurs aux réformes passées.
Par ailleurs, la France est confrontée à une forte chute de sa productivité, dont les raisons sont probablement multifactorielles, mais qui impliquent de sérieux doutes sur les estimations de croissance potentielle à 1,35 % présentée par le gouvernement. Un horizon de 1 % par an parait pour la Cour plus réaliste.
La Cour note à cet égard, s’agissant de la croissance effective, une hypothèse de croissance pour 2025 du programme de stabilité (revue à la baisse à 1,4 %) qui se situe dans la fourchette haute des prévisions disponibles (1,3 % pour le Consensus forecasts et pour la Commission européenne, 1,2 % pour l’OCDE, 1,4 % pour le FMI).
Quant à la croissance moyenne de 1,75 % sur la période 2026-2027, celle-ci excède très largement celle du Consensus forecasts (1,3 %), de la Commission européenne (0,5 %) et du FMI (1,5 %).
Ce rythme élevé de progression de l’activité résulterait en particulier, selon le programme de stabilité présenté par le Gouvernement, de la conjonction de deux hypothèses particulièrement optimistes :
Un retour du taux d’épargne des ménages à proximité de son niveau d’avant-crise que les enquêtes de conjoncture actuelles ne permettent pas d’anticiper ; et
Une hausse du pouvoir d’achat liée à un retour – hypothétique – au plein emploi et à une dynamique des salaires portée par des gains de productivité d’une ampleur inédite depuis la crise sanitaire.
Enfin, il doit être relevé que ni le programme de stabilité, ni la loi de programmation des finances publiques n’explicitent l’impact macroéconomique des mesures d’ajustement structurel prévues tant en économies de dépenses qu’en hausses d’impôts, alors que celles-ci, de par leur ampleur, auront nécessairement un effet dépressif sur l’activité économique qu’il convient d’estimer et de prendre en compte4.
L’avis de la Cour sur le fond des mesures proposées dans le pacte de stabilité
La trajectoire du programme de stabilité pour 2025-2027 repose sur une augmentation du taux de prélèvements obligatoires de 43,6 points en 2024 à 43,9 points en 2025 puis 44,1 points en 2026 et 2027.
Autrement dit, des hausses d’impots.
Ces hausses d’impôts sont fixées à hauteur de 15 milliards d’euros en 2025 (0,5 point de PIB) et à 6,2 milliards d’euros en 2026 (0,2 point de PIB), soit 21,2 milliards à l’horizon 2026.
L’extinction du bouclier tarifaire y contribuera à hauteur de 4 milliards d’euros en 2025, mais le reste des mesures envisagées, de l’ordre de 17 milliards d’euros, n’est pas précisé, alors même que certaines baisses pérennes d’impôt avaient été annoncées, comme la poursuite de la baisse graduelle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au rythme de 1 milliard d’euros par an ou des mesures en faveur de classes moyennes pour 2 milliards d’euros.
Le programme de stabilité prévoit une croissance de la dépense publique en valeur5 de 1,8 % en 2025, 2,6 % en 2026 et 2,1 % en 2027. Le coût des mesures exceptionnelles adoptées en réponse aux crises successives (sanitaire, énergétique) se replierait de 12 milliards d’euros en 2024 à 3 milliards d’euros en 2025 et se stabiliserait à ce niveau en 2026 et 2027, ce montant correspondant à la chronique prévue des dépenses de relance.
Parallèlement, la charge de la dette augmenterait régulièrement sur la période, préemptant une part croissante de la dépense publique, de l’ordre de 8 milliards d’euros en 2025 et 2026 et de 12 milliards d’euros en 2027 pour atteindre 83 milliards d’euros à cet horizon, soit un niveau comparable à celui prévu dans la loi de programmation des finances publiques alors même que le niveau de dette publique serait supérieur de 80 milliards d’euros. Cela s’explique par des hypothèses de taux revues à la baisse par rapport à la loi de programmation des finances publiques (3,2 % contre 3,5 % dans la loi de programmation pour les taux longs en 2024, du fait de l’accalmie récente, mais avec une remontée à un niveau supérieur à l’hypothèse de ladite loi en toute fin de période – 3,6 % contre 3,5 % dans la loi de programmation).
Hors dépenses exceptionnelles et hors charge d’intérêts, la dépense devrait donc progresser en moyenne de 1,9 % en valeur et 0,2 % en volume par an entre 2025 et 2027.
Or, la Cour des comptes notes qu’une telle maîtrise de la dépense « impliquerait un effort d’économie sans précédent », correspondant à des économies de l’ordre de 50 milliards d’euros en 2027 par rapport à la trajectoire de dépenses des exercices précédents.
Toutefois, la Cour émet des toutes sur la sincérité de cette programmation :
La moitié de l’effort serait effectué en toute dernière année (en 2027) et
Le gouvernement ne documente pas cet effort, pourtant inédit sur la période récente. Seuls sont précisés les impacts budgétaires de la réforme des retraites et de la réforme de l’assurance-chômage, avec respectivement 3,5 milliards d’euros d’économies pour l’une (nettes des mesures d’accompagnement et dispositifs dérogatoires) et 4,2 milliards d’euros pour l’autre, soit un total de 7,7 milliards d’euros pour 2027.
