Au début de la IIIe République, comme on l’a vu avec le ministère du Travail, les services centraux des ministères étaient situés directement auprès du ministre, dans les « Palais de la République »1.
Certains demeurent encore dans cette situation :
C’est le cas pour de nombreuses administrations centrales du ministère de l’Intérieur, place Beauvau ;
C’est aussi le cas pour d’importantes directions des ministères économiques et financiers (à « Bercy ») ;
Ou pour le ministère de la Santé et des solidarités (avenue Duquesne).
Place Beauvau. Carte postale mise à disposition en ligne par la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris.
Toutefois, la majorité des administrations centrales sont aujourd’hui à l’écart de leurs cabinets ministériels de tutelle et un mouvement de délocalisations a été engagé depuis le début des années 2000.
Une tendance à la délocalisation des administrations centrales
Dans une dynamique assez régulière (la plus récente étant celle de CAP 2022), des déménagements d’administrations centrales en dehors de Paris sont organisés.
Ces déménagements poursuivent trois objectifs :
Rapprocher ces grandes administrations des français,
Permettre davantage de mobilités aux agents publics en dehors de Paris,
Rationaliser les implantations immobilières (et économiser des deniers publics).
Des délocalisations qui demeurent souvent aux bordures de Paris…
Ce mouvement implique également des déménagements réguliers… en bordure de Paris2.
Les cas les plus emblématiques concernent évidemment le ministère des Armées, à Balard (Paris XV). C’est aussi le cas pour le ministère de la Justice (Paris XIX). Deux implantations situées au bord du périphérique.
De grands opérateurs comme Pôle emploi (désormais France travail) ou la Caisse nationale d’assurance maladie ont pris ce même chemin : le premier près des Lilas, la seconde, près de Montreuil. Dans les deux cas, au bord du périphérique et en conservant une adresse parisienne.
Lorsque des déménagements de directions d’administration centrale importantes sont effectués en dehors de Paris, le choix d’implantation est souvent la petite couronne francilienne.
Tel est le cas, par exemple, de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) à Montreuil ou encore de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), à Levallois-Perret.
Le cas des administrations centrales en province
Lorsque les administrations centrales sont en dehors de l’Ile-de-France, il s’agit le plus souvent de démembrements d’administration :
Le service central d’état civil du ministère des Affaires étrangères est à Nantes ;
Des services de la direction générale des Finances publiques sont à Béthune et à Lens, d’autres déménagements sont encore prévus, notamment à Lille ;
De même pour l’État-major des armées avec plusieurs lieux d’implantation en France.
La Cour des comptes rappelle d’abord les principales missions de la direction du Budget :
Assurer la coordination interministérielle dans l’élaboration et l’exécution des projets de loi de finances (les fameux « PLF ») ;
Surveiller la soutenabilité de la programmation et de la gestion de chaque ministère par son réseau de CBCM et CBR1.
La structuration de la direction du budget
La direction du budget comptait 382 agents à fin 2021 :
245 agents en administration centrale et
137 agents dans son réseau de comptables et contrôleurs budgétaires.
Celle-ci est composée quasi exclusivement de catégorie A (47 %) et A+ (43 %)2. Ce point est toutefois de plus en plus commun entre les directions d’administration centrale. Il s’explique par la technicité croissante des sujets traités.
Particularités dans le champ administratif :
Un taux de féminisation bas (43,2 % pour l’administration centrale), encore davantage marqué pour les emplois de direction et d’encadrement (moins du tiers) ;
Comme évoqué plus haut, la quasi-parité s’agissant des catégories A entre les encadrants dits « supérieurs », ou : « A+ », et les autres catégories A, essentiellement des attachés d’administration de l’État.
À noter :
Sur la période récente, la direction du budget a légèrement évolué :
Par l’ajout d’une fonction de « sous-directeur adjoint ». L’objectif étant de doter les sous-directeurs d’un adjoint afin de renforcer la fonction managériale et d’accroître les perspectives de promotion interne.
Une chaîne hiérarchique courte et une surreprésentation de hauts fonctionnaires
La Cour des comptes parle étrangement d’un « faible taux d’encadrement ». Ce qui semble être une erreur, ou alors le raisonnement est étrange, puisque dans les conclusions de la Cour, il est justement relevé que :
« 1,06 agent de catégorie A est encadré par 1 agent A+ en administration centrale. »
Une chefferie de bureau très exposée
Concrètement, l’essentiel du travail technique est réalisé au niveau du bureau sectoriel : par le chef de bureau et ses quelques agents4.
Le chef de bureau, comme pour les autres administrations centrales, se distingue par une expérience de plusieurs années. Autrement dit, de plusieurs cycles budgétaires. Cette expérience lui permet de disposer des réflexes à même de « sentir » les arbitrages sensibles et de prioriser les dossiers dans la conduite quotidienne du travail administratif.
Les agents de la direction
Commentaire :
Malgré la parité des effectifs entre les catégories A et A+, la Cour des comptes présente des développements quasi exclusivement consacrés aux seconds. Cette appréciation partielle nuit à la compréhension globale de la direction.
Une direction attractive, souvent considérée comme un « booster » de carrière pour les jeunes agents
La Cour des comptes note plusieurs éléments pouvant porter atteinte à l’attractivité de la direction :
Des contraintes horaires et calendaires fortes ;
Des tâches complexes et répétitives, notamment dans l’harmonisation des tableaux budgétaires, suite aux arbitrages ;
Une moindre rémunération indemnitaire pour les administrateurs de l’État primo-affectés à la direction du budget : 29 400 euros de primes annuelles en 2021 contre une moyenne de 32 800 euros pour l’ensemble des administrateurs civils d’alors.
Pour autant, en dépit des contraintes, la direction « demeure attractive » selon la Cour, car elle offre ainsi une importante visibilité aux agents. Visibilité qui permet aux agents de prétendre à des évolutions professionnelles rapides.
Une direction particulièrement jeune
« L’âge moyen des agents de la direction en administration centrale (39,2 ans) est inférieur de 8,5 années à celui de l’ensemble des agents d’administration centrale des ministères économiques et financiers en 2021 (47,7 ans). L’âge moyen des cadres A+ de l’administration centrale (34,0 ans) en 2022 est particulièrement jeune, de plus de dix ans inférieur à la moyenne de celui des cadres A+ des ministères économiques et financiers (44,7 ans) : 25 % des cadres A+ ont moins de 30 ans et 52 % ont moins de 35 ans, alors que 78 % des cadres A (moyenne d’âge de 44 ans) et 90 % des cadres B et C ont plus de 35 ans. »
La Cour des comptes explique la jeunesse de cet encadrement supérieur par :
Les modalités de recrutement de la direction en sortie d’école (élément partagé pour partie par la direction de la Sécurité sociale, notamment) ;
Un moindre intérêt des agents expérimentés pour des fonctions exigeantes5 et sans responsabilités managériales importantes. Fonctions qui peuvent également présenter un caractère rébarbatif et théorique – éloigné des politiques publiques6.
D’où viennent les agents de la direction du budget ?
La moitié des cadres supérieurs sont des administrateurs de l’État formés à l’Institut national du service public (ex-ENA), un cinquième est issu de Polytechnique et plus du tiers est contractuels : recrutés en sortie de grandes écoles de commerce ou de Sciences Po Paris.
À titre marginal, la direction compte également quelques profils atypiques : fonctionnaires des assemblées, militaires, administrateurs territoriaux, commissaires.
S’agissant des cadres A, la direction recrute auprès :
Des instituts régionaux d’administration (IRA) formant les attachés d’administration de l’État ;
Des agents confirmés d’autres directions, et notamment de la direction générale des Finances publiques ou de la direction générale du Trésor, voire d’autres ministères, enfin
Des contractuels, ayant le plus souvent assuré des fonctions financières dans le privé.
Où partent-ils ?
La Cour des comptes n’a répertorié que les mobilités des A+.
En 2018, à l’issue de leur passage dans la direction, ils rejoignaient dans 52 % des cas un ministère, dans 20 % un établissement public et dans 12 % le secteur privé.
Un recrutement de contractuels en concurrence avec l’INSP
Comme énoncé plus haut, le tiers de l’encadrement supérieur de la direction du budget est d’origine contractuelle.
À cet égard, la Cour s’interroge sur l’attractivité du concours de l’INSP pour ces profils. Ceux-ci sont souvent bien formés et peu désireux de perdre plusieurs années à préparer, puis suivre, la formation de l’INSP.
Par ailleurs, les contractuels peuvent désormais accéder aux emplois fonctionnels des directions d’administration centrale (autrement dit, aux postes de chefs de bureaux, et par la suite de sous-directeurs).
Un recrutement de contractuels qui soulève aussi une question vis-à-vis des catégories A
La Cour des comptes ne le note pas, mais cette situation crée aussi des inégalités avec les agents de catégorie A qui, pour certains, sont également sortis de grandes écoles (en particulier de Science Po Paris).
Une dizaine d’attachés principaux exercent ainsi des fonctions de chefs de bureau à la direction du budget. Leurs sujétions sont identiques à celles des administrateurs et des contractuels. Toutefois, leur carrière, dans ce corps de catégorie A, s’arrêtera là. En effet, les attachés d’administration, comme les inspecteurs des finances publiques… ne peuvent pas, statutairement, exercer des fonctions d’encadrement supérieur7.
Un fort turnover, facteur de risques pour la gestion des compétences
La part importante de contractuels, qui n’ont pas vocation à « faire carrière » (même s’ils le peuvent), couplé à un taux de rotation également élevé des fonctionnaires, nécessitent une incessante lutte pour conserver un niveau d’expertise approprié.
D’autant que les missions de la direction du budget impliquent des négociations budgétaires avec les ministères et un travail de représentation dans près de 250 conseils d’administration d’opérateurs et assimilés.
« Le taux de rotation annuel des agents de l’administration centrale de la direction est de 43 % pour les cadres A+ fin 2021, ce qui signifie que la durée d’occupation des postes n’est que légèrement supérieure à deux ans, sous-directeurs compris. Près d’un quart des effectifs est renouvelé par recrutement extérieur chaque année. Ce taux de rotation a pour effet de raccourcir le déroulement des carrières et de limiter le retour sur investissement de l’administration centrale puisqu’en moyenne, plus de 70 % des effectifs de la direction y passe moins de cinq ans. »
Une asymétrie dans les carrières proposées à l’encadrement supérieur
« Compte tenu de la rapidité du début de carrière, la direction peut proposer un poste de sous-directeur à des cadres A+ parfois âgés de moins de 35 ans et de retour de mobilité, ce qui peut poser difficulté pour dérouler ensuite une carrière, au même rythme, dans les autres administrations. »
La réflexion s’arrêtera là, encore une fois, et on ne s’interrogera pas sur les perspectives d’autres corps de la direction du budget.
Une tension liée à la formation en interne
Le taux de rotation élevé implique également une charge de travail plus importante pour les agents en poste, pour former les nouveaux arrivants.
Pour favoriser le développement des compétences, la direction encourage les départs en formation. Mais, l’objectif de deux jours par an n’était, à la date du rapport, atteint que par 14 % des agents.
Une autre initiative, plus installée, consiste à développer annuellement des travaux internes prospectifs et stratégiques destinés à réfléchir sur les thématiques budgétaires des bureaux sectoriels8.
Les agents du réseau de la direction du budget
Les onze départements du contrôle budgétaire (DCB) comptaient en 2021 131 agents, auxquels s’ajoutent 22 contrôleurs budgétaires en région (CBR) et en outre-mer.
Une structuration hiérarchique très différente de l’administration centrale
Les agents du DCB et du CBR appartiennent à une structure nettement plus classique, qui se rapprocherait de l’administration déconcentrée ou d’un service à compétence nationale.
On y trouve ainsi « seulement » 17 cadres A+, 78 catégories A, 28 catégories B et 8 agents de catégorie C.
L’âge moyen en DCB était de 51 ans en 2021 et seuls 40 % des agents y restaient moins de cinq années, pour une ancienneté moyenne de 8 ans.
Des postes techniques, plus comptable que budgétaire
Au total, près de 12 500 équivalents temps pleins (ETP) travailleraient sur une fonction de gestion budgétaire et financière au sein de l’État (hors fonctions comptables).
Dans ce cadre, les postes en DCB et CBR constituent des étapes importantes, permettant d’assumer des responsabilités financières dans les ministères ou leurs opérateurs.
Une attractivité moindre
« Les candidatures sont peu nombreuses et émanent essentiellement de la direction centrale et des autres DCB, attestant de la faible attractivité de ces fonctions budgétaires à l’extérieur de ce vivier. »
Les agents ressentent des charges de travail croissantes et moins valorisées dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique9. En dépit du reclassement de l’ensemble de ces emplois en experts de haut niveau de groupe II et des revalorisations indemnitaires associées.
Alors que la diversité des compétences est promue par la DGAFP, les agents des CBCM s’inquiètent d’être pénalisés par leur spécialisation.
Ces acronymes désignent les services du contrôle budgétaire et comptable ministériel (comptables et contrôleurs des dépenses placés au sein des secrétariats généraux des ministères) et les contrôleurs budgétaires régionaux, en régions. ↩
Le secrétariat général, créé par arrêté du 15 novembre 2022, regroupe désormais les quatre entités chargées des fonctions supports de la direction (40 agents). ↩
Etant précisé que contrairement aux administrations centrales « classiques », ces agents sont statutairement qualifiés d’ « adjoints ». Cela leur ouvre droit à des indemnités supérieures. ↩
Les contraintes horaires et calendaires mentionnées plus haut. ↩
Il faut aimer Excel, les synthèses de « Jaunes » et les boucles de courriels. ↩
Et, plus spécifiquement, occuper un poste de sous-directeur, conformément au décret n° 2012-32 du 9 janvier 2012 relatif aux emplois de chef de service et de sous-directeur des administrations de l’Etat. ↩
Une réflexion annuelle similaire existe également dans l’autre grande direction financière de l’Etat : la direction de la sécurité sociale. ↩
Une nouvelle fois, bien que les cadres supérieurs ne représentent ici « que » 20 % des effectifs, la Cour sait leur prêter une oreille attentive. ↩
La IIIe République est née des circonstances, dans un régime où le parlementarisme dispose de l’essentiel des prérogatives, mais demeure très fragmenté pour faire face à des enjeux considérables :
Deux guerres mondiales et
La plus grande crise économique de l’histoire contemporaine.
