Étiquette : Attaché d’administration de l’Etat

  • Comment devenir juge administratif ?

    Comment devenir juge administratif ?

    Temps de lecture : 6 minutes.

    101 magistrats de tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et de la Commission nationale du droit d’asile ont été recrutés sur 2024.

    Le rapport public du Conseil d’État sur l’activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2024 permet d’abord de se représenter l’activité de ces magistrats :

    • Environ 600 000 litiges enregistrés sur l’exercice 2024 (+ 8 %), dont 280 000 enregistrés par les seuls tribunaux administratifs1 ;
    • Une durée moyenne prévisionnelle de jugement de onze mois pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, cinq mois à la Commission nationale du droit d’asile (CNDA) et six mois au Conseil d’État ;
    • Près de 1 300 magistrats et plus de 2 000 agents de greffe et soutien dans les tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et de la CNDA. Environ 240 membres du Conseil d’État et 400 agents de soutien.
    • Des affaires constituées pour près de la moitié par le contentieux des étrangers, suivi du contentieux des agents publics, du logement, des aides sociales.
    Extrait du rapport annuel du Conseil d’État sur l’exercice 2024
    Extrait du rapport annuel du Conseil d’État sur l’exercice 2024

    Les modes d’accès à la fonction de magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

    Les concours

    Deux concours permettent d’accéder à la fonction de conseiller (article L. 233-2 du code de justice administrative) :

    1. Le concours de l’Institut national du service public (ex-École nationale d’administration) pour les élèves formulant ce choix à la fin de leur scolarité. Relativement minoritaire : environ 10 % des entrées dans le corps ;
    2. Par un concours direct (externe ou interne), devenu la voie normale d’accès : environ 50 % des entrées dans le corps ;
      1. Le concours externe : ouvert aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours externe d’entrée à l’Institut national du service public (niveau licence) ;
      2. Le concours interne : pour les agents publics, civils ou militaires, ainsi que les magistrats de l’ordre judiciaire justifiants, au 31 décembre de l’année du concours, de quatre années de services publics effectifs.

    Si votre souhait est de devenir magistrat, vous n’avez pas d’intérêt à passer le concours de l’Institut national du service public (sauf à vouloir multiplier vos chances) :

    • La sélectivité est plus élevée au concours de l’Institut national du service public2 ;
    • La formation est nettement plus longue (deux ans, contre six mois pour le concours direct) et
    • La diversité des postes proposées à l’issue de la formation constitue un aléa.

    Le tour extérieur

    Il existe plusieurs procédures de recrutement au « tour extérieur »3 :

    1. Celle de l’article L. 233-3 du code de justice administrative, qui offre accès au grade de conseiller pour :
      1. Les fonctionnaires civils ou militaires justifiants d’au moins dix ans de services publics effectifs dans un corps ou un cadre d’emplois de catégorie A ;
      2. Les magistrats de l’ordre judiciaire.
    2. Celle de l’article L. 233-4 du même code, qui offre accès au grade de premier conseiller pour les cadres supérieurs des trois fonctions publiques justifiant d’au moins huit ans de services effectifs dans les corps listés4.

    Chaque année, le vice-président du Conseil d’État détermine le nombre d’emplois à pourvoir au titre du L. 233-3 et du L. 233-4 précités.

    Concrètement, l’essentiel des candidats et des nommés relève de la catégorie 1.1 : attachés d’administration (des trois versants), inspecteurs des finances publiques, etc.

    Le tour extérieur concerne environ 15 % des entrées annuelles dans le corps.

    Le détachement (qui peut être suivi d’une intégration)

    Pour les corps suivants, il est possible de solliciter un détachement en qualité de conseiller ou de premier conseiller :

    • Les fonctionnaires recrutés par la voie de l’Institut national du service public ;
    • Les professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités ;
    • Les administrateurs des assemblées parlementaires et
    • Les fonctionnaires civils ou militaires de l’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois de niveau équivalent à celui des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel5.

    S’ils satisfont aux critères des articles L. 233-3 et L. 233-4 précités, ils peuvent alors demander l’intégration dans ce corps ; aux grades de conseiller ou de premier conseiller.

    Le détachement est le mode d’accès le plus aisé pour les corps précités. La procédure formelle de sélection au tour extérieur étant nettement plus lourde et complexe.

    22 % des entrées dans le corps se font par la voie du détachement, qui est donc un instrument important de gestion.

    Ce haut niveau témoigne également de l’attractivité de ce corps.

    En synthèse

    Extrait (chapitre 2) du guide pratique du site www.lesja.fr consacré au recrutement
    Extrait (chapitre 2) du guide pratique du site www.lesja.fr consacré au recrutement

    Les épreuves du concours d’accès au grade de conseiller (concours direct)

    L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État a abrogé l’article L. 233-6 consacré au « recrutement direct ».

    Pour autant, la partie règlementaire du code de justice administrative continue d’y faire référence et fixe plusieurs principes.

    Tout d’abord, deux règles importantes :

    L’impossibilité de se présenter plus de trois fois au concours (R. 233-9)6 et le caractère éliminatoire de toute note inférieure à 5 (R. 233-11)

    La composition du jury

    Celle-ci est prévue par l’article R. 233-8 du code de justice administrative :

    • Le chef de la mission permanente d’inspection des juridictions administrative (président du jury) ;
    • Un représentant du ministre de la justice ;
    • un représentant du ministre chargé de la fonction publique ;
    • Deux professeurs titulaires d’université et
    • Deux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel7.

    La diversité des professionnels représentés témoigne du haut niveau de compétences attendu.

    Les épreuves d’admissibilité et d’admission

    Les trois épreuves d’admissibilité (1° du R. 233-11 du code de justice administrative) :

    • L’étude d’un dossier de contentieux administratif (quatre heures, coefficient 3). L’épreuve la plus déterminante ;
    • Une épreuve constituée de (en général, quatre) questions portant sur des sujets juridiques ou administratifs appelant une réponse courte (une heure et demie, coefficient 1) ;
    • Une dernière épreuve (quatre heures, coefficient 1), suivant l’origine des candidats :
      • Concours externe : dissertation portant sur un sujet de droit public ;
      • Concours interne : note administrative portant sur la résolution d’un cas pratique posant des questions juridiques.

    Deux épreuves d’admission :

    • Une épreuve orale portant sur un sujet de droit public suivie d’une conversation avec le jury sur des questions juridiques (trente minutes de préparation et trente minutes d’échanges, coefficient 2) ;
    • Un entretien avec le jury portant sur le parcours et la motivation du candidat (vingt minutes, coefficient 2).

    Le programme des épreuves

    L’étude d’un dossier de contentieux, la dissertation portant sur un sujet de droit public (concours externe) et le programme de sujets de droit public tirés au sort par les candidats lors de la première épreuve d’admission portent sur les sujets suivants :

    Quelques éléments fondamentaux de droit public :

    Le droit constitutionnel :

    Le droit administratif :

    Le contentieux administratif :

    Les sujets pouvant susciter des questions à réponses courtes ou à une discussion juridique avec le jury portent sur les sujets suivants :

    La gestion des administrations :

    Quelques éléments sur les grandes politiques publiques :

    Le droit de la fiscalité :

    Enfin, des notions fondamentales de :

    • Droit civil et de procédure civile ;
    • Droit pénal et de procédure pénale.
    1. 200 000 pour le tribunal du stationnement pays, 56 500 pour la Cour nationale du droit d’asile, 31 500 pour les cours administratives d’appel et 9 500 pour le Conseil d’État.
    2. Environ 6 % au titre du concours externe pour 2023, contre 10 % pour le concours externe direct. Pour le concours interne, le constat est plus nuancé, le taux de sélectivité étant d’environ 10 % à l’INSP, contre 12 à 13 % pour le concours interne direct.
    3. Le recrutement au tour extérieur est un recrutement sur dossier, après audition des candidats. De solides références juridiques et un parcours professionnel de haut niveau sont évidemment requis.
    4. Fonctionnaires de l’INSP, fonctionnaires de catégorie A ou cadre d’emplois de même niveau et titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au concours d’entrée de l’INSP, magistrats de l’ordre judiciaire, professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, administrateurs territoriaux, personnels de direction des établissements de santé et autres établissements (directeur d’hôpital et directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social).
    5. En pratique, cela recouvre les corps cités à l’article L. 233-4 de la note de bas de page précédente. Le Conseil d’État est chargé d’établir la liste.
    6. On peut s’interroger sur la portée de cette disposition attachée à un article abrogé. Ici, le concours de magistrat administratif se distingue de celui de juge judiciaire où le nombre de passage n’est pas limité. Régulièrement des élèves de l’Ecole nationale de la magistrature ont ainsi passés plus de trois fois le concours avant d’être admis.
    7. Nommés par arrêté du vice-président du Conseil d’État, sur proposition du Conseil supérieur des tribunaux administratives et des cours administratives d’appel.
  • Le temps de travail des agents publics ?

    Le temps de travail des agents publics ?

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 13)

    Temps de lecture : 6 minutes.

    Le temps de travail

    Peu d’indicateurs de qualité de l’emploi placent la fonction publique dans une situation nettement plus favorable que le secteur privé. La conciliation des temps fait partie de ces exceptions. Les fonctionnaires et agents publics déclarent une durée annuelle de travail plus faible (même si les comparaisons demeurent très difficiles). Surtout, ils sont en général plus satisfaits de l’équilibre vie privée, vie professionnelle. Cependant, au sein de cet agrégat, certaines professions publiques sont en grande tension, notamment les directeurs d’établissement scolaire, les professionnels du soin et de la sécurité.

    La durée annuelle du travail est inférieure dans la fonction publique

    La durée annuelle effective de travail des salariés à temps complet du privé est de 1698 heures, contre 1 632 heures pour les agents de la fonction publique (hors enseignants)1 :

    • 1 684 heures pour les agents de l’État ;
    • 1 599 heures pour les agents de collectivités territoriales (soit près de trois semaines travaillées d’écart) et
    • 1 622 heures pour les agents du secteur hospitalier.

    Cet écart est essentiellement lié au :

    • Nombre de jours d’arrêt maladie, en moyenne plus élevé dans la fonction publique (et tout particulièrement dans la fonction publique territoriale) ;
    • Par un nombre plus élevé de jours de congés annuels (congés payés, RTT ou CET)2 et
    • Dans une moindre mesure, par le recours plus élevé à la formation professionnelle.

    Toutefois, de 2006 à 2023, on constate une réduction progressive de cet écart de temps de travail annuel : celui-ci n’est plus que de 3,6 %, quand il était de 8 % en 2006.

    Le travail en horaires atypiques est plus répandu dans la fonction publique

    • 57 % des agents hospitaliers ont travaillé au moins une fois le samedi lors des quatre dernières semaines, contre 36 % dans le privé ;
    • 53 % des agents hospitaliers ont travaillé au moins une fois le dimanche sur la même période, contre 18 % dans le privé ;
    • 45 % des agents de l’État (enseignants compris) et une proportion similaire dans le secteur hospitalier ont subi lors des quatre dernières semaines une « contrainte horaire élevée », contre 25 % dans le privé.

    Des durées longues de travail (supérieures à 44 heures par semaine) plus répandues pour certains métiers

    Une situation relativement plus favorable pour les cadres administratifs

    • 32 % des cadres de catégorie A déclarent travailler plus de 44 heures par semaine ;
    • Un pourcentage inférieur à quasiment tous les métiers de cadres dans le privé3, où les réponses vont de 43 % dans les transports à 57 % dans le commerce.

    Des contrastes dans le monde enseignement

    Les enseignants sont dans l’ensemble moins concernés par les durées longues de travail. Mais, au sein du secteur de l’enseignement, certains corps ou métiers sont nettement plus exposés :

    • 41 % des enseignants du supérieur déclarent de telles durées de travail ;
    • 78 % pour les directeurs d’établissement. Identifiés comme l’un des trois métiers les plus exposés parmi les 225 familles professionnelles.

    Pour rappel, le temps de travail des enseignants ne se résume pas aux heures de présence devant les élèves :

    Une intensité au travail particulièrement élevée dans les métiers de la sécurité et du soin

    • 33 % des professionnels publics des métiers de la sécurité déclarent travailler sur des durées longues. Ce pourcentage est très inférieur pour les agents de sécurité privée ;
    • 71 % des médecins du secteur hospitalier déclarent travailler plus de 44 heures par semaine. Une proportion semblable à celle des médecins libéraux, mais deux fois supérieure à celle des médecins salariés du secteur privé (34 %).

    Le recours au temps partiel

    Un recours en apparence comparable au secteur privé

    La part des agents de la fonction publique travaillant à temps partiel est comparable aux salariés du privé :

    • 18 % dans le public ;
    • 17 % dans le privé.

    Ce recours est plus répandu parmi les contractuels (28 %) et dans la fonction publique territoriale (23 %)4.

    Un recours un peu plus égalitaire entre les hommes et les femmes dans la fonction publique

    Les femmes sont plus concernées par le temps partiel que les hommes dans la fonction publique, mais l’écart de recours est moindre que dans le privé :

    • 24 % des femmes et 8 % des hommes travaillent à temps partiel dans le secteur public (soit un écart de 16 points) ;
    • Contre respectivement 28 % et 7 % dans le privé (un écart de 21 points).