Par ailleurs, même en tenant intégralement compte de ce qui constituerait un « coup de frein sur plusieurs années sans équivalent récent » de la dépense publique, la Cour des comptes relève que celle-ci continuerait de croître, en valeur comme en volume.
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
Une trajectoire par ailleurs très incertaine au regard de la multiplication des besoins de financement auquel est confronté l’Etat
La Cour relève l’addition récente de lois de programmation sectorielles6, qui devrait couvrir jusqu’au tiers des dépenses de l’Etat à horizon 2027 et contribue à rigidifier la dépense.
De surcroît, la montée en puissance du financement de la transition écologique n’est pas suffisamment pris en compte et entretient une sous-estimation « systématique » selon la Cour de l’évolution de la dépense publique.
Chaque année, les prévisions pluriannuelles sont en effet actualisées à l’occasion du rapport économique social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances, permettant de constater l’écart des trajectoires envisagées en loi de programmation (courbes orange) avec la réalité des dépenses constatées (courbe noire) :
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
En synthèse, la Cour identifie « trois fragilités majeures » :
Des hypothèses de croissance très optimistes à moyen terme, particulièrement sur les deux dernières années ;
Une inflexion de la dépense publique hors mesures exceptionnelles et hors charge de la dette qui représenterait à l’horizon 2027 un effort sans précédent d’économies de l’ordre de 50 milliards d’euros par an, et
Des hausses de prélèvements obligatoires de plus de 20 milliards d’euros sur la période 2025-2027, d’une ampleur également inédite depuis une dizaine d’années.
« Plus encore qu’au moment de l’adoption de la loi de programmation des finances publiques et de la loi de finances initiale pour 2024, les marges de sécurité apparaissent inexistantes et la moindre mauvaise surprise conjoncturelle ou réalisation budgétaire et fiscale en deçà des objectifs se traduira par l’échec à ramener le déficit sous les 3 % et par une augmentation continue du ratio d’endettement au cours de la période.»
Nous vous présumer au 23 septembre 2024 qu’il n’en sera rien. ↩
L’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active, la constitution du réseau « France Travail », le service public de la petite enfance et la réforme des lycées professionnels. ↩
Une tension sur la quasi-intégralité des métiers, en particulier qualifiés, entraînant une pénurie de personnels particulièrement grave et inattendue, désormais en voie de résorption, sans être pour autant effacée. ↩
Sans trop m’avancer, il me semble compliqué d’anticipé cet effet récessif, mais, en effet, une projection aurait été utile. Au-delà de cette construction technique, il semble compliqué d’anticiper des mécanismes macro-économiques portant des corrections importantes sans une présentation des ajustements par le Gouvernement. ↩
L’évolution en valeur est l’évolution non corrigée de l’inflation prévisionnelle. L’évolution en volume est l’évolution corrigée. ↩
Intérieur, armées, recherche, justice, énergie et climat. ↩
Enfin, le Sénat a également contribué aux réflexions sur ce sujet avec un rapport déposé en 2021 et proposant déjà une vaste réforme du système d’aide à la presse.
Un secteur dont l’importance tient notamment aux enjeux démocratiques en matière de libre circulation des opinions et idées
Le secteur de la presse fait depuis longtemps l’objet d’une attention soutenue de la part des pouvoirs publics au regard des enjeux de pluralisme que revêt plus particulièrement la presse quotidienne nationale (dite « PQN ») d’information politique et générale.
On pense inévitablement à la grande loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, symbole de ce républicanisme libéral porté par la IIIe République, mais il convient aussi ajouter la mise à disposition d’un service postal national unifié et opérationnel, matérialisé par la création d’un ministère dédié dès 1879 (ministère des postes, télégraphes et téléphones) et permettant la diffusion de la presse sur le territoire national.
Toutefois, contrairement à l’inspiration libérale de la IIIe République, le législateur entend depuis la IVe République veiller à la diversité des titres de presse et à leur diffusion sur l’ensemble du territoire, en subventionnant le cas échéant, et parfois fortement, ces titres de presse.
L’origine de notre système tient à la loi Bichet de 1947 introduisant un droit pour tous les quotidiens de la presse nationale d’être distribué sur l’intégralité du territoire et permettant la création des Nouvelles messageries de la presse parisienne, le distributeur historique et bénéficiant d’un monopole légal (devenu Presstalis en 2011 et désormais France messagerie).
Cet interventionnisme légal est même reconnu par le juge constitutionnel qui a ainsi reconnu un objectif de valeur constitutionnelle au regard de l’enjeu démocratique que constitue la pluralité de la presse.
Le rapport cite ainsi le considérant n° 38 de la décision du Conseil constitutionnel n°84-181 DC du 11 octobre 1984 : « Considérant que le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale (…) est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; qu’en effet la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent ces quotidiens n’était pas à même de disposer d’un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents ; qu’en définitive l’objectif à réaliser est que les lecteurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu’on puisse en faire l’objet d’un marché »1.
Les différents titres de presse et les obligations associées s’agissant de la diffusion
Le rapport rappelle les distinctions existantes entre quatre grandes familles de presse imprimée :
La presse quotidienne nationale (PQN),
La presse quotidienne régionale (PQR) et la presse hebdomadaire régionale (PHR) ;
La presse magazine et
La presse gratuite.
