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  • L’Histoire de la Cour des Comptes en 6 Minutes

    L’Histoire de la Cour des Comptes en 6 Minutes

    Temps de lecture : 6 minutes (comme promis !)

    Cette histoire de la Cour des comptes est notamment construite sur le livre La Cour des comptes « ouvrez et voyez » de Bertucci et Moati.

    L’Origine Médiévale de la Cour des Comptes

    Une Création de Saint Louis

    C’est en 1256 que Saint Louis institue des « gens de comptes ». Il s’agit alors de magistrats et clercs chargés spécifiquement d’instruire les affaires financières du Royaume et d’en rendre compte devant la Cour du Roi.

    Pour plus d’informations sur l’histoire administrative de la France, vous pouvez vous référer à cet article consacré à la naissance de l’administration centrale sous l’Ancien Régime.

    Une Structuration Progressive

    À la fin du XIIIe siècle, Philippe le Bel attribue à ses gens une « Chambre » dans le nouveau Palais de l’île de la Cité.

    Puis, les pouvoirs de cette Chambre des comptes s’élargissent progressivement :

    • Par l’ordonnance du Vivier-en-Brie de 1320, Philippe le Long consacre la Chambre des comptes comme une institution souveraine. Elle compte alors vingt personnes : sept maîtres des comptes, onze clercs et deux présidents ;
    • En 1337, la Chambre de Paris devient responsable de l’enregistrement des documents financiers de la Couronne. Tous les actes domaniaux font désormais l’objet d’un double enregistrement : au Parlement et à la Chambre, ce qui permet d’accroître la fiabilité des comptes et leur contrôle ;
    • En 1469, Louis XI reconnaît l’inamovibilité des juges1.

    Les trois principales institutions de la monarchie administrative sont nées :

    • Le Conseil du Roi (sorte de pouvoir exécutif moderne2) ;
    • Le Parlement (juridiction de droit commun et pouvoir législatif) ;
    • La Chambre des comptes de Paris.

    Toutefois, aucune unification territoriale n’a encore lieu, à l’exemple du contrat d’union entre la France et la Bretagne (1532) qui maintient l’intégralité des institutions bretonnes indépendantes — dont sa propre Chambre des comptes3.

    Un Lent Déclin à Compter du XVIe Siècle

    La centralisation monarchique se construit graduellement, notamment autour du contrôleur général des finances. Celui-ci devient rapidement le second personnage du royaume4.

    À l’évidence, Colbert, le plus connu des contrôleurs généraux
    À l’évidence, Colbert, le plus connu des contrôleurs généraux

    Pour autant, malgré cette importance des sujets financiers, les chambres des comptes sont en déclin. Elles peinent à unir leurs pratiques et à développer un contrôle financier plus moderne. Le formalisme prend progressivement le pas sur la réalité des prérogatives de contrôle.

    La Chambre de Paris devient ainsi une charge familiale, de plus en plus honorifique.

    De 1506 à 1791, les présidents de la Chambre de Paris sont tous issus de la lignée de Nicolay.

    En 1632, le Roi refuse ainsi à la Chambre de Paris de statuer en dernier ressort. La justice financière est de nouveau « retenue »5.

    La Disparition de la Cour à la Révolution et sa Réapparition sous l’Empire

    La Disparition de la Cour des Comptes

    Les dernières années de la Chambre des comptes de Paris sont particulièrement difficiles. L’incendie de 1737 illustre cette perte d’autorité et de prestige6.

    La suppression en 1791 de la Chambre des comptes de Paris et des chambres des comptes provinciales n’est donc pas une surprise.

    Le contrôle financier est alors confié à l’Assemblée législative elle-même, mais il aboutit rapidement à une anarchie complète, faute d’une organisation professionnelle dédiée7.

    Le Renouveau Sous l’Empire

    Napoléon Bonaparte réintroduit d’anciennes structures monarchiques, comme le Conseil du Roi, qui devient, en 1799, le Conseil d’État8. L’objectif étant de reconstituer un pouvoir exécutif fort et structuré9.