Événements induisant, à intervalles réguliers, une forte instabilité gouvernementale.
Dans cette période particulièrement troublée, la maitrise des enjeux budgétaires présente un caractère stratégique. Pour autant, en dépit de projets de réformes administratives esquissés avant la Grande Guerre, il faut attendre 1919 pour assister à la naissance de la direction du Budget.
Celle-ci est donc pleinement la « fille de la Grande Guerre » selon l’expression de Florence Descamps.
La création de la direction du Budget en 1919 : les objectifs et la méthode
Le travail de deux hommes : Georges Clemenceau et Louis-Lucien Klotz
Comme pour le ministère du Travail, le personnage clé est une nouvelle fois le président du Conseil Clemenceau. La mise en œuvre étant réalisée sous la supervision d’un ministre des Finances particulièrement important et connaisseur : Louis-Lucien Klotz.
M. Lucien Klotz.
Celui-ci a, en effet, été :
Deux fois ministre des Finances avant la guerre,
Rapporteur général du budget auprès de la chambre des députés,
Président la commission du budget et des dommages de guerre à compter de 1915,
Enfin, ministre des Finances en septembre 1917.
Comme ministre des Finances, il est également entré dans l’histoire comme l’un des cinq signataires français du traité de Versailles, avec :
Clemenceau, président du Conseil et ministre de la Guerre ;
Stephen Pichon, ministre des Affaires étrangères ;
Un travail mené en commissions parlementaires de 1917 à 1918
La première commission parlementaire, à l’initiative de Louis-Lucien Klotz, est présidée par le sénateur Justin de Selves. Celle-ci travaille au contrôle de l’exécution budgétaire avec des experts en finances publiques comme le professeur de droit Gaston Jèze.
La seconde est présidée par Louis Courtin2 et est consacrée à la réorganisation de l’administration centrale des finances.
Ces deux commissions proposent la création d’une direction du Budget indépendante et spécialisée afin de pouvoir piloter plus efficacement3 la dépense.
Un pilotage déjà mis en œuvre au Royaume-Uni et une prise de conscience internationale de la nécessité d’un pilotage budgétaire
Le Treasury britannique dispose déjà d’une ancienneté remarquable avec une centralisation des dépenses et un fort pouvoir budgétaire.
Le système français entend donc réaliser une forme de rattrapage sur le modèle britannique.
Ce rattrapage est toutefois relatif :
L’Allemagne présente une trajectoire semblable à la France avec la création en 1919 d’un ministère des Finances centralisé, le : Reichsministerium der Finanzen ;
De même, les États-Unis créent leur Bureau of the Budget via le Budget and account Act en 1921.
De discussions relativement rapides4 aboutissant à la loi du 21 octobre 1919
Le ministre Klotz dépose donc un projet de loi avec un article portant création d’un emploi supplémentaire de directeur (d’une manière similaire, encore une fois, à la création du ministère du Travail)5, mais la commission du budget repousse quatre fois le projet. En effet, le rapporteur à la chambre des députés, Albert Grodet, plaide pour des économies budgétaires et la suppression de postes de cadres6.
L’article du projet de loi est finalement voté le 17 octobre 1919 après un amendement du député Paul Laffont. Celui-ci propose un compromis par la création de deux directions « simples » en lieu et place de directions générales :
« L’inspecteur général des finances, contrôleur des dépenses engagées au ministère des Finances, aura le grade de directeur à l’administration centrale de ce ministère. »
La loi du 21 octobre 1919 portant ouverture et annulation de crédits sur l’exercice 1919 constitue l’une des dernières lois du gouvernement d’Union nationale de Clemenceau. Elle est publiée au Journal officiel le lendemain.
Les élections législatives se tiennent moins d’un mois après la publication, le 16 novembre.
L’organisation du nouveau ministère des Finances après la loi d’octobre 1919
La publication rapide de deux décrets en novembre 1919
Dans les jours qui suivirent le vote et la publication de la loi, le Gouvernement fait paraître deux décrets matérialisant cette transformation du ministère des Finances :
Le décret du 7 novembre 1919 modifiant le décret du 1ᵉʳ décembre 1900 concernant l’organisation centrale du ministère des Finances (publié au Journal officiel du 16 novembre 1919)7 et
Le décret du 15 novembre 1919 modifiant le nombre et les attributions des bureaux de l’administration centrale du ministère (également publié au journal officiel du 16 novembre).
L’administration centrale est alors composée selon une structuration rappelant l’organisation actuelle, à l’exception des commis et expéditionnaires8 :
Commis principaux ou commis d’ordre et de comptabilité,
Expéditionnaires principaux et expéditionnaires.
À ces agents administratifs s’ajoutent quelques traducteurs, des agents d’entretien, deux douzaines d’agents de service et de sécurité et près de 260 huissiers, gardiens de bureau, concierges, ordonnances ou assimilés.
L’insertion de la direction du budget dans le ministère des Finances
Deux bureaux de la direction générale de la Comptabilité publique, déjà chargés avant 1914 d’établir le budget, sont désormais érigés en direction indépendante : soit une vingtaine d’agents.
Le nouveau directeur est Georges Denoix10. Il restera en poste jusqu’à sa mort en 1925.
Les missions de cette nouvelle direction du budget :
Les missions de la nouvelle direction sont les suivantes :
La réalisation de tous les : « travaux liés à la présentation aux Chambres du Budget de l’État » ;
« Le contrôle général de la marche des dépenses publiques de l’État »,
« L’étude de tous les projets ayant une répercussion sur les finances de l’État », notamment les rémunérations, traitements et retraites des personnels civils et militaires11 ;
Le contrôle des règles d’engagement des dépenses et de l’emploi des crédits.
Une direction du budget qui demeure encore peu outillée et qui ne dispose pas de l’autorité suffisante pour faire voter le budget
Les premières années sont difficiles pour la direction du Budget, car elle ne dispose d’aucun moyen de coercitions sur les ministères.
Ce faisant, ses missions sont encore très teintées « comptabilités publiques ».
Il faut encore attendre quelques années avant de permettre à la direction du budget de verrouiller les dépenses publiques, par la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées, dite « Marin ».
Le vote de la loi « Marin »
Le ministre des Finances Joseph Caillaux12, lui-même inspecteur général des finances, avait proposé plusieurs mesures en 1914, sans succès :
Le contrôle a priori de la direction chargée du Budget ;
Le visa sur toutes dépenses ministérielles ;
La création d’un corps de contrôleurs dédiés.
C’est finalement à Charles de Lasteyrie, nouveau ministre des Finances (1922-1924) et également inspecteur général des finances, qu’il revient de réussir cette réforme avec le rapporteur général du budget de la Chambre… Louis Marin.
M. Louis Marin.
La loi du 14 août 192213 constitue une petite révolution dont les éléments perdureront jusque dans les années 2000 :
L’article 1er crée d’abord un corps de contrôleurs placé auprès de chaque ministère ;
L’article 3 précise que la comptabilité élaborée par ces contrôleurs est transmise mensuellement au ministre de l’Économie et des finances, et une fois par an aux chambres ;
L’article 4 formalise la procédure d’avis sur tous les projets de loi, décrets, arrêtés, contrats, mesures ou décisions ayant un effet budgétaire ;
Enfin, l’article 5. L’arme juridique tant attendue par les budgétaires français d’alors : le « verrou budgétaire ». Toute dépense est soumise au visa de ces contrôleurs :
« Si les mesures proposées lui paraissent entachées d’irrégularité, le contrôleur refuse son visa. En cas de désaccord persistant, il en réfère au ministre de l’Économie et des Finances.
« Il ne peut être passé outre au refus du visa du contrôleur que sur avis conforme du ministre de l’Économie et des Finances. Les ministres et administrateurs seront personnellement et civilement responsables des décisions prises sciemment à l’encontre de cette disposition. »
Pour matérialiser cette reprise en main budgétaire, le gouvernement Painlevé nomme, en 1925, un ministre exclusivement chargé des questions budgétaires : Georges Bonnet14.
Parallèlement, un nouveau directeur du Budget est nommé, Pierre Fournier (1925-1929). Il s’agit (évidemment) d’un inspecteur général des finances, mais également de l’ancien directeur adjoint de Georges Denoix. Il devient le plus jeune directeur du Budget du XXe siècle (33 ans)15.
La crise de 1929 et ses suites : la politique de déflation budgétaire
Le début des années 30 est marqué par les difficultés financières, budgétaires, politiques et institutionnelles.
Alors que la crise financière et budgétaire s’installe, la direction du budget se constitue en véritable outil de gestion et de pilotage des dépenses publiques.
La politique du « rabot » fait ainsi son apparition avec les décrets-lois de 1934, rapidement suivis des décrets-lois de 1935 – dits « Laval-Régnier ». Par ailleurs, la direction du budget accentue son contrôle en matière de gestion des personnels civils et militaires16.
Les directeurs à se suivre : Erik Haguenin, de 1932 à 1935 et Yves Bouthillier, de 1935 à 1936 incarnent cette politique de rigueur budgétaire jusqu’à l’arrivée de Léon Blum et du Front Populaire.
Mais, c’est une autre histoire…
Pour aller plus loin :
Voici trois articles de Florence Descamps dont on retrouvera ici des sources d’inspiration :
Secrétaire général des affaires étrangères et frère de l’influent Paul Cambon, alors ambassadeur de la France au Royaume-Uni. Personnages que l’on peut notamment retrouver dans l’ouvrage Les somnambules de Christopher Clark. ↩
Polytechnicien, inspecteur des finances, puis président de chambre à la Cour des comptes de 1903 à 1924. ↩
Et parfois, plus simplement, connaître la dépense publique. Le manque de suivi budgétaire fut en effet l’une des grandes difficultés comptables de la Première guerre mondiale. ↩
Les créations de postes sont aujourd’hui à la main de l’Exécutif et ne donnent plus lieu à discussion au Parlement. Il n’en était rien sous la IIIe République avec un Parlement empiétant très largement sur les prérogatives du Gouvernement s’agissant de l’organisation et de la gestion de la fonction publique. ↩
Sur les débats parlementaires et le « fonctionnariat », je ne peux que vous conseiller de suivre et lire les travaux d’Emilien Ruiz. ↩
Les dispositions du décret couvrent l’organisation de l’administration des finances, fixe les emplois, mais également les rémunérations. Un tel détail est symptomatique de la gestion parcellaire et protéiforme de l’administration sous la IIIe République. Le décret allant jusqu’à lister le nombre de sous-chef de bureau (88). ↩
Sauf à faire figurer ici les actuels secrétaires administratifs et adjoints administratifs. ↩
Le terme de « rédacteur » peut encore être utilisé dans quelques administrations centrales, mais il demeure rare. Il est désormais plus souvent question de « chargé de mission ». ↩
Il était auparavant directeur adjoint, chargé de la supervision des bureaux budgétaires. ↩
La direction du budget précède de quelques décennies la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) dans le pilotage de la politique salariale et, ce faisant, la politique de ressources humaines interministérielles de l’Etat – encore balbutiante. ↩
Évidemment connu comme le créateur de l’impôt sur le revenu français, mais également pour l’assassinat de Gaston Calmette, directeur du Figaro par sa femme, Henriette. ↩
Comme les très grandes lois de la IIIe République, elle est directement disponible sur Légifrance. Alléluia ! Mais pour ceux qui ne savent lire un texte de la IIIe que sur Gallica, voici le lien : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64423339/f2.item↩
Appelé à se compromettre ultérieurement avec le régime de Vichy. ↩
Celui-ci deviendra par la suite sous-gouverneur (1929), puis Gouverneur de la Banque de France (1937-1940), avant de devenir président de la SNCF à compter de 1940. C’est notamment lui qui sera chargé d’évacuer les 2 500 tonnes de la Banque de France du port de Brest en 1939. Rappelons que la France n’a pas fait défaut en 1940 et qu’elle disposera de ce stock à la Libération. ↩
Comme précisé plus haut, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) n’existe pas encore… ↩
L’un des chapitres de ce rapport est consacré aux moyens humains consacrés aux systèmes d’information1.
On y apprend tout d’abord que les effectifs de la DGFiP consacrés aux services informatiques ont fortement baissé (-13 % de 2013 à 2018), alors que ces effectifs sont restés stables à la DGDDI.
Point de situation
Situation de la direction générale des finances publiques (DGFiP)
« En 2018, la DGFiP compte 4 786 agents affectés aux tâches informatiques pour une masse salariale de 361 millions d’euros. Ces agents représentent 26 % de l’ensemble des effectifs informatiques de l’État, hors ministère des Armées. La DGFiP constitue ainsi la direction d’administration centrale comptant le plus grand nombre d’informaticiens. 70 % d’entre eux sont affectés au sein du réseau territorial du SSI. Près d’un quart travaillent au sein du SSI en administration centrale (24 %), les autres (6 %) relevant du service à compétence nationale Cap Numérique. »
« Les suppressions d’emplois sur la période ont prioritairement porté sur les catégories C et en particulier sur les métiers de moniteur, agent de traitement et dactylocodeur du fait de l’automatisation de processus. »
Par ailleurs, cet effectif est de plus en plus âgé et masculin. La part des agents de plus de 60 ans est ainsi passée de 9 à 12 % sur la période, soit un niveau supérieur à celui de la DGFiP dans son ensemble. Or, la DGFiP présente déjà la moyenne d’âge la plus élevée parmi l’ensemble des administrations centrales.
Situation de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI)
« En 2018, la DGDDI compte 611 agents informatiques, dont 35 contractuels, représentant une masse salariale de 44 millions d’euros. Entre 2013 et 2018, le nombre d’agents SI a été stable, à l’instar des effectifs globaux de la Douane. »
Parmi les agents des douanes : 60 agents sont en administration centrale, 154 en réseau territorial et le reste dans deux services à compétence nationale :
182 agents au sein du centre informatique douanier et
215 agents à l’intérieur de la Direction nationale des statistiques et du commerce extérieur.
35 % des agents du réseau territorial et des services à compétence nationale sont toutefois consacrés à des missions d’assistance, auprès des usagers (qu’ils soient internes ou externes).