    Un télétravail un peu plus choisi et pour une durée hebdomadaire en moyenne plus longue que dans le privé

    Le temps partiel à 80 % concerne 36 % des femmes du secteur public, contre 21 % du privé. Inversement, 25 % des femmes à temps partiel dans le privé occupent un emploi inférieur au mi-temps, contre 12 % dans le public.

    Par ailleurs, 6 % des agents du secteur public disent « subir » leur temps partiel, contre 8 % dans le secteur privé5.

    Le recours au télétravail

    Le recours au télétravail est possible depuis 2012 dans la fonction publique. Il est néanmoins demeuré marginal jusqu’à la crise sanitaire de 2020.

    Le décret du 5 mai 2020 continuait de laisser une marge de manœuvre importante aux administrations publiques. Cependant, l’accord du 13 juillet 2021 relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique a bousculé les employeurs en imposant un « droit au télétravail », sauf à justifier d’une impossibilité pour raison de service6.

    Désormais, l’autorisation de télétravail peut être délivrée pour un recours régulier ou ponctuel. Concrètement, la quotité de travail pouvant être exercée sous forme de télétravail régulier ou ponctuel peut varier jusqu’à trois jours maximum par semaine, voire davantage dans certaines circonstances.

    À l’occasion de la crise sanitaire, le télétravail a été généralisé très rapidement dans la fonction publique. Toutefois, il demeure moins pratiqué que dans le secteur privé :

    • 19 % des agents publics pratiquaient le télétravail en 2023, contre 6 % en 2019 ;
    • 26 % des salariés de droit privé pratiquaient le télétravail en 2023, alors qu’ils étaient 9 % en 2019.

    Sur la conciliation

    Une conciliation des temps en moyenne plus favorable dans le secteur public

    Les métiers publics sont en général plus favorables s’agissant de la conciliation des temps personnels et familiaux avec le temps de travail :

    • 12 % des enseignants et 13 % des cadres de catégorie A de l’administration se déclarent en difficulté de conciliation ;
    • Ce pourcentage est de 17 % dans la population générale de salariés (et de 14 à 23 % pour les cadres privés).

    Pour ces fonctionnaires, essentiellement de catégorie A et B, et travaillant dans le secteur administratif, la conciliation constitue même « l’avantage principal » de la fonction publique.

    Toutefois, ici encore, certains métiers publics sont très exposés aux difficultés de conciliation

    • 35 % des chefs d’établissement dans l’Education nationale déclarent des difficultés à concilier leur vie professionnelle avec leurs besoins personnels et familiaux.
    • 37 % des agents publics des métiers de la sécurité (armée, police, pompiers) sont concernés. Contre 28 % pour les agents de sécurité privée.
    • 39 % pour les infirmières et 38 % pour les médecins du secteur public, contre 19 % dans les deux cas pour leurs homologues du secteur privé.
    1. Les durées travaillées varient également selon les caractéristiques sociodémographiques. Les hommes et les agents de moins de 30 ans ont une durée de travail annuelle supérieure à celle des femmes et des autres classes d’âge. Par construction, la composition de la fonction publique présente donc un premier biais.
    2. 31,7 jours de congés en moyenne pour les agents publics contre 25,5 jours pour les salariés du privé. Cette différence tient aux choix de lisser conserver les régimes horaires hebdomadaires antérieurs aux 35 heures.
    3. Sauf agriculture.
    4. Et les deux phénomènes se conjuguent : 37 % des contractuels de la fonction publique sont à temps partiel.
    5. Cette même enquête (Emploi, 2019) révèle que 13 % des répondants du secteur public disent « choisir » leur temps partiel, contre 10 % des répondants du privé.
    6. A titre d’exemple, 4) du 1. : « Hors circonstances exceptionnelles et télétravail ponctuel, lorsque l’administration souhaite mettre fin à une autorisation de télétravail, sa décision, communiquée par écrit, doit être précédée d’un entretien et motivée au regard de l’intérêt du service. » Par ailleurs, l’administration doit respecter un délai de prévenance d’au moins deux mois (sauf période probatoire).
      Et, plus loin : « Les nécessités de service peuvent également justifier, sous réserve du respect d’un délai de prévenance, l’exigence d’un retour sur site pendant un jour de télétravail. Lorsqu’un retour sur site apparaît impératif pour plusieurs jours consécutifs, il peut être procédé à une suspension provisoire de l’autorisation de télétravail. Cette suspension doit être motivée par des nécessités de service. »
      La souplesse est donc à la main du travailleur (absence de motivation et délai raccourci), tandis que l’administration doit justifier ses décisions dans le cadre d’une procédure contradictoire et se voit imposer un délai de prévenance relativement long.
  • Les conditions de travail dans la fonction publique : la santé au travail

    Les conditions de travail dans la fonction publique : la santé au travail

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 12)

    Temps de lecture : 9 minutes.

    Avant-dernier billet consacré au rapport de France stratégie publié en décembre 2024 sur l’attractivité de la fonction publique (lien vers l’introduction du rapport de France stratégie), avec un focus sur la santé au travail.

    Seront ici évoqués les conditions de travail, à travers :

    • Le rapport au public ;
    • L’intensité émotionnelle ;
    • Le travail « sous pression » ;
    • La perception du management ;
    • L’autonomie au travail ;
    • Les collectifs de travail ;
    • Les moyens matériels et humains ;
    • Les conflits éthiques.

    Avant de plonger dans ces différents éléments, voici un extrait d’une enquête de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) sur les attentes des agents publics en matière de santé au travail (reproduite par France stratégie). La prépondérance des risques psycho-sociaux est flagrante :

    Le rapport au public

    85 % des agents publics sont en contact direct avec le public, contre 68 % des salariés du privé.

    Par ailleurs, les relations sont plus souvent difficiles dans le secteur public que dans le secteur privé :

    51 % des agents publics déclarent des tensions régulières avec le public, contre 40 % dans le privé.

    Une situation tendue dans les métiers de la sécurité

    Les métiers de la sécurité publique occupent une place à part.

    58 % des agents de sécurité du privé1 connaissent des tensions au travail. C’est le cas de 78 % des policiers et gendarmes (91 % pour les policiers municipaux).

    À titre général, dans l’analyse par métier : dès lors qu’une différence existe entre le secteur privé et public dans le niveau de tension, il est en défaveur du secteur public. C’est notamment le cas dans le versant hospitalier avec un niveau de tension nettement plus élevé pour le secteur public.

    Des niveaux de tension également très élevés dans l’éducation

    Les enseignants présentent un niveau important de tension :

    • 58 % des enseignants en général ;
    • 64 % pour les professeurs des écoles et
    • 88 % pour les directeurs d’établissements.

    Les rapporteurs soulignent une situation relativement paradoxale : une inquiétude diffuse et un sentiment de dégradation des relations. Cependant, la satisfaction est plutôt élevée dans les dimensions de sécurité au travail et de relations avec les élèves.

    La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale relève ainsi que :

    « Les personnels de l’éducation nationale aiment, de manière générale, exercer dans leur école ou établissement : la satisfaction s’élève en moyenne à 7,0 sur 10. Le sentiment de sécurité dans et aux abords de l’établissement est estimé à 7,9 sur 10. »

    Le sentiment d’être respecté par les élèves est évalué à un niveau également élevé (7,3 sur 10).

    Les relations sont plus compliquées avec les parents2, mais plus encore avec la hiérarchie. L’évaluation du soutien de la hiérarchie en cas de problème n’est ainsi que de 5,7 sur 10.

    Les rapporteurs relèvent un lien étroit entre les difficultés dans le rapport au public et le sentiment d’un faible soutien hiérarchique.

    L’intensité émotionnelle

    L’intensité émotionnelle se définit ici comme la proportion de salariés qui : « sont bouleversés, secoués, émus dans le travail » et renvoie autant à la qualité de la relation au public qu’à des enjeux d’organisation du travail ou de nature de l’activité.

    Les agents publics se déclarent deux fois plus souvent être concernés par un choc émotionnel (19 %) que les salariés du privé (9 %).

    De nouveau, la situation des enseignants est singulière :

    • 21 % des enseignants sont concernés par de fortes émotions contre 12 % de l’ensemble des salariés,
    • 13 % pour les cadres du secteur public (catégorie A) et
    • 6 % des cadres du secteur privé.

    Toutefois, dans les métiers du soin, si les agents publics demeurent plus concernés que les salariés du privé3, les indépendants occupent une place préoccupante :

    55 % des infirmiers libéraux et 42 % des médecins libéraux se déclarent ainsi régulièrement émus ou bouleversés par leur quotidien. Cette spécificité tient très probablement aux visites domiciliaires des malades et aux relations interpersonnelles plus étroites qu’elles impliquent.

    Le travail « sous pression »

    En apparence, le secteur public ne se distingue pas du secteur privé s’agissant du stress au travail :

    34 % des salariés du public déclarent travailler sous pression pour 35 % des salariés du privé.

    Les cadres de catégorie A (46 %) et les enseignants (40 % dans le primaire et 41 % dans le secondaire) se situent toutefois dans la fourchette haute des métiers de cadres dans le privé. Plus inquiétant : 72 % des directeurs d’établissements scolaires déclarent travailler sous pression.

    Le niveau de pression ressenti par les agents de catégorie B et C est comparable à leurs homologues du privé (agents administratifs, ouvriers, professions techniques).

    S’agissant du secteur hospitalier, l’écart se creuse entre le secteur public et les établissements privés : la part de salariés déclarant travailler sous pression augmente de 49 % à 51 % de 2013 à 20194, alors qu’il baisse de 44 % à 37 % dans le privé.

    En 2019, 68 % des infirmiers du public déclarent travailler sous pression, contre 48 % seulement dans le privé et 49 % parmi les indépendants.

    Pour les rapporteurs, compte tenu de la proximité des métiers, les spécificités organisationnelles du secteur public constituent une piste d’explication. On pourrait aussi y ajouter les contraintes inhérentes au service public : continuité, égalité d’accès, quasi-gratuité.

    Le management

    La « qualité du management »

    « Parmi les représentations négatives dont souffre la fonction publique au sein de la population française, persiste l’idée que le management y serait particulièrement peu efficace. Dans un sondage portant sur les critères d’attractivité comparée des grandes entreprises privées, du secteur non lucratif (associations, ONG, fondations) et de l’État, un panel de Français donne à ce dernier la moins bonne note pour l’item relatif « au style de management » (5,6/10 contre 6,3 pour les deux autres). C’est même la dimension la moins bien notée, sur les 23 dimensions citées. »

    Le secteur public est relativement bien perçu s’agissant de la stabilité du poste et de l’équilibre vie privée / vie professionnelle. Mais, pour les 21 autres critères, il est en deçà des secteurs privés, lucratifs et non lucratifs.

     « Plus inquiétant, quand on interroge uniquement des agents de la fonction publique, le management dans l’État est perçu encore plus négativement (5,2). »

    Le « style de management » est le dernier argument cité par les sondés pour rejoindre la fonction publique. Inversement, c’est aussi le critère négatif le plus cité, devant la rémunération.

    Le manque de soutien de la hiérarchie

    Les niveaux de tension avec les supérieurs sont similaires entre secteurs privés et publics.

    Toutefois, le sentiment d’être soutenu par la hiérarchie est nettement plus faible dans le secteur public.

    46 % des enseignants qui disent être aidés par leur hiérarchie, 42 % pour les directeurs d’établissement scolaire. Ce sont des niveaux particulièrement bas par rapport à la moyenne des salariés et plus encore des salariés qualifiés.

    L’autonomie au travail

    81 % des salariés du public déclarent être autonomes dans leur travail, contre 74 % dans le privé.

    Cette différence est encore plus marquée pour les métiers les moins qualifiés du public (cuisiniers, ouvriers, jardiniers).

    S’agissant des cadres de catégorie A de l’administration, leur niveau d’autonomie est comparable aux cadres du privé. Néanmoins, ce niveau d’autonomie est ressenti comme en forte dégradation (5 points perdus de 2013 à 2019).

    Les enseignants déclarent également une perte d’autonomie sur la même période, tout en affichant des niveaux élevés par rapport aux métiers de cadres.

    Le travail collectif

    Dans l’enquête Conditions de travail, les salariés du public déclarent être très souvent aidés par leurs collègues (87 %). Un niveau un peu plus élevé que dans le privé (79 %).

    Ces chiffres sont en augmentation de 2013 à 2019.

    En dépit de cette augmentation, les auteurs citent les travaux de Bergeron et Castel qui entrevoient un risque de fragilisation des coopérations par :

    • Les difficultés contemporaines à se projeter dans l’avenir ;
    • La rationalisation des coûts (dans les secteurs publics et privés), qui aboutit à un contrôle plus poussé des travailleurs5 ;
    • L’injonction à la « coordination » qui se traduit par davantage de procédures, des fusions d’organismes pour favoriser des économies d’échelle sans une réflexion préalable sur les « déterminants de ce manque de coordination ».

    Les moyens matériels et humains

    Parmi les agents publics, le constat d’une dégradation des conditions de travail semble relativement partagé. Il s’appuie sur différents paramètres :

    • La faiblesse (ou l’absence) de moyens matériels et humains ;
    • L’inadaptation de l’offre de formation (jugée trop théorique, avec trop de distanciel…) ;
    • La complexification des tâches à réaliser, en particulier les tâches administratives.