    Il en est de même pour la Cour des comptes qui renaît par la loi du 16 septembre 1807 et synthétise tout le syncrétisme napoléonien :

    • L’apparat et l’appareil des anciennes cours ;
    • L’autorité absolue de l’État et la poursuite de la centralisation révolutionnaire ;
    • Le service exclusif de l’empereur.

    La Cour s’installe dans les locaux du Palais de Justice de l’île de la Cité le 5 novembre 180710.

    Source : Ville de Paris / BHVP / Roger-Viollet
    Source : Ville de Paris / BHVP / Roger-Viollet

    De Grands Principes Encore en Vigueur

    Dès sa création, plusieurs principes sont posés :

    • La Cour juge les comptes, pas les comptables (ces derniers pouvant même être déchargés par le ministre des finances) ;
    • La Cour n’a aucune autorité sur les ordonnateurs (ministres, préfets…) ;
    • La Cour est composée de magistrats, nommés à vie par l’Empereur (avec le même rang alors que les magistrats de la Cour de cassation) ;
    • Enfin, la Cour rédige un rapport annuel sur l’exécution des dépenses de l’État. Ce rapport est d’abord secret et destiné au seul Empereur. Il relate l’ensemble des infractions et des mauvais usages de deniers publics constatés11.

    La Cour doit appuyer le gouvernement, pas l’entraver.

    Le Premier président de l’institution est Francois de Barbé-Marbois, ancien ambassadeur de France aux États-Unis et conseiller d’Etat.

    Il présidera la Cour jusqu’en 1834, à l’âge de 88 ans. Barbé-Marbois traversera ainsi plusieurs régimes avec l’institution qu’il dirige, construisant ainsi l’image d’une Cour technicienne et détachée des enjeux politiques.

    Le Maintien de la Cour Malgré les Changements de Régimes

    L’Habileté des Hommes

    La monarchie de 1814 préserve la Cour, servie par l’incroyable longévité (et habileté) de Barbé-Marbois et de quelques commis de talent comme le marquis d’Audiffret.

    Président de chambre pendant trente ans (1829-1859), le marquis d’Audiffret attachera son nom à une remise en ordre comptable et financière du royaume. Il est notamment l’auteur de l’ordonnance du 14 septembre 1822 qui posera les principes d’annualité, d’universalité et de spécialité.

    Progressivement, la Cour se distancie de l’exécutif et se rapproche du Parlement auquel elle apporte son concours.

    La Formalisation d’une Activité de Contrôle Moderne

    Par la loi du 21 avril 1832, le rapport annuel de la Cour est remis au Parlement et est rendu public.

    Symboliquement, en 1842, la Cour déménage dans les locaux du Palais d’Orsay — elle s’éloigne ainsi du pouvoir exécutif. Elle y restera jusqu’en 1872, en compagnie du Conseil d’Etat.

    Parallèlement, le contrôle administratif des dépenses publiques est codifié par l’ordonnance du 31 mai 1838, sous la conduite d’Audiffret.

    Il s’ensuivra le très célèbre décret du 31 mai 1862 portant règlement général sur la comptabilité publique, qui s’appliquera pleinement pendant un siècle12.

    Avec le développement de l’économie, en particulier sous le Second Empire, le champ du contrôle de la Cour des comptes s’élargit. Il en est ainsi, par exemple, des activités industrielles et économiques menées par les pouvoirs publics.

    Au-delà de ce champ, les pouvoirs de la Cour s’affermissent face à l’administration.

    La Réaffirmation Républicaine de la Cour des Comptes

    L’Édification du Palais Chambon

    Avec l’avènement de la République13, la Cour des comptes et le Conseil d’État déménagent au Palais Royal.

    Toutefois, les locaux se révèlent assez rapidement inadaptés aux travaux de la Cour, notamment en raison de l’emport par les magistrats d’importantes liasses financières à contrôler14.

    Un concours d’architecte est lancé en 1898 sur l’emplacement de l’ancien couvent de l’Assomption, près de la place de la Concorde. Le concours est remporté par Constant Moyaux.

    Un premier bâtiment (le bâtiment des archives) est livré en 1900. Il n’est visible que depuis l’intérieur du Palais Chambon. Après la mort de l’architecte, son collaborateur, Paul Gaudet, terminera son œuvre par la livraison du palais complet, en 1912.