De très grosses difficultés de recrutement
Beaucoup de postes non pourvus
Près de 35 % des postes de programmeurs ouverts durant les trois dernières années n’ont pas été pourvus à la DGFiP. 80% dans les services des douanes pour les postes d’informaticiens de catégorie A et B ouverts en 2018. Ce qui pose, à l’évidence, la question de l’attractivité de l’Etat dans un contexte de forte concurrence du secteur privé.
Par ailleurs, des postes de cadres informaticiens sont vacants sur des longues périodes. Plus de deux ans pour certains postes de chef de pôle, à la DGDDI.
La DGAFP et l’ex-DINSIC ont finalisé en 2019 un plan d’attractivité à cette fin.
« Il convient également de relever que le décret instituant une prime spécifique aux fonctionnaires de l’État et des établissements publics affectés au traitement de l’information n’a pas été revu depuis 1971. Ainsi, la liste limitative des postes ouvrant droit à cette prime n’a pas été actualisée pour prendre en compte les nouveaux métiers créés dans ce domaine comme les data scientists. »
Un recours très faible aux contractuels
En 2018, la DGFiP comptait seulement 111 agents contractuels et la DGDDI 31 agents, soit respectivement 2,3 % et 5 % de leurs personnels informatiques.
Ces flux de recrutement n’ont pas augmenté sur la période2.
« Les deux directions expliquent que les recrutements de contractuels sont difficiles, notamment, pour les métiers où les compétences sont rares (architecte, data miners) car les salaires proposés ne sont pas compétitifs. L’évolution de carrière lente et parfois limitée constitue un obstacle supplémentaire à la DGDDI. D’autres structures du MEF, telles que Tracfin ou l’AIFE, ne sont pas confrontées à d’aussi grandes difficultés. »
Le fait que les emplois proposés soient en CDI3 n’y change rien.
L’une des réponses est la création d’un corps interministériel
En effet, en mai 2015, le ministère de l’Intérieur a profondément transformé le corps des ingénieurs des systèmes d’information et de communication (ISIC)4.
Les ingénieurs des systèmes d’information et de communication exercent des fonctions de conception, de mise en œuvre, d’expertise, de conseil ou de contrôle en matière de systèmes d’information et de communication. À ce titre, ils peuvent exercer des fonctions d’encadrement. Ils sont recrutés et nommés par le ministre de l’Intérieur.
Les difficultés auxquelles sont confrontées la DGDDI et la DGFiP
« Le calendrier actuel des concours constitue un frein au recrutement, notamment pour les postes de programmeurs de catégorie B à la DGFiP dont le nombre de postes non pourvus est le plus important. En effet, sur un marché en tension, les diplômés en juin de l’année N, ne peuvent passer le concours qu’en mars N+1, le résultat de l’admission est connu en juin N+1 et ils commencent à être rémunérés en septembre N+1. Il s’écoule donc plus d’un an entre l’obtention de leur diplôme et leur premier traitement versé par l’administration. »
La Cour préconise de réserver l’examen de la condition de diplôme lors de la constitution du dossier administratif avant le recrutement effectif.
Par ailleurs, à la Douane, les mobilités sont réalisées non pas en fonction des compétences, mais des « points » acquis par les agents – dans un système analogue à celui de l’Education nationale. Or, les services informatiques sont situés à Osny, dans le Val-d’Oise et surtout à Toulouse. Cette dernière ville est attractive, mais elle n’est accessible qu’aux agents les plus anciens, sans égard pour leurs qualifications.
Cet article est en partie construit sur une lecture du Guide de légistique (le guide du « Légiste »1) dans sa version de 2017, disponible sur le site de Légifrance.
Pour rappel, le « domaine de la loi » est borné par l’article 34 de la Constitution qui fixe strictement l’ensemble des règles devant être édictées par la loi. Autrement dit, le Législateur (Assemblée nationale et Sénat) ne peut édicter des règles en dehors de ce champ.
Inversement, le champ du pouvoir règlementaire est défini de manière négative par l’article 37 de la Constitution : « Les matières autre que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère règlementaire. »
Définition du décret
Le décret est un acte règlementaire (qui édicte une règle générale2) ou a une portée individuelle (le plus souvent, un décret de nomination).
Un décret peut être signé par le Président de la République3 ou par le Premier ministre4 et il peut être cosigné par un ou plusieurs ministres et secrétaires d’Etat.
Les différents types de décrets
On peut, comme on l’a vu plus haut, classer les décrets selon leur portée règlementaire ou individuelle, mais on peut aussi classer les décrets selon leur source juridique :
Certains décrets sont dits « autonomes », ils peuvent alors être pris par le Premier ministre sans texte, notamment pour l’organisation des services administratifs sous leur responsabilité5 ;
D’autres, les plus nombreux, sont des décrets d’application de dispositions juridiques supérieures, le plus souvent une loi ou une ordonnance.
Un décret comporte toujours :
Le nom du ministre rapporteur du texte,
Les visas : l’ensemble des textes en rapport avec l’objet du décret et
Le dispositif proprement dit, composé d’articles, eux-mêmes subdivisés en alinéas.
C’est le dispositif qui comporte les règles applicables et qui emporte des conséquences juridiques.
Le classement des décrets par ordre hiérarchique
Le décret de droit commun est pris par le Premier ministre (et l’éventuel ministre concerné) sans formalité particulière.
Toutefois, certains décrets présentent des spécificités, soient qu’ils sont signés par le Président de la République, délibérés en Conseil des ministres ou pris après avis du Conseil d’Etat.
1. Les décrets pris par le Président de la République seul : ses pouvoirs propres
Les pouvoirs propres du Président de la République lui permettent de prendre des décrets de manière autonome, donc sans délibération en Conseil des ministres6 :
Le décret de nomination du Premier ministre ;
Le décret relatif à la composition du Gouvernement ;
Le décret de dissolution de l’Assemblée nationale7.
Ces décrets sont évidemment emblématiques et symbolisent la conception constitutionnelle française tenant à positionner le chef d’Etat dans un rôle d’arbitre et de gardien des institutions : il tient dans sa main le Gouvernement et peut à tout moment dissoudre l’Assemblée nationale8.
2. Les décrets du Président de la République pris en Conseil des ministres
Les décrets pris après délibération du Conseil des ministres sont signés par le Président de la République et contresignés par le Premier ministre (et, le cas échéant, par les ministres responsables)9.
Ces décrets peuvent également être pris après consultation du Conseil d’Etat.
A l’évidence, ce sont les décrets les plus importants.
Spécificités :
Ces décrets sont délibérés en Conseil des ministres lorsqu’un texte le prévoit ou lorsque des considérations liées à la nature ou à l’importance du sujet traité le justifient.
Cela peut être une loi ordinaire10 ou organique11, un texte constitutionnel (pour des nominations importantes12, l’état de siège13).
Toutefois, s’agissant des attributions des ministres, c’est un simple décret qui prévoit l’obligation pour le Premier ministre de recueillir la signature du Président de la République14.
Une jurisprudence importante du Conseil d’Etat (Meyet, 10 septembre 1992) impose que tout décret délibéré en conseil des ministres ne peut plus être modifié ou abrogé que par un autre texte délibéré en conseil des ministres15, sauf à ce qu’une loi ou un autre décret en conseil des ministres en donne explicitement la compétence à une autre autorité que le président de la République.
Pour éviter cet « effet cliquet » (si tel est le souhait du Gouvernement), il est donc recommandé d’introduire une disposition finale dans le décret délibéré en conseil des ministres précisant que : « Le présent décret peut être modifié par décret (simple) / décret en Conseil d’Etat ».
3. Les décrets en Conseil d’Etat
Les décrets simples et décrets en Conseil d’Etat relèvent de la compétence de droit commun du Premier ministre en application de l’article 21 de la Constitution.
Les décrets en Conseil d’Etat nécessitent l’avis de la haute juridiction administrative en vertu d’une obligation constitutionnelle, législative ou réglementaire. Ils portent la mention « Le Conseil d’État entendu ».
Cette obligation procédurale est essentielle, puisqu’en cas de non-respect de cette consultation, le décret est considéré comme illégal. Cette irrégularité est soulevée d’office par le juge16.
Spécificités :
Les décrets en Conseil d’Etat sont pris en application d’une norme supérieure, qu’il s’agisse de la Constitution et notamment de son article 37 (s’agissant des textes législatifs antérieurs à la Constitution17), d’un texte législatif ou d’un texte règlementaire.
L’appréciation du besoin de consulter ou non le Conseil d’Etat en l’absence de texte supérieur
La nécessité de consulter le Conseil d’Etat s’apprécie au regard des matières traitées, soient qu’elles appellent par nature des garanties comme les libertés individuelles, le droit de propriété, le régime des obligations… ou alors par le fait que les textes en question définissent les grandes lignes d’une règlementation majeure et se caractérisent par la présence, notamment, de dispositions fixant des critères d’assujettissement à un régime d’autorisation, énonçant des conditions d’agrément ou organisations les modalités de contrôle de l’administration sur les activités de personnes privées.
Inversement, le recours au décret en Conseil d’Etat doit être écarté lorsque la valeur ajoutée du Conseil est jugée faible, notamment du fait de la matière particulièrement technique de la règlementation en cause.
Comme pour les décrets en conseil des ministres, seul un décret en Conseil d’Etat ou une loi peut déroger à ce parallélisme des formes. Ici encore, le Secrétariat général du gouvernement incite à prévoir (le cas échéant) dans le décret pris après consultation du Conseil d’Etat, une disposition spécifique pour restreindre l’avis du Conseil d’Etat aux articles les plus pertinents.
4. Les décrets simples
Enfin,les décrets simples pris par le Premier ministre et les éventuels ministres concernés constituent donc le mode ordinaire d’exercice du pouvoir réglementaire.
Il s’agit des décrets qui ne sont ni des décrets en Conseil d’Etat ni des décrets en conseil des ministres.
Ces décrets peuvent toutefois être soumis à l’examen du Conseil d’Etat lorsque le pouvoir règlementaire en ressent le besoin. Le décret comportera alors la mention « Après avis du Conseil d’Etat » (et non pas « Le Conseil d’Etat entendu »).
Même après avoir sollicité l’avis du Conseil d’Etat, un tel décret simple demeure modifiable par un autre décret simple, sans que le Conseil d’Etat ne soit de nouveau obligatoirement consulté.
L’ensemble de ces décrets sont publiés au Journal Officiel de la République française.
Codification des différentes catégories de décrets
Dans les codes récents, les articles sont marqués pour identifier le niveau de chaque décret :
Le R correspond au décret en Conseil d’Etat et le D au décret simple ou au décret en conseil des ministres pris sans avis du Conseil d’Etat.
Pour les décrets délibérés en conseil des ministres, un astérisque est joint au R, lorsque ledit décret a été pris après avis du Conseil d’Etat et au D lorsqu’il a été pris sans avis du Conseil d’Etat.
Les arrêtés
Enfin, au-delà des décrets, les ministres peuvent également signer des arrêtés.
Ces derniers peuvent être interministériels, lorsque les signatures de plusieurs ministres sont nécessaires, ou ministériels.
Ces arrêtés sont pris le plus souvent en application d’une norme supérieure habilitant les ministres concernés à préciser par des dispositions de rang inférieur la norme applicable (on parle de « délégation »ou « d’habilitation »). Sauf exception, la norme supérieure en question est un décret.
Toutefois, pour l’organisation du service, le ministre peut également prendre un arrêté de manière « autonome ».
La légistique se définit comme la technique permettant d’aboutir à la meilleure rédaction des normes : en termes de fluidité, de lisibilité et de précision. ↩
Le principe est le caractère non nominatif de la règle. Un décret règlementaire peut prévoir les conditions d’emploi d’une seule personne, tant qu’il demeure impersonnel. ↩
Alinéas 1 et 2 de l’article 8 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Le Président de la République nomme le Premier ministre. « Sur proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions. » Alinéa 2 de l’article 13 : « Il nomme aux emplois civils et militaires de l’Etat. » ↩
Premier alinéa de l’article 21 de la Constitution : « (…) Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir règlementaire et nomme aux emplois civils et militaires. » ↩
Pour un exemple récent, le décret du 9 juin 2024, sur le fondement de l’article 12 de la Constitution. ↩
Toutefois, conformément au quatrième alinéa de l’article 12 de notre Constitution : « Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections. » ↩
Article 13 de la Constitution : « Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres. » ↩
Ce qui ne revient normalement pas au pouvoir législatif, au nom du principe de séparation des pouvoirs. Toutefois, l’article L. 231-5 du code des relations entre le public et l’administration prévoit que les dérogations à la « règle du silence de l’administration vaut acceptation » nécessitent un décret en Conseil d’Etat délibéré en conseil des ministres. ↩
L’article 42 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature dispose que les traitements des magistrats sont fixés par décret en conseil des ministres. Il en est de même, selon l’article 13 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances pour les décrets d’avance pris en cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national. ↩
Le troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit ainsi que les nominations aux fonctions les plus importantes sont réalisées en Conseil des ministres : « Les conseillers d’Etat, le grand chancelier de la Légion d’honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des comptes, les préfets, les représentants de l’Etat dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales, sont nommés en Conseil des ministres. » ↩
L’article 36 de la Constitution dispose que l’état de siège est décrété en conseil des ministres. ↩
Cette procédure existe depuis le décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres. Ce décret, signé par le Premier ministre Michel Debré marque la pratique présidentielle du régime. Depuis, il n’est plus possible pour le Premier ministre de répartir seul les portefeuilles ministériels. ↩
Il s’agit d’un moyen d’ordre public. Pour une illustration récente : CE, 17 juillet 2013, Syndicat national des professionnels de santé au travail et autres↩
Pris sur des matières désormais en dehors du champ de la loi au regard de l’article 34 de la Constitution. ↩
On ne conseillera jamais assez aux candidats de lire les rapports du jury, peu importe le concours visé.
Vous y découvrirez des informations précieuses, sur les attentes du jury, les profils des autres candidats, mais également des perspectives sur les métiers de débouchés des différents concours et examens, ce qui vous permet à la fois de démontrer votre curiosité et de vous projeter sur ces fonctions.
A cet égard, le rapport du comité de sélection interministériel du corps des administrateurs de l’Etat pour 2022 est riche d’enseignements.