    L’insuffisance de moyens matériels humains

    • 43 % des agents publics de sécurité (armée, police, pompiers) déclarent disposer de moyens suffisants pour exercer leurs missions6 ;
    • C’est le cas de 56 % des cadres administratifs de catégorie A. Soit un niveau très en deçà des cadres du secteur privé.

    De 2013 à 2019, tous secteurs confondus, ces deux familles de métiers (sécurité et cadres administratifs) présentent la plus grande dégradation de cet indicateur7.

     S’agissant des métiers du soin, la faiblesse du secteur public est également très marquée :

    • 47 % des aides-soignants du public déclarent bénéficier de moyens suffisants contre 58 % de ceux du privé,
    • 49 % des infirmiers publics contre 67 % pour le privé et
    • 54 % des médecins contre 71 % pour le privé.

     « Ce manque de moyens est noté par les agents en poste, mais aussi par les viviers. Ce qu’il démontre qu’il pèse sur l’attractivité du secteur public. »

    Une forme de défiance des agents publics envers leur employeur

    « Ce manque de moyens est particulièrement mal ressenti par les agents. Il s’ajoute aux faibles rémunérations et au discours dévalorisants, entrainant une forme de défiance à l’égard de l’employeur. »

    « Les groupes et les entretiens ont mis en évidence un climat de méfiance généralisé envers l’État et plus largement les institutions chez les agents eux-mêmes8. »

    • En 2019, 62 % des agents publics avaient le sentiment d’être respecté et reconnu dans leur travail, contre 70 % des salariés de droit privé.
    • En 2013, les pourcentages étaient respectivement de 67 % et 70 %. Cette dégradation est donc spécifique à la fonction publique. 

    Ce déficit de reconnaissance est particulièrement marqué dans l’Éducation nationale :

    • 48 % des enseignants pensent recevoir le respect qui leur est dû, contre 59 % en 2013,
    • 34 % pour les professeurs des écoles (43 % en 2013) ;
    • 54 % pour les directeurs d’établissement et inspecteurs (contre 74 % en 2013, soit une chute de 20 points de pourcentage).

    Les conflits éthiques

    Le conflit éthique est ici défini comme le fait de : « devoir faire quelque chose que l’on réprouve ».

    Moins d’un salarié du secteur privé sur dix se dit concerné par de tels conflits :

    • 12 % pour les professeurs du secondaire ;
    • 18 % pour les métiers publics de la sécurité9 et jusqu’à 65 % pour les cadres intermédiaires de la police nationale ;

    « Si cela peut être interprété comme le fait que la fonction publique regroupe des métiers plus susceptibles d’être exposés à des conflits de valeur, cela accrédite également le fait qu’il existe un risque de décalage entre le « sentiment d’utilité sociale », qui peut motiver le choix d’entrer dans la fonction publique, et les réalités du travail ; la perception de promesses déçues pour des salariés qui ont plus d’attentes que dans le secteur privé. »

    Plusieurs facteurs explicatifs sont évoqués et reprennent pour partie les hypothèses envisagées sur une dégradation possible des collectifs de travail :

    • La pression des chiffres ;
    • La dématérialisation des services ;
    • La complexification des tâches :
    • Une dégradation des relations avec les usagers.

    Les arrêtés maladie, un signal faible ?

    En conclusion, pour les rapporteurs, l’augmentation récente des arrêts maladie dans la fonction publique constitue un point d’alerte. Cette évolution est particulièrement inquiétante pour les versants territoriaux et hospitaliers de la fonction publique10, mais également pour les enseignants, auparavant très peu concernés.

    1. France stratégie réalise des comparaisons sur des métiers « mixtes » à partir de catégories de fonction. Il demeure, à l’évidence, des spécificités irréductibles à toutes comparaisons s’agissant de certains métiers publics. Les policiers et militaires n’ont pas d’équivalents dans le secteur privé. Il est toutefois proposé une comparaison fonctionnelle.
    2. Le sentiment d’être respectés par les parents d’élèves est de 6,3 sur 10.
    3. Parmi les agents publics, 42 % des infirmiers et 32 % des émotions disent avoir vécu des épisodes d’intensité émotionnelle contre respectivement 33 % et 27 % de leurs homologues du privé.
    4. Les rapporteurs s’arrêtent en situation pré-COVID pour ne pas fausser les comparaisons.
    5. Ce qui implique également une charge administrative et de reporting, qui peut être jugée très négativement par les salariés concernés.
    6. Ce ratio est de 77 % pour les agents de sécurité privée.
    7. Les agents publics de catégorie B et C présentent également un indicateur relativement dégradé s’agissant des moyens à leur disposition pour exercer leurs fonctions. Toutefois, la dégradation de cet indicateur sur la période 2013 à 2019 est similaire à celles de leurs homologues salariés de droit privé.
    8. Ce qui rejoint aussi les constats de Luc Rouban sur l’augmentation du vote pour le Rassemblement national parmi les agents publics.
    9. Le taux est de 19 % pour les agents de sécurité privé. Les ratios sont donc ici élevés, mais homogènes.
    10. En rappelant toutefois qu’il y a aussi des effets de composition.
  • Les salaires dans la fonction publique en 2025

    Les salaires dans la fonction publique en 2025

    Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 11)

    Temps de lecture : 10 minutes.

    Poursuite de la lecture du rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique.

    Les dépenses publiques de rémunérations des agents publics, après avoir augmenté jusqu’aux années 80, connaissent une relative décrue depuis :

    • 10 % du PIB dans les années 60-70 ;

    • 13 % au début des années 80 ;

    • 12 % en 2023, en replis depuis les années 90.

    Autrement dit, depuis les années 80, l’augmentation des dépenses publiques ne tient pas aux dépenses de personnel, mais aux autres dépenses (essentiellement sociales).

    Toutefois, les écarts entre versants de la fonction publique sont extrêmes :

    • De 1980 à 2023, les dépenses des collectivités locales augmentent de 238 % ;
    • Sur la même période, les dépenses de l’État augmentent de 45 %.

    Le mode de rémunérations des agents publics

    Un mode de rémunération à trois étages

    La paie des fonctionnaires peut schématiquement se décomposer en trois parties :

    1. Le traitement indiciaire. Déterminé par une grille indiciaire qui s’applique à l’ensemble des agents relevant d’un corps.

          C’est le système le plus simple : on multiplie l’indice lié au grade et à l’échelon par la valeur du point d’indice.

          2. Le régime indemnitaire et les rémunérations annexes. Ces éléments comprennent les heures supplémentaires (pour certains agents publics), les primes et indemnités.

            Les rémunérations indemnitaires et annexes sont particulièrement complexes et ont été très dynamiques sur les vingt dernières années.

            Elles sont individualisées et portent sur :

            • La fonction exercée : encadrement, sujétions particulières… ;
            • Le lieu d’exercice : indemnités de résidence, primes spécifiques à certains territoires, notamment ultramarins ;
            • La situation de famille : supplément familial de traitement (pour des montants nettement plus modestes) ;
            • La performance de l’agent : au titre du complément indemnitaire annuel (CIA) notamment.

            Un élément important est à rappeler : les rémunérations indemnitaires et annexes sont partiellement retenues pour le calcul de la pension de retraite de l’agent public.

            3. Enfin, en déduction du revenu net (pour l’agent) : les cotisations et diverses retenues sociales. Ici, l’agent public se trouve dans la même situation que le salarié de droit privé avec une part de ces rémunérations consacrée aux différentes contributions et cotisations.

              Une rémunération de plus en plus individualisée

              Si la majeure partie du revenu d’un agent public est encore assise sur le traitement indiciaire (comparable aux grilles de classifications des branches professionnelles), la part dévolue aux primes et indemnités est en forte augmentation.

              Compte tenu des difficultés budgétaires de la France et des répercussions induites par une augmentation de la valeur du point d’indice1, les gouvernements successifs ont préféré des augmentations sectorielles.

              Le rapport ambivalent des fonctionnaires à leurs rémunérations : ils se considèrent mal payés, mais ils ne rejoignent pas la fonction publique pour l’argent

              Le sentiment d’être « mal payé » est diffus parmi les agents publics

              Ce sentiment est encore plus exacerbé lorsque le diplôme initial est élevé.

              En 2023, 68 % des fonctionnaires s’estiment mal ou très mal payés. 76 % parmi les enseignants2

              Cependant, le salaire n’est pas un motif d’entrée dans la fonction publique3. Et, quand des agents publics démissionnent, ce n’est pas tant parce que les rémunérations sont faibles. Les agents concernés évoquent d’abord l’absence (supposée ou réelle) de perspective d’évolution professionnelle.

              La vérité des prix : quel salaire dans la fonction publique et dans le privé

              Le salaire net mensuel moyen des agents publics en équivalent temps plein en 2021 est de 2 431 euros, contre 2 464 euros pour le secteur privé.

              Analysé par versant de la fonction publique, le salaire net mensuel moyen en 2021 se répartissait comme suit :

              • 2 039 euros dans la fonction publique territoriale ;
              • 2 590 euros dans la fonction publique hospitalière ;
              • 2 688 euros dans la fonction publique d’État.

              Les rémunérations dans la fonction publique d’État tiennent à un effet de structure

              En effet, les agents de l’État sont en moyenne plus diplômés, plus âgés, mais également plus féminisés que dans le secteur privé.

              La part de salariés disposant d’un diplôme du supérieur est très marquée selon l’employeur (données de 2021) :

              • 76 % pour les agents de la fonction publique d’État ;
              • 52 % pour les agents hospitaliers ;
              • 41 % pour les salariés du privé et
              • 32 % pour les agents de collectivité locale.

              Mécaniquement, la part d’agents civils de catégorie A (les cadres) était aussi très variable selon les versants de la fonction publique :

              • 62 % pour l’État,
              • 40 % pour le secteur hospitalier et
              • 3 % pour les collectivités locales.

              L’évolution des rémunérations par versants et dans le secteur privé

              Sur la période 2011-2021, le salaire net moyen en équivalent temps plein a augmenté (en euros constants) de 2,1 % pour l’ensemble des agents publics, mais cette augmentation cache de nombreuses disparités :

              • 8,8 % pour la fonction publique hospitalière, tirée par le rattrapage des salaires post-Covid ;
              • 2,5 % pour la fonction publique territoriale ;
              • – 0,2 % pour la fonction publique d’État.

              Il faut toutefois faire attention aux effets de composition : la part des agents de Cat A augmente et leur vieillissement aussi.

              Pour dépasser les limites du salaire moyen net en EQTP, il existe un indicateur d’évolution des salaires pour les agents restés en poste deux années d’affilée complètes. Autrement dit, la : « rémunération moyenne des personnes en place » (RMPP).

              Une évolution salariale essentiellement liée au développement des primes et indemnités

              Le décrochage du point d’indice

              Jusqu’aux années 1990, le point d’indice suivait l’évolution des prix. De 2010 à 2023, le point d’indice est systématiquement gelé, sauf exceptions.

              Des augmentations sont ainsi consenties en 2016 et 2017, à un niveau proche de l’inflation (0,6 %), puis en 2022 et 2023, mais dans un contexte de très forte inflation :

              • Le point d’indice est d’abord revalorisé de 3,5 % en 2021, puis de 1,5 % en 2022 ;
              • Sur la même période, l’inflation est de 10,4 %.

              Première conséquence, la progression salariale est essentiellement catégorielle ou individuelle :

              • Primes et indemnités individuelles,
              • Revalorisations de grilles indiciaires de certains corps.

              Seconde conséquence, les primes constituent aujourd’hui environ 25,5 % de la rémunération moyenne totale (un peu moins en rémunération nette individuelle) des agents publics. Cette part est stable depuis 2010 et est supérieure à celle constatée dans le secteur privé (proche de 20 %).

              Une augmentation des primes et indemnités qui peinent à maintenir le niveau de vie des agents publics

              Selon les rapporteurs :

               « Les dispositifs existants (primes, indemnités comme heures supplémentaires) servent d’abord à maintenir le pouvoir d’achat, ou pour certains bénéficiaires à compléter leur revenu (heures supplémentaires). »

              Par exemple, dans la fonction publique d’État, les gains en rémunérations proviennent quasi exclusivement du vieillissement des agents et des politiques indemnitaires.

              Le décrochage des cadres (cat. A) et professions intermédiaires (cat. B)

              De 2011 à 2021, les salaires moyens en EQTP des cadres et professions intermédiaires ont baissé dans la fonction publique et augmenté dans le secteur privé :

              • – 3 % pour la fonction publique d’État,
              • – 0,2 % pour la fonction publique territoriale ;
              • + 2 % dans le secteur privé.

              À titre de comparaison, le salaire net moyen des employés et des ouvriers a augmenté de 6 % pour la FPE et 2,5 % pour la FPT (contre 5 % dans le privé).

              Ce dynamisme des rémunérations pour les ouvriers et employés est lié aux mécanismes de préservation du pouvoir d’achat mis en place pour les bas salaires.

              La fonction publique hospitalière présente de son côté un caractère atypique (mesures Ségur prises suite à la pandémie de COVID-19) avec une augmentation des salaires réels moyens de 9 % sur la décennie :

              • 10 % pour les employés et ouvriers,
              • 6 % pour les cadres et professions intermédiaires.