    Vue de la cour intérieure du Palais Cambon
    Vue de la cour intérieure du Palais Cambon

    L’Essor de l’État Providence et l’Interventionnisme Économique

    La Première Guerre mondiale constitue un tournant économique et financier. La dépense budgétaire augmente ainsi considérablement : de 5 milliards de francs en 1913 à 14 milliards en 1918.

    Le pilotage budgétaire de la France doit s’adapter, ce qui implique notamment la création de la direction du budget.

    L’après 1945 est encore plus radical avec un développement des politiques publiques sociales et économiques tous azimuts.

    Ce volontarisme s’exprime notamment par des nationalisations :

    • Renault (1945) ;
    • Électricité de France (1946) ;
    • Gaz de France (1946) ;
    • Charbonnage de France (1947) ;
    • Régie autonomie des transports parisiens (1948)…

    Et, par la création de la Sécurité sociale en 1945 : allocations vieillesse, famille, couverture santé.

    Pour faire face à ce développement de l’action publique, le contrôle de la Cour s’adapte. Il couvre dès 1950 la Sécurité sociale, puis il concerne peu à peu l’ensemble des organismes, publics ou privés, qui perçoivent :

    • Des taxes parafiscales ;
    • Des cotisations rendues obligatoires par la loi (ordres professionnels, fédérations de chasseurs…) ;
    • Des versements libératoires en contrepartie d’une obligation légale de faire (1 % logement, formation professionnelle).

    Enfin, depuis 1991, la Cour contrôle également les organismes bénéficiant de la générosité du public15.

    1. Il est aussi étonnant de voir la conjonction de grands Rois dans la construction de la Cour des comptes moderne : Saint Louis, Philippe Le Bel, Louis XI.
    2. J’espère que les historiens du droit me pardonneront ces raccourcis.
    3. La Chambre des Comptes de Bretagne a été créée en 1365, soit relativement tôt comparativement à la France. Le duché dispose en effet d’institutions particulièrement modernes et fortes, notamment héritées des Plantagenet.
    4. Tant de noms viennent à l’esprit à l’évocation de la fonction : Gilles de Maupeou (Henri IV), Jean-Baptiste Colbert, John Law, Anne Robert Jacques Turgot, Jacques Necker.
    5. Pour rappel : la justice peut être « retenue », la décision finale revenant au Roi ; la justice « déléguée », confiée par le Roi sans intervention de sa part (le juge agit au nom du Roi) et la Justice indépendante.
    6. Cet incendie aura eu également le malheur de détruire quantité d’archives financières.
    7. Un bureau de la comptabilité nationale est créée, puis une commission de la comptabilité nationale, mais sans disposer de l’autorité et de suffisamment de moyens pour exercer leurs fonctions.
    8. Napoléon Bonaparte innove également en créant par exemple la Banque de France en 1800.
    9. Si la reconstruction d’un pouvoir exécutif en France est à mettre au crédit de Napoléon Bonaparte, il convient bien sûr de relever l’échec politique et institutionnel dans l’édification des contre-pouvoirs législatif et judiciaire – sans parler de ses nombreuses et de plus en plus injustifiables guerres.
    10. Lieu de l’ancienne Chambre des comptes parisienne.
    11. Napoléon invente une forme de droit de remontrance inversé : c’est à la demande de l’Empereur que l’ensemble des dysfonctionnements de l’État lui sont adressés et l’utilisation de ces informations est à sa seule main.
    12. Certaines mesures subsistent encore.
    13. Et suite à l’incendie du palais d’Orsay lors de la Commune en 1871.
    14. Compte tenu de l’exiguïté des locaux, les magistrats se voient autoriser à les emporter dans leur domicile.
    15. Cette générosité étant pour partie financée sous fonds publics du fait de la défiscalisation à l’impôt sur les revenus d’une partie des dons.
  • Les lieux d’implantation des administrations centrales

    Les lieux d’implantation des administrations centrales

    Temps de lecture : 3 minutes.

    Une implantation le plus souvent en Ile-de-France

    Une raison historique

    Au début de la IIIe République, comme on l’a vu avec le ministère du Travail, les services centraux des ministères étaient situés directement auprès du ministre, dans les « Palais de la République »1.