Si la loi confère à tout éditeur la liberté d’assurer lui-même la diffusion de ses propres journaux et publications, elle prévoit en revanche que lorsqu’un éditeur décide de ne pas s’auto-distribuer et donc de se grouper avec d’autres éditeurs pour la distribution en vue de la vente au numéro, il doit alors adhérer à une société coopérative de groupage de presse (ci-après « société coopérative » ou « coopérative »).
Ces coopératives sont détenues par les éditeurs et doivent conclure un contrat de groupage auprès d’une société agréée de distribution de presse ou SADP (ci-après « messagerie » ou « messagerie de presse »), dont elles peuvent être actionnaires : les messageries gèrent ainsi les opérations commerciales et logistiques de la distribution de la presse imprimée en vue de sa vente au numéro. L’objectif est évidemment, dans un marché en rétractation, de mutualiser les moyens afin de permettre un minimum d’économie d’échelle.
La PQN et la presse magazine nationale, destinées par nature à être distribuées sur la totalité du territoire français, font appel au système de distribution par des messageries, qui assurent la couverture du territoire national avec une forte capillarité (desserte de 20 000 points de vente en 2023), en dépit d’une rétraction constante du réseau depuis plusieurs années (-33% du nombre de points de vente depuis 2010).
De leur côté, la presse gratuite et la presse régionale (quotidienne ou hebdomadaire) s’auto-distribuent.
Le mécanisme de distribution et les acteurs aux différents niveaux
Dans le cas du groupage pour la vente au numéro, les titres une fois imprimés sont acheminés par une messagerie (dite « niveau 1 ») qui assure leur regroupement et qui livre une soixantaine de dépositaires (dits « niveau 2 ») répartis sur le territoire.
Le niveau 2 est principalement chargé de constituer des lots pour la distribution et d’acheminer les exemplaires dans les points de vente tenus par des diffuseurs ou marchands de presse (dits « niveau 3 »).
Au niveau 1, deux messageries sont concurrentes :
D’une part, France Messagerie (anciennement Presstalis jusqu’à sa mise en liquidation en juillet 2020), qui a un monopole de fait sur la distribution des quotidiens nationaux car elle est la seule société à proposer cette prestation2 ;
D’autre part, les Messageries Lyonnaises de Presse (MLP), concurrent historique de la première, mais spécialisée dans les hebdomadaires.
Les dépenses publiques destinées à la presse
Le programme budgétaire de l’Etat portant les aides directes à la presse imprimée est le programme 180, « Presse et médias », porté par le ministère de la culture.
Les inspecteurs généraux rapportent 199 millions d’euros d’aides directes :
Des aides à la diffusion : avec 72,2 millions d’euros d’aides aux exemplaires postés, 35,1 millions d’euros aux aides portées (distribution effectuées au domicile, mais par un service autre que La Poste), 2,4 millions d’euros d’aide aux réseaux de portages, 11,7 millions d’euros d’exonérations de charges pour les vendeurs colporteurs et les porteurs de presse ;
Des aides au pluralisme : pour 23,2 M€ ;
Des aides à la « modernisation » : pour 27,9 millions d’euros, dont 27 millions d’euros comme aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale vendue au numéro en France (versement effectué au prorata des numéros vendus par publication3, en précisant que les titres de presse reversent ensuite près de 9 millions d’euros de cette enveloppe à France messagerie sous forme de subvention d’exploitation ;
Des aides à la modernisation des diffuseurs de presse : pour 6 millions d’euros ;
Un Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) : pour 15,4 millions d’euros ;
Enfin, un Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse : pour 5 millions d’euros.
Soit un total de 149,7 millions d’euros complété par un versement à La Poste de 40 millions d’euros en 2023 (crédits de paiement du programme 134 ouvert au titre du projet de loi de finances pour 2023) destinés à compenser les tarifs préférentiels de distribution de la presse.
En complément de ces dépenses directes et de la compensation pour le service postal, le secteur bénéficie d’aides indirectes sur le plan fiscal :
Une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à taux super-réduit : 2,10 % en métropole et 1,05% en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion pour la presse imprimée et numérique ;
L’exonération de contribution économique territoriale (CET) pour les diffuseurs de presse ;
Une déduction fiscale, sous la forme d’une déduction spéciale sur l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés pour les investissements dans les entreprises de presse ;
Une réduction d’impôt des particuliers pour dons effectués en faveur des entreprises de presse ;
Une réduction d’impôts des particuliers pour souscription au capital des entreprises de presse : ces entreprises doivent éditer des publications ou services de presse en ligne d’IPG ou consacrées pour une large part à l’IPG.
En dépit de ces aides, une presse quotidienne nationale qui peine et un secteur qui se transforme au profit du numérique
Comme le montre la mission, le secteur est en pleine recomposition avec l’essor du numérique au détriment du papier.
Extrait du rapport IGF-IGAC.
Par ailleurs, l’essentiel de la valeur produite dans le secteur de la distribution de la presse nationale est désormais le fait des publications magazine dont la distribution est assurée pour 80% par les Messageries Lyonnaises de Presse (MLP). En rappelèrent que la presse magazine et MLP ne touchent aucune aide de l’État pour leur distribution au numéro.