              Un système de rémunérations inégalitaires

              Des inégalités entre ministères

              Le constat est connu, les différences de rémunérations entre les ministères demeurent :

              • La part de primes et indemnités est faible dans l’enseignement ;
              • Alors que les primes sont plus importantes dans les ministères de l’Économie, de la Défense ou de l’Intérieur.

              Ces différences de primes viennent parfois compenser une grille indiciaire jugée trop faible. Ils induisent toutefois un frein à la mobilité pour les agents et peuvent engendrer un sentiment d’iniquité.

              Pour les rapporteurs :

              « L’effet global du système tel qu’il existe est donc incertain. »

              Des évolutions salariales différentes entre contractuels et fonctionnaires

              En prenant le RMPP, ce qui n’est pas sans poser de difficultés méthodologiques4, l’évolution des contractuels est systématiquement plus élevée que celle des fonctionnaires.

              Des trajectoires salariales en détérioration

              Une augmentation de la rémunération moyenne des agents publics quasiment nulle depuis quinze ans

              De 1980 à 2010, le taux de croissance annuel moyen du salaire moyen par tête (SMPT) réel des administrations publiques était de 0,66 %.

              Toutefois, on peut clairement dissocier deux périodes :

              • 1,02 % sur la période 1990-2010,
              • 0,26 % sur la période 2010-2023.

              Autrement dit, sur les quinze dernières années, le pouvoir d’achat des fonctionnaires évolue quatre fois moins vite que les deux décennies précédentes. Par ailleurs, cette évolution est tellement faible qu’elle est quasiment nulle en termes réels.

              Des trajectoires de carrière en dégradation

              France stratégie s’appuie sur des données permettant de comparer les « débuts de carrière » de différentes générations de salariés de 1990 à 2010.

              « Tous diplômes confondus, les trajectoires des jeunes agents publics semblent se détériorer, en particulier entre les cohortes des années 2000 et 2010, avec une forme d’affaissement de la position salariale par rapport à l’ensemble de la population. »

              En témoigne, une évolution du salaire moyen par tête durablement plus importante dans le secteur privé par rapport aux administrations publiques depuis le début des années 2000 :

              Le salaire médian des jeunes agents publics évolue très défavorablement entre générations :

              • La génération 1990 gagnait 88 % du salaire médian en début de période et, 116 % après six ans ;
              • La génération 2010 gagnait 80 % du salaire médian en début de période et 102 % en fin de période.

              Cette dégradation concerne tous les versants de la fonction publique, à l’exception des agents de collectivités territoriales.

              Le cas des enseignants est particulièrement symptomatique d’une forme de décrochage.

              En 2021, le salaire net moyen en EQTP est de :

              • 2 504 euros pour les enseignants de l’école élémentaire ;
              • 2 835 euros pour les enseignants du secondaire ;
              • 3 919 euros pour les cadres de la fonction publique (également de catégorie A) ;
              • 4 326 euros pour les cadres du secteur privé ;
              • 2 405 pour les professions intermédiaires du public (catégories B, recrutés à partir du baccalauréat) et 2 468 euros pour les professions intermédiaires du privé.

              Une dynamique salariale en faveur du secteur privé

              De 1997 à 2021, le salaire net moyen en équivalent temps plein a crû de 15 % dans le secteur privé, contre 7 % dans la fonction publique d’État.

              Sur la période 2011-2021, le taux de croissance annuel du salaire net moyen en équivalent temps plein des salariés en place du secteur privé a été constamment supérieur à celui de leurs homologues de la fonction publique, excepté en 2021.

              En conséquence, depuis 2017, le salaire net moyen dans le secteur privé est supérieur au salaire net moyen des agents publics. Ce qui, compte tenu de la proportion de cadres dans la fonction publique, témoigne d’une dégradation relative de la rémunération des plus qualifiés dans le secteur public.

              La fonction publique demeure attractive pour les femmes et les moins diplômés

              Un modèle de rémunération et de carrière en général plus favorable aux femmes

              Pour les niveaux de formation inférieurs à bac + 4, il existe des gains relatifs à être dans la fonction publique par rapport au privé en début de carrière, surtout pour les femmes.

              Cet avantage persiste pour les femmes au fil de la carrière, alors qu’il disparaît vite pour les hommes au cours des années 2000.

              Toutefois, ce gain s’estompe pour les plus diplômés, hommes comme femmes

              Les rémunérations du secteur public sont rapidement dépassées par les rémunérations offertes dans le secteur privé pour les hommes très diplômés (bac +4 et au-dessus). Cet écart ne fait ensuite que s’amplifier.

              Pour les femmes, l’avantage salarial offert par le public demeure sur une période un peu plus longue. Au-delà, comme pour les hommes, les divergences salariales sont très importantes et s’amplifient.

              « Le diplôme permet donc de jouir d’une rémunération d’entrée élevée par rapport à l’ensemble de la population, mais pour les hommes comme pour les femmes, la croissance est ensuite moindre dans la fonction publique que dans le privé. »

              Au-delà des montants, la structure de rémunérations est devenue illisible dans la fonction publique

              La complexité même du système de rémunérations dans le secteur public, sa fragmentation, les inégalités qu’il porte « ont pu affecter l’attractivité salariale ces dernières décennies ».

              Les rapporteurs posent ici un message fort invitant les administrations à renouveler leur communication, mais également les dispositions de rémunérations. L’objectif doit être d’offrir davantage de clarté, aux agents publics eux-mêmes et à tous les jeunes et moins jeunes désireux de rejoindre la fonction publique :

               « Une partie de la perte d’attractivité tient autant à l’évolution des salaires en elle-même qu’à l’architecture du système de rémunération du secteur public, qui peut être perçu comme illisible au regard de trois objectifs qu’il doit atteindre :

               « Ignorer la réalité d’un système de rémunération complexe, fragmenté, et tendanciellement moins valorisant pour les agents publics, ne permettrait pas de répondre aux frustrations ou au désintérêt croissant de la fonction publique en général. »

              1. Une augmentation du point d’indice concerne tous les fonctionnaires et présente également un impact sur les pensions de retraite.
              2. Sondage BVA Casden 2023.
              3. Sondage Ipsos de 2022 commandé par la FSU auprès des fonctionnaires et enquête Génération du Cereq sur les cohortes 2013 et 2017 de jeunes entrant sur le marché du travail.
              4. La RMPP des contractuels par construction se limite à ceux qui sont « stables » puisque présents sur deux années pleines.
              Pièces de monnaie qui tombent
            1. Être contractuel dans la fonction publique en 2025

              Être contractuel dans la fonction publique en 2025

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 10)

              Temps de lecture : 7 minutes.

              Une fonction publique duale : les fonctionnaires et les contractuels

              Le développement du nombre de contractuels a profondément changé la politique de ressources humaines et la perception des métiers du service public. Il est particulièrement critiqué par les rapporteurs qui considèrent le système actuel comme :

              « créateur d’inégalité de traitement tant en termes de rémunération et que de perspectives de carrière. »

              Par ailleurs, ce recours aux contractuels est généralisé, bien que dans des proportions variables entre les trois versants de la fonction publique.

              Les causes du développement de la contractualisation dans les trois versants de la fonction publique sont multiples

              Les réformes récentes ont toutes visé à favoriser le recrutement de contractuels. Principalement, pour deux raisons :

              • Pallier les besoins de recrutement par un nombre insuffisant de titulaires, principalement en lien avec les problèmes d’attractivité évoqués dans des précédents billets ;
              • Disposer d’agents pour des besoins temporaires ou en réponse à des besoins précis.

              Outre ces motivations concrètes, les représentations d’un recrutement par contrat sont également plus favorables :

              • Le recruteur dispose d’un panel de candidats plus importants pour faire son choix (fonctionnaires et… l’ensemble des actifs intéressés pour rejoindre son service)1, ce qui lui permet également de recruter davantage en fonction du profil des candidats ;
              • Les recrutements sont plus rapides qu’une affectation d’un agent par concours ;
              • La durée de recrutement fixée dans le contrat permet au recruteur de ne pas renouveler le contrat en cas d’insatisfaction ou pour des raisons budgétaires ;
              • Inversement, recruter un agent localement peut aussi être potentiellement plus stable que de voir le poste pourvu par un lauréat de concours venu d’une autre région.

              Point de situation dans la fonction publique d’État

              21 % des agents de l’État étaient contractuels en 2022 (24,5 % sans les militaires), et 63 % des agents des établissements publics administratifs (Agences régionales de santé, France travail).

              Plus l’employeur est autonome, plus il recourt à des non-titulaires. Les deux tiers des agents non titulaires sont affectés dans des établissements publics2, contre seulement 13 % des agents titulaires.

              Des situations très différentes selon les ministères

              • L’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur (écoles, universités…) comptent 24 % de contractuels3. Toutefois, compte tenu de la taille de ces ministères, ils concentrent près des deux tiers des 546 000 agents contractuels de l’État ;
              • Les ministères dits « régaliens » (et les établissements sous leur tutelle) présentent de plus faibles taux de recours aux contractuels : 7 % pour l’Intérieur, 11 % pour l’Économie et 15 % pour la Justice.

              Les contractuels publics sont plus précaires que dans le privé

              Le recours aux contrats à durée déterminée (CDD), plutôt qu’à durée indéterminée, est plus fréquent dans le secteur public. Il concerne 14 % des agents publics contre 8 % des salariés du secteur privé (auxquels il convient d’ajouter 3 % de salariés en intérim).

              Cette spécificité s’explique aussi par le fait que l’emploi durable est censé être occupé par un fonctionnaire.

              Le recours au CDD concerne, dans le secteur public, tout particulièrement les emplois peu qualifiés

              Le recours à des contrats courts concerne davantage les emplois peu qualifiés :

              • Pour les agents d’entretien, 21 % des travailleurs du public sont en CDD, contre 14 % des salariés du privé,
              • Pour les aides-soignants, 24 % sont en CDD dans la fonction publique, contre 13 % dans le privé ;
              • Pour les professionnels de l’action culturelle et sociale, 52 % sont en CDD dans la fonction publique et 25 % dans le privé ;
              • De même pour l’action sociale et l’orientation avec 18 % de CDD dans la fonction publique et 10 % dans le privé.

              Toutefois, et pour des raisons différentes, les métiers qualifiés (ou très qualifiés) sont également concernés :

              • 32 % des personnels d’études et de recherche sont en CDD dans le public contre 5 % dans le privé ;
              • 20 % des médecins dans la fonction publique, contre 8 % dans le secteur privé ;
              • 9 % des cadres de catégorie A, comme les attachés d’administration. Pourtant, dans le secteur privé, les cadres sont très peu employés en CDD (de l’ordre de 2 à 6 %).

              Cette logique métier se retrouve mécaniquement par des recours aux contrats très divers selon les employeurs. Le secteur hospitalier propose très majoritairement des contrats de moins d’un an, tandis que l’État comporte relativement beaucoup de CDI, ce qui suggère des besoins moins conjoncturels :

              Des contractuels plus précaires que dans le secteur privé

              Les transformations de CDD en CDI sont plus faibles que dans le privé :

              La transformation des contrats temporaires (CDD ou intérim) en CDI (ou emploi statutaire) un an plus tard est deux fois plus faible dans le public, par rapport au privé4.

               « 26 % des agents de catégorie B et 16 % des agents de catégorie C ont accédé à un emploi durable un an après, contre 34 % des employés et 49 % des techniciens administratifs du privé. »

              De manière générale :

               « Les taux de transitions de l’emploi temporaire vers l’emploi durable des familles professionnelles publiques font partie des plus faibles observés parmi l’ensemble des métiers. »

              Les contractuels ne restent pas dans la fonction publique

              Selon les rapporteurs, il existe encore une étanchéité relativement forte entre les parcours des agents contractuels et ceux des fonctionnaires.

              Pour les agents contractuels, le passage dans la fonction publique est le plus souvent perçu comme transitoire, pour accéder à un premier emploi ou dans l’attente de meilleures perspectives professionnelles.

              Ainsi, dans la fonction publique d’État, seuls 10 % des contractuels deviennent titulaires dans un ministère (ou un établissement public) et 8 % rejoignent une autre fonction publique. Les autres rejoignent le secteur privé ou sont indemnisés au titre de l’assurance chômage5.

              Les titularisations sont plus difficiles

              Pour les agents contractuels désireux de rester dans la fonction publique, la titularisation est longue : en moyenne huit ans.

              À l’inverse, cela signifie également que les durées d’exercices avec un statut contractuel s’allongent, sans les garanties offertes aux fonctionnaires :

              • La progression salariale est plus incertaine pour les contractuels,
              • La protection sociale peut être plus faible,
              • La mobilité est moins facile, avec la nécessité de négocier et de signer un nouveau contrat à chaque changement de poste.

              Les grands plans de titularisation sont terminés

              Depuis 1983, quatre plans de titularisation ont été organisés. Ils ont permis à des milliers d’agents contractuels d’accéder à un statut de fonctionnaire.

              Les modalités d’intégration étaient prévues dans la loi. Il pouvait s’agir d’un concours réservé ou d’un examen professionnel, voire d’une nomination directe par l’employeur :

              • Environ 146 000 titularisations ont été permises par la loi dite « Le Pors » de 19836 ;
              • 60 000 pour le plan de 1996 issu de la loi dite « Perben7 » ;
              • 30 000 pour le plan de 2001 issu de la loi dite « Sapin8 » ;
              • Enfin, 54 000 agents pour le dernier grand plan de titularisation, prévu par la loi Sauvadet du 12 mars 20129, portant sur les exercices 2013 à 2018.