    Certains demeurent encore dans cette situation :

    • C’est le cas pour de nombreuses administrations centrales du ministère de l’Intérieur, place Beauvau ;
    • C’est aussi le cas pour d’importantes directions des ministères économiques et financiers (à « Bercy ») ;
    • Ou pour le ministère de la Santé et des solidarités (avenue Duquesne).

    Place Beauvau. Carte postale mise à disposition en ligne par la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.

    Toutefois, la majorité des administrations centrales sont aujourd’hui à l’écart de leurs cabinets ministériels de tutelle et un mouvement de délocalisations a été engagé depuis le début des années 2000.

    Une tendance à la délocalisation des administrations centrales

    Dans une dynamique assez régulière (la plus récente étant celle de CAP 2022), des déménagements d’administrations centrales en dehors de Paris sont organisés.

    Ces déménagements poursuivent trois objectifs :

    • Rapprocher ces grandes administrations des français,
    • Permettre davantage de mobilités aux agents publics en dehors de Paris,
    • Rationaliser les implantations immobilières (et économiser des deniers publics).

    Des délocalisations qui demeurent souvent aux bordures de Paris…

    Ce mouvement implique également des déménagements réguliers… en bordure de Paris2.

    Les cas les plus emblématiques concernent évidemment le ministère des Armées, à Balard (Paris XV). C’est aussi le cas pour le ministère de la Justice (Paris XIX). Deux implantations situées au bord du périphérique.

    De grands opérateurs comme Pôle emploi (désormais France travail) ou la Caisse nationale d’assurance maladie ont pris ce même chemin : le premier près des Lilas, la seconde, près de Montreuil. Dans les deux cas, au bord du périphérique et en conservant une adresse parisienne.

    Lorsque des déménagements de directions d’administration centrale importantes sont effectués en dehors de Paris, le choix d’implantation est souvent la petite couronne francilienne.

    Tel est le cas, par exemple, de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) à Montreuil ou encore de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), à Levallois-Perret.

    Le cas des administrations centrales en province

    Lorsque les administrations centrales sont en dehors de l’Ile-de-France, il s’agit le plus souvent de démembrements d’administration :

    • Le service central d’état civil du ministère des Affaires étrangères est à Nantes ;
    • Des services de la direction générale des Finances publiques sont à Béthune et à Lens, d’autres déménagements sont encore prévus, notamment à Lille ;
    • De même pour l’État-major des armées avec plusieurs lieux d’implantation en France.

    En 2022, 3 907 emplois en administration centrale étaient ainsi exercés en dehors de Paris, selon la Direction interministérielle de la transformation publique. L’objectif étant de quasiment doubler ce nombre d’ici à 2027.

    1. Ce qui rejoint le point précédent sur la concentration de ces administrations en Ile-de-France.
    2. On se retrouve ici, typiquement, dans des programmes de rationalisation budgétaire et organisationnelle.
  • Histoire de l’administration centrale du ministère du travail et de la prévoyance

    Histoire de l’administration centrale du ministère du travail et de la prévoyance

    Temps de lecture : 10 minutes.

    La cité ministérielle place Fontenoy est injustement méconnue, comparativement aux implantations du ministère de l’intérieur place Beauvau ou plus encore des ministères économiques et financiers rue de Bercy.

    Un petit billet pour retracer son histoire, articulé à un grand projet de cité interministérielle en plein cœur de Paris.

    1- L’origine de la création du ministère du travail et de la prévoyance sociale

    Avant de parler de ses bâtiments, il convient de rappeler le fait générateur de la création du ministère du travail, à savoir pour l’époque la plus grande catastrophe minière de l’histoire, donnant évidemment lieu à d’intenses revendications et affrontements au Parlement et parmi les ouvriers et en particulier les mineurs du nord de la France.

    Les suites de l’une des plus grandes catastrophes minières de l’histoire

    Georges Clémenceau est à l’origine de la création du ministère du travail par un décret signé le 25 octobre 1906, date de sa prise de fonction en qualité de président du Conseil.