Le tour extérieur des administrateurs de l’Etat peut-être considéré comme le véritable concours interne des agents de catégorie A souhaitant exercer des fonctions d’administrateurs de l’Etat.
Au titre de 2022, 38 places étaient à pourvoir, contre 32 places pour le concours interne de l’Institut national du service public (INSP) au titre du même exercice1.
A la différence du concours interne, il n’y a pas une multitude d’épreuves écrites et orales, et surtout, il n’est pas question de deux ans de scolarité à l’INSP, accompagné de trois stages : en affaires internationales, entreprise et préfecture (et autant de déménagements successifs).
Les candidats sont présélectionnés par leurs administrations afin de ne présenter que les agents ayant le potentiel pour exercer des fonctions supérieures et l’épreuve est axée sur un entretien avec le jury autour de la revue des réalisations professionnelles du candidat et de sa capacité à se projeter dans son univers professionnel.
Par ailleurs, la formation est allégée, réduite à six mois, afin de tenir compte de la spécificité des candidats : à savoir des fonctionnaires de catégorie A exerçant déjà des fonctions supérieures et souhaitant changer de corps afin de poursuivre leur ascension professionnelle2.
A l’inverse, et comme le rappelle le dernier rapport du jury relatif au concours interne de l’INSP, le concours interne demeure un concours de début de carrière, permettant en particulier à ceux ayant échoué quelques années plus tôt au concours externe de l’INSP de retenter leurs chances.
Les candidats et lauréats du concours interne sont en grande majorité des hommes (alors même que les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans la filière administrative) , ils sont très jeunes3, autour de la trentaine, ne sont évidemment pas sélectionnés par leur administration et doivent préparer des épreuves essentiellement théoriques.
D’abord quelques chiffres
Au titre de 2022, 297 dossiers ont été déposés pour le tour extérieur (contre 241 en 2021) pour un nombre d’emploi à pourvoir de 38. Des chiffres assez similaires au concours interne de l’INSP, avec 302 candidats présents aux épreuves écrites pour 32 places.
Le comité, d’un commun accord, a décidé de ne pas tenir compte des listes préférentielles présentées par les ministères, notamment parce que tous les ministères n’avaient pas établi de telles listes, afin de se doter d’une capacité d’appréciation la plus libre possible, en se fondant exclusivement sur les dossiers de candidature et les prestations orales des candidats.
Pour autant, il convient de préciser que si les évaluations des administrations n’ont pas été retenues par le jury, les candidats présentés sont tout de même ceux sélectionnés par ces dernières. Comme énoncé plus haut, un agent de catégorie A ne peut de sa propre volonté, parce qu’il réunit les critères d’éligibilité, solliciter un entretien devant le comité de sélection.
A l’issue de l’examen, seuls 34 candidats ont finalement été retenus – 4 emplois n’ont donc pas été pourvus. Le fait de ne pas saturer la liste des emplois disponibles témoigne, à l’évidence, de la sélectivité du jury.
Malgré un léger rebond des candidatures, une sélectivité qui demeure tendanciellement en baisse
Premier constat : un rebond des candidatures sur 2022 par rapport à 2021 :
Une sélectivité qui demeure tendanciellement en baisse :
A titre de comparaison, par rapport aux candidats présents aux épreuves d’admissibilité aux écrits, le taux de sélection du concours interne de l’INSP pour 2023 est nettement plus défavorable, à 1 pour 9,4.
Des candidats le plus souvent masculins, d’environ 43 ans, en administration centrale aux ministères de l’Intérieur ou de l’Economie et des finances
En effet, le comité de sélection rappelle la concentration des candidatures au sein de deux ministères : l’Intérieur et l’Economie et les finances (41% des candidats).
Ces candidats sont plus souvent masculins (y compris chez les admis).
L’âge moyen est de 43 ans (contre 42 ans en 2021), avec un plus bas à 36 ans et un plus haut à 51 ans. Près de la moitié des candidats ont entre 40 et 44 ans.
Les attachés demeurent le corps le plus représenté avec près de 80% des candidats et plus de 90% des admis. Parmi les admis : 70% sont attachés principaux d’administration et 20% attachés hors classe.
L’appréciation qualitative des dossiers présentés par les candidats
S’agissant des CV:
Le comité de sélection regrette des présentations médiocres et peu claires. Des éléments inutilement bavards et des présentations complexes rendant la lecture absconde.
Enfin, quelques candidats ont survalorisés des fonctions ou des engagements, ce qui est évidemment peu approprié et se révèle rapidement contreproductif à l’oral.
S’agissant des évaluations des supérieurs hiérarchiques :
Le comité rappelle l’enjeu d’une présentation claire, non ambiguë et si possible harmonisée, a minima au sein d’un même périmètre ministériel. Les candidats devant, de leur côté, être capable d’expliciter les observations.
S’agissant du relevé des acquis de l’expérience professionnelle (RAEP) :
Le RAEP est considéré par le comité de sélection comme « manifestement pas bien compris et (…) très en-deçà des attentes. »
« La présentation doit donc être claire, porter sur une expérience récente, comporter une part descriptive mais dynamique et aussi critique, à la condition qu’elle soit sincère et surtout bien argumentée. Les candidats doivent faire l’effort d’une expression et d’une orthographe correctes, d’une rédaction agréable à lire et, de façon essentielle, s’attacher à capter l’intérêt du lecteur. En synthèse, la RAEP doit permettre au candidat de faire la démonstration qu’il détient une hauteur de vue, des capacités d’analyse et des aptitudes opérationnelles au niveau de ce qui peut être attendu d’un administrateur de l’Etat. »
Or, pour les membres du comité de sélection, le RAEP s’apparente trop souvent à une simple description de fiche de poste sans présentation d’une quelconque problématique ou, à l’inverse, « à une succession de prises de position tranchées et péremptoires ».
S’agissant du parcours professionnel, plusieurs critères permettent de démontrer les capacités d’adaptation des candidats selon les membres du comité, notamment :
L’existence d’une ou plusieurs mobilités entre ministères ou fonctions publiques, ou encore entre différentes structures administratives (centrale, déconcentré, opérateurs) ;
L’occupation de poste dans des domaines fonctionnels différents (juridique, RH, budget) ou de nature différente (fonctions support, mise en œuvre d’une politique publique, tutelle d’opérateur) ;
L’occupation de fonctions d’encadrement ;
Une prise de responsabilité croissante ayant permis d’atteindre : « un niveau hiérarchique suffisant et pouvant se caractériser, sans que cela ne soit une condition exclusive, par l’occupation d’un emploi fonctionnel. »
Evidémment, le comité tient également compte des spécificités propres à chaque ministère s’agissant de la nature et du niveau hiérarchique des postes ouverts aux catégories A.
S’agissant des auditions des candidats
Le comité de sélection note que la première partie de l’entretien (5 minutes), consacré au parcours du candidat, est généralement réussi tant en termes de gestion du temps que de contenu, malgré quelques exposés décousus et peu lisibles (en dépit de l’annonce du plan).
Toutefois, le constat unanime est celui d’un discours trop convenu sur le fond, uniforme et finalement assez ennuyeux.
En revanche, pour la partie relative aux questions, le comité a constaté de véritables lacunes alors même que le comité de sélection s’est, pour l’essentiel, appesanti sur le parcours du candidat : curriculum vitae, évaluations, RAEP.
Le jury est particulièrement sévère sur la capacité des candidats à formaliser un point de vue présentant de la hauteur : « Les candidats ont souvent montré une incapacité à décrire et surtout à situer leur poste ou leurs missions dans leur environnement professionnel ou dans des problématiques de politiques publiques un peu élargis. »
Le comité de sélection note ainsi son incompréhension devant la réaction des candidats à des questions relatives à leurs points forts supposés, tels que mis en avant dans leur dossier d’évaluation (lorsqu’ils en ont un).
Plus encore, le comité de sélection note que : « beaucoup de candidats ont semblé « désemparés » devant des questions portant pourtant sur leur dossier, le choix de postes, le parcours, la mobilité géographique et l’éventuelle prise ou non prise de risque dans leurs sélections de fonctions. »
Enfin, s’agissant de l’échange élargi avec le comité de sélection, les membres dudit comité notent : « un véritable échec. » Ce qui interroge sur les préparations disponibles pour les candidats et sur la capacité de ces derniers à dégager du temps et de l’espace critique pour s’assurer de leur capacité à engager une discussion de haut niveau.
« Le socle minimum de culture administrative, juridique, économique et politique normalement détenu par un administrateur de l’Etat souffre d’une insuffisante préparation de la part des candidats. »
« Pour le comité, ce qui est en cause, c’est l’impréparation, le manque de réflexion et de curiosité mais aussi des imprécisions voire des lacunes importantes sur des connaissances minimales empêchant de bien articuler sa pensée, y compris sur les grands sujets d’actualité du moment, pourtant très largement analysés dans les médias. »
Pour le comité de sélection, il est essentiel que les candidats se renseignent également sur le profil des membres du comité, sur leurs centres d’intérêt naturels ou leurs spécialités.
En bonus, la liste des thématiques pouvant être abordées lors du comité de sélection au tour extérieur des administrateurs de l’Etat :
Je ne peux que vous inciter à reproduire cette liste de questions et à l’adapter au concours ou à l’examen visé. Répondez à chacune d’entre elles, étoffer la liste et vous serez probablement davantage préparé que 90% des candidats, y compris en catégorie A.
Culture administrative :
Qu’est-ce que la souveraineté nationale et comment s’exerce-t-elle ?
Quelles sont les missions du Conseil Constitutionnel ?
Qu’est-ce que le bloc de constitutionnalité ? A quoi sert-il ?
Quelles différences entre un décret en conseil d’Etat et un décret en conseil des ministres ?
Qui exerce le pouvoir réglementaire ?
Qu’est-ce que l’article 49-3 de la Constitution ?
Qu’est-ce que la hiérarchie des normes ?
Quelles sont les missions régaliennes de l’Etat ?
Comment sont organisées les juridictions en France ? Deux ordres sont-ils utiles ?
Qu’est-ce que le Conseil d’Etat ? La Cour de cassation ?
Connaissez-vous des juridictions spécialisées et dans quels domaines ?
Quelles sont les juridictions compétentes en droit du travail ?
Quelles sont les juridictions financières en France ?
Connaissez-vous des juridictions qui emploient des juges non professionnels ? Des citoyens ?
Faut-il juger les ministres ? Qui les juge ? Existe-t-il des procédures en cours ?
Quelles sont les juridictions compétentes en matière pénale ? A quoi sert la cour d’assises ?
Quel est le rôle du parquet ? Parquet siège quelles différences ?
Fallait-il créer un parquet financier ?
Qui juge les terroristes ? Quelle est l’utilité d’un parquet antiterroriste ?
Quelle est la différence entre éthique et déontologie ? Qu’est-ce que la déontologie ? Quelles instances interviennent dans ce domaine ?
Qu’est-ce que l’article 40 du Code de procédure pénale ?
Qu’est-ce qu’une autorité administrative indépendante ? Pouvez-vous en citer ? Leur utilité ?
Les grands principes du droit des collectivités locales ?
L’organisation des collectivités territoriales de l’Île-de-France est-elle efficace ?
Quel est le cadre juridique encadrant les compétences des collectivités locales ?
Les régions ont-elles une clause de compétence générale ?
Quel transfert de compétence est demandé par les régions ?
Fallait-il départementaliser Mayotte ?
La France a-t-elle vraiment sa place outre-mer ? Que lui apporte cette présence ?
Qu’est-ce que la diagonale du vide ?
Quelles sont les conditions de la réussite de la dématérialisation des procédures ?
Qu’est-ce que la fracture numérique ?
Faut-il garder deux forces de sécurité en France, police et gendarmerie ?
Le lien armée Nation ?
Compte tenu de l’actualité géopolitique, pensez-vous qu’il fallait supprimer le service militaire ?
Faut-il continuer à dialoguer avec la Russie ?
Votre avis sur la conception française de la laïcité ? Avez-vous des exemples de politiques françaises de discrimination positive ? Votre avis ?
La politique française de lutte contre le séparatisme est-elle efficace ?
Quelles sont les mesures prises dans l’éducation pour lutter contre la radicalisation ?
Faut-il accueillir les mineurs de retour des zones de terrorisme en Syrie ?
Quels ont été les derniers éléments de modernisation de la formation professionnelle en France ?
A quoi sert la formation continue ?
Qu’est-ce qu’un dialogue social réussi ?
La réquisition est-elle la marque de l’échec du dialogue social ? Quels sont les fondements juridiques de la réquisition ?
Le droit à la paresse
Faut-il supprimer les droits de succession ?
Le prix unique du livre
La loi Toubon : un combat vain ?
Questions économiques, budgétaires et financières :
Quels sont les grands principes qui régissent la commande publique ?
Quels sont les grands principes budgétaires ?
Qu’est-ce qu’une loi financière ? Quelle différence avec la loi ordinaire ?
Quelle différence entre une loi de financement de la sécurité sociale et une loi de finances ?
Quel est le 1er poste de la dépense publique en France ?
Quels sont les principales dépenses du budget de l’Etat ?
Pourquoi faut-il maitriser la dépense publique ?
Le montant de la dette française est-il un problème ?
Quel est le montant de l’excédent budgétaire français ? (question-piège !)
Quelles sont les principales mesures du projet de loi de finances 2023 ?
Quelles sont les principales mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2023 ?
Quel sont les atouts de l’économie française ?
Quels sont les maux de l’économie française ?
Comment est gérée l’assurance chômage ?
La fermeture de Fessenheim était-elle opportune ?
Question sur l’Europe :
Pouvez-vous citer quelques institutions de l’Union européenne et leurs missions ?
Quelle différence y a-t-il entre le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne et le Conseil de l’Europe ?
Qu’est-ce que l’espace Schengen ?
Tous les Etats membres de l’UE participent-ils à la zone euro ? Lesquels n’y participent pas ?
Quels sont les principaux actes juridiques contraignants de l’Union européenne ?
Dans quelle mesure le droit de l’Union européenne s’applique-t-il en France ?
Quelles sont les principales caractéristiques du budget de l’Union européenne ?
Faut-il retirer l’anglais de la liste des langues de travail de l’UE ?