              La loi de transformation de la fonction publique de 2019 n’a pas renouvelé cette démarche. La principale finalité de cette loi étant de favoriser le recours aux contractuels et le maintien de leur statut dans la durée, notamment par l’accès plus aisé aux postes de direction de l’État.

              La contractualisation de la fonction publique fragiliserait les relations de travail

              S’agissant des rémunérations, un constat ambivalent

              Les rémunérations des contractuels sont le plus souvent inférieures aux fonctionnaires.

              Toutefois, dans certaines situations, il est plus intéressant d’être contractuel. On peut penser aux exemples récents s’agissant de l’intérim médical10, mais également de la circulaire dite « Borne » sur le recrutement d’agents contractuels dans les filières numériques11.

              Une très grande diversité de rémunérations

              Les conditions de rémunérations des agents contractuels sont très diverses entre et au sein des ministères : selon le métier, le niveau de diplôme, parfois l’expérience antérieure.

              Le salaire moyen net12 sur 2022 des fonctionnaires était de 2 598 euros, contre 2 014 euros pour les contractuels.

              Toutefois, cet écart présente des proportions diverses selon les versants de la fonction publique :

              • Les différences de rémunérations sont importantes dans la fonction publique d’État. Le salaire moyen net est de 2 955 euros pour les fonctionnaires contre 2 080 euros pour les contractuels ;
              • Les écarts sont plus faibles dans la fonction publique territoriale : 2 216 euros contre 1 923 euros.

              Ces divergences tiennent pour partie à un effet de structure : au regard des emplois occupés par les contractuels et de la moyenne d’âge des fonctionnaires en poste13.

              Il existerait ainsi un « double effet métier »14 :

              • Les métiers les moins qualifiés garantissent un certain avantage salarial aux titulaires ;
              • À l’inverse, pour les métiers les plus qualifiés, les contractuels disposent d’un avantage salarial sur les fonctionnaires.

              Des évolutions de rémunérations contrastées

              Pour la période de 2012 à 2021, le salaire moyen net des contractuels en EQTP progresse moins vite que celui des titulaires en termes réels (corrigés de l’inflation).

              Mais ici encore, les ministères présentent des trajectoires singulières :

              • Au sein de la fonction publique d’État, la dynamique globale des salaires des contractuels est très défavorable, en baisse de 5 % par rapport aux fonctionnaires.
              • Inversement, le salaire moyen des contractuels progresse fortement dans la fonction publique hospitalière.

              1. C’est cette ouverture dans le recrutement qui implique des niveaux très élevés de contractuels dans certains directions d’administration centrale comme la direction générale des entreprises ou dans une moindre mesure à la direction du budget.
              2. Essentiellement à l’Éducation nationale toutefois, ce qui brouille un peu l’analyse.
              3. Autrement dit, la proportion de contractuels dans les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur est dans la moyenne.
              4. Enquête Emploi (2017-2019).
              5. Peyrin A. I., Signoretto C. et Joubert L. (2020), L’insertion des jeunes dans la fonction publique d’État, 1991-2015, Injep, « Notes et rapports », Rapport d’étude.
              6. La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
              7. Premiers articles de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l’emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d’ordre statutaire.
              8. Premiers articles de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l’emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu’au temps de travail dans la fonction publique territoriale
              9. Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique
              10. Le rapport de la Cour des comptes sur l’intérim médical ayant été particulièrement critique à cet égard.
              11. Les rémunérations proposées dans la grille sont supérieures à celles proposées pour les titulaires. Voir à ce propos le billet sur les inspecteurs des finances publiques et des douanes exerçant dans des fonctions numériques.
              12. Calculé en équivalent temps plein.
              13. Voir le précédent billet consacré au rapport de la Cour des comptes sur le vieillissement des agents publics.
              14. Selon le rapport de la Cour des comptes de 2020 : « Les agents contractuels dans la fonction publique 2010-2019 ».

              Deux jeunes gens dos à dos
            2. La crise de l’Université, ses conséquences sur la fonction publique

              La crise de l’Université, ses conséquences sur la fonction publique

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 6)

              Temps de lecture : 7 minutes.

              Suite de l’analyse du rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique avec une analyse de deux éléments concomitants (et complémentaires) :

              • La concurrence accrue du secteur privé pour le recrutement de jeunes diplômés ;
              • La difficulté concomitante des universités à attirer de nouveaux profils, en particulier parmi les garçons.

              Une fonction publique très féminisée

              Ce caractère genré concerne les trois fonctions publiques et presque toutes les catégories

              La féminisation des trois fonctions publiques est indéniable :

              • La fonction publique hospitalière est composée à 90 % de femmes (notamment du fait du poids des effectifs d’infirmières et d’aides-soignantes) ;
              • La fonction publique territoriale a un poids relativement stabilisé autour de 60 % ;
              • Enfin, la fonction publique d’État présente la spécificité d’une féminisation continue, y compris sur les dernières années.

              Dans les trois versants de la fonction publique, la féminisation concerne toutes les catégories d’emploi, à l’exception de l’encadrement supérieur (les A+, voir notamment l’article sur les ministères économiques et financiers) et des catégories B du ministère de l’Intérieur (gendarmes, policiers) et des Armées1.

              On peut souligner que ce point concerne en apparence toutes les grandes économies, avec une élévation du niveau scolaire des filles. Ce qui implique un intérêt plus élevé de ces dernières à rejoindre le secteur public, traditionnellement plus éduqué que le secteur privé.

              Outre l’encadrement supérieur et les métiers régaliens, une part de femmes encore insuffisante dans les métiers informatiques

              La fonction publique ne se distingue malheureusement pas du secteur privé dans la féminisation du personnel informatique.

              Compte tenu du vivier de professionnels, par ailleurs souvent très éduqués, on aurait pu s’attendre à une féminisation plus élevée. Il n’en est donc rien :

              Des agents publics toujours très diplômés par rapport au secteur privé

              Le niveau de diplôme est substantiellement plus élevé dans le secteur public

              « En 2022, 57 % des agents publics détiennent un diplôme du supérieur, contre 42 % dans le secteur privé. »

              Ce niveau de diplôme est toutefois très hétérogène selon les fonctions publiques :

              • 76 % des agents de la fonction publique d’État détiennent un diplôme du supérieur2 ;
              • 54 % dans la fonction publique hospitalière et
              • 33 % dans la fonction publique territoriale3.

              Depuis 2007, la fonction publique peine à recruter des jeunes diplômés

              Des recrutements de jeunes en diminution

              Le nombre de « jeunes débutants » (sortis de formation initiale trois ans auparavant) baisse de façon continue depuis plusieurs années :

              • 84 % des jeunes diplômés sont employés dans le secteur privé en 2019, contre 16 % dans le secteur public.
              • Depuis 2007, le taux d’emploi des « jeunes débutants » dans le secteur privé est en hausse de trois points, contre une baisse équivalente pour le secteur public.

               « Cette moindre attraction affecte surtout la fonction publique d’État qui offre moins d’opportunités d’emploi sur cette période, avec une baisse marquée de ses effectifs. »

              Parmi ces jeunes, une chute plus problématique encore du nombre de diplômés du supérieur

              Depuis plusieurs années, les jeunes diplômés du supérieur se tournent davantage vers le secteur privé :

              De 2007 à 2019, leur nombre a crû de 17 % dans le secteur privé et chuté de 29 % dans le secteur public.

              L’écart de recrutements est encore plus flagrant lorsqu’on s’intéresse aux plus diplômés : ceux détenteurs d’au moins un bac +4 :

              De 2007 à 2019, les effectifs de jeunes débutants diplômés de niveau bac +4 et plus ont augmenté de 63 % dans le secteur privé et baissé de 2 % dans le secteur public.

              Les diplômes préparés pour rejoindre la fonction publique se distinguent du secteur privé

              En effet, la fonction publique dispose de spécificités dans les diplômes du supérieur recrutés :

              • 6 % des jeunes diplômés de la fonction publique relèvent de filières relevant des mathématiques, de l’ingénierie et des systèmes, contre 29 % pour le secteur privé4 ;
              • 15 % des jeunes diplômés de la fonction publique relèvent de formation en gestion, contre 37 % dans le privé5.

              Inversement, les jeunes diplômés du supérieur recrutés dans la fonction publique sont nettement plus souvent issus :

              • De filières en sciences humaines et sociales6, dont est issue une grande partie du corps enseignants et
              • De filières en sciences du vivant et de la terre7, dont sont issus les professionnels de santé.

              Les « viviers traditionnels » des sciences du vivant et des sciences sociales peinent eux-mêmes à attirer les étudiants

              Or, ces deux filières, sciences du vivant et sciences humaines et sociales, sont en difficulté. Elles peinent à attirer de nouveaux étudiants à hauteur des besoins :

              Cette baisse d’attractivité est toutefois généralisable à l’ensemble de la sphère universitaire

              L’ensemble des filières universitaires, qu’elles aient ou non traditionnellement la fonction publique comme débouché de prédilection, voient leur part relative s’affaiblir, face à la concurrence de l’enseignement supérieur privé.

              Les rapporteurs soulignent également l’effet de l’introduction d’une sélection à l’entrée en Master 1 dans les universités à compter de 2017 (devenue définitive en 2020) :

              Les projections réalisées par le SIES8 montrent que l’attractivité supérieure de l’enseignement supérieur privé devrait se prolonger, au détriment des universités :

              « Les effectifs des étudiants inscrits à l’université en 2031 devraient être comparables à ceux de 2021 (en très légère baisse, de 0,1 % entre 2021 et 2031) alors que l’ensemble des inscrits de l’enseignement supérieur devrait connaître une hausse de 1,5 %. »

              Certaines professions sont très concernées par cette diminution du vivier de recrutements : les professeurs, les cadres administratifs et les inspecteurs

              La situation est encore plus problématique pour les étudiants en master des métiers de l’enseignement (qui prépare au concours d’enseignement du premier degré) :

              Pour les catégories A, dont les besoins sont pourtant importants sur les années à venir, l’effondrement des effectifs en Institut de préparation à l’administration générale (IPAG) est également très inquiétant :

               « Indépendamment du niveau d’études, les effectifs d’étudiants inscrits dans un IPAG ont ainsi presque été divisés par deux entre 2008 et 2016, avant de se stabiliser. »

              Cette baisse n’est pas due à une diminution des effectifs, mais bien à un choix des étudiants :

              1. Mais ces effectifs régaliens connaissent également une féminisation croissante, bien que plus tardive.
              2. 33 % des agents publics de l’État ont un niveau licence ou master 1, contre 11 % dans le privé. 31 % ont un master 2 ou un doctorat contre 15 % dans le privé (Rapport annuel de la DGAFP de 2024).
              3. La fonction publique territoriale accueille plus d’actifs peu diplômés que le secteur privé : 15 % de ses agents sont sans diplôme ou titulaires d’un diplôme de niveau CEP ou brevet des collèges, contre 14% des salariés du privé. 30 % d’un diplôme de niveau CAP, BEP ou équivalent, contre 21 % dans le privé (Rapport annuel de la DGAFP de 2024).
              4. Inclut notamment les mathématiques, les technologies numériques, industrielles et du bâtiment.
              5. Inclut notamment l’économie, le droit, les finances et le secrétariat.
              6. Inclut notamment la philosophie, l’histoire, la psychologie, la littérature et la géographie.
              7. Inclut notamment le sanitaire et social, la physique, la chimie et les sciences de la vie et de la terre (y compris agronomie et agriculture).
              8. SIES (2023), « Projection des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2022 à 2031 », Note d’information du SIES, n° 2023-04, avril.
              Dôme de l’Université de Panthéon Assas
            3. La baisse du taux de sélectivité dans la fonction publique et ses effets

              La baisse du taux de sélectivité dans la fonction publique et ses effets

              Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 4)

              Temps de lecture : 6 minutes.

              Disclaimer : Comme France stratégie a déjà pu l’expliquer en introduction de son étude, il est difficile d’évaluer l’attractivité d’une profession ou d’un secteur. Dans le secteur public, l’attractivité repose sur des éléments divers et polymorphes, par ailleurs, l’appareil de mesure peut également faire défaut.

              La fonction publique territoriale présente une singularité supplémentaire puisque 83 % de ses recrutements concernent des agents de catégorie C. Or, ces derniers sont le plus souvent recrutés sans concours (dans 87 % des cas).

              Une baisse importante du taux de sélectivité aux concours de la fonction publique depuis 2007

              Cette baisse du taux de sélectivité tient également à une élévation du niveau de recrutements des agents publics

              France stratégie s’appuie notamment sur l’exemple de la profession enseignante, dont le niveau de recrutement, en particulier dans le premier degré, n’a cessé d’augmenter :

              « Cette élévation continue du diplôme requis pour devenir enseignant a eu pour conséquence non seulement de transformer la morphologie et la sociologie du corps enseignant, mais aussi de réduire à plusieurs reprises, et parfois du jour au lendemain, le vivier disponible, mettant « hors-jeu » – temporairement ou définitivement – l’ensemble des prétendants ne possédant pas le niveau exigé. Elle a aussi contribué à une forme de baisse d’attractivité relative, en raison de la concurrence de débouchés de carrières perçues comme plus rémunératrices ou plus valorisantes. »

              D’autres exemples concourent dans le même sens, avec une élévation plus ou moins forte du niveau de diplôme et une catégorisation en conséquence.