    Cette création s’inscrit donc dans un contexte particulier, puisqu’elle fait suite au terrible accident de la mine de Courrières le 10 mars 1906, tuant plus de 1 100 mineurs à l’occasion d’un « coup de grisou ». Cet accident, qui demeure l’un des plus meurtrier de l’histoire des mines (et qui demeure le plus meurtrier d’Europe), marque durablement la région : des centaines de mineurs étant ensevelis vivants, sans pouvoir être dégagés à temps par les secouristes. 

    Rapidement, la négligence de la compagnie est soulignée, des alertes répétées des mineurs ayant été formulées à la direction. Pour autant, l’entreprise comme le gouvernement appellent à reprendre le travail pour maintenir la production.

    Spontanément, les 50 000 mineurs de la région se déclarent en grève et paralysent la production de houille. Par ailleurs, des ouvriers s’activent pour maintenir les recherches de survivants, et près de trois semaines plus tard, treize mineurs sont sauvés.

    Malgré les deux mois de grève faisant suite aux 1 100 tués lors de la catastrophes, les 562 veuves, 1 133 orphelins et l’ensemble des familles d’ouvriers de la région se retrouvent finalement contraints de reprendre le travail, sans un seul acquis social (si ce n’est quelques augmentations de salaires). Clémenceau, ministre de l’Intérieur à compter du 14 mars de la même année (4 jours après la catastrophe) s’est d’abord singularisé par sa grande brutalité dans la gestion de la catastrophe, engageant l’armée pour briser les grèves.

    Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

    Et si cela vous intéresse : Catastrophe de Courrières — Wikipédia (wikipedia.org)

    Une fois président du Conseil, sa décision de donner à l’administration du travail le rang d’un ministère de plein-exercice prend donc une dimension fortement symbolique, sans pour autant induire de véritables réformes pour les ouvriers.

    2- Le décret du 25 octobre 1906 créant le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale

    Le nouveau ministère est formé par le transfert de services des ministères du Commerce et de l’Industrie (service du travail et service de l’assurance et de la prévoyance sociale), de l’Intérieur et des Travaux publics (service de la mutualité et service de l’assistance et de l’hygiène publiques).

    Le rattachement de trois directions ministérielles

    Ce nouveau ministère comporte donc trois directions (décret du 20 juillet 1907) :

    • La direction du travail1, avec le bureau de l’office du travail, le bureau de l’inspection du travail et le bureau des associations professionnelles et des conseils de prud’hommes ;
    • La direction de l’assurance et de la prévoyance sociales2 avec le bureau des retraites et des assurances, le bureau de l’épargne et le bureau de l’habitation à bon marché et du crédit mutuel ;
    • La direction de la mutualité3 avec le bureau de l’administration générale des sociétés et le bureau de la statistique et des pensions.

    Afin d’équilibrer le poids entre les différentes directions ministérielles, l’enseignement technique demeure attaché au ministre du Commerce, ce qui n’est pas sans susciter des interrogations au regard de ses liens indissociables avec la politique du travail. 

    D’un point de vue purement administratif, cette réorganisation ne constitue pas nécessairement une réussite, d’autant qu’elle s’effectue à budget constant avec un simple redéploiement des personnels. 

    Une imbrication dès l’origine très forte entre le ministère du Travail et la Prévoyance sociale (future sécurité sociale)

    Concomitamment à la création de ce ministère, il convient en effet de mentionner le grand projet en discussion au Parlement : à savoir le projet de loi sur les retraites ouvrières et paysannes, adopté par la Chambre en février 1906 (la loi a été présentée par Paul Guieysse en 1901), mais qui ne sera définitivement adopté par le Sénat qu’en avril 1910.

    Faisant suite à cette adoption, une quatrième direction dédiée aux retraites ouvrières et paysannes sera alors créée en 1911 (décret du 27 novembre de la même année). Elle marque et renforce la prépondérance, dès l’origine, de la prévoyance sur la politique de droit du travail. Une trentaine d’agents de la nouvelle direction s’ajoutent aux 140 précédents.

    Cet élan perdurera jusqu’à la veille de la première guerre mondiale puisque, faisant suite à la loi du 29 juin 1894 créant une assurance maladie et vieillesse pour les mineurs, la loi du 25 février 1914 institue la création d’un service national de retraites pour les ouvriers mineurs, organisé autour d’une caisse autonome de retraite.