L’usage de la langue française dans l’administration française et dans les relations avec l’Union européenne ?
Faut-il réformer le marché européen de l’électricité ?
Questions sur la Fonction publique :
Le statut général de la Fonction publique : sa première qualité et son plus grand défaut ?
La loi de transformation de la Fonction Publique du 6 août 2019 ? Quels en sont les 5 axes ou les grands principes ?
Est-ce que l’ouverture facilitée au recrutement des agents contractuels pour les emplois de direction est de nature à diminuer l’attractivité du corps des administrateurs de l’Etat ?
Quels sont les freins au recrutement des agents contractuels pour les emplois de direction ?
Le statut de fonctionnaire a-t-il encore du sens pour les missions non régaliennes et pourquoi ?
le statut est-il un élément d’attraction ou un frein au recrutement ?
Comment rendre plus attractive la fonction publique ?
Fallait-il supprimer l’ENA ?
Le temps réel de travail des hauts fonctionnaires français est-il un signe d’efficacité ?
La transformation de certains corps du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pourrait-il avoir des conséquences pour la diplomatie française ?
Dans quelle mesure la crise sanitaire récente a-t-elle été une opportunité de modernisation de la fonction publique française ?
Quelles sont les instances représentatives des personnels dans la fonction publique ?
Qu’est-ce que le devoir de réserve du fonctionnaire ? L’obligation de discrétion ? Le secret professionnel ?
Quel est le rôle actuel des CAP ? Est-ce que les compétences revues des CAP seront de nature à diminuer le rôle des organisations syndicales et d’avoir une incidence sur le taux de participation des élections de décembre ?
Est-ce que le syndicalisme a du sens pour l’encadrement supérieur ?
Existe-t-il un dispositif alternatif pour prendre en compte les aspirations de l’encadrement supérieur en dehors du champ syndical ?
Télétravail et encadrement ?
Un plan égalité a-t-il été mis en place dans votre structure/établissement ?
Comment revaloriser le métier d’enseignant ?
Quels sont les enjeux de la revalorisation des salaires des enseignants ?
Les concours sont-ils toujours la meilleure façon de recruter des enseignants ? A l’image des autres pays européens, faut-il supprimer le statut des enseignants pour créer une profession réglementée ?
Qu’est-ce que Parcoursup ?
Questions diverses :
Comment réagir face à un chef harceleur ?
Comment définir un mauvais chef ? Comment travailler avec lui ?
Qu’est-ce qui vous fait rire ?
Le dernier livre que vous avez lu ? Le dernier film vu ?
Arrêté du 4 août 2022 fixant le nombre de places offertes en 2022 aux concours d’entrée à l’Institut national du service public. ↩
Outre l’aspect professionnel, on peut aussi imaginer que les quarantenaires présentent une structure familiale différente rendant peu opérationnel le concours interne proposé par l’INSP. ↩
Le dernier âge moyen communiqué pour les admis au concours interne de l’Ecole nationale d’administration date de 2020, il était de 32 ans. Malheureusement, à ma connaissance, l’INSP ne communique plus sur cette statistique. ↩
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt un rapport du Sénat relatif à la mission « Transformation et fonction publique »1 du projet de loi de finances pour 2024.
Une augmentation inquiétante du ratio d’emplois non pourvus
Le rapport sénatorial cite en premier lieu une note de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) datée de mai 2023.
Celle-ci relevait qu’en 2021, comme en 2019 et en 2020, environ 8 % des postes de fonctionnaires de l’État n’avaient pas été pourvus : sur les 39 900 postes ouverts aux recrutements externes (concours et contractuels), seuls 36 700 agents avaient été recrutés.
Si on s’intéresse aux emplois non pourvus à la suite d’un concours externe, le ratio augmente encore fortement, à près de 15%2. Ce qui peut expliquer, par ailleurs, la hausse du recours aux contractuels dans les différentes fonctions publiques.
A titre de comparaison, et selon la DARES, au deuxième trimestre 2024, le taux d’emplois vacants s’élève à 2,8% dans les entreprises du secteur privé (hors agriculture, intérim, particuliers employeurs et activités extraterritoriales).
Ce ratio global recouvre évidemment une diversité de situations avec des métiers plus ou moins tendus. On peut toutefois relever que la quasi-intégralité (99%) des employeurs de la fonction publique hospitalière font état de difficultés de recrutements3.
Or l’attractivité d’un secteur est essentiel, pour a minima disposer du personnel en nombre suffisant pour exercer les missions confiées (le point de vue « quantitatif »), mais également pour disposer d’un personnel qualifié et ayant les compétences adaptées au besoin du recruteur (le point de vue « qualitatif »).
Une problématique commune à plusieurs pays
La moyenne d’âge dans les pays développés augmente progressivement, accentuant à la fois le vieillissement de la population et les besoins associés, notamment en termes de santé. Mécaniquement, les agents publics eux-mêmes vieillissent, d’autant que les fonctions publiques sont en moyenne plus âgées que le secteur privé.
Parallèlement, si la part de jeunes intégrant la fonction publique demeure stable sur la période 1991-2015, entre 9 et 11%. Il convient de noter en termes relatifs une dégradation de l’attractivité de la fonction publique, évaluée en termes de rapports entre le nombre de candidats et de postes à pourvoir.
Une problématique commune à toutes les fonctions publiques
Concernant la fonction publique de l’État, la sélectivité aux concours externes a varié du simple au triple depuis le milieu des années 1980, mais elle baisse tendanciellement depuis la fin des années 2000. La sélectivité des recrutements externes est ainsi passée de 17 candidats pour 1 admis en 1997 pour s’établir en 2020 à 5,8 candidats pour 1 admis.
Rapport annuel sur la fonction publique de 2022, « Les recrutements externes dans la fonction publique de l’Etat en 2020 »
« La baisse tendancielle de la sélectivité n’est pas imputable à l’évolution du volume des recrutements mais est bien plus liée à une fuite des candidats : le nombre d’inscrits et de présents aux concours externes diminue depuis le milieu des années 1990, alors même que le vivier de jeunes diplômés, potentiels candidats, a crû presque continûment. Ainsi, à comportement inchangé des jeunes diplômés, la sélectivité des concours de catégorie A et B, hors enseignants, aurait dû croître. »
Concernant la fonction publique hospitalière, les emplois les plus qualifiés et dans certains secteurs sont particulièrement en tension : 25% des postes de pédiatre et 46% des postes de radiologue sont vacants.
Concernant la fonction publique territoriale, 39% des recruteurs faisaient état de difficultés pour recruter en 2021. En particulier dans des métiers comme la police municipale, la petite enfance et le périscolaire, la propreté et l’administratif. La concurrence avec le secteur privé, notamment s’agissant des rémunérations est régulièrement soulevée4.
Par ailleurs, les recrutements en milieu rural surajoute une difficulté rendant les recrutements particulièrement difficiles.
Enfin, et de manière transversale, la filière du numérique représente également un sujet de difficulté pour les employeurs. Le secteur privé étant réputé répondre davantage aux attentes des candidats tant en terme de rémunérations, malgré les vélléités de l’Etat notamment5, de parcours de carrière, que de « culture managériale » selon un rapport de l’OCDE citée par la sénatrice6.
Une contagion jusque dans la haute fonction publique
La baisse de l’attractivité ne semble pas épargner la haute fonction publique, même si les grandes tendances cachent encore des situations contrastées selon les écoles et les types de concours.
Le rapport Thiriez7 relevait ainsi en 2020 que « tous concours confondus (École nationale d’administration, École nationale de la magistrature, Institut national des études territoriales, École des hautes études en santé publique), le nombre de candidats a baissé d’un millier entre 2010 et 2018 pour s’établir à 5 900, alors même que le nombre de postes offerts augmentait de 50 % ».
Il faut cependant nuancer l’analyse : à l’Institut national du service public (INSP), qui a succédé à l’École nationale d’administration (ÉNA), le nombre total d’inscrits et le taux de sélectivité se sont globalement maintenus sur cette période, et ont même légèrement augmenté depuis 2018, principalement sous l’effet de la multiplication des voies d’accès (création des concours externes « Docteurs » et « Talents »).
L’ENM, l’INET et l’EHESP sont donc, plus spécialement, confrontés à de plus grandes difficultés de recrutements.
Une attractivité de la fonction publique qui semble corrélée à la situation du marché du travail
Cette faiblesse de l’attractivité de la fonction publique semble par ailleurs s’accentuer en période de faible chômage, avec une concurrence accrue entre employeurs.
L’enquête « Besoins en main-d’œuvre » réalisée par Pôle Emploi en 2023 souligne ainsi que 61 % des recrutements sont jugés « difficiles », contre 57,9 % en 2022. De même, les études de la DARES sur les métiers en tension témoignent de la grande diffusion des difficultés de recrutements dans les différentes filières, en particulier dans les métiers qualifiés.
Les atouts des métiers de la fonction publique et les difficultés à surmonter
L’auteure du rapport tente ensuite de rappeler les atouts des métiers de la fonction publique.
Le principal atout : les « valeurs du service public »
Il est d’abord rappelé que la principale raison de l’engagement dans la fonction publique tient aux missions et aux valeurs, qui se distinguent le plus souvent du secteur privé notamment lucratif. L’intérêt pour le service public est mis en avant par trois candidats à la fonction publique sur quatre, et chez neuf candidats sur dix c’est le métier qui est la principale source de motivation selon le Rapport de restitution des travaux de la conférence sur les perspectives salariales de la fonction de mars 20228.
Pour autant, la fonction publique ne dispose pas d’un monopole sur l’intérêt général. De nombreuses associations, ONG, voire entreprises à mission peuvent également remplir cette quête de sens.
Première difficulté : une gestion jugée trop rigide et hiérarchique
A l’inverse, l’« emploi à vie » n’est plus un élément fort d’attractivité. La sénatrice cite ainsi une enquête réalisée par la CFDT : « seuls 29 % des jeunes ayant répondu, exerçant dans les trois versants de la fonction publique, se disent prêts à y passer toute leur carrière. »
A titre personnel, il me semble également qu’il existe désormais unhiatus entre la rigidité statutaire (corps ou cadres d’emploi, catégories hiérarchiques relativement étanches, recrutement sur concours et affectation nationale pour les métiers de la fonction publique d’Etat) et les velléités de mobilité et d’ouverture des agents.
Le rapport relève aussi une gestion souvent jugée lourde et très hiérarchique.
Le recrutement par concours est aussi en lui-même particulièrement long et coûteux et parfois en décalage avec les besoins immédiats des recruteurs et les viviers de candidats9.
La Cour des comptes relevait ainsi dans un rapport consacré au recrutement des compétences numériques au sein des ministères économiques et financiers10, que le faible intérêt pour les postes offerts était : « accentué par le délai de recrutement dans l’administration comparé à celui des entreprises : 14 mois minimum pour les titulaires et 11 mois pour les contractuels. Ces délais ne sont pas adaptés à un marché en tension. Ils laissent peu de chance face à la concurrence du secteur privé qui peut recruter les jeunes 15 jours après leur diplôme. »
Deuxième difficulté : les rémunérations, jugées trop basses
Les faibles rémunérations sont régulièrement évoquées, dans la population générale, mais également par les fonctionnaires eux-mêmes, en particulier dans la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale.
En valeur absolue, les rémunérations étaient en 2020 légèrement supérieures dans le secteur privé (2 518 euros) par rapport au secteur public (2 378 euros), mais avec d’importantes disparités :
Si le salaire de la fonction publique d’Etat est relativement élevé, à 2 639 euros, cela tient à un effet de composition, du fait de l’importance des catégories A (cadres), dont les enseignants ;
À l’inverse, la fonction publique territoriale, par un effet de composition inverse, présente un salaire net mensuel moyen plus bas : à 2 019 euros ;
Enfin, la fonction publique hospitalière présente un niveau médian, à 2 464 euros, mais avec là-encore, d’importantes disparités (notamment entre les personnels médicaux et les fonctionnaires11).
Surtout, la dynamique des salaires est radicalement différente entre les secteurs public et privé.
Selon l’INSEE 12, entre 2009 et 2020, le salaire des employés du secteur privé a augmenté de 7,8 %, soit une hausse de 0,7 % par an. Cette évolution est largement supérieure à celle constatée dans la fonction publique, où le salaire a augmenté de 1 % seulement sur la période, soit + 0,1 % par an.
Concernant certains métiers, les évolutions sont encore plus éloquentes.
Ainsi, le salaire d’entrée des enseignants en collège et lycée titulaires du CAPES, hors primes, était équivalent à 2,17 fois le SMIC en 1980, contre seulement 1,14 fois actuellement 13.
La « smicardisation » de la fonction publique est également en marche : près d’un agent public sur cinq est aujourd’hui rémunéré autour du SMIC.
Dans un contexte de hausse de l’inflation et de renchérissement du logement, cette situation devient problématique pour de nombreux agents publics, notamment dans les zones urbaines les plus denses, comme en Île-de-France et dans les grandes métropoles régionales.
Le gel ou la sous-revalorisation du point d’indice a ainsi impliqué des efforts sur les rémunérations des agents publics essentiellement concentrés sur des mesures conjoncturelles, ciblées et dispersées (notamment à destination des hauts-fonctionnaires, mais également des agents de la santé14 ou de la police nationale), nuisant à la cohérence globale et, peut-être, aux besoins du service public.
Données de l’INSEE, présentées dans le rapport sénatorial.
La rapporteure souligne également la grande complexité de la rémunération des agents publics, qui est jugée « illisible » pour les observateurs extérieurs.
Des conditions de travail considérées par les agents comme « en dégradation »
Quatre agents publics sur dix déclarent effectuer une quantité de travail excessive et 55 % des agents de l’État continuent de penser à leur travail même quand ils n’y sont pas (soit 19 points de plus que pour les salariés du privé)15.
Dans la fonction publique territoriale, plus des deux-tiers des agents exerçant des missions de catégorie C sont par ailleurs fortement exposés aux risques professionnels, et notamment à des relations difficiles avec les usagers, à des risques physiques et psycho-sociaux, à des horaires atypiques, ainsi qu’à une mobilisation fréquente dans le cadre d’astreintes16.