La presque quotidienne régionale (PQR), pour sa part, poursuit son auto-distribution, sans aide de l’État, et restructure ses imprimeries. Son canal de vente au numéro souffre certes également, avec une baisse de 78 % entre 2000 et 2022 (cf. graphique 2) mais moins que la PQN, avec laquelle la recherche de synergies est contrastée.
En termes de chiffre d’affaires, le secteur de la presse quotidienne représente 2,5 Md€ en 2021, dont 592,2 millions d’euros pour la PQN et 1,9 milliards d’euros pour la presse quotidienne régionale.
Extrait du rapport IGF-IGAC.
En résumé, les rapporteurs notent une situation paradoxale : les quotidiens nationaux ont une diffusion toujours plus large, par le biais du numérique, mais ont toujours plus de mal à être rentables, du fait de la difficulté à monétiser cette diffusion numérique et des coûts associés au support papier. La difficulté tient à ce que l’impression et la distribution de la PQN sont des industries de coûts fixes. La baisse de volumes rend l’amortissement toujours plus difficile, en particulier pour le support papier.
Les surcoûts inhérents à la diffusion de la PQN
La distribution des quotidiens nationaux engendre des surcoûts spécifiques pour France Messagerie (et précédemment Presstalis), inhérents à cette activité. On parle de « flux chauds ».
Ces surcoûts sont par exemple ceux associés au travail de nuit, au travail le dimanche, à des pics d’activité pour assurer le traitement en un temps court des exemplaires imprimés dans la nuit, etc. La gestion des flux de magazines, considérés comme plus « froids », présente moins de contraintes, et donc moins de surcoûts inhérents.
Par ailleurs, compte tenu de ces contraintes, il n’apparaît pas envisageable de confier en l’était à La Poste la diffusion de la presse quotidienne nationale4.
Une rentabilité plus faible du numérique
la hausse de la diffusion numérique ne génère pas des recettes équivalentes à la diffusion papier, comme en témoigne le graphique 4. Ainsi, la diffusion numérique représentait en 2020 56 % de la diffusion totale, mais seulement 28 % du chiffre d’affaires, alors que la tendance est inversée pour le papier.
Extrait du rapport IGF-IGAC.
Un vieillissement accéléré du lectorat
La tendance du marché est lourde, et semble irrémédiable avec l’évolution rapide des usages et un vieillissement plus rapide de la population de lecteurs de PQN imprimée que celui de la population globale.
Ainsi, la mission a pu établir qu’entre 1997 et 2018, l’âge moyen du lecteur s’informant chaque jour ou presque avec de la presse quotidienne papier a augmenté de 14 années, à 65 ans. Sur la même période, l’âge moyen de la population française a augmenté de 3,5 ans, à 41,5 ans.
Seuls les journaux Aujourd’hui en France et L’Équipe sont diffusés sur une large partie du territoire national avec une assiette de plus de 17 000 points de vente.
Par ailleurs, la situation présente aussi de fortes vulnérabilités à très court terme
En effet, en dépit de son monopole, France Messagerie, subit fortement l’attrition de la vente au numéro, qui devrait se poursuivre, voire s’accélérer, dans les prochaines années.
Or, pour faire face à ces enjeux, la structure ne dispose d’aucun levier de développement, n’étant quasiment pas diversifiée. Sans la subvention d’exploitation de 9 millions d’euros évoquée plus haut, le résultat opérationnel serait nul et le résultat d’exploitation négatif selon les inspecteurs. Avec une activité en repli, des coûts largement fixes qui ne peuvent être que faiblement réduits sans réorganisation profonde, il est peu probable que la structure puisse se maintenir à moyen terme en l’état.
S’agissant des imprimeries, des tendances négatives se dégagent également avec un système sur le point ou déjà en surcapacité.
Au niveau des diffuseurs (niveau 3, constitué des kiosquiers et maisons de la presse), des tensions sur les conditions d’exercice du métier et sur le modèle économique nuisent à l’attractivité de la profession :
On constate un vieillissement de la profession ;
Une marginalisation des recettes liées à la presse, qui ne constituent plus que la quatrième source de revenus5 ;
Le volume d’heures travaillées est en constante augmentation ;
Se faisant, le nombre de publications est souvent plus faible ce qui induit une boucle négative : diminution de l’offre induisant une diminution des revenus potentiels.
Au regard du très faible nombre de lecteurs, on peut toutefois s’interroger sur le maintien de cet « objectif ». Inversement, on peut souligner la très grande diversité d’opinions désormais accessible aux citoyens par les nombreux canaux disponibles : dans la presse numérique, via les chaînes de télévisions, les émissions de radiophonies, etc.↩
Monopole qui n’empêche donc pas les déboires financiers réguliers de cet opérateur, nécessitant en conséquences des aides régulières de l’Etat afin de maintenir la continuité de ces activités. ↩
On retrouve ici les grands titres de la presse nationale : Aujourd’hui en France, La Croix, Les Échos, Le Figaro, L’Humanité, Libération, Le Monde, L’Opinion et le Journal du Dimanche. ↩
L’horaire de tournée des facteurs n’est pas compatible avec la livraison matinale des points de vente pour la presse quotidienne, et le sera encore moins dans le schéma logistique que La Poste met actuellement en place. ↩
A mettre en rapport avec la possibilité désormais offerte par la ville de Paris de permettre au kiosquier de vendre des « souvenirs », des boissons, etc.↩
La cité ministérielle place Fontenoy est injustement méconnue, comparativement aux implantations du ministère de l’intérieur place Beauvau ou plus encore des ministères économiques et financiers rue de Bercy.