    3- L’installation du ministère du travail à l’Hôtel du Châtelet

    L’immeuble de l’archevêché de Paris, autrement connu comme l’Hôtel du Chatelet, est désigné très opportunément (suite à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat votée l’année précédente) comme le nouveau siège du ministère du travail.

    Guillaume Tronchet, notamment connu pour la réalisation du château Mont-Royal près de Chantilly et du Théâtre Ducourneau d’Agen (l’un des premiers bâtiments construits en ciment armé de France) est alors chargé, en tant qu’architecte des bâtiments civils de l’Etat de cette installation.

    Les bâtiments font l’objet d’une réfection et de réaménagements intérieurs afin de permettre l’installation des bureaux du cabinet et des services centraux du nouveau ministère, complété par l’occupation d’une aile du bâtiment par les services de la mutualité.

    Cette installation du ministre dans un hôtel particulier démontre par ailleurs la volonté de continuité du gouvernement républicain vis-à-vis de la représentation des institutions. Le ministre de la Guerre est ainsi à l’hôtel de Brienne depuis 1817, le ministère de l’Instruction publique à l’hôtel de Rochechouart depuis 1828, le ministère des Travaux publics à l’hôtel de Roquelaure depuis 1839.

    L’édifice, sans être extravagant, se révèle charmant et agréable :

    L’escalier d’honneur. Source : Cité de l’Architecture.
    Bureau du ministre. Source : Cité de l’Architecture.

    Ces photos sont à retrouver ici : LA CONSTRUCTION MODERNE – FRAPN02_COM_1911_23.pdf (citedelarchitecture.fr)

    4- Le grand projet d’une cité interministérielle au cœur de Paris

    La création d’une cité ministérielle du travail

    Avec l’extension des missions du ministère Travail et de la Prévoyance du fait de la poursuite du développement de la politique sociale de l’Etat, le petit hôtel du Chatelet n’est plus suffisant pour héberger tous les services. 

    Parallèlement, des discussions et différents projets ont été esquissés afin de construire une cité administrative interministérielle sur les terrains militaires autour des Invalides et de l’Ecole militaire. 

    Trois ministères seront ainsi construits en quelques années : le ministère du Travail, en 1930 ; le ministère de la Marine marchande, en 1932 et, plus tardivement, le ministère des Postes et télécommunications (PTT) en 1939.

    Pour plus d’informations sur ces différents projets : L’espace public au service du pouvoir : l’utopie de la cité ministérielle à Paris | 124-Sorbonne. Carnet de l’École Doctorale d’Histoire de l’art et Archéologie (hypotheses.org)

    Sur cette photographie, on peut distinguer les terrains militaires aujourd’hui occupés par les ministères précités.

    Source : Centenaire 1911-2011 des rues Lapparent-Vaudoyer-Heredia: 3- Bâtiments (centenairelvh.blogspot.com).

    Le siège des bâtiments administratifs du ministère du Travail est donc créé en 1929, place de Fontenoy, en huit mois seulement par ce même Guillaume Tronchet. Il s’agit de la première réalisation ab initio d’un bâtiment à l’usage d’un service central ministériel, le tout étant financé par l’Allemagne au titre des dommages de guerre.

    La construction se veut innovante et mobilise des ossatures en acier, du béton cellulaire et des briques armées pour parer l’intérieur des bâtiments.  Les deux ailes construites rue d’Estrée et avenue de Lowendal se rejoignent en angle aigu sur la place Fontenoy, où se trouve l’entrée initiale du ministère. Le tout forme un V caractéristique, qui sera reproduit quelques mois plus tard avec le projet de la marine marchande.

    Ce qu’en disait la commission municipale du vieux Paris alors : Procès-verbaux / Commission municipale du Vieux Paris | 1929 | Gallica (bnf.fr)

    L’ouverture au public eut lieu le 1er octobre 1930. Le bâtiment comportait alors les services centraux du ministère, mais également une salle des guichets pour les assurés sociaux des départements de la Seine et de la Seine-et-Oise. 

    Source : Photographie d’Edouard Desprez. Plaque de verre, 1930. Département Histoire de l’Architecture et Archéologie de Paris.