Les recommandations de la sénatrice
La sénatrice énonce plusieurs propositions, mais le contexte des finances publiques interroge sur les facultés à la main du gouvernement pour y répondre.
La sénatrice propose en premier lieu de rendre les rémunérations plus attractives avec :
Une nouvelle augmentation du point d’indice ;
Une réforme des modalités de calcul de l’indemnité de résidence afin d’en faire un véritable levier d’attractivité 17.
Mais il s’agit également de promouvoir des initiatives managériales accordant une plus grande flexibilité dans l’organisation du travail afin d’améliorer les conditions de travail comme le droit à la déconnexion (en particulier pour les fonctionnaires d’Etat) et le développement du télétravail.
La sénatrice propose aussi de poursuivre le développement de la marque employeur récemment créée, pour mieux faire connaître les métiers de la fonction publique et mettre en œuvre des campagnes de communication ciblées sur les métiers en tension, auprès des jeunes, comme des travailleurs âgés.
Enfin, la sénatrice propose de rendre les processus de recrutement plus efficaces :
En publiant des offres d’emploi plus pédagogiques et notamment plus précises s’agissant de la rémunération offerte ;
En adaptant le format de certains concours, notamment pour les apprentis ;
en améliorant la coordination entre les acteurs au niveau local pour proposer de véritables parcours de carrière au sein des différentes collectivités publiques.
Le programme 148 en nomenclature LOLF (loi organique relative aux lois de finances), géré par le ministère chargé de la fonction publique. ↩
Article précité publié sur le site vie-publique.fr. ↩
Une autre difficulté est celle du recrutement par concours, en particulier dans des métiers en tension où cette étape se révèle parfois incongrue lorsque la condition de diplôme est par ailleurs déterminante pour exercer la profession. C’est notamment le cas des éducatrices de jeunes enfants et auxiliaires de puériculture pour les crèches municipales. ↩
Confer la circulaire n° 6434-SG du 3 janvier 2024 relative à la politique salariale interministérielle des métier de la filière numérique signée par la Première ministre. ↩
OCDE, « Renforcer l’attractivité de la fonction publique en France. Vers une approche territoriale », 2023. ↩
Autrement connu comme le rapport Peny, Simonpoli. Disponible en suivant ce lien. ↩
Le procédé de recrutement par concours vise à évaluer l’« aptitude » générale du candidat à exercer les fonctions prévues dans son corps ou son cadre d’emploi, pas à mesurer les compétences en vue d’un emploi spécifique. ↩
Cour des comptes, « Disposer des personnels qualifiés pour réussir la transformation numérique : l’exemple des ministères économiques et financiers », Rapport public annuel de 2020. Pour consulter ce rapport, voici le lien. ↩
Les personnels médicaux avaient ainsi un salaire net moyen de 5 870 euros en 2020, contre 2 319 euros pour les fonctionnaires selon une étude de l’INSEE. ↩
Insee, « Chiffres-clés : L’essentiel sur… les salaires », 12 juin 2023. Et voici le lien. ↩
Lucas Chancel, La chute du salaire des enseignants (1980-2022) », document de travail, avril 2023. ↩
Au titre du « Ségur de la santé » à destination du personnel hospitalier, mais aussi des EHPAD et établissements médico-sociaux. ↩
Rapport précité de mars 2022 sur les perspectives salariales de la fonction publique de MM. Peny et Simonpoli. ↩
Rapport sur l’attractivité de la fonction publique territoriale, par Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Corinne Desforges, inspectrice générale de l’administration, et Mathilde Icard, présidente de l’association des DRH des grandes collectivités, janvier 2022. ↩
Le rapport pointe ainsi montant brut moyen versé par mois de seulement 46 euros pour les agents publics d’Ile-de-France, ce qui ne compense évidemment pas le surcoût lié notamment au logement. ↩
La France occupe une situation singulière et fait l’objet d’une procédure de déficit excessif par la Commission européenne
S’agissant de la dette publique, et selon les données d’Eurostat, la France présente en 2023 un ratio d’endettement plus élevé de 22 points de PIB que la moyenne de la zone euro. Ce différentiel est encore plus élevé avec l’Allemagne : l’écart étant de 47 points de PIB.
Par rapport à des pays similaires, la France présente une dette publique légèrement supérieure à celle de l’Espagne (+2,9 points de PIB), mais l’Italie demeure à un niveau encore très supérieur à la France et à l’ensemble de l’Union européenne avec un ratio d’endettement de 137 points de PIB.
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
L’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte figurent parmi les pays concernées par une procédure pour déficit excessif, comme la France.
La trajectoire de déficit de la France analysée par la Cour
Selon la nouvelle trajectoire du programme de stabilité 2024-2027, le déficit public serait réduit de 1 point en 2025, passant de 5,1 à 4,1 points de PIB1.
Il serait ensuite ramené à 3,6 points de PIB en 2026 puis repasserait très légèrement sous le seuil des 3 % pour s’établir à 2,9 points de PIB en 2027. Il serait ainsi supérieur de 0,7 point en 2024 au niveau prévu dans la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 et excèderait de 0,2 point la cible de cette loi de programme en 2027.
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
Une trajectoire maintenue malgré une décélération de la croissance
Cette trajectoire de déficit modifie, par ailleurs, la répartition prévisionnelle de celui-ci entre ses composantes conjoncturelle et structurelle, amenant de fait à moins compter sur la croissance économique et à programmer un effort structurel plus important que celui prévu en loi de programmation des finances publiques.
La trajectoire du programme de stabilité repose en effet sur des hypothèses de croissance révisées à la baisse en 2024 (de 1,4 % à 1,0 %) et en 2025 (de 1,7 % à 1,4 %), les prévisions pour 2026 et 2027 demeurant identiques à celles de la loi de programmation des finances publiques (respectivement 1,7 % et 1,8 %).
La réduction du déficit structurel est plus marquée (2,3 points contre 1,4 point dans la loi de programmation des finances publiques sur la période 2024-2027) et repose sur des efforts très importants de maîtrise durable de la dépense mais également de hausse pérenne des prélèvements obligatoires.
Une trajectoire particulièrement peu volontariste selon la Cour
La comparaison des programmes de finances publiques des quatre principales économies de la zone euro montre que la trajectoire prévue par la France est peu ambitieuse. Sur la période 2024-2027, celle-ci affiche systématiquement l’objectif de déficit public le plus élevé et reste le seul pays à ne pas viser un déficit inférieur ou égal au seuil de 3 % en 2026.
A titre de comparaison, la Cour cite l’exemple de l’Italie qui, malgré un déficit public de 7,2 % de PIB en 2023, prévoit de le ramener à 4,3 % en 2024 et d’atteindre la cible des 3% en 2026.
La Cour note ainsi que, contrairement à ses partenaires, la France ne parvient pas, au cours de la période de programmation, à réduire significativement son niveau de dette par rapport au point haut atteint en 2020.
En 2025, selon les programmes de stabilité, la dette publique française excèderait ainsi de 15,2 points de PIB son niveau d’avant-crise, contre +3,7 points en Allemagne, +5,9 points en Espagne et +4,7 points en Italie.
La dette publique italienne demeurerait toutefois la plus élevée, à proximité de 140 % de PIB (en légère progression depuis 2024).
Extraits du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
Des hypothèses économiques très optimistes selon la Cour
La Cour considère que les hypothèses macroéconomiques du Gouvernement, même abaissées, demeurent trop optimistes, s’agissant de la croissance potentielle comme de la croissance effective.
Le Gouvernement présente ainsi un objectif de retour au plein emploi à l’horizon 2027 sous l’effet favorable des « réformes structurelles sur le marché du travail ». L’impact de la réforme des retraites est ainsi estimé à +200 000 emplois occupés et l’impact de la réforme de la contracyclicité de l’assurance-chômage à +100 000 à 150 000 emplois à moyen terme.
Le programme de stabilité fait également l’hypothèse que les réformes récentes2 permettront d’atteindre le plein-emploi, sans en évaluer véritablement les impacts.
Ce retour au plein emploi projeté par le Gouvernement se traduirait par une baisse du taux chômage jusqu’à son niveau le plus bas depuis plus de 40 ans, alors que la Banque de France, dans ses dernières prévisions, anticipe au contraire une remontée du taux de chômage à 7,8 % fin 2024 et un maintien à ce niveau en 2025.
La Cour note par ailleurs que les tensions sur le marché du travail rencontrées au 1er trimestre 20233 avec un taux de chômage à 7,1 % suggère l’hypothèse que la France ait approché son niveau structurel et que la poursuite de sa diminution supposerait des gains du système de formation et d’accompagnement des demandeurs d’emploi nettement supérieurs aux réformes passées.
Par ailleurs, la France est confrontée à une forte chute de sa productivité, dont les raisons sont probablement multifactorielles, mais qui impliquent de sérieux doutes sur les estimations de croissance potentielle à 1,35 % présentée par le gouvernement. Un horizon de 1 % par an parait pour la Cour plus réaliste.
La Cour note à cet égard, s’agissant de la croissance effective, une hypothèse de croissance pour 2025 du programme de stabilité (revue à la baisse à 1,4 %) qui se situe dans la fourchette haute des prévisions disponibles (1,3 % pour le Consensus forecasts et pour la Commission européenne, 1,2 % pour l’OCDE, 1,4 % pour le FMI).
Quant à la croissance moyenne de 1,75 % sur la période 2026-2027, celle-ci excède très largement celle du Consensus forecasts (1,3 %), de la Commission européenne (0,5 %) et du FMI (1,5 %).
Ce rythme élevé de progression de l’activité résulterait en particulier, selon le programme de stabilité présenté par le Gouvernement, de la conjonction de deux hypothèses particulièrement optimistes :
Un retour du taux d’épargne des ménages à proximité de son niveau d’avant-crise que les enquêtes de conjoncture actuelles ne permettent pas d’anticiper ; et
Une hausse du pouvoir d’achat liée à un retour – hypothétique – au plein emploi et à une dynamique des salaires portée par des gains de productivité d’une ampleur inédite depuis la crise sanitaire.
Enfin, il doit être relevé que ni le programme de stabilité, ni la loi de programmation des finances publiques n’explicitent l’impact macroéconomique des mesures d’ajustement structurel prévues tant en économies de dépenses qu’en hausses d’impôts, alors que celles-ci, de par leur ampleur, auront nécessairement un effet dépressif sur l’activité économique qu’il convient d’estimer et de prendre en compte4.
L’avis de la Cour sur le fond des mesures proposées dans le pacte de stabilité
La trajectoire du programme de stabilité pour 2025-2027 repose sur une augmentation du taux de prélèvements obligatoires de 43,6 points en 2024 à 43,9 points en 2025 puis 44,1 points en 2026 et 2027.
Autrement dit, des hausses d’impots.
Ces hausses d’impôts sont fixées à hauteur de 15 milliards d’euros en 2025 (0,5 point de PIB) et à 6,2 milliards d’euros en 2026 (0,2 point de PIB), soit 21,2 milliards à l’horizon 2026.
L’extinction du bouclier tarifaire y contribuera à hauteur de 4 milliards d’euros en 2025, mais le reste des mesures envisagées, de l’ordre de 17 milliards d’euros, n’est pas précisé, alors même que certaines baisses pérennes d’impôt avaient été annoncées, comme la poursuite de la baisse graduelle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au rythme de 1 milliard d’euros par an ou des mesures en faveur de classes moyennes pour 2 milliards d’euros.
Le programme de stabilité prévoit une croissance de la dépense publique en valeur5 de 1,8 % en 2025, 2,6 % en 2026 et 2,1 % en 2027. Le coût des mesures exceptionnelles adoptées en réponse aux crises successives (sanitaire, énergétique) se replierait de 12 milliards d’euros en 2024 à 3 milliards d’euros en 2025 et se stabiliserait à ce niveau en 2026 et 2027, ce montant correspondant à la chronique prévue des dépenses de relance.
Parallèlement, la charge de la dette augmenterait régulièrement sur la période, préemptant une part croissante de la dépense publique, de l’ordre de 8 milliards d’euros en 2025 et 2026 et de 12 milliards d’euros en 2027 pour atteindre 83 milliards d’euros à cet horizon, soit un niveau comparable à celui prévu dans la loi de programmation des finances publiques alors même que le niveau de dette publique serait supérieur de 80 milliards d’euros. Cela s’explique par des hypothèses de taux revues à la baisse par rapport à la loi de programmation des finances publiques (3,2 % contre 3,5 % dans la loi de programmation pour les taux longs en 2024, du fait de l’accalmie récente, mais avec une remontée à un niveau supérieur à l’hypothèse de ladite loi en toute fin de période – 3,6 % contre 3,5 % dans la loi de programmation).
Hors dépenses exceptionnelles et hors charge d’intérêts, la dépense devrait donc progresser en moyenne de 1,9 % en valeur et 0,2 % en volume par an entre 2025 et 2027.
Or, la Cour des comptes notes qu’une telle maîtrise de la dépense « impliquerait un effort d’économie sans précédent », correspondant à des économies de l’ordre de 50 milliards d’euros en 2027 par rapport à la trajectoire de dépenses des exercices précédents.
Toutefois, la Cour émet des toutes sur la sincérité de cette programmation :
La moitié de l’effort serait effectué en toute dernière année (en 2027) et
Le gouvernement ne documente pas cet effort, pourtant inédit sur la période récente. Seuls sont précisés les impacts budgétaires de la réforme des retraites et de la réforme de l’assurance-chômage, avec respectivement 3,5 milliards d’euros d’économies pour l’une (nettes des mesures d’accompagnement et dispositifs dérogatoires) et 4,2 milliards d’euros pour l’autre, soit un total de 7,7 milliards d’euros pour 2027.
Par ailleurs, même en tenant intégralement compte de ce qui constituerait un « coup de frein sur plusieurs années sans équivalent récent » de la dépense publique, la Cour des comptes relève que celle-ci continuerait de croître, en valeur comme en volume.
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
Une trajectoire par ailleurs très incertaine au regard de la multiplication des besoins de financement auquel est confronté l’Etat
La Cour relève l’addition récente de lois de programmation sectorielles6, qui devrait couvrir jusqu’au tiers des dépenses de l’Etat à horizon 2027 et contribue à rigidifier la dépense.