Un petit billet pour retracer son histoire, articulé à un grand projet de cité interministérielle en plein cœur de Paris.
1- L’origine de la création du ministère du travail et de la prévoyance sociale
Avant de parler de ses bâtiments, il convient de rappeler le fait générateur de la création du ministère du travail, à savoir pour l’époque la plus grande catastrophe minière de l’histoire, donnant évidemment lieu à d’intenses revendications et affrontements au Parlement et parmi les ouvriers et en particulier les mineurs du nord de la France.
Les suites de l’une des plus grandes catastrophes minières de l’histoire
Georges Clémenceau est à l’origine de la création du ministère du travail par un décret signé le 25 octobre 1906, date de sa prise de fonction en qualité de président du Conseil.
Cette création s’inscrit donc dans un contexte particulier, puisqu’elle fait suite au terrible accident de la mine de Courrières le 10 mars 1906, tuant plus de 1 100 mineurs à l’occasion d’un « coup de grisou ». Cet accident, qui demeure l’un des plus meurtrier de l’histoire des mines (et qui demeure le plus meurtrier d’Europe), marque durablement la région : des centaines de mineurs étant ensevelis vivants, sans pouvoir être dégagés à temps par les secouristes.
Rapidement, la négligence de la compagnie est soulignée, des alertes répétées des mineurs ayant été formulées à la direction. Pour autant, l’entreprise comme le gouvernement appellent à reprendre le travail pour maintenir la production.
Spontanément, les 50 000 mineurs de la région se déclarent en grève et paralysent la production de houille. Par ailleurs, des ouvriers s’activent pour maintenir les recherches de survivants, et près de trois semaines plus tard, treize mineurs sont sauvés.
Malgré les deux mois de grève faisant suite aux 1 100 tués lors de la catastrophes, les 562 veuves, 1 133 orphelins et l’ensemble des familles d’ouvriers de la région se retrouvent finalement contraints de reprendre le travail, sans un seul acquis social (si ce n’est quelques augmentations de salaires). Clémenceau, ministre de l’Intérieur à compter du 14 mars de la même année (4 jours après la catastrophe) s’est d’abord singularisé par sa grande brutalité dans la gestion de la catastrophe, engageant l’armée pour briser les grèves.
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Une fois président du Conseil, sa décision de donner à l’administration du travail le rang d’un ministère de plein-exercice prend donc une dimension fortement symbolique, sans pour autant induire de véritables réformes pour les ouvriers.
2- Le décret du 25 octobre 1906 créant le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale
Le nouveau ministère est formé par le transfert de services des ministères du Commerce et de l’Industrie (service du travail et service de l’assurance et de la prévoyance sociale), de l’Intérieur et des Travaux publics (service de la mutualité et service de l’assistance et de l’hygiène publiques).
Le rattachement de trois directions ministérielles
Ce nouveau ministère comporte donc trois directions (décret du 20 juillet 1907) :
La direction du travail1, avec le bureau de l’office du travail, le bureau de l’inspection du travail et le bureau des associations professionnelles et des conseils de prud’hommes ;
La direction de l’assurance et de la prévoyance sociales2 avec le bureau des retraites et des assurances, le bureau de l’épargne et le bureau de l’habitation à bon marché et du crédit mutuel ;
La direction de la mutualité3 avec le bureau de l’administration générale des sociétés et le bureau de la statistique et des pensions.
Afin d’équilibrer le poids entre les différentes directions ministérielles, l’enseignement technique demeure attaché au ministre du Commerce, ce qui n’est pas sans susciter des interrogations au regard de ses liens indissociables avec la politique du travail.
D’un point de vue purement administratif, cette réorganisation ne constitue pas nécessairement une réussite, d’autant qu’elle s’effectue à budget constant avec un simple redéploiement des personnels.
Une imbrication dès l’origine très forte entre le ministère du Travail et la Prévoyance sociale (future sécurité sociale)
Concomitamment à la création de ce ministère, il convient en effet de mentionner le grand projet en discussion au Parlement : à savoir le projet de loi sur les retraites ouvrières et paysannes, adopté par la Chambre en février 1906 (la loi a été présentée par Paul Guieysse en 1901), mais qui ne sera définitivement adopté par le Sénat qu’en avril 1910.
Faisant suite à cette adoption, une quatrième direction dédiée aux retraites ouvrières et paysannes sera alors créée en 1911 (décret du 27 novembre de la même année). Elle marque et renforce la prépondérance, dès l’origine, de la prévoyance sur la politique de droit du travail. Une trentaine d’agents de la nouvelle direction s’ajoutent aux 140 précédents.
Cet élan perdurera jusqu’à la veille de la première guerre mondiale puisque, faisant suite à la loi du 29 juin 1894 créant une assurance maladie et vieillesse pour les mineurs, la loi du 25 février 1914 institue la création d’un service national de retraites pour les ouvriers mineurs, organisé autour d’une caisse autonome de retraite.