    Le bâtiment évoluera ensuite :

    • En 1938, les deux ailes sont reliées entre elles par un grand hall central et font l’objet d’extensions ;
    • En 1939, un bunker anti-aérien est aménagé en sous-sol (normalement visible lors des journées du patrimoine) ;
    • Dans les années 50, les deux ailes initiales des rues d’Estrées et Lowendal sont prolongées jusqu’à l’avenue Duquesne en reprenant l’esthétique d’origine :
    Source : Centenaire 1911-2011 des rues Lapparent-Vaudoyer-Heredia: 3- Bâtiments (centenairelvh.blogspot.com).
    • En 1971-72 les deux ailes sont reliées sur l’avenue Duquesne par un bâtiment de style plus contemporain avec la réalisation d’une grande façade vitrée, œuvre de l’architecte Louis Aublet : le V est désormais fermé ;
    • En 2004, cette façade constituée de modules verriers d’un seul tenant est reconstruite par l’architecte Jean-François Jodry (tout en respectant les plans de Louis Aublet) et devient progressivement l’entrée principale, puis unique du ministère. Le bâtiment fait ensuite l’objet d’une nouvelle transformation en 2012 par l’Agence FS Braun et associés, essentiellement sur l’aménagement intérieur (dépose des boiseries, transformation des cloisonnements, etc.).

    Pour plus d’informations : visite du patrimoine (sante.gouv.fr)

    Ce bâtiment accueille désormais les services du ministère de la santé et, de nouveau depuis 2023-24, du ministère du travail – direction générale du travail et délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

    Les autres ministères place Fontenoy

    Le ministère de la Marine marchande

    Bâti sur un terrain acheté par l’Enim (Etablissement National des Invalides de la Marine, organisme gérant la sécurité sociale des marins) au ministère de la défense, l’immeuble a été conçu par l’architecte des monuments historiques André Ventre (1874-1951), et achevé en 1931.

    Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

    Il sera plus tard surélevé. Il accueille aujourd’hui les services du Défenseur des droits et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). 

    Détail de l’entrée. Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

    Le ministère des Postes, télégraphes et téléphones (PTT)

    Inauguré en mars 1939, le bâtiment est bâti à l’angle des avenues de Saxe et de Ségur et est l’oeuvre de l’architecte Jacques Debat-Ponsan (1882-1942). 

    Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

    Le bâtiment fera l’objet d’une profonde rénovation en 2014. Les bureaux de postes historiquement installés dans ce bâtiment seront déménagés rue Eblé, tandis que des services du Premier ministre prendront possession des locaux.

    La caisse autonome de retraite des ouvriers mineurs

    On ne saurait oublier également, un bâtiment administratif important, compte tenu (notamment) de la catastrophe de Courrières précitée, et situé à quelques centaines de mètres des locaux administratifs du ministère du travail inauguré sept ans plus tard : la caisse autonome de retraite des ouvriers mineurs.

    La Caisse, peu après son inauguration. Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.

    Ce bâtiment de trois étages a été construit en 1922 à l’angle des avenues de Suffren et Ségur par les architectes Charles Davidson et René Patouillard-Demoriane. Sa porte principale du 77 avenue de Ségur est en ferronnerie avec à son sommet une plaque de fonte montrant un mineur actionnant sa pioche, plaque elle-même surmontée d’une sculpture d’un mineur casqué.

    Détail de l’entrée. Source : https://patrimoine.secumines.org/histoire.

    En 1948, le bâtiment a été surélevé de trois étages, le dernier étage étant en retrait.

    Bien que la gestion du régime ait été transféré par décret aux services de la Caisse des dépôts et consignations en 2004, les locaux abriteront jusqu’en 2010 les salariés du service de retraite des mines, avant leur complète intégration dans les locaux de la CDC dans le XIIIe arrondissement de Paris.

    Pour en savoir plus : Le musée du Régime Minier – ps_immo_paris15_segur (secumines.org)

    1. Correspondant à l’actuelle direction générale du travail. ↩︎
    2. Qui correspondrait aujourd’hui à la direction de la sécurité sociale. ↩︎
    3. Ce champ pourrait recouper celui de l’actuelle direction de la sécurité sociale, mais également de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). ↩︎