De surcroît, la montée en puissance du financement de la transition écologique n’est pas suffisamment pris en compte et entretient une sous-estimation « systématique » selon la Cour de l’évolution de la dépense publique.
Chaque année, les prévisions pluriannuelles sont en effet actualisées à l’occasion du rapport économique social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances, permettant de constater l’écart des trajectoires envisagées en loi de programmation (courbes orange) avec la réalité des dépenses constatées (courbe noire) :
Extrait du rapport de la Cour des comptes de juillet 2024.
En synthèse, la Cour identifie « trois fragilités majeures » :
Des hypothèses de croissance très optimistes à moyen terme, particulièrement sur les deux dernières années ;
Une inflexion de la dépense publique hors mesures exceptionnelles et hors charge de la dette qui représenterait à l’horizon 2027 un effort sans précédent d’économies de l’ordre de 50 milliards d’euros par an, et
Des hausses de prélèvements obligatoires de plus de 20 milliards d’euros sur la période 2025-2027, d’une ampleur également inédite depuis une dizaine d’années.
« Plus encore qu’au moment de l’adoption de la loi de programmation des finances publiques et de la loi de finances initiale pour 2024, les marges de sécurité apparaissent inexistantes et la moindre mauvaise surprise conjoncturelle ou réalisation budgétaire et fiscale en deçà des objectifs se traduira par l’échec à ramener le déficit sous les 3 % et par une augmentation continue du ratio d’endettement au cours de la période.»
Nous vous présumer au 23 septembre 2024 qu’il n’en sera rien. ↩
L’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active, la constitution du réseau « France Travail », le service public de la petite enfance et la réforme des lycées professionnels. ↩
Une tension sur la quasi-intégralité des métiers, en particulier qualifiés, entraînant une pénurie de personnels particulièrement grave et inattendue, désormais en voie de résorption, sans être pour autant effacée. ↩
Sans trop m’avancer, il me semble compliqué d’anticipé cet effet récessif, mais, en effet, une projection aurait été utile. Au-delà de cette construction technique, il semble compliqué d’anticiper des mécanismes macro-économiques portant des corrections importantes sans une présentation des ajustements par le Gouvernement. ↩
L’évolution en valeur est l’évolution non corrigée de l’inflation prévisionnelle. L’évolution en volume est l’évolution corrigée. ↩
Intérieur, armées, recherche, justice, énergie et climat. ↩
Enfin, le Sénat a également contribué aux réflexions sur ce sujet avec un rapport déposé en 2021 et proposant déjà une vaste réforme du système d’aide à la presse.
Un secteur dont l’importance tient notamment aux enjeux démocratiques en matière de libre circulation des opinions et idées
Le secteur de la presse fait depuis longtemps l’objet d’une attention soutenue de la part des pouvoirs publics au regard des enjeux de pluralisme que revêt plus particulièrement la presse quotidienne nationale (dite « PQN ») d’information politique et générale.
On pense inévitablement à la grande loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, symbole de ce républicanisme libéral porté par la IIIe République, mais il convient aussi ajouter la mise à disposition d’un service postal national unifié et opérationnel, matérialisé par la création d’un ministère dédié dès 1879 (ministère des postes, télégraphes et téléphones) et permettant la diffusion de la presse sur le territoire national.
Toutefois, contrairement à l’inspiration libérale de la IIIe République, le législateur entend depuis la IVe République veiller à la diversité des titres de presse et à leur diffusion sur l’ensemble du territoire, en subventionnant le cas échéant, et parfois fortement, ces titres de presse.
L’origine de notre système tient à la loi Bichet de 1947 introduisant un droit pour tous les quotidiens de la presse nationale d’être distribué sur l’intégralité du territoire et permettant la création des Nouvelles messageries de la presse parisienne, le distributeur historique et bénéficiant d’un monopole légal (devenu Presstalis en 2011 et désormais France messagerie).
Cet interventionnisme légal est même reconnu par le juge constitutionnel qui a ainsi reconnu un objectif de valeur constitutionnelle au regard de l’enjeu démocratique que constitue la pluralité de la presse.
Le rapport cite ainsi le considérant n° 38 de la décision du Conseil constitutionnel n°84-181 DC du 11 octobre 1984 : « Considérant que le pluralisme des quotidiens d’information politique et générale (…) est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; qu’en effet la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent ces quotidiens n’était pas à même de disposer d’un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents ; qu’en définitive l’objectif à réaliser est que les lecteurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ni qu’on puisse en faire l’objet d’un marché »1.
Les différents titres de presse et les obligations associées s’agissant de la diffusion
Le rapport rappelle les distinctions existantes entre quatre grandes familles de presse imprimée :
La presse quotidienne nationale (PQN),
La presse quotidienne régionale (PQR) et la presse hebdomadaire régionale (PHR) ;
La presse magazine et
La presse gratuite.
Si la loi confère à tout éditeur la liberté d’assurer lui-même la diffusion de ses propres journaux et publications, elle prévoit en revanche que lorsqu’un éditeur décide de ne pas s’auto-distribuer et donc de se grouper avec d’autres éditeurs pour la distribution en vue de la vente au numéro, il doit alors adhérer à une société coopérative de groupage de presse (ci-après « société coopérative » ou « coopérative »).
Ces coopératives sont détenues par les éditeurs et doivent conclure un contrat de groupage auprès d’une société agréée de distribution de presse ou SADP (ci-après « messagerie » ou « messagerie de presse »), dont elles peuvent être actionnaires : les messageries gèrent ainsi les opérations commerciales et logistiques de la distribution de la presse imprimée en vue de sa vente au numéro. L’objectif est évidemment, dans un marché en rétractation, de mutualiser les moyens afin de permettre un minimum d’économie d’échelle.
La PQN et la presse magazine nationale, destinées par nature à être distribuées sur la totalité du territoire français, font appel au système de distribution par des messageries, qui assurent la couverture du territoire national avec une forte capillarité (desserte de 20 000 points de vente en 2023), en dépit d’une rétraction constante du réseau depuis plusieurs années (-33% du nombre de points de vente depuis 2010).
De leur côté, la presse gratuite et la presse régionale (quotidienne ou hebdomadaire) s’auto-distribuent.
Le mécanisme de distribution et les acteurs aux différents niveaux
Dans le cas du groupage pour la vente au numéro, les titres une fois imprimés sont acheminés par une messagerie (dite « niveau 1 ») qui assure leur regroupement et qui livre une soixantaine de dépositaires (dits « niveau 2 ») répartis sur le territoire.
Le niveau 2 est principalement chargé de constituer des lots pour la distribution et d’acheminer les exemplaires dans les points de vente tenus par des diffuseurs ou marchands de presse (dits « niveau 3 »).
Au niveau 1, deux messageries sont concurrentes :
D’une part, France Messagerie (anciennement Presstalis jusqu’à sa mise en liquidation en juillet 2020), qui a un monopole de fait sur la distribution des quotidiens nationaux car elle est la seule société à proposer cette prestation2 ;
D’autre part, les Messageries Lyonnaises de Presse (MLP), concurrent historique de la première, mais spécialisée dans les hebdomadaires.
Les dépenses publiques destinées à la presse
Le programme budgétaire de l’Etat portant les aides directes à la presse imprimée est le programme 180, « Presse et médias », porté par le ministère de la culture.
Les inspecteurs généraux rapportent 199 millions d’euros d’aides directes :
Des aides à la diffusion : avec 72,2 millions d’euros d’aides aux exemplaires postés, 35,1 millions d’euros aux aides portées (distribution effectuées au domicile, mais par un service autre que La Poste), 2,4 millions d’euros d’aide aux réseaux de portages, 11,7 millions d’euros d’exonérations de charges pour les vendeurs colporteurs et les porteurs de presse ;
Des aides au pluralisme : pour 23,2 M€ ;
Des aides à la « modernisation » : pour 27,9 millions d’euros, dont 27 millions d’euros comme aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale vendue au numéro en France (versement effectué au prorata des numéros vendus par publication3, en précisant que les titres de presse reversent ensuite près de 9 millions d’euros de cette enveloppe à France messagerie sous forme de subvention d’exploitation ;
Des aides à la modernisation des diffuseurs de presse : pour 6 millions d’euros ;
Un Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) : pour 15,4 millions d’euros ;
Enfin, un Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse : pour 5 millions d’euros.
Soit un total de 149,7 millions d’euros complété par un versement à La Poste de 40 millions d’euros en 2023 (crédits de paiement du programme 134 ouvert au titre du projet de loi de finances pour 2023) destinés à compenser les tarifs préférentiels de distribution de la presse.
En complément de ces dépenses directes et de la compensation pour le service postal, le secteur bénéficie d’aides indirectes sur le plan fiscal :
Une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à taux super-réduit : 2,10 % en métropole et 1,05% en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion pour la presse imprimée et numérique ;
L’exonération de contribution économique territoriale (CET) pour les diffuseurs de presse ;
Une déduction fiscale, sous la forme d’une déduction spéciale sur l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés pour les investissements dans les entreprises de presse ;
Une réduction d’impôt des particuliers pour dons effectués en faveur des entreprises de presse ;
Une réduction d’impôts des particuliers pour souscription au capital des entreprises de presse : ces entreprises doivent éditer des publications ou services de presse en ligne d’IPG ou consacrées pour une large part à l’IPG.
En dépit de ces aides, une presse quotidienne nationale qui peine et un secteur qui se transforme au profit du numérique
Comme le montre la mission, le secteur est en pleine recomposition avec l’essor du numérique au détriment du papier.
Extrait du rapport IGF-IGAC.
Par ailleurs, l’essentiel de la valeur produite dans le secteur de la distribution de la presse nationale est désormais le fait des publications magazine dont la distribution est assurée pour 80% par les Messageries Lyonnaises de Presse (MLP). En rappelèrent que la presse magazine et MLP ne touchent aucune aide de l’État pour leur distribution au numéro.
La presque quotidienne régionale (PQR), pour sa part, poursuit son auto-distribution, sans aide de l’État, et restructure ses imprimeries. Son canal de vente au numéro souffre certes également, avec une baisse de 78 % entre 2000 et 2022 (cf. graphique 2) mais moins que la PQN, avec laquelle la recherche de synergies est contrastée.
En termes de chiffre d’affaires, le secteur de la presse quotidienne représente 2,5 Md€ en 2021, dont 592,2 millions d’euros pour la PQN et 1,9 milliards d’euros pour la presse quotidienne régionale.
Extrait du rapport IGF-IGAC.
En résumé, les rapporteurs notent une situation paradoxale : les quotidiens nationaux ont une diffusion toujours plus large, par le biais du numérique, mais ont toujours plus de mal à être rentables, du fait de la difficulté à monétiser cette diffusion numérique et des coûts associés au support papier. La difficulté tient à ce que l’impression et la distribution de la PQN sont des industries de coûts fixes. La baisse de volumes rend l’amortissement toujours plus difficile, en particulier pour le support papier.
Les surcoûts inhérents à la diffusion de la PQN
La distribution des quotidiens nationaux engendre des surcoûts spécifiques pour France Messagerie (et précédemment Presstalis), inhérents à cette activité. On parle de « flux chauds ».
Ces surcoûts sont par exemple ceux associés au travail de nuit, au travail le dimanche, à des pics d’activité pour assurer le traitement en un temps court des exemplaires imprimés dans la nuit, etc. La gestion des flux de magazines, considérés comme plus « froids », présente moins de contraintes, et donc moins de surcoûts inhérents.
Par ailleurs, compte tenu de ces contraintes, il n’apparaît pas envisageable de confier en l’était à La Poste la diffusion de la presse quotidienne nationale4.
Une rentabilité plus faible du numérique
la hausse de la diffusion numérique ne génère pas des recettes équivalentes à la diffusion papier, comme en témoigne le graphique 4. Ainsi, la diffusion numérique représentait en 2020 56 % de la diffusion totale, mais seulement 28 % du chiffre d’affaires, alors que la tendance est inversée pour le papier.
Extrait du rapport IGF-IGAC.
Un vieillissement accéléré du lectorat
La tendance du marché est lourde, et semble irrémédiable avec l’évolution rapide des usages et un vieillissement plus rapide de la population de lecteurs de PQN imprimée que celui de la population globale.
Ainsi, la mission a pu établir qu’entre 1997 et 2018, l’âge moyen du lecteur s’informant chaque jour ou presque avec de la presse quotidienne papier a augmenté de 14 années, à 65 ans. Sur la même période, l’âge moyen de la population française a augmenté de 3,5 ans, à 41,5 ans.
Seuls les journaux Aujourd’hui en France et L’Équipe sont diffusés sur une large partie du territoire national avec une assiette de plus de 17 000 points de vente.
Par ailleurs, la situation présente aussi de fortes vulnérabilités à très court terme
En effet, en dépit de son monopole, France Messagerie, subit fortement l’attrition de la vente au numéro, qui devrait se poursuivre, voire s’accélérer, dans les prochaines années.
Or, pour faire face à ces enjeux, la structure ne dispose d’aucun levier de développement, n’étant quasiment pas diversifiée. Sans la subvention d’exploitation de 9 millions d’euros évoquée plus haut, le résultat opérationnel serait nul et le résultat d’exploitation négatif selon les inspecteurs. Avec une activité en repli, des coûts largement fixes qui ne peuvent être que faiblement réduits sans réorganisation profonde, il est peu probable que la structure puisse se maintenir à moyen terme en l’état.
S’agissant des imprimeries, des tendances négatives se dégagent également avec un système sur le point ou déjà en surcapacité.
Au niveau des diffuseurs (niveau 3, constitué des kiosquiers et maisons de la presse), des tensions sur les conditions d’exercice du métier et sur le modèle économique nuisent à l’attractivité de la profession :
On constate un vieillissement de la profession ;
Une marginalisation des recettes liées à la presse, qui ne constituent plus que la quatrième source de revenus5 ;
Le volume d’heures travaillées est en constante augmentation ;
Se faisant, le nombre de publications est souvent plus faible ce qui induit une boucle négative : diminution de l’offre induisant une diminution des revenus potentiels.