3- L’installation du ministère du travail à l’Hôtel du Châtelet
L’immeuble de l’archevêché de Paris, autrement connu comme l’Hôtel du Chatelet, est désigné très opportunément (suite à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat votée l’année précédente) comme le nouveau siège du ministère du travail.
Guillaume Tronchet, notamment connu pour la réalisation du château Mont-Royal près de Chantilly et du Théâtre Ducourneau d’Agen (l’un des premiers bâtiments construits en ciment armé de France) est alors chargé, en tant qu’architecte des bâtiments civils de l’Etat de cette installation.
Les bâtiments font l’objet d’une réfection et de réaménagements intérieurs afin de permettre l’installation des bureaux du cabinet et des services centraux du nouveau ministère, complété par l’occupation d’une aile du bâtiment par les services de la mutualité.
Cette installation du ministre dans un hôtel particulier démontre par ailleurs la volonté de continuité du gouvernement républicain vis-à-vis de la représentation des institutions. Le ministre de la Guerre est ainsi à l’hôtel de Brienne depuis 1817, le ministère de l’Instruction publique à l’hôtel de Rochechouart depuis 1828, le ministère des Travaux publics à l’hôtel de Roquelaure depuis 1839.
L’édifice, sans être extravagant, se révèle charmant et agréable :
L’escalier d’honneur. Source : Cité de l’Architecture.Bureau du ministre. Source : Cité de l’Architecture.
4- Le grand projet d’une cité interministérielle au cœur de Paris
La création d’une cité ministérielle du travail
Avec l’extension des missions du ministère Travail et de la Prévoyance du fait de la poursuite du développement de la politique sociale de l’Etat, le petit hôtel du Chatelet n’est plus suffisant pour héberger tous les services.
Parallèlement, des discussions et différents projets ont été esquissés afin de construire une cité administrative interministérielle sur les terrains militaires autour des Invalides et de l’Ecole militaire.
Trois ministères seront ainsi construits en quelques années : le ministère du Travail, en 1930 ; le ministère de la Marine marchande, en 1932 et, plus tardivement, le ministère des Postes et télécommunications (PTT) en 1939.
Le siège des bâtiments administratifs du ministère du Travail est donc créé en 1929, place de Fontenoy, en huit mois seulement par ce même Guillaume Tronchet. Il s’agit de la première réalisation ab initio d’un bâtiment à l’usage d’un service central ministériel, le tout étant financé par l’Allemagne au titre des dommages de guerre.
La construction se veut innovante et mobilise des ossatures en acier, du béton cellulaire et des briques armées pour parer l’intérieur des bâtiments. Les deux ailes construites rue d’Estrée et avenue de Lowendal se rejoignent en angle aigu sur la place Fontenoy, où se trouve l’entrée initiale du ministère. Le tout forme un V caractéristique, qui sera reproduit quelques mois plus tard avec le projet de la marine marchande.
L’ouverture au public eut lieu le 1er octobre 1930. Le bâtiment comportait alors les services centraux du ministère, mais également une salle des guichets pour les assurés sociaux des départements de la Seine et de la Seine-et-Oise.
Source : Photographie d’Edouard Desprez. Plaque de verre, 1930. Département Histoire de l’Architecture et Archéologie de Paris.
Le bâtiment évoluera ensuite :
En 1938, les deux ailes sont reliées entre elles par un grand hall central et font l’objet d’extensions ;
En 1939, un bunker anti-aérien est aménagé en sous-sol (normalement visible lors des journées du patrimoine) ;
Dans les années 50, les deux ailes initiales des rues d’Estrées et Lowendal sont prolongées jusqu’à l’avenue Duquesne en reprenant l’esthétique d’origine :
En 1971-72 les deux ailes sont reliées sur l’avenue Duquesne par un bâtiment de style plus contemporain avec la réalisation d’une grande façade vitrée, œuvre de l’architecte Louis Aublet : le V est désormais fermé ;
En 2004, cette façade constituée de modules verriers d’un seul tenant est reconstruite par l’architecte Jean-François Jodry (tout en respectant les plans de Louis Aublet) et devient progressivement l’entrée principale, puis unique du ministère. Le bâtiment fait ensuite l’objet d’une nouvelle transformation en 2012 par l’Agence FS Braun et associés, essentiellement sur l’aménagement intérieur (dépose des boiseries, transformation des cloisonnements, etc.).
Ce bâtiment accueille désormais les services du ministère de la santé et, de nouveau depuis 2023-24, du ministère du travail – direction générale du travail et délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.
Les autres ministères place Fontenoy
Le ministère de la Marine marchande
Bâti sur un terrain acheté par l’Enim (Etablissement National des Invalides de la Marine, organisme gérant la sécurité sociale des marins) au ministère de la défense, l’immeuble a été conçu par l’architecte des monuments historiques André Ventre (1874-1951), et achevé en 1931.
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Il sera plus tard surélevé. Il accueille aujourd’hui les services du Défenseur des droits et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Détail de l’entrée. Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Le ministère des Postes, télégraphes et téléphones (PTT)
Inauguré en mars 1939, le bâtiment est bâti à l’angle des avenues de Saxe et de Ségur et est l’oeuvre de l’architecte Jacques Debat-Ponsan (1882-1942).