              On peut citer, pêle-mêle :

              • Le passage en catégorie A des infirmiers en 2009, à la suite de la réingénierie de leur formation désormais de niveau licence1 ;
              • À partir de 2010 pour les gardiens de la paix, avec un recrutement en catégorie B ;
              • Enfin, en 2022, la recatégorisation en catégorie B des auxiliaires de puériculture.

              L’attractivité de la fonction publique et le marché de l’emploi

              La fonction publique était très dépendante des conjonctures économiques jusqu’à la fin des années 2000, mais ce phénomène semble s’être estompé. La « protection de l’emploi » offerte par la fonction publique ne parait plus être un argument déterminant.

              « À la différence des phénomènes observés au cours des dernières décennies, les difficultés de recrutement s’inscrivent désormais dans le temps et paraissent depuis au moins dix ans être devenues relativement inélastiques à la conjoncture. »

              Ce constat est similaire pour la fonction publique territoriale, mais dans une proportion toutefois moindre.

              De 2011 à 2022, le nombre de candidats présents aux concours externes de la fonction publique territoriale a baissé de 20 % et le nombre de postes offerts a quant à lui augmenté de 30 %.

              Mécaniquement, l’évolution du taux de sélectivité est en forte baisse, tous concours et fonction publique confondus

              En témoigne, cette représentation, hors enseignants, du taux de sélectivité dans la fonction publique d’État. Ce qui souligne également le caractère global du défaut d’attractivité :

              Ce manque d’attractivité concerne également la filière administrative, en très forte tension : l’exemple des attachés d’administration de l’État

              « Les taux de sélectivité des concours aux instituts régionaux d’administration (IRA), qui rassemblent 9 % seulement des candidats présents aux concours de catégorie A hors enseignement, divergent assez sensiblement de la moyenne. Les fortes fluctuations des taux de sélectivité de ces concours au cours des cinq dernières années reflètent d’importants mouvements aussi bien dans le nombre d’admis2 que dans le nombre de candidats. Depuis 2020 néanmoins, le nombre d’admis augmente sensiblement (de 402 à 485) alors que celui des candidats connaît une chute marquée (d’environ 4 600 à environ 3 500). »

              La comparaison avec le secteur privé démontre la spécificité de l’administration

              « L’enquête Besoins de main-d’œuvre (BMO) de France Travail interroge les employeurs chaque année sur les projets de recrutement et sur les difficultés de recrutement anticipées. Il est donc possible de comparer ces difficultés en distinguant le secteur privé de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. »

              Ce manque d’attractivité et les difficultés de recrutements entraînent une dégradation des conditions de travail

              La première conséquence est une forte augmentation de l’intérim

              À cet égard, la situation de la fonction publique hospitalière est particulièrement inquiétante.

              La deuxième répercussion est l’augmentation des emplois non pourvus

              « Depuis 2011, dans la FPE, le nombre de recrutements externes est inférieur au nombre de postes offerts. En 2022, ce sont 15 % des postes offerts qui n’ont pas été pourvus. »

              Les ministères les plus en difficulté sont les plus gros recruteurs :

              • Le ministère de l’Education nationale ;
              • Le ministère de l’Intérieur (9 % des recrutements de la fonction publique d’État) ;
              • Les ministères des Finances et de la Justice (8 % des recrutements chacun).

              Les emplois non pourvus dans la fonction publique d’État

              Dans son rapport global sur l’exécution budgétaire publié en 20243, la Cour des comptes mentionne ainsi que :

               « Malgré deux lois de finances initiales qui prévoyaient une progression des emplois en 2021 et 2022, ces deux derniers exercices s’étaient achevés sur des baisses d’effectifs de respectivement -3 750 ETP en 2021 et de -5 765 ETP en 2022 du fait de difficultés de recrutements. »

              La Cour signale également des difficultés de recrutement dans l’administration générale et territoriale de l’État avec des recrutements de contractuels de plus en plus importants sur des postes et missions pérennes (normalement réservés aux fonctionnaires).

              Ce point fait notamment écho à un autre rapport de la Cour des comptes sur le vieillissement de la fonction publique, dressant une image inquiétante de certaines administrations, et tout particulièrement les préfectures.

              Une attractivité également fonction des territoires :

              Les départements franciliens sont davantage en tension (et au-delà jusqu’à l’Oise, l’Eure, l’Eure et Loire et l’Orne), ainsi que la Haute-Savoie. Inversement, les départements de l’ouest et du sud de la France sont nettement plus attractifs et recrutent plus aisément.

              Les emplois non pourvus dans la fonction publique territoriale

              Dans la fonction publique territoriale, les difficultés de recrutement sont particulièrement aiguës dans les territoires ruraux et sur quelques professions.

              Dix métiers sont particulièrement en tension, dont beaucoup en contact direct avec la population :

              1. Les animateurs éducatifs dans l’accompagnement périscolaire,
              2. Les agents d’interventions techniques polyvalents en milieu rural,
              3. Les ouvriers de maintenance des bâtiments,
              4. Les animateurs enfance-jeunesse,
              5. Les agents de restauration,
              6. Les secrétaires de mairie,
              7. Les jardiniers,
              8. Les agents de services polyvalents en milieu rural,
              9. Les assistants éducatifs petite enfance,
              10. Les policiers municipaux.

              Les emplois non pourvus dans la fonction publique hospitalière

              Sur ce point, il convient de signaler le caractère international de cette pénurie. L’Union européenne est tout particulièrement concernée, mais c’est aussi le cas du Royaume-Uni ou des États-Unis.

              Enfin, l’émergence d’un nouveau phénomène : la démission

              Les recruteurs constatent davantage d’abandons suite aux concours

              Traditionnellement, le nombre de lauréats aux concours et le nombre d’agents reçus et effectivement titularisés étaient relativement similaires. Désormais, cet écart s’accentue.

              « Dans la police nationale, on constate (…) ces dernières années une augmentation du taux de déperdition après concours qui peut atteindre 15 % pour les gardiens de la paix, convoqués pour prendre leur poste près de 4 à 5 mois après leur concours »

              Pour les infirmières, la perte de futurs soignants potentiels se constate durant leur formation.

              « Les étudiants en formation d’infirmière sont trois fois plus nombreux à abandonner en première année en 2021 (10 %) qu’en 2011 (3 %)4. »

              Les départs volontaires sont également en forte croissance

              « Entre 2014 et 2021, les effectifs de fonctionnaires sortant de la fonction publique pour autre motif qu’un départ en retraite ont augmenté de 47 %. »

              Cette augmentation des départs, volontaires ou non, est pour partie due à un « effet de composition » : l’augmentation du nombre de contractuels (notamment constaté récemment dans un rapport sur la Direction générale des entreprises, par exemple), le plus souvent en contrat à durée déterminée, ce qui implique davantage de turn-over.

              Toutefois, et pour ne prendre que cet exemple, le cas des démissions de professeurs est symptomatique d’un bouleversement du rapport à l’institution :

              1. Un mouvement identique avait été réalisé en 2014 par le reclassement en catégorie A des sages femmes.
              2. 370 en 2017, 205 en 2018 et 2019, plus de 400 depuis 2020.
              3. Cour des comptes (2024), Le budget de l’État en 2023. Résultats et gestion, rapport, avril.
              4. DREES, 2023, Etudes et résultats n° 1266.

              Chaises vides dans une salle
            4. L’attractivité de la fonction publique (introduction)

              L’attractivité de la fonction publique (introduction)

              Temps de lecture : 10 minutes.

              France stratégie a publié fin décembre 2024 un rapport très commenté sur la situation de la fonction publique.

              Le constat dressé est alarmant, voire décourageant. On y découvre une fonction publique en crise profonde, marquée par un déclin profond de son attractivité :

              • Les difficultés de recrutement sont majeures : 15 % des postes non pourvus en 2022 ;
              • Ces difficultés résultent d’une dévalorisation des métiers et de conditions de travail jugées dégradées ;
              • Les rémunérations et promotions se révèlent en moyenne moins intéressantes que dans le privé ;
              • Plus inquiétant : on assiste également à un recul des inscriptions dans les filières universitaires, principal vivier de la fonction publique ;
              • Enfin, toutes ces difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel entrainent une dégradation des services publics : accueil des jeunes enfants, éducation, santé, justice.

              Le rapport traite des trois fonctions publiques. Cependant, je m’attarderai principalement sur la situation de l’État.

              Une crise de la FP profonde et multidimensionnelle

              La crise d’attractivité traversée par la fonction publique française est multidimensionnelle et s’installe dans la durée. Elle concerne, dans des proportions variables, les trois versants de la fonction publique :

              • La fonction publique d’État ;
              • La fonction publique hospitalière ;
              • La fonction publique territoriale.

              Cette fragilisation s’observe désormais à tous les moments de la relation de travail :

              • Avant l’embauche, avec un tarissement des viviers de recrutements et un moindre intérêt des jeunes vers les métiers du service public1 ;
              • Pendant le processus de recrutement, avec des proportions de renoncements de lauréats de concours plus élevées qu’auparavant ;
              • Puis, au cours de carrière, avec une augmentation des départs volontaires, en particulier dans l’Education nationale.

              « Le phénomène est d’autant plus préoccupant que la pénurie engendre la pénurie. 

              […]

              « Une spirale négative se met en place, reliant les difficultés de recrutement, la dégradation des conditions de travail, la moindre qualité du service et le manque d’attractivité. »

              Une situation qui se dégrade

              Une crise qui concerne l’ensemble des principaux métiers proposés par l’État

              Dans la fonction publique d’État (FPE), les problèmes de recrutement affectent tout particulièrement les métiers des ministères qui recrutent le plus :

              • Ministère de l’Éducation nationale (enseignants),
              • Ministère de l’Intérieur (gardiens de la paix, gendarmes),
              • Ministère de l’Économie et des Finances (inspection des finances publiques),
              • Ministère de la Justice (surveillants pénitentiaires et, dans une moindre mesure, greffiers),
              • Ministère des Armées (militaires du rang et sous-officiers2).

              Mais, ces difficultés touchent également3 :

              • Les fonctions support,
              • L’administration générale et
              • Les métiers très qualifiés des autres ministères (notamment les spécialistes du numérique).

              « En 2022, ce sont 15 % des postes offerts aux concours de la fonction publique d’État qui n’ont pas été pourvus (contre 5 % en 2018)4. Un véritable décrochage s’observe depuis les années 2010. »

              « Les postulants deviennent insuffisamment nombreux pour couvrir les besoins et les taux de sélectivité plongent : en moyenne, douze candidats se présentaient pour un poste aux concours externes de la FPE sur la période 2000-2010, ils ne sont plus que quatre en 2022. »

              L’Education nationale est le ministère le plus exposé à la pénurie, mais les difficultés de recrutement sont généralisées

              Les concours de recrutement d’enseignants connaissent, en effet, une désaffection importante. Toutefois, la baisse du nombre de candidats se constate pour l’ensemble des recrutements.

              « Les taux de sélectivité sont en 2022 de six candidats pour un poste pour les autres concours de catégories A [hors enseignants], B et C, quand ils étaient respectivement de 22, 29 et 17 en 2000. »

              En conséquence, pour l’Éducation nationale, le nombre de postes vacants mesurés à la rentrée scolaire connaît une hausse quasi constante :

              • De 1 988 postes vacants en 2006,
              • À 4 774 en 2023.

              Le recours accru aux contractuels ne permet pas de compenser le manque de candidats aux concours.

              Une nouvelle problématique : les départs volontaires

              « On observe parallèlement une fragilisation croissante de la capacité de la fonction publique à retenir ses agents. »

              En rappelant qu’en droit de la fonction publique, la démission unilatérale n’existe pas. Le fonctionnaire étant recruté par arrêté ministériel ou interministériel, l’administration doit accepter le départ de l’agent5.

              Il s’agit donc d’un fait relativement nouveau par son ampleur et sa nature : marquant une forme de délitement du lien entre certains agents et leur administration.

              Le tarissement des voies traditionnelles de recrutement

              Le manque de candidats aux concours résulte, pour les cadres, d’un tarissement des effectifs d’étudiants dans les filières générales de l’université.

              Le nombre d’inscrits en université devrait stagner jusqu’en 2031, selon les projections du ministère de l’Enseignement supérieur6.

              À l’inverse, l’enseignement supérieur privé, moins susceptible de conduire à une carrière dans la fonction publique, continue de croître.

              Une difficulté plus grande encore pour les formations dédiées à la préparation des concours de la fonction publique

              Les étudiants se détournent en particulier des sciences de l’éducation, qui connaissent une chute marquée des inscriptions, autant en licence qu’en master :

              De 2016 à 2023, les effectifs en master des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation ont baissé de 26 %.

              Toutefois, le recul est également marqué pour les effectifs inscrits en Institut de préparation à l’administration générale (IPAG) :

              De 2008 à 2020, le nombre d’étudiants inscrits en IPAG a baissé de 35 %.