Au regard du très faible nombre de lecteurs, on peut toutefois s’interroger sur le maintien de cet « objectif ». Inversement, on peut souligner la très grande diversité d’opinions désormais accessible aux citoyens par les nombreux canaux disponibles : dans la presse numérique, via les chaînes de télévisions, les émissions de radiophonies, etc.↩
Monopole qui n’empêche donc pas les déboires financiers réguliers de cet opérateur, nécessitant en conséquences des aides régulières de l’Etat afin de maintenir la continuité de ces activités. ↩
On retrouve ici les grands titres de la presse nationale : Aujourd’hui en France, La Croix, Les Échos, Le Figaro, L’Humanité, Libération, Le Monde, L’Opinion et le Journal du Dimanche. ↩
L’horaire de tournée des facteurs n’est pas compatible avec la livraison matinale des points de vente pour la presse quotidienne, et le sera encore moins dans le schéma logistique que La Poste met actuellement en place. ↩
A mettre en rapport avec la possibilité désormais offerte par la ville de Paris de permettre au kiosquier de vendre des « souvenirs », des boissons, etc.↩
Petite lecture du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, à travers le : « Chapitre II : dès règles à clarifier et à stabiliser. »
Un billet assez technique, mais qui permet de brosser à grands traits les principaux financements de la sécurité sociale, leur diversité, les évolutions à l’œuvre et les questions pourtant fondamentales que ces techniques de financement impliquent vis-à-vis des prestations servies.
La sécurité sociale est historiquement financée par des cotisations
À leur création, en 1945, les régimes de sécurité sociale, organisés par statut professionnel ou par profession, versaient, aux actifs, aux anciens actifs retraités ou invalides et à leurs ayants droit, des prestations en contrepartie de cotisations prélevées sur les revenus du travail.
L’histoire de la sécurité sociale est en effet indissociable de l’histoire du droit du travail, donc des cotisations versées par les employeurs et les salariés.
Toutefois, cinq évolutions majeures ont bouleversé cette architecture financière
Ces cinq évolutions majeures sont intervenues au cours du temps, mais se sont accélérées depuis le début des années 2000 :
Une partie des prestations (remboursements de frais de santé et prestations familiales en premier lieu) a été généralisée à l’ensemble de la population, acquérant ainsi un caractère universel sans lien avec l’activité professionnelle et ses revenus ;
Des droits de retraite, dits non contributifs, ont été accordés sans la contrepartie de cotisations ;
L’impôt, sous des formes diverses (contribution sociale généralisée – CSG, autres impôts et taxes affectés), a pris une place croissante dans les recettes de la sécurité sociale afin d’alléger le coût du travail peu qualifié, d’améliorer la compétitivité des entreprises et de donner du pouvoir d’achat à certains salariés ;
De nombreux régimes spéciaux ont été absorbés par le régime général des salariés (se faisant, le régime général s’est aussi considérablement complexifié) ;
Les missions de la sécurité sociale ont été étendues au risque de dépendance.
Pour la Cour des comptes, ces transformations de grande ampleur se sont accompagnées d’une complexification et d’une instabilité croissantes des circuits de financement. Les comptes de la sécurité sociale (567 milliards d’euros de charges nettes en 2021, soit 24,6% du produit intérieur brut français) ont perdu, de ce fait, en clarté et en cohérence (I).
En conséquence, la Cour appelle à une prise en compte plus affirmée des notions de contributivité, d’assurance et d’universalité permettrait d’améliorer la lisibilité et le
pilotage financier de la sécurité sociale (II).
S’agissant de la perte de cohérence de l’architecture financière (I) :
En résumé, la Cour note les éléments suivants :
Une chute de la part des cotisations (266,1 Md€ en 2021) dans les recettes (produits nets) des régimes de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) : de 90% des produits à la fin 1980 à 50% en 2021 ;
En contrepartie d’une augmentation forte des impôts (207,6 Md€ en 2021) avec en premier lieu la CSG (19,7% des recettes en 2021), la TVA (8,2%) et d’autres impôts et taxes affectées (10,3%) ;
Enfin, il convient aussi d’intégrer la contribution d’équilibre de l’État au régime des pensions des fonctionnaires (contribution au titre du Compte d’affectation spéciale pour les Pensions), assimilée1 à des cotisations employeur (7,8 %).
Cette volonté de réduire la part des cotisations vise à répondre à trois enjeux des pouvoirs publics :
Alléger le coût du travail faiblement qualifié, pour favoriser l’emploi ;
Améliorer la compétitivité des entreprises ;
Augmenter le salaire net des actifs pour améliorer le pouvoir d’achat.
Des taux réduits de cotisations s’appliquent jusqu’à 2,5 Smic pour les cotisations maladie et jusqu’à 3,5 Smic pour les cotisations famille (celles-ci étant exclusivement patronales).
À ces allègements généraux, estimés par le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de juillet 2022 à 55 Md€ en 2021 pour les régimes de base de sécurité sociale, s’ajoutent des allègements ciblés de cotisations en faveur de certains publics (apprentis, jeunes en difficulté d’insertion…), territoires (outre-mer, zones franches urbaines et de
revitalisation territoriale, Corse) ou secteurs d’activité (aides à domicile), pour 6,6 Md€ en 2021 au titre de ces mêmes régimes (hors mesures d’urgence liées à la crise sanitaire).
Les allègements représentent au total de l’ordre de 20 % de l’assiette des cotisations.
Lorsque l’on analyse la situation de nos voisins, on ne peut que constater la singularité française qui opère une forme de changement de paradigmes en rejoignant les pays du sud de l’Europe (Italie, Espagne, Portugal et Grèce) dans un mix de financement à moitié contributif et à moitié fiscal2.
Au bout du chemin se trouve les modèles britannique, irlandais et nordiques avec une part contributive proche de 38% des recettes :
Extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, Chapitre II.
Toutefois, le modèle de financement au sein des branches est également très hétérogène, avec un caractère contributif encore très marqué pour l’AT-MP et dans une moindre mesure pour la branche famille et, à l’inverse, une branche maladie et (de manière archétypale pour ce dernier exemple) une branche autonomie essentiellement financées par transferts.
Extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, Chapitre II.
Concernant la branche maladie (77,3 Md€ de cotisations en 2021)
La création de la couverture maladie universelle de base (CMU-B) en 1999, puis celle de la protection universelle maladie (Puma) en 2016 ont conduit à l’universalisation de la prise en charge des frais de santé, à des niveaux identiques pour tous les régimes, à quelques exceptions près (une dizaine de régimes professionnels, dont les principaux, les mines et la SNCF, devraient fermer). En conséquence, seules les prestations en espèces (indemnités journalières maladie et maternité, pensions d’invalidité), qui se sont élevées à 21,7 Md€ en 2021, conservent un caractère contributif.
La persistance d’un financement par cotisations allant au-delà de la contrepartie de ces prestations peut être considérée comme une incohérence. Sauf à considérer que la branche concourt à la santé des actifs, auquel cas, la part de financements peut sembler proportionnée.
Concernant la branche famille
La Cour relève un poids des cotisations très élevé (qui tient probablement à l’héritage des « sur-salaires » versés aux travailleurs avec enfants préalablement à 1945), alors que les prestations versées sont quasi-exclusivement non-contributives (à l’exception de la PreParE3.
Pour la branche vieillesse
A rebours des cas précédents, les prestations sont ici essentiellement contributives. Toutefois, la part des cotisations apparaît au contraire relativement faible (54,8 % en 2021) pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (et 64,9 % pour le régime général).
Ce faible volume de cotisation traduit notamment la compensation de la réduction générale de cotisations par l’affectation d’impôts et de taxes (8,4 % des recettes) et certaines particularités du financement de cette branche comme la contribution de l’État employeur au régime de retraite des fonctionnaires (16 %), les subventions d’équilibre de l’État aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF, de la RATP, des mines et des marins (2,9 %) et les transferts reçus de la branche famille et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) en vue du financement de droits et de prestations de retraite à caractère non contributif (11,1 %).
Extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, Chapitre II.
En particulier, les droits familiaux de retraite ont deux financeurs :
Les régimes de retraites financent les majorations de durées d’assurance pour enfant ;
Tandis que l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et les majorations de pensions pour trois enfants sont financées par la branche famille (sauf exceptions).
Cette diversité de situations affaiblit la justification d’un financement d’une partie des majorations par la branche famille, majorations ayant un caractère universel.
Par ailleurs, l’ensemble des financements que la branche famille prend en charge au titre des droits non contributifs de retraite représente désormais près d’un cinquième de ses dépenses. Ces financements sont par ailleurs significativement supérieurs aux prestations financées et contribuent donc à réduire le déficit de la branche du fait des populations concernées (les générations parties à la retraite ont moins contribué à l’AVPF que les générations actuelles).
Par ailleurs la composition des transferts de l’Etat aux branches est également complexe et mouvante, avec pas moins de 40 impôts et taxes recensées dans la LFSS pour 2022.
Les propositions de la Cour (II)
La Cour énumère plusieurs propositions afin d’améliorer la lisibilité et le pilotage des comptes sociaux :
Réexaminer les affectations d’impôts à la sécurité sociale en fonction de leurs finalités : la Cour cible en particulier des taxes à faible rendement (taxe sur les véhicules de société, prélèvement sur les jeux et paris en ligne, etc.4), la contribution sociale de solidarité des sociétés, mais également la taxe sur les salaires qui est marquée par l’instabilité de sa répartition entre branches ;
Rationaliser les transferts internes à la sécurité sociale :
en prévoyant notamment la création de sections comptables distinctes s’agissant du financement des droits et prestations à caractère non contributif de retraite, avec une section dédiée aux contributions ayant une contrepartie contributives et une section dédiée aux recettes fiscales actuellement affectées au Fonds de solidarité vieillesse au titre du minimum vieillesse et à la branche famille pour l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), des périodes assimilées et de majorations de pensions pour trois enfants et plus. En dépenses, elle accueillerait les prestations non contributives du minimum vieillesse et l’estimation du coût actuel des droits non contributifs qu’elle prendrait en charge au titre de l’année écoulée.
Extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, Chapitre II.
La Cour préconise également le regroupement au sein d’une même branche du financement des indemnités maternité et paternité, aujourd’hui assuré par les branches maladie et famille5.La Cour propose que la branche famille soit désignée au motif que les indemnités journalières maternité et paternité ont une destination familiale et que, n’ayant pas vocation à être régulées, elles ne sont pas comprises dans l’Ondam, contrairement aux indemnités maladie et AT-MP. Une autre option serait de faire supporter leur financement entièrement par la branche maladie, les CPAM assurant leur liquidation et leur paiement, ce qui conduirait à mettre fin au transfert de la branche famille à la branche maladie au titre du congé paternité6.
Accorder les financements des branches au degré d’universalisation de leurs prestations :
A cet égard et pour la Cour, la priorité doit être donnée à la refonte des financements de la branche famille puisque les cotisations sociales patronales y prennent une place prépondérante alors que les avantages retirées par les entreprises et leurs salariés sont faibles. En effet, l’essentiel des prestations services par les CAF sont universelles (comme pour les allocations familiales) ou, inversement, à destination des publics les plus précaires (par exemple, l’allocation de rentrée scolaire). Si les cotisations patronales étaient ramenées à hauteur des dépenses destinées à aider les familles à concilier vie personnelle et vie professionnelle (dépenses au titre de l’accueil individuel et collectif du jeune enfant), la branche famille connaîtrait une baisse importante de ses recettes.
Pour leur part, les cotisations qui cesseraient d’être affectées à la branche famille pourraient être réattribuées soit à la branche vieillesse, en renforçant ainsi la part des cotisations dans son financement, aujourd’hui faible (voir supra), soit au financement des prestations en espèces de la branche maladie (indemnités journalières maladie et pensions d’invalidité). Le financement de ces dernières prestations est aujourd’hui assuré de manière indistincte par des cotisations patronales, de la CSG et d’autres impôts, alors qu’il s’agit de prestations à caractère contributif dont les dépenses appellent un effort accru de régulation.
Redéfinir les conditions du pilotage financier des branches selon la nature de leurs prestations :
La Cour préconise de regrouper au sein d’une même branche les prestations en espèces versées par l’assurance maladie au titre des risques maladie et AT-MP (assurance accidents du travail et maladies professionnelles), du fait du besoin de pilotage de la dépense et de la forte similarité dans certains secteurs d’activité entre les deux arrêts de travail. Ici encore, la Cour préconise l’existence de deux sections comptables.
Différencier les règles d’affectation des recettes et d’équilibre financier selon la nature des branches de prestations : pour les branches contributives (retraites) ou à vocation assurantielle (prestations en espèces), un strict équilibre des soldes se justifie par l’objectif d’équité intergénérationnelle entre les bénéficiaires, avec un horizon temporel de moyen terme. En conséquence, ces branches seraient étanches, aussi bien dans les recettes que dans les dépenses. Pour les branches à caractère universel (maladie, famille, autonomie), les objectifs de dépenses par branche adoptés par le Parlement dans les lois de financement auraient vocation à être assortis, comme c’est déjà le cas pour la part de ces dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), de mécanismes destinés à en renforcer le suivi infra-annuel afin d’en garantir le respect. Par ailleurs, la Cour préconise également de verser les recettes fiscales à l’ACOSS, charge à l’agence de verser ensuite ces ressources proportionnellement aux soldes à financer des objectifs de dépenses fixés aux branches universelles pour l’année à venir et les trois années suivantes.
Extrait du rapport de la Cour des comptes d’octobre 2022 sur le financement de la sécurité sociale, Chapitre II.
Non sans quelques contestations juridiques, statistiques, budgétaires et économiques. ↩︎
Cela n’est pas sans incidence sur les prestations suivies, le système assurantiel est généralement plus généreux que le système public d’assistance. ↩︎
Et encore, celle-ci est versée de manière forfaitaire. ↩︎
La Cour cite par exemple une redevance sur les licences UMTS (Universal Mobile Télécommunications System), autrement dit la téléphonie mobile, dont le rendement n’est que de 13 M€. ↩︎
En précisant que la loi de financement de la sécurité sociale a réalisé depuis un transfert de charges de près de 2 milliards d’euros de la branche maladie vers la branche famille afin de prendre en charge une partie des indemnités journalières pour congé maternité versée par la branche maladie. ↩︎
La spécificité tient tout de même au fait que le congé de maternité n’a pas qu’une destination familiale, il vise également à prévenir les complications post-accouchements pour les mères. ↩︎
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