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Le bâtiment fera l’objet d’une profonde rénovation en 2014. Les bureaux de postes historiquement installés dans ce bâtiment seront déménagés rue Eblé, tandis que des services du Premier ministre prendront possession des locaux.
La caisse autonome de retraite des ouvriers mineurs
On ne saurait oublier également, un bâtiment administratif important, compte tenu (notamment) de la catastrophe de Courrières précitée, et situé à quelques centaines de mètres des locaux administratifs du ministère du travail inauguré sept ans plus tard : la caisse autonome de retraite des ouvriers mineurs.
La Caisse, peu après son inauguration. Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Ce bâtiment de trois étages a été construit en 1922 à l’angle des avenues de Suffren et Ségur par les architectes Charles Davidson et René Patouillard-Demoriane. Sa porte principale du 77 avenue de Ségur est en ferronnerie avec à son sommet une plaque de fonte montrant un mineur actionnant sa pioche, plaque elle-même surmontée d’une sculpture d’un mineur casqué.
En 1948, le bâtiment a été surélevé de trois étages, le dernier étage étant en retrait.
Bien que la gestion du régime ait été transféré par décret aux services de la Caisse des dépôts et consignations en 2004, les locaux abriteront jusqu’en 2010 les salariés du service de retraite des mines, avant leur complète intégration dans les locaux de la CDC dans le XIIIe arrondissement de Paris.
Correspondant à l’actuelle direction générale du travail. ↩︎
Qui correspondrait aujourd’hui à la direction de la sécurité sociale. ↩︎
Ce champ pourrait recouper celui de l’actuelle direction de la sécurité sociale, mais également de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). ↩︎
Jean-Michel Eymeri est l’auteur de nombreux ouvrages, en particulier sur la haute fonction publique et la scolarité à l’Ecole nationale d’administration (« ENA »), désormais remplacée par l’Institut national du service public (dit, « INSP »).
Retour sur des éléments d’une conférence intitulée « Les gardiens de l’Etat. Une sociologie des énarques de ministère », tirée de l’ouvrage (pages 161-164) Science politique et interdisciplinarité sous la direction de Lucien Sfez et disponible à cet emplacement : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.80412.
L’auteur évoque d’abord ses « trouvailles »
La très forte hiérarchie entre le concours « externe » et les concours « interne » et le « troisième concours »
« Lorsque l’on travaille à l’ENA, on découvre qu’il n’existe nulle part dans cette maison une liste des élèves et anciens élèves ventilée par origine de concours. Tout le monde la connaît bien sûr pour les deux promotions en cours de scolarité, mais ensuite la mémoire en est comme par hasard perdue. Du coup, il est impossible d’établir le tableau statistique si simple consistant à mettre en rapport l’origine de concours d’entrée et le corps de sortie. Il m’a fallu un mois et demi de travail d’archives et d’inavouables complicités pour constituer cette liste des 5 106 élèves sortis de l’ENA depuis 1945 répartis par origine de concours. Et c’est alors que l’on peut construire la statistique que personne ne voulait voir un enquiquineur de jeune doctorant construire : sur cinquante ans, parmi les énarques sortis à l’IGF, on ne dénombre que 8,6 % d’internes ; à la Cour des comptes 14,9 % ; dans la diplomatie 24 % ; à l’IGAS 41 % ; dans le corps des administrateurs civils 44,3 % ; parmi les conseillers de tribunaux administratifs 62 %, et ceux des Chambres régionales des comptes 79 %. C’est précisément la hiérarchie de prestige des corps et l’ordre dans lequel ils sont choisis en fonction du rang de sortie. Le constat se passe de commentaire. »
Le système du classement de sortie de l’ENA.
L’auteur qualifie ce classement d’ « énorme mécanique », avec dix-sept épreuves aux notes et aux coefficients différents représentant (alors) un total théoriquement atteignable de 1 000 points.
Or, l’auteur constate en premier lieu une forte homogénéité dans les notations des épreuves écrites sur la centaine d’élèves d’une promotion. Selon lui, soixante-dix élèves se tiennent au final à un ou deux points les uns des autres ; il dénombre même une quarantaine d’ex-aequo. « Ramené à une moyenne générale sur 20 cela représente 0,02 point d’écart entre les gens, ce qui n’a proprement aucun sens. »
Deux notes vont finalement se révéler véritablement discriminantes :
D’une part la note de stages, qui représente 20 % du total de points et qui est évidemment tout sauf une épreuve anonyme : « Avoir 9/10 ou 8/10 en stages représente un différentiel de 20 points au classement final c’est-à-dire seize à vingt places, ce qui est décisif. » ;
L’autre note où l’éventail est très ouvert, parce que les niveaux sont très disparates, est l’oral de langues vivantes, où un point sur 10 en représente 7 au classement final. L’auteur y décèle l’une des sources les plus évidentes d’inégalités en raison de l’origine sociale.
La spécificité du corps des administrateurs civils
Pour l’auteur, les administrateurs civils (désormais « administrateurs de l’Etat ») sont un corps en termes juridiques mais ils ne constituent pas un ensemble qui fait corps au sens sociologique :
Ni sentiment subjectif d’appartenance (solidarité ou « esprit de corps ») ;
Ni homologie des conditions matérielles d’existence ;
Ni représentants ou chefs de corps qui le feraient exister en le représentant ;
Ni action collective.