              Une jeunesse peu intéressée par l’emploi public

              En creux, ce qui apparaît à la lecture du rapport est une forme de désintérêt diffus et profond (puisque partagé) pour la sphère publique :

              « La part des sortants de formation initiale qui choisissent l’emploi public décroît, tous diplômes confondus. »

              « La « troisième explosion scolaire », traduite par la croissance des effectifs des jeunes débutants diplômés du supérieur, y compris dans les disciplines les plus pourvoyeuses d’agents publics, comme les sciences humaines et sociales, semble ainsi s’être réalisée au seul profit du secteur privé. Le nombre de débutants diplômés du supérieur a, en effet, crû de 17 % dans le secteur privé, mais chuté de 29 % dans le secteur public de 2007 à 20197. »

              Les raisons de cette désaffection

              Une dévalorisation des métiers

              La majorité des agents publics rejoignent la fonction publique pour exercer un métier précis : policier, juge, greffier, enseignant, militaire, inspecteur (des finances publiques, du travail…). Or, ces métiers sont de plus en plus dévalorisés.

              Les principaux éléments cités sont :

              • Le manque de reconnaissance, alimenté par les discours politiques et médiatiques négatifs et par les exigences des citoyens ;
              • La détérioration des conditions d’exercice ;
              • Enfin, la représentation de ces métiers comme une « vocation », avec un sous-entendu sacrificiel suscitant : « davantage de compassion que d’envie ».

              Une interrogation profonde sur le modèle d’emploi

              Par ailleurs, la concurrence à l’œuvre dans la « quête de sens » des actifs est majeure. L’État n’y occupe plus la première place8.

              Ce déclin de l’État s’inscrit dans une contestation de sa neutralité (et, peut-être plus encore, des exécutifs locaux), au profit d’organisations non gouvernementales, d’associations, voire d’entreprises à mission.

              Le rapport relève également les difficultés inhérentes au recrutement par concours, en particulier par l’incertitude tenant au lieu de première affectation.

              Dans ce cadre, le seul argument d’une garantie de l’emploi, qui plus est dans un contexte de baisse du chômage et d’une tension sur les recrutements dans le privé, ne permet pas d’attirer de jeunes actifs.

              Le développement ambivalent du recrutement contractuel

              Les contractuels bénéficient d’avantages qui semblent attrayants :

              • Des modalités d’accès simplifiées (ce point a notamment été relevé dans un rapport récent de la Cour des comptes s’agissant de la direction du budget),
              • Un recrutement local qui lève les contraintes de l’affectation géographique,
              • Des niveaux de rémunération plus élevés que les titulaires dans certains cas.

              Toutefois, la très grande majorité des jeunes entrés dans la FPE comme contractuels (CDD) n’y restent pas9. Par ailleurs, la part des titularisations tend à baisser.

              Le recours accru aux contrats peut aussi conduire à fragiliser l’attractivité du statut lui-même.

              Un double cadre de gestion s’installe durablement : celui des titulaires et celui des contractuels. Ces deux cadres évoluent en parallèle, potentiellement pourvoyeur d’inégalités, voire de rivalités.

              Le modèle de gestion de la FP

              Un instrument de promotion social pour les plus diplômés issus de milieux modestes

              La fonction publique reste un débouché privilégié pour les diplômés des catégories modestes, et plus encore pour les femmes10.

              Pour ces deux catégories, la « pénalité » pour l’accès aux postes d’encadrement est moindre dans le secteur public que dans le privé. Cette surreprésentation des enfants de catégories populaires parmi les cadres du public a eu en outre tendance à s’accentuer dans la période récente :

              Pour autant, une difficulté à promouvoir en interne les moins diplômés

              En dépit d’un recrutement socialement plus égalitaire (à niveau de diplôme égal), la fonction publique peine ensuite à promouvoir ses agents.

              La logique de catégories, contestée encore récemment par le ministre chargé de la fonction publique11, semble réduire pour partie les perspectives d’évolution professionnelle des agents les moins diplômés. Le passage d’une catégorie à l’autre suppose la réussite à des concours ou des examens professionnels, qui peuvent pénaliser les publics les moins qualifiés12.

              « Pour ceux qui commencent en bas de l’échelle, les perspectives d’évolution socioprofessionnelles se traduisant par un changement de catégorie et un accès aux échelons supérieurs de la hiérarchie sociale sont en définitive plus limitées que dans le privé. »

              Des rémunérations devenues problématiques, en particulier pour les plus diplômés

              L’évolution de la rémunération moyenne des agents publics a été inférieure à celle du privé tous les ans de 2011 à 2020 :

              En s’attachant à une cohorte de jeunes actifs, on constate des évolutions du salaire médian particulièrement différenciées, alors même que la fonction publique est structurellement plus diplômée que le secteur public :

              « De 2002 à 2019, le salaire médian des jeunes travaillant dans le secteur public a progressé en termes réels de 52 %, celui des jeunes du privé de 65 %. »

              La fonction publique maintient globalement un positionnement salarial plus favorable au fil de la carrière que le privé pour les moins diplômés.

              En revanche, pour les plus diplômés, les perspectives de progression salariale sont moindres dans la fonction publique :

              • Pour les hommes diplômés, le secteur privé propose des perspectives salariales nettement plus profitables13 ;
              • Pour les femmes, il existe un avantage salarial dans la fonction publique en début et milieu de carrière. Toutefois, cet intérêt s’estompe ensuite, en faveur du secteur privé.

              Le rapport note également que la complexité du mode de rémunération dans le secteur public participe de la baisse d’attractivité.

              Un déclin de l’autonomie et de la qualité de vie au travail

              L’un des derniers avantages comparatifs encore en faveur des agents publics concerne l’autonomie au travail. Cependant, cette spécificité tend à se réduire, notamment pour les emplois plus qualifiés et pour les enseignants, alors même que le soutien hiérarchique reste faible comparé au privé.

              Le rôle des collectifs de travail constitue également un atout du public :

              • Les salariés du public se déclarent très souvent aidés par leurs collègues (87 %), davantage que dans le privé (79 %), et ce chiffre est en augmentation de 2013 à 2019.

              C’est particulièrement vrai dans les métiers peu qualifiés (agents d’entretien, cuisiniers, jardiniers) ainsi que dans le secteur hospitalier, où les collectifs de travail jouent un rôle essentiel : 92 % des salariés s’y sentent soutenus par leurs collègues, contre 82 % de l’ensemble des salariés. Mais, ici encore, ces avantages sont susceptibles de se déliter sous l’effet de la multiplication des statuts et de l’intensification du travail.

              Enfin, le temps de travail est plus faible que dans le privé, mais en contrepartie d’un travail sur des horaires plus fréquemment atypiques (soir et weekend). Cependant, une nouvelle fois, les différences entre le secteur public et le privé semblent se réduire.

              Ce rapprochement des conditions de travail interroge. Régulièrement soulevé par la doctrine juridique, depuis l’apparition du statut jusqu’à la loi de transformation de la fonction publique, il ne cesse de soulever les débats. Ce clivage constitue d’ailleurs, pour Maya Bacache-Beauvallet, un sujet politique structurant du partage gauche-droite14.

              1. On pourrait préciser que le moindre intérêt pour le service public concerne… le service public « du secteur public ». Le rapport met ainsi en avant une forme de concurrence dans la réponse au besoin de sens des actifs avec les secteurs associatifs et entrepreneuriaux. L’Etat n’a plus (s’il l’a déjà eu) : « le monopole de l’intérêt général ».
              2. Toutefois, les métiers techniques qui mobilisent des compétences spécifiques transposables dans le civil sont particulièrement difficiles à recruter. C’est le cas des informaticiens en cybersécurité et renseignement ou des ingénieurs dans le domaine de l’armement.
              3. Voir également le rapport de la Cour des comptes (2024), Le budget de l’État en 2023. Résultats et gestion, cité par France stratégie.
              4. DGAFP (2024), Rapport annuel sur l’état de la fonction publique – édition 2024.
              5. Par ailleurs, une démission n’ouvre pas droit au chômage (en code du travail comme au code général de la fonction publique).
              6. SIES (2023), « Projection des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2022 à 2031 », Note d’information du SIES, n° 2023-04, avril (cité dans le rapport de France stratégie).
              7. Ce constat, inquiétant, fait écho au billet de Luc Rouban sur le risque de paupérisation de la fonction publique.
              8. Ce qui peut apparaître très étrange pour nombre d’agents publics, convaincus du caractère essentiel de leurs missions.
              9. Élément également constaté à la direction générale des entreprises.
              10. Ces deux caractéristiques se combinant.
              11. Mais abandonnée depuis.
              12. Il faut toutefois préciser que les métiers de cadres dans la fonction publique d’État (mais également dans les autres fonctions publiques) nécessitent des compétences juridiques. Cela peut-être moins le cas dans les services, où les compétences requises pour l’accès à des fonctions supérieures peuvent être plus larges : commerciales, comptables, managériales…
              13. Le secteur privé est moins égalitaire que la fonction publique s’agissant de l’égalité femmes-hommes.
              14. Économie politique de l’emploi public, Édition Connaissances et Savoirs, Paris, 2006, 362 p.

              Un homme de dos traverse un pont

            5. La Direction générale des entreprises (en 5 minutes)

              La Direction générale des entreprises (en 5 minutes)

              Temps de lecture : 5 minutes.

              La Cour des comptes a publié ses observations définitives le 5 décembre 2024 consacrées à la Direction générale des entreprises.

              La direction générale des entreprises est née en 2014 de la fusion de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services. Elle constitue l’administration centrale de référence pour la conception et la mise en œuvre des politiques de soutien aux entreprises et des politiques économiques sectorielles. 

              Malgré son rôle d’impulsion fondamental dans l’accompagnement des entreprises, cette direction des ministères économiques et financiers demeure peu connue. Ces quelques éléments de synthèse permettront, je l’espère, de disposer d’une première image de son activité, de son histoire récente et des agents qui la compose.

              Une direction au service des entreprises

              Selon les termes du décret n° 2009-37 du 12 janvier 2009 modifié, elle :

              « propose, met en œuvre et évalue les actions et les mesures, notamment financières, juridiques et scientifiques, propres à créer, sur le territoire national, un environnement favorable à la création et au développement des entreprises, notamment les petites ou moyennes entreprises et les entreprises de croissance, ainsi qu’au développement de l’industrie, du tourisme, du commerce, de l’artisanat, des services aux entreprises et aux personnes, de l’économie numérique, des communications électroniques et des professions libérales. Elle propose des mesures fiscales dans ces domaines. Elle concourt à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de compétitivité, d’innovation, d’accompagnement des mutations économiques, de développement de la compétitivité internationale des entreprises et d’attractivité du territoire français. »

              Les moyens budgétaires à la disposition de la DGE

              Les dépenses de la DGE sont importantes et principalement portés par trois programmes budgétaires :

              • Le programme 134 (P134), « Développement des entreprises et régulations » ;
              • Le programme 192 (P192), « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » ;
              • Le programme 343 (P343), « Plan France Très haut débit ».

              Au titre du plan de relance, la DGE a également géré de nouveaux programmes :

              • Le programme 362 (P362), « Écologie » (en soutien aux stratégies de transformation énergétique) ;
              • Le programme 363 (P363), « Compétivité » (consacré au secteur spatial, au numérique et à la souveraineté industrielle) ;
              • Le programme 364 (P364), « Cohésion » (petites entreprises, zones rurales…).

              Ces crédits sont désormais en extinction progressive.

              Des crédits budgétaires en recul jusqu’à la pandémie de la COVID 19

              Avant la crise sanitaire, ces programmes étaient en baisse et majoritairement orientés vers le financement des écoles et aides à l’innovation (P192), qui constituait 65 à 75 % des enveloppes gérées.

              Le mouvement de concentration de ces aides à l’innovation vers la mission budgétaire d’investissements d’avenir amplifiait cette tendance baissière.

              Une rupture avec le « quoiqu’il en coûte »

              À la suite de la crise sanitaire de la COVID-19, les crédits gérés par la DGE sont multipliés par six :

              De 1,13 milliard d’euros en 2017 (dont 0,76 milliard sur le P192) à 6,66 milliards d’euros en 2023.

              Outre les effets de la relance budgétaire initiée par le Gouvernement, il convient de noter également un effet de périmètre avec le transfert à la DGE des crédits du programme 193 dédiés à la recherche spatiale à compter de 2021 (en jaune dans le graphique à suivre).

              Une réorganisation profonde à compter de 2018

              En 2018 et 2019, à la prise de fonctions du nouveau directeur général et quelques mois à peine avant la crise sanitaire, la DGE et son réseau régional ont connu une restructuration en profondeur.

              Ces transformations visaient à répondre aux ambitions gouvernementales portées dans la démarche « Action publique 2022 » et aux circulaires du Premier ministre relatives à :

              • La transformation et la réorganisation des administrations centrales (5 juin 2019) et
              • L’organisation territoriale des services publics (24 juillet 2018 et 12 juin 2019).

              Elles ont conduit à diviser par près de deux le nombre d’agents dans le réseau territorial1 et à concentrer les effectifs à l’échelon central.

              Les effets de la réorganisation sur le déploiement des agents

              Les effectifs relevant de la DGE ont baissé d’un tiers de 2018 à 2023. Soit une baisse de 187 équivalents temps pleins travaillés.