Voilà un corps qui ne fait pas corps.
Sur le quotidien du travail en administration centrale
L’auteur est tout d’abord frappé par le fait que l’expertise se trouve à la base et que l’échelon de chef de bureau est bien souvent le dernier où l’on travaille encore sur le fond des dossiers. Au-dessus, du sous-directeur jusqu’au cabinet, les acteurs se situent dans le « méta », la coordination, l’animation, le commentaire, la négociation, l’arbitrage, le marketing pour vendre telle idée aux partenaires extérieurs et au ministre, etc., en un mot dans l’intermédiation généraliste.
Un autre point-clé, ignoré de l’extérieur, est le petit nombre de hauts fonctionnaires en charge de secteurs économiques ou juridiques aux enjeux pourtant considérables : « Bien souvent, une sous-direction, c’est-à-dire quatre à six énarques, plus le double ou le triple de cadre A, gèrent un secteur économique entier. Par exemple, l’interface au sein de l’État de tout l’univers des assurances est assumé par une sous-direction au Trésor. Quant au secteur autoroutier, c’est un bureau à la Direction des routes à l’Équipement. »
Le phénomène est identique aux Affaires sociales, il suffit de se munir d’un organigramme et d’identifier qui est en charge de la Caisse nationale des allocations familiales, du financement de l’autonomie des personnes âgées, de l’indemnisation des chômeurs… « C’est là un phénomène saisissant quand on devient un familier de la machine étatique. »
On est aussi frappé par les graves carences de la mémoire administrative : « L’État, cette institution en charge de la continuité historique, a très mauvaise mémoire. Le turn over trop rapide des énarques sur les postes (trois à quatre ans en moyenne) y est pour beaucoup, à la différence des hauts fonctionnaires allemands qui restent dix à quinze ans dans le même poste. Du coup, les énarques passent leur temps à refaire des notes rédigées par leurs prédécesseurs, à réinventer des solutions homologues à des problèmes similaires voire, ce qui n’est pas rare, des solutions identiques aux mêmes problèmes : cette dialectique du même et de l’autre est particulièrement intéressante. Ce que l’on appelle la « continuité de l’État » semble ainsi résider moins qu’on l’imagine dans une mémoire conservée que dans la continuité des enjeux à traiter et dans la continuité interpersonnelle des schèmes incorporés que les hommes de l’État appliquent à ces enjeux. »
L’auteur observe également le rôle spécifique des hauts fonctionnaires dans le travail d’administration centrale, à savoir celui de traducteur :
« Le rôle collectif des énarques des services consiste à mettre en forme les enjeux et les solutions techniques dans des catégories suffisamment générales, simples et politiques pour être compréhensibles par le ministre et son cabinet, et au-delà les journalistes et autres faiseurs d’opinion. En sens inverse, ils traduisent en mesures et en dispositifs concrets les discours et les orientations générales du politique. Montée en généralité et simplification dans un sens, redescente en technicité et en complexité de l’autre : ceux que l’on désigne à tort d’un mot piégé, « technocrates », sont en fait des techniciens généralistes de la mise en forme et de l’ajustement. Un directeur de ministère m’a dit une fois qu’il avait une « fonction de traducteur simultané ». En fait, la formule s’applique à l’ensemble de l’encadrement énarchique des administrations centrales : leur rôle collectif est d’assurer une permanente opération de traduction, d’intermédiation symbolique et pratique, de décodage-encodage du réel à double sens. Ils font passer des objets et des enjeux d’un code à l’autre, d’un registre à un autre. Ce sont des médiateurs entre le politique et le technique, qui ne sont eux-mêmes ni techniciens ni politiciens, mais participent assez des deux sphères pour en maîtriser les logiques et en parler les langages. Ce sont des traducteurs multi-registres, des généralistes médiateurs. »
La posture du haut fonctionnaire en administration centrale : neutralité et loyauté au service d’une nouvelle forme d’engagement ?
L’auteur constate également une redéfinition du caractère concret de la loyauté des administrateurs envers le politique. « En résumé, du modèle classiquement weberien de la loyauté comme neutralité, on est en pratique passé à une définition de la loyauté comme devoir d’engagement. »
Cet engagement implique que le haut-fonctionnaire ne se limite pas à proposer des solutions au cabinet du ministre, il émet des préconisations et il essaie de démontrer en quoi celles-ci permettraient de concrétiser un souhait ou une ambition gouvernementale.
A contrario, « dans une machine bureaucratique qui fonctionne au blocage et à la non-décision, si les intéressés ne s’investissent pas dans les dossiers dont ils ont la charge au point d’en faire une affaire personnelle, les dossiers « s’encarafent » et n’aboutissent pas. »
L’existence d’une culture de l’Etat ?
Pour l’auteur, il existe, malgré toutes les divergences ministérielles et les « cultures locales » (au sein même des ministères d’ailleurs), « certains ferments culturels d’une homogénéisation partielle (j’insiste sur « partielle ») de l’ensemble étatique. Il y a bien une culture de l’État avec un grand E dont les énarques de ministère, ces administrateurs de l’État, sont les porteurs privilégiés car elle épouse leur culture d’état : la culture de l’institution-État existe en eux sous la forme incorporée d’une culture professionnelle. »
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