              Toutefois, cette baisse n’a pas été uniforme :

              • Les effectifs en administration centrale ont augmenté de 6,1 % (+43,3 ETP),
              • Tandis que les effectifs du réseau territorial diminuaient de 40 %.

              La nouvelle composition de la DGE suite à la réforme

              Les données pour l’année 2019 détaillées par service révèlent l’ampleur de la réorganisation opérée :

              Près des deux tiers des effectifs du SISSE et du service de l’économie numérique ont été renouvelés, un tiers de ceux du service de l’industrie, du SCIDE et du secrétariat général.

              Le remplacement des fonctionnaires de catégories A et B, par des contractuels recrutés au niveau A+

              La moyenne d’âge est passée de 47,9 ans à 40,6 ans ; la part des plus de 50 ans de 52 % à 29 % et celle des contractuels de 22 % à 50 %.

              En parallèle, un repyramidage des postes a été opéré :

              • La part des agents titulaires et contractuels de catégorie A + représente désormais 38,7 % des effectifs, contre 23,5 % en 2018 ;
              • Celle des agents de catégorie A est toutefois en régression à : 49,4 %, contre 52 % en 2018.

              Les catégories A et A + regroupent ainsi 88 % des agents en 2023 contre 76 % en 2018.

              « La forte hausse du nombre d’agents A+ résulte des modalités de recrutement des agents contractuels, dont la majorité sont recrutés sous ce statut qui leur garantit l’accès à un indice majoré plus élevé, à même de rendre leur rémunération plus attractive. »

              Pour aller plus loin : Les hauts fonctionnaires des ministères économiques et financiers.

              Du point de vue structurel : une bascule des effectifs vers le soutien au numérique

              Certaines missions ont été abandonnées ou transférées :

              • L’Agence du numérique a ainsi été transférée à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT),
              • La sous-direction de l’animation territoriale, de l’Europe et de l’International a été supprimée, ces missions étant redistribuées (et le cas échéant ajustées) ou arrêtées.

              L’objectif de ces reconfigurations étant de renforcer les effectifs des services jugés prioritaires :

              • L’économie numérique, avec un quasi-doublement des ETP ;
              • L’industrie (+ 70,6 % des effectifs) et, dans une moindre mesure), le SISSE (Service de l’information stratégique et de la sécurité économique)é.

              Lorsqu’on regarde en région, les bouleversements sont majeurs :

              Des éléments qui demeurent encore à parfaire, malgré la réorganisation

              Le taux de renouvellement du personnel est élevé, à 25 %. Si, comme le souligne la Cour, cela n’est pas inhabituel pour une direction d’administration centrale, il s’agit d’une critique récurrente de la part des partenaires2.

              Par ailleurs, l’articulation avec les autres directions d’administration centrale demeure perfectible. Notamment avec :

              • La DGEFP sur les politiques de l’emploi et de la formation ;
              • La DG Trésor, pour la publication de travaux de référence en matière économique ;
              • Avec les directions métiers des ministères chargés de l’Environnement (pour les sujets liés à l’énergie, la construction…), l’Agriculture (pour le soutien aux entreprises agroalimentaires) ou encore l’Aviation civile…

              1. Étant considéré, notamment, qu’il ressort des missions des conseils régionaux d’animer les politiques économiques locales.
              2. La mobilité en administration centrale est généralement favorisée après deux ou trois ans en poste. Si bien que les turn-over sont le plus souvent élevés, ce qui contraste en effet avec les longévités rencontrées parmi les dirigeants et salariés d’opérateurs de l’Etat, d’entreprises ou d’associations partenaires, les représentants de branches professionnelles ou de fédérations…
              Vue sur la Seine
            6. Les attachés d’administration de l’État : un corps interministériel

              Les attachés d’administration de l’État : un corps interministériel

              Temps de lecture : 6 minutes.

              Un bilan de gestion du corps interministériel des attachés d’administration de l’État a été présenté au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État le 13 juillet 2016. Il est disponible sur le site internet d’Acteurs publics1.

              Le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d’administration de l’État est l’acte fondateur de ce nouveau corps.

              Voilà les principaux éléments du bilan ici synthétisés.

              Des vagues d’intégration de 2013 à 2019

              L’intégration en 2013 de treize corps ministériels

              L’article 20 du décret n° 2013-876 du 30 septembre 2013 a eu pour objet principal de procéder à l’intégration, dans le corps interministériel des attachés d’administration de l’État, des membres des treize corps ministériels suivants : 

              • les attachés d’administration des services du Premier ministre,
              • les attachés des Affaires sociales,
              • les attachés de l’Agriculture et de la pêche,
              • les attachés de la Culture et de la communication,
              • les attachés de l’Économie, des Finances et de l’Industrie,
              • les attachés de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur,
              • les attachés de l’Équipement (écologie),
              • les attachés de l’Intérieur et de l’Outre-mer,
              • les attachés des juridictions financières,
              • les attachés de la Justice,
              • les attachés du Conseil d’État et de la Cour nationale du droit d’asile,
              • les attachés de la Caisse des dépôts et consignations,
              • les attachés de l’Office national des forêts.

              Le texte a également fixé les modalités d’adhésion des membres des trois corps en extinction suivants :

              • les conseillers d’administration scolaire et universitaire (CASU),
              • les directeurs de préfecture et
              • les chefs des services administratifs du Conseil d’État.

              L’intégration en 2014 des personnels civils administratifs relevant du ministère des Armées

              Le mouvement s’est poursuivi par l’article 8 du décret n° 2014-1553 du 19 décembre 2014 portant diverses dispositions relatives au corps interministériel des attachés d’administration de l’État, avec l’intégration des membres de deux corps suivants : 

              • les attachés d’administration de la Défense (désormais, les Armées) et
              • les directeurs des services déconcentrés de la Défense.

              L’intégration en 2015 des personnels civils administratifs relevant de l’aviation civile

              En 2015, ont été intégrés dans le corps interministériel, en vertu de l’article 4 du décret n° 2015-1784 du 28 décembre 2015 :

              • les attachés d’administration de l’Aviation civile.

              L’intégration en 2016 des personnels civils administratifs de l’OFPRA.

              Enfin, le décret n° 2016-907 du 1ᵉʳ juillet 2016 portant diverses dispositions relatives au corps interministériel des attachés d’administration de l’État fixe les modalités d’adhésion au corps :

              • des officiers de protection des réfugiés et apatrides de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

              L’intégration, enfin, des secrétaires des affaires étrangères du cadre d’administration

              Cette intégration, postérieure au bilan ici présenté, est intervenue par l’article 51 du décret n° 2019-86 du 8 février 2019 relatif aux instituts régionaux d’administration.

              Un corps interministériel à gestion ministérielle

              Le corps des attachés d’administration de l’État relève du Premier ministre. Toutefois, sa gestion est ministérielle. D’où l’expression « CIGEM » : pour corps interministériel à gestion ministérielle.

              À titre de comparaison :

              • Les administrateurs de l’État (catégorie A, dite A+) appartiennent à un corps interministériel à gestion interministérielle2 ;
              • Les secrétaires administratifs à un corps ministériel (mais commun à l’ensemble des ministères), à gestion ministérielle3.

              La répartition des attachés d’administration par grade

              Compte tenu des rattachements évoqués plus haut, le corps des attachés relève aujourd’hui de seize autorités de rattachement, soit près de 31 500 agents à la date du bilan (2016), répartis dans les trois grades suivants :

              • 18 500 attachés d’administration (11 500 femmes et 7 000 hommes) — environ 60 % du corps ;
              • 11 000 attachés principaux (6 000 femmes et 5 000 hommes) — soit près de 35 % du corps ;
              • Enfin, près de 2 000 attachés hors classe (dont 500 directeurs de services), à parité entre femmes et hommes — soit 5 % du corps.

              Au titre de 2015, l’âge moyen des agents promus attaché principal (examen professionnel et liste d’aptitude) est de 48,1 ans. Âge relativement stable comparativement aux exercices 2013 et 2014, avec respectivement 46,8 et 48,5 ans.

              L’âge moyen des agents promus au grade d’attaché hors classe est lui de 50 ans au titre de 2015. L’échelon spécial est quant à lui accordé en moyenne à 59 ans.

              La répartition des attachés d’administration par ministère

              Deux ministères concentrent plus de la moitié des effectifs

              Le principal recruteur est sans surprise l’Education nationale avec près de 12 000 attachés d’administration, pour un plafond d’emploi (projet de loi de finances pour 2015) de 984 000 équivalents temps pleins (ETP).

              Le second grand vivier d’attachés d’administration est constitué par le ministère de l’Intérieur4 avec près de 5 500 attachés d’administration, pour 284 000 ETP.

              Les 45 % restants se répartissent dans les différents ministères, juridictions et à la Caisse des dépôts et consignations

              Répartition des attachés d’administration dans les autres ministères5 :

              • 2 800 au ministère de l’Ecologie (ex-équipement)6, pour près de 44 400 ETP ;
              • 2 300 au sein des ministères sociaux (travail et santé), pour 20 000 ETP7 ;
              • 2 000 à l’intérieur des ministères économiques et financiers (à mettre en rapport avec les effectifs des douanes ou de l’inspection des finances publiques) pour 146 000 ETP ;
              • 1 600 au ministère des Armées, pour 267 000 ETP ;
              • 1 400 au ministère de l’Agriculture, pour 31 000 ETP ;
              • 1 000 au ministère de la Justice, pour 79 000 ETP ;
              • 800 à la Caisse des dépôts et consignations ;
              • 600 au ministère de la Culture, pour 11 000 ETP ;
              • 500 dans les services du Premier ministre (dont les effectifs des secrétariats généraux affaires régionales) pour près de 10 000 ETP ;
              • 400 dans les juridictions financières (dont les vérificateurs placés auprès des magistrats) ;
              • 160 au Conseil d’État ;
              • 150 à l’Office national des forêts.

              Ce qui saute aux yeux est évidemment la petitesse de leur nombre, au regard de l’ensemble des effectifs desdits ministères.

              Les avantages d’un corps interministériel

              La création d’un corps interministériel visait à faciliter la mobilité et l’attractivité du corps des attachés d’administration.

              En termes opérationnels, la création de ce corps a permis les avancées suivantes :

              • La fin de la pratique du détachement et de la double carrière. Les attachés d’administration peuvent désormais librement passer d’une administration à une autre8 ;
              • L’application d’un taux de promotion pour l’accès au grade d’attaché principal identique pour toutes les autorités de gestion du corps depuis 2015. Ce taux de référence est de 7 % ;
              • Une convergence indemnitaire entre les autorités de gestion (encore imparfaite) ;
              • La création d’un troisième grade d’attaché hors classe et d’un échelon spécial dans le corps interministériel des attachés d’administration de l’État. L’objectif étant de revaloriser la carrière du corps des attachés, de mener une réflexion sur la cartographie des fonctions de catégorie A et d’ouvrir de nouvelles perspectives fonctionnelles pour les attachés principaux les plus confirmés.

              La composition du corps

              Des entrées dans le corps très hétérogènes

              Au titre de 2015, près de 2 000 recrutements ont été réalisés :

              • 600 par la voie des Instituts régionaux d’administration (IRA) ;
              • 100 par la voie de concours directs organisés par les ministères ;
              • 300 par la voie du concours réservé dit « Sauvadet » (pour les contractuels) ;
              • 500 par liste d’aptitude au titre de la promotion interne ;
              • 160 par examen professionnel ;
              • 285 par intégration directe ou détachement.

              Les recrutements réalisés par les IRA sont donc particulièrement faibles, constituant à peine le tiers des entrées.

              Des sorties moins élevées, signe d’un corps en expansion

              En effet, seules 1 200 sorties sont relevées sur l’exercice 2015. Parmi celles-ci, près de 1 000 départs en retraite.

              Le reliquat est constitué de promotions de corps (administrateurs civils, magistrats…), une intégration dans un autre corps (inspecteur des finances publiques…) ou par une sortie de la fonction publique.

              Un corps faisant l’objet d’une mobilité ministérielle et interministérielle

              Près de 2 000 mobilités annuelles au sein de l’autorité de gestion sont enregistrées chaque année (changement de service ou d’établissement), pour environ 500 mobilités en dehors de l’autorité de gestion (mobilité interministérielle). Soit un taux de mobilité d’environ 8 %.

              1. A ma connaissance, les autres bilans de gestion n’ont pas été rendus publics, ce qui interroge sur la transparence dans la gestion des effectifs. Ces bilans sont prévus à l’article 7 du décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011.
              2. Article 1 du décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 portant statut particulier du corps des administrateurs de l’Etat.
              3. Article 4 du décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux corps des secrétaires administratifs des administrations de l’Etat et à certains corps analogues relevant du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l’Etat.
              4. Dont l’Outre-mer.
              5. Nous ne disposons pas du nombre d’attachés pour les affaires étrangères, près de 17 000 ETP au titre de 2006, mais les effectifs d’attachés y sont également très modestes.
              6. Dont l’aménagement du territoire.
              7. Comparativement aux autres ministères, il s’agit donc du périmètre le plus « intensif » en attachés d’administration.
              8. Les attachés étant en « position normale d’activité ». Ce qui n’est donc toujours pas le cas des secrétaires administratifs évoqués plus